II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DE L'ÉLARGISSEMENT
A. EFFACER LES LIGNES DE FRACTURE DE LA GUERRE FROIDE
Il est difficile d'imaginer symbole plus fort de la fin de la guerre froide que l'intégration au sein de l'OTAN de trois des pays qui représentèrent, pendant près de cinquante ans, l'ennemi ou la menace désignée. Comme votre rapporteur l'a déjà évoqué, la demande d'élargissement adressée tant à l'OTAN qu'à l'Union européenne a pour principal ressort cette volonté des gouvernements et des peuples d'Europe centrale et orientale d'effacer cette division de l'Europe, qui les a isolés de la partie d'un continent à laquelle tout les rattache. L'adhésion à l'OTAN -comme à l'Union européenne, vient donc clore une pénible parenthèse et couronner enfin les efforts de toute nature -économique, politique- consentis par ces pays depuis huit ans pour parachever leur marche vers l'économie de marché et la démocratie politique. Enfin, un élargissement qui aurait négligé la situation particulière de l'Ukraine et de la Russie aurait été, dès le départ largement fragilisé. C'est pourquoi l'OTAN a conclu en 1997 une charte spécifique avec l'Ukraine et surtout avec la Russie 6( * ) .
1. Un premier élargissement limité
Cela
étant, l'élargissement de l'OTAN, sur ce plan, peut avoir son
revers. Au sommet de Madrid, les dirigeants des 16 pays membres n'ont
proposé l'adhésion qu'à trois des 12 pays
candidats
7(
*
)
, ceux qu'ils
estimaient les plus aptes à répondre aux critères
posés : la Pologne, la Hongrie, la République tchèque. Ce
faisant, le risque a été pris de donner aux autres pays un signal
négatif selon lequel ils risqueraient fort de demeurer longtemps encore
à l'écart de l'Alliance, en dépit des efforts consentis.
Il a pu faire retomber l'espoir, qu'à tort ou à raison, les
gouvernements de ces pays non retenus dans la première vague,
nourrissaient devant les perspectives d'intégrer l'OTAN. On a ainsi
légitimement pu mettre en garde contre le risque d'apparition d'une
nouvelle fracture en Europe, l'ancienne étant simplement
repoussée un peu plus à l'est et contre les éventuelles
incidences politiques internes négatives (regain des nationalismes,
relâchement des efforts économiques...) qu'elle pouvait avoir dans
chacun des autres pays candidats.
Ce sentiment est d'ailleurs d'autant plus compréhensible que les trois
pays invités ne sont pas l'objet de menaces réalistes ou de
risques d'instabilité, au contraire de certains autres, en particulier
des Etats baltes ou de certains pays de l'Europe méridionale.
Cela étant, tout processus d'élargissement obéit à
une logique de critères, de progressivité et donc de
sélection. Pas plus que l'élargissement de l'Union
européenne, celui de l'OTAN ne saurait s'opérer indistinctement
et immédiatement à l'égard de tous les pays candidats,
sachant qu'il convenait également de veiller à ce que
l'élargissement n'aboutisse pas à "importer" en son sein des
litiges entre nouveaux membres.
En réalité, le futur périmètre de l'OTAN à
l'issue d'éventuels élargissements ultérieurs
déterminera la nature même de l'Organisation atlantique. Certains
craignent en effet qu'un élargissement non contrôlé
contribue à une dilution de l'Alliance et à sa transformation
d'une organisation militaire de défense collective à un forum de
sécurité collective plus proche de l'OSCE que de ce qu'est
aujourd'hui l'organisation euratlantique.
Pour atténuer ce sentiment d'une nouvelle fracture entre les nouveaux
membres et les "exclus" de la première vague, l'Alliance entend
s'appuyer sur ce que l'on pourrait appeler son "deuxième cercle", et que
votre rapporteur a déjà évoqué, constitué
des relations tissées grâce au partenariat pour la paix
couplé au forum de consultation du CPEA. Pas tout à fait
"dedans", les autres postulants ne sont ainsi plus tout à fait au
dehors, et ce réseau de coopération et de consultation constante
constitue la traduction de la politique dite "de la porte ouverte" que l'OTAN
entend conduire au-delà des trois prochains élargissements.