ARTICLE 18
Sécurité juridique des systèmes de
paiement et
de règlement contre livraison de titres
Commentaire : le présent article contient diverses
dispositions destinées à renforcer la sécurité
juridique des systèmes français de paiement et des
systèmes de règlement contre livraison de titres dans la
perspective du passage à l'euro.
Il convient de rappeler l'évolution des systèmes de paiement et
des systèmes de livraison de titres contre paiements d'espèces
(systèmes de titres) dans le cadre de la préparation de l'Union
économique et monétaire, avant de présenter les
aménagements proposés par le présent article.
I. L'ÉVOLUTION DES SYSTÈMES DE PAIEMENT ET DES SYSTÈMES
DE RÈGLEMENT-LIVRAISON DE TITRES DANS LE CADRE DE LA RÉALISATION
DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE
La sécurité des transactions, c'est à dire la certitude
qu'ont les investisseurs que leurs opérations seront correctement
exécutées et ne pourront pas être remises en cause,
constitue un élément important de l'attractivité d'une
place financière.
De ce point de vue, la place financière de Paris a beaucoup
progressé au cours des quinze dernières années, tant en
raison d'évolutions techniques, que d'innovations juridiques.
Cette problématique a été considérablement
renouvelée dans le cadre du passage à la monnaie unique.
A. ÉVOLUTIONS RÉCENTES DE LA SÉCURITÉ DE LA
PLACE DE PARIS
1. Les évolutions techniques
Les principales évolutions ont surtout concerné
les
systèmes de paiement de gros montants
, destinés aux
échanges de trésorerie entre banques. Sous l'impulsion de la
Banque de France, dont le législateur a consacré et
renforcé le rôle en la matière
2(
*
)
, ces systèmes ont fait l'objet
d'une nouvelle organisation en 1997. Celle-ci repose désormais sur un
système à règlement brut en temps réel
dénommé "
Transferts Banque de France
" (
TBF
),
un système à règlement net dénommé
"
Système net de paiement
" (
SNP
) et une plate-forme
technique unique gérée par la
Centrale des Règlements
Interbancaires
(
CRI
).
S'agissant des
systèmes de titres,
la
dématérialisation a été accompagnée par le
renforcement du rôle de l'unique dépositaire central des
valeurs mobilières
,
Sicovam SA
. Depuis le mois de juillet
1995, cette société de place, dont la Banque de France
détient 40 % du capital, gère non seulement la filière
valeurs mobilières -
Relit
(système automatisé de
règlement-livraison de titres) - , mais aussi la filière bons du
Trésor et titres de créances négociables -
Saturne
(système automatisé de traitement unifié des
règlements de créances négociables). Chacune de ces deux
filières assure le dénouement des transactions par livraison des
titres contre paiement simultané, sur une base automatisée, dans
des délais courts et normalisés, selon des règles propres
à chaque marché. Depuis 1997, ces deux filières ont
été unifiées au sein d'un nouveau système de
règlement-livraison à haute valeur ajoutée :
Relit
Grande Vitesse
(RGV).
2. Les évolutions juridiques
Outre la
dématérialisation des titres, intervenue en
1984
, la
loi du 26 juillet 1991
portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier a amélioré
significativement le régime juridique des opérations de
prêts de titres
3(
*
)
.
Par ailleurs, la
loi du 31
décembre 1993
portant diverses dispositions relatives à la
Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés
financiers,
complétée par la loi du 8 août 1994
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, a
précisé les conditions d'opposabilité aux tiers des
opérations de "
pension livrée
"
4(
*
)
dont le régime juridique avait
été défini par une
convention de place en 1988
.
Parmi ces améliorations, il convient de souligner celle
effectuée par
l'article 4 de la loi du 31 décembre 1993
précitée
qui écarte, pour les opérations
réalisées dans le cadre de systèmes d'échanges de
moyens de paiement, la règle dite du "zéro heure",
afin
d'éviter les effets néfastes qui résulteraient d'une
propagation à l'ensemble du système bancaire de la
défaillance d'un établissement de crédit (risque
systémique), et qui constitue désormais une
référence juridique à l'échelon européen.
B. LE RENOUVELLEMENT DE CETTE PROBLÈMATIQUE DANS LE CADRE DU
PASSAGE À LA MONNAIE UNIQUE
La préparation de l'Union économique et monétaire (UEM) a
profondément renouvelé et accéléré les
mutations des systèmes de paiement et des systèmes de
règlement-livraison de titres
5(
*
)
.
En premier lieu, le bon fonctionnement de ces systèmes sera un facteur
crucial de
l'efficacité de la conduite des politiques
monétaires des Etats participant à l'UEM
. Ils devront en
effet permettre de gérer les garanties exigées pour la conduite
de la politique monétaire unique par le Système Européen
de Banques Centrales (SEBC) (voir encadré ci-après).
En second lieu, ces systèmes joueront un rôle important pour
assurer
la liberté de circulation des capitaux au sein du
marché intérieur
. Les infrastructures sur lesquelles ils
reposent devront permettre de faire face aux besoins nouveaux résultant
de la mise en place de la monnaie unique et au développement
subséquent des
opérations bancaires et financières
transfrontières
.
Les modifications induites par le passage à l'euro sur les systèmes de paiement et de règlement-livraison de titres
Comme on le sait,
la politique monétaire dans la
zone euro sera unique
et conduite par la Banque centrale européenne
(BCE). Cependant, le principe d'unicité de la politique monétaire
ne fera pas obstacle à sa mise en oeuvre décentralisée.
Chaque banque centrale nationale (BCN) restera l'interlocuteur
privilégié des établissements de crédit de son
territoire. Ensemble, BCE et BCN formeront le système européen de
banques centrales (SEBC), lequel mettra en oeuvre les orientations de la
politique monétaire commune définies par la BCE.
Pour remplir sa fonction,
le SEBC va devoir agir sur la liquidité
bancaire en euro
, c'est à dire sur les capacités de
refinancement des banques commerciales auprès de chaque BCN.
Or, les
statuts du SEBC prévoient que ces opérations de mise à
disposition de liquidités devront faire l'objet de remises d'actifs en
garantie
, de façon à ce que les BCN ne supportent pas de
risques de crédit dans l'accomplissement de cette activité
(application de la règle selon laquelle la banque centrale ne
prête jamais "en blanc").
Pour pouvoir fonctionner normalement,
ces remises de garantie devront
remplir deux séries de conditions :
- d'une part,
elles devront répondre à des critères
précis et homogènes d'éligibilité
. Deux types
de garanties sont prévus :
* les titres libellés en euros déposés chez un
dépositaire central national et répondant à des
critères d'éligibilité uniformes fixés par la BCE ;
* les garanties, négociables ou non, dont les critères
d'éligibilité seront établis par les banques centrales
nationales, dans le cadre de lignes directrices fixées par la BCE. On
trouvera dans cette catégorie les créances sur les entreprises
auxquelles la Banque de France accorde la meilleure cotation.
- d'autre part,
elles devront pouvoir faire l'objet de procédures
transfrontières de livraison rapides et sûres, ce qui suppose
d'assurer un minimum d'interconnexion des systèmes de paiement entre eux
et des systèmes de règlement-livraison de titres entre eux
.
En effet, aujourd'hui les BCN n'acceptent de mobiliser que des garanties
gérées localement. Lorsque l'Union monétaire sera
réalisée, les BCN devront accorder des crédits aux banques
non seulement contre des garanties domestiques, mais aussi contre des garanties
localisées à l'étranger. Accepter ces garanties, quelle
que soit leur localisation, découle du principe d'égalité
de traitement qui figure dans le traité de l'Union européenne et
répond également au souhait de constituer un vaste marché
intégré des titres en Europe.
1. L'interconnexion des systèmes de paiement
Afin de permettre le règlement des opérations
transfrontières réalisées sur le marché
monétaire de l'euro, les BCN ont créé le
système
Target
qui réalise
l'interconnexion des systèmes à
règlement brut en temps réels
(RTGS) des pays participant
à l'UEM. Il sera ainsi possible d'effectuer en quelques secondes le
transfert d'un système à l'autre d'ordres de paiement en euros
qui seront réglés de façon irrévocable et
définitive.
En France, c'est le système à règlement brut en temps
réels TBF qui constituera la composante nationale de Target. Pour
fonctionner correctement, Target aura besoin d'infrastructures et de
procédures communes.
C'est ici qu'intervient la
nécessité pour chaque participant à Target d'assurer
l'irrévocabilité absolue des transactions effectuées dans
son propre système de paiement.
2. L'interconnexion des systèmes de règlement-livraison de
titres
En dépit du fait que plusieurs systèmes de titres ont
déjà développé des liens pour échanger des
titres entre eux, il n'existe pas, pour l'instant, et contrairement aux
systèmes de paiement, de projet avancé d'interconnexion des
systèmes de titres.
Pour pallier cette difficulté, les banques centrales ont
décidé de mettre en oeuvre un dispositif
ad hoc
dénommé
CCBM (Correspondent Central Banking Model)
.
Chaque banque centrale ouvrira un compte-titres auprès de chacune des
autres banques centrales. Lorsqu'une contrepartie du SEBC approchera la banque
centrale du pays A avec laquelle elle est en relation afin d'obtenir un
crédit en euro et que tout ou partie des titres apportés en
garantie seront déposés dans un pays B, il sera demandé
à l'établissement emprunteur de livrer les titres à la
banque centrale du pays B pour le compte de la banque centrale du pays A. Ce
dispositif relativement simple présente l'avantage de n'exiger aucune
modification d'organisation au sein des établissements de crédit
et des systèmes de titres. Cependant, il ne pourra que difficilement
faire face à la montée en puissance des flux financiers
intra-zone et il est nécessaire qu'assez rapidement s'y substituent des
solutions durables qui reposent plus largement sur les systèmes
existants. Deux voies sont envisagées.
- La première est celle de
l'interconnexion des systèmes de
règlement de titres de l'Union européenne
et dans laquelle
s'inscrit la création, au début de l'année 1997, de
l'association des dépositaires centraux de titres (
ECSDA
). Cette
association a publié au mois de juillet 1997 les caractéristiques
générales d'un système d'interconnexion des
systèmes de titres, afin de permettre à un participant à
l'un de ces systèmes de mobiliser l'ensemble des titres dont il peut
disposer dans les autres systèmes. Cette réforme, qui sera mise
en oeuvre de façon progressive, devrait contribuer de façon
décisive à assurer l'unification du marché européen
des titres.
- La seconde évolution réside dans la
création de
systèmes permettant d'engager des règlements irrévocables
et définitifs d'opérations sur titres en cours de
journée
. Actuellement, dans la plupart des systèmes de
règlement de titres, la livraison irrévocable des titres n'est
obtenue qu'en fin de journée. On constate néanmoins que dans un
nombre croissant de pays européens, des réformes sont en cours,
ou ont déjà été menées à bien, afin
de créer la possibilité d'obtenir la livraison irrévocable
de titres dans un délai bref en cours de journée. C'est le cas en
particulier en Suisse, aux Pays-Bas et en Allemagne. RGV en France devrait
fonctionner selon ce principe,
à condition toutefois que l'on modifie
le droit actuel afin de préciser le régime du droit de
propriété, ce qui est l'objet de l'article 19 du présent
projet de loi.
On observera que l'irrévocabilité en cours de journée
permet de sécuriser les échanges de titres et accroît les
possibilités d'arbitrage entre des titres déposés dans des
systèmes différents. C'est donc une condition importante pour la
mise en oeuvre de liens transfrontières et c'est la raison pour laquelle
l'ECSDA a décidé d'en faire une condition minimale pour la
participation d'un système de titres au dispositif d'interconnexion.
Enfin, la façon dont les
professionnels
, intermédiaires
et entreprises de marché,
et les régulateurs français
mèneront à bien la transition vers l'euro des
différents systèmes de paiement et de titres, conditionnera
grandement l'attractivité de la place financière de Paris et,
partant, sa place dans le grand marché unique des services bancaires et
financiers. Il y a donc également un
enjeu de
compétitivité industrielle dont il importe d'être
conscient.
Ces différents enjeux ont conduit les autorités
européennes à élaborer une directive "
concernant
la limitation du risque systémique dans les systèmes de paiement
et de dénouement des transactions sur valeurs mobilières
"
actuellement en voie d'adoption définitive
6(
*
)
.
L'adoption de cette directive imposerait d'aménager le régime
juridique français des systèmes de paiement et de livraison de
titres sur quatre aspects.
En premier lieu, il est indispensable que
les intermédiaires
financiers, établissements de crédit ou entreprises
d'investissement, puissent obtenir de la liquidité bancaire contre
remises de garantie dans un environnement juridique homogène et
sécurisé,
ce qui n'est pas tout à fait le cas
actuellement, notre droit étant fragmenté entre plusieurs
régimes juridiques spécifiques à certains types
d'opérations (prêts de titres, pensions- livrées et
opérations compensables dans le cadre d'un marché
réglementé).
En second lieu, il est nécessaire d'asseoir le
caractère
irrévocable des opérations intervenant dans le cadre de
systèmes de paiement ou de titres
. Comme on l'a vu, cette
irrévocabilité existe déjà pour les systèmes
de paiement, mais elle n'est que relative. En revanche, elle n'existe pas du
tout pour les systèmes de titres. Il convient donc de renforcer cette
sécurité pour les systèmes de paiement et de
l'établir pour les systèmes de titres.
En troisième lieu, il est nécessaire d'établir ou de
renforcer la
surveillance des systèmes de paiement et de titres
.
Pour ce qui est des systèmes de paiement, l'article 4 de la loi du 4
juillet 1993 établit la compétence de la Banque de France pour
"
veiller au bon fonctionnement et à la sécurité
des systèmes de paiement
". Avec l'entrée en vigueur de
l'article 105 du traité sur l'Union européenne, cette
compétence s'exercera désormais sous réserve de la
compétence plus générale de la Banque centrale
européenne pour "
promouvoir le bon fonctionnement des
systèmes de paiement
".
En revanche, aucune autorité publique ou professionnelle n'est
actuellement compétente pour contrôler les systèmes de
titres. Il apparaît donc souhaitable, dans la ligne des orientations
fixées par la loi financière, de confier cette compétence
au Conseil des marchés financiers.
Enfin, il est important de prévoir la
possibilité d'effectuer
des règlement-livraison de titres irrévocables
en cours de
journée, afin de mettre nos systèmes de titres à
parité juridique avec les systèmes européens
équivalents les plus avancés. Ce sera l'objet de l'article 19 du
présent projet de loi.
II. LES AMÉNAGEMENTS PROPOSÉS PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article prévoit de modifier le droit actuel sur cinq
points.
A. LE RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES
OPÉRATIONS RÉALISÉES DANS LE CADRE DE SYSTÈMES DE
PAIEMENT.
La loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation
judiciaires des entreprises interdit, en principe, au débiteur
d'effectuer des paiements à compter du jour d'ouverture de la
procédure. L'interdiction des paiements est une conséquence
logique du dessaisissement du failli, procédure autrefois
systématique dans le droit des procédures collectives et dont la
loi de 1985 comporte encore plusieurs manifestations.
Or, le décret d'application du 27 décembre 1985
précise que le jugement d'ouverture prend effet à compter de sa
date, ce dont les juges concluent qu'il prend effet rétroactivement
à compter de zéro heure le jour de son prononcé et non
à compter de l'heure de son prononcé (l'heure du prononcé
n'est d'ailleurs jamais indiquée en pratique). En conséquence,
dans l'hypothèse où un établissement participant à
un système de paiement serait déclaré en faillite,
l'application de la règle du "zéro heure" impliquerait la remise
en cause des paiements effectués depuis la première heure du jour
considéré, obligeant ainsi, en théorie, les
bénéficiaires desdits paiements à les restituer, sans
pouvoir, bien entendu, récupérer les paiements faits,
inversement, au profit de l'établissement défaillant.
L'application de cette règle soulève des difficultés
importantes notamment lorsqu'il s'agit de paiements internationaux, compte tenu
des problèmes de décalages horaires et de fermeture des
marchés de changes.
Pour prévenir ces difficultés, la loi du 31 décembre 1993
précitée a prévu, en son article 4
7(
*
)
, d'insérer un article 93-1
dans la loi bancaire du 24 janvier 1984, disposant que :
"
Nonobstant toute disposition législative contraire, les paiements
effectués dans le cadre de systèmes de règlements
interbancaires, jusqu'à l'expiration du jour où est rendu un
jugement de redressement ou de liquidation judiciaires à l'encontre d'un
établissement participant, directement ou indirectement, à un tel
système ne peuvent être annulés au
seul motif qu'est
intervenu ce jugement
".
Ainsi, la loi valide les paiements effectués le jour de la mise en
redressement judiciaire de l'un des participants à un système de
règlement interbancaire, ce qui évite notamment la remise en
cause d'une compensation ou d'écritures informatiques complexes, mais ne
fait pas échapper le débiteur défaillant à
l'ensemble du droit de la faillite.
La nouvelle rédaction de l'article 93-1 de la loi bancaire
proposée par
le I du présent article
accroîtrait le
caractère irrévocable des opérations intervenues dans le
cadre de systèmes de paiements, puisque celles-ci ne pourraient
désormais être annulées "
même au motif qu'est
intervenu ce jugement
(de redressement ou de liquidation judiciaires)".
On passerait ainsi d'un régime d'irrévocabilité relative,
à un régime d'irrévocabilité absolue des
opérations réalisées dans les systèmes de paiement.
On observera qu'un tel régime serait plus strict que celui que
prévoit la directive, puisque l'article premier de celle-ci dispose
que : "
les ordres de transfert et la compensation produisent
leurs effets en droit et, même en cas de procédure
d'insolvabilité à l'encontre d'un participant, sont opposables
aux tiers à condition que les ordres de transfert aient
été introduits dans le système avant le moment de
l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité (...) à moins
que le système n'ait eu connaissance ou n'eût dû avoir
connaissance de l'ouverture de cette procédure.
"
B. L'IRREVOCABILITÉ DES OPÉRATIONS RÉALISÉES
DANS LE CADRE DE SYSTÈMES DE TITRES, LA DÉFINITION DE TELS
SYSTÈMES ET DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES QUI LEUR SONT
APPLICABLES
Le
premier alinéa
du texte proposé par le
paragraphe I
de cet article pour l'article 93-1 de la loi bancaire prévoit
d'aligner le régime juridique des opérations effectuées
dans le cadre de systèmes de titres sur celui des opérations
effectuées dans le cadre de systèmes de paiement et de les faire
bénéficier ainsi de l'irrévocabilité absolue.
Toutefois, cette extension est adaptée aux spécificités
des systèmes de réglement-livraison pour tenir compte de la
désynchronisation entre les instructions de paiement et les instructions
de livraison de titres, instructions qui précèdent les
opérations matérielles de paiement et de livraison. C'est
pourquoi, le
deuxième alinéa
du texte proposé par
le
paragraphe I
pour l'article 93-1 de la loi bancaire prévoit
que l'irrévocabilité absolue est également de mise pour
les "
instructions de paiement
" et les "
instructions de
livraison
", "
dès lors qu'elles ont acquis un caractère
irrévocable".
Il convient de noter la référence aux
"
instructions
" alors que la directive en cours vise les
" ordres ".
Il est également précisé dans
ce même texte que la définition du moment et des modalités
selon lesquels une instruction est considérée comme
irrévocable dans un système est renvoyée aux règles
de fonctionnement de ce système. Ce faisant, le présent article
applique par anticipation l'article 3 paragraphe 3 de la directive en cours
d'adoption qui dispose que : "
le moment où un ordre de
transfert est introduit dans un système est défini par les
règles de fonctionnement de ce système. "
Enfin, l'article 93-1 est complété par une définition des
systèmes de règlement de livraisons de titres, ou plus exactement
d'instruments financiers afin de tenir compte des nouvelles définitions
posées par la loi financière du 2 juillet 1996. Il faut
comprendre de cet article, qui donne, tout à la fois, la
définition des systèmes de réglement-livraison et celle
des systèmes de paiement, qu'un système de
règlement-livraison est : "
une procédure nationale ou
internationale organisant les relations entre deux parties au moins, ayant la
qualité d'établissement de crédit, d'institution ou
d'entreprise visée à l'article 8 de la loi bancaire
(Trésor public, Banque de France, les services financiers de La
Poste, l'ID-DOM, l'ID-TOM et la Caisse des dépôts et
consignations),
d'entreprise d'investissement ou d'adhérent à
une chambre de compensation ou d'établissement non résident ayant
un statut comparable, permettant l'exécution, à titre habituel,
par compensation ou non, de paiements, ainsi que la livraison de titres entre
les participants."
C. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU RÉGIME JURIDIQUE ET FISCAL POUR
LES REMISES DE GARANTIE EFFECTUÉES DANS LE CADRE DE SYSTÈMES DE
PAIEMENT OU DE RÉGLEMENT-LIVRAISON
Les remises de garanties de titres ou d'espèces ont pour objet de
rendre plus sûres les transactions. Actuellement, la loi prévoit
trois régimes différents de remises de garanties :
- celles effectuées dans le cadre d'opérations de prêts de
titres, sur la base de l'article 31 de la loi du 17 juin 1987 sur
l'épargne, modifié par l'article 104 de la loi financière
8(
*
)
;
- celles effectués dans le cadre d'opérations de prises en
pensions, sur la base de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1993
précitée ;
- enfin, celles effectuées dans le cadre d'opérations
compensables intervenant sur un marché réglementé, sur la
base de l'article 52 de la loi financière, mais qui pratiquement ne
s'applique que pour les opérations à terme intervenant sur le
MATIF (marché français d'instruments financiers à terme).
En créant un article 93-2 dans la loi bancaire, le
paragraphe I
du présent article prévoit un nouvel espace d'application
pour ces remises de garanties, dans le cadre de systèmes de paiement ou
de règlement-livraison.
Ce nouveau régime recouvre partiellement le régime de l'article
52 de la loi bancaire mais s'en distingue néanmoins sur trois
points :
- les modalités de constitution, d'affectation, de réalisation ou
d'utilisation des remises seront fixées par les règlements, la
convention-cadre ou la convention type régissant le système de
règlements interbancaires ou de règlement-livraison, alors que
dans le régime de l'article 52 de la loi financière, ces
modalités peuvent être fixées par les parties ;
- ces remises pourront porter également sur des "créances", alors
que dans le cadre de l'article 52, elles ne peuvent porter que sur des
valeurs, titres, effets ou sommes d'argent. Concrètement, cela
inclut le papier commercial, comme par exemple les bordereaux Dailly ;
- en contrepartie de cette extension, le nouveau régime ne trouvera
à s'appliquer que pour les systèmes de place, puisqu'il ne
s'agira que de systèmes "
organisant les relations entre plus de deux
parties
", alors que l'article 52 de la loi financière vise les
opérations intervenues dans le cadre de conventions (...) "
entre deux
parties au moins
".
Par ailleurs, le
paragraphe II
du présent article prévoit
de modifier l'article 38 bis du code général des impôts,
afin d'étendre à ces remises de garantie la neutralité
fiscale déjà instituée pour les remises de l'article 31 de
la loi de 1987 et celles de l'article 52 de la loi financière.
D. L'EXTENSION DES COMPÉTENCES DU CONSEIL DES MARCHÉS
FINANCIERS (CMF) DANS LA SURVEILLANCE DES SYSTÈMES DE
RÈGLEMENT-LIVRAISON D'INSTRUMENTS FINANCIERS.
De la même façon que la Banque de France est compétente
pour veiller au bon fonctionnement et à la sécurité des
systèmes de paiement, le CMF serait désormais compétent
pour agréer, réglementer et contrôler les systèmes
de règlement-livraison d'instruments financiers.
Tout d'abord le CMF serait compétent pour approuver les règles
de fonctionnement de ces systèmes, étant entendu que sa
compétence ne peut faire obstacle aux orientations définies par
la Banque de France pour ce qui est de la partie "règlement". C'est ce
qui résulte de la dernière phrase du texte proposé par le
paragraphe I
de
cet article pour le dernier alinéa de
l'article 93-1 de la loi bancaire et également du texte proposé
par le
2° du paragraphe III
pour le 16° de l'article 32 de la
loi financière.
Ensuite, le CMF disposerait du pouvoir réglementaire de fixer les
"
principes généraux d'organisation et de fonctionnement des
systèmes de règlement et de livraison d'instruments
financiers
" (texte proposé par le
2° du III
pour le
16° de l'article 32).
Enfin le CMF disposerait,
mutatis mutandis
, de la plénitude des
attributions de contrôle qu'il détient en application des articles
67 à 69 de la loi financière sur les prestataires de services
d'investissement (texte proposé par le
3° du III
pour la
création d'un nouvel article 69-1 dans la loi financière). Il
doit être ici entendu que les systèmes de paiement, comme ceux de
règlement-livraison sont tenus par des "
dépositaires
centraux
", ce qui nous amène précisément à la
cinquième modification effectuée par cet article.
E. L'ÉTABLISSEMENT DE LA COMPÉTENCE DU CMF SUR L'ENSEMBLE
DES TENEURS DE COMPTE ET SUR LES DÉPOSITAIRES CENTRAUX D'INSTRUMENTS
FINANCIERS
1. L'activité de teneur de compte
L'activité de teneur de comptes d'instruments financiers, qui consiste
à administrer les comptes titres des investisseurs, a fait l'objet au
cours de ces dix dernières années de profondes évolutions,
comme en témoigne la variété des vocables utilisés
pour la définir ("
teneurs de comptes
", "
teneurs de livres
"
ou encore "
conservateurs
").
On rappelle que le paragraphe II de l'article 94 de la loi de finances pour
1982 qui a opéré la dématérialisation des titres a
prévu que : "
les valeurs mobilières émises en
territoire français et soumises à la législation
française, quelle que soit leur forme, doivent être inscrites en
comptes tenus par la personne morale émettrice ou par un
intermédiaire habilité
".
Il y a donc fondamentalement deux sortes de teneurs de comptes :
- les intermédiaires habilités par le ministère de
l'économie et des finances, qui sont en pratique la
quasi-totalité des établissements de crédit et certaines
entreprises d'investissement (anciennes sociétés de bourse) ;
- les sociétés non cotées ou ne faisant pas appel public
à l'épargne.
Le 2° de l'article 32 de la loi financière a établi la
compétence du CMF pour fixer les conditions d'exercice, par les
prestataires de services d'investissement (établissements de
crédit et entreprises d'investissement), des services de conservation,
ainsi que les fonctions de compensateur et de teneur de comptes et les
conditions d'habilitation, à cet effet, des établissements
visés à l'article 94 II de la loi de finances pour 1982.
La nouvelle rédaction proposée par les
1° et 2° du
III
du présent article fait apparaître plus clairement la
distinction entre les deux catégories de teneurs de comptes -
professionnels de la finance et sociétés non cotées - et
établit plus clairement la compétence du CMF sur cette
deuxième catégorie (texte proposé pour le 14 ° de
l'article 32 de la loi financière).
2. Les dépositaires centraux
Dans la droite ligne des orientations fixées par la loi
financière qui a dégagé le concept d'entreprises de
marché, le texte proposé par le
2° du III
du
présent article pour le 15 ° de l'article 32 de la loi
financière, prévoit de donner une valeur juridique au concept de
"
dépositaire central
" d'instruments financiers et de soumettre
cette activité au contrôle du CMF.
Il n'existe actuellement qu'une seule société susceptible
d'être qualifiée de dépositaire central : Sicovam SA.
Ces dépositaires centraux devraient désormais être soumis
à l'habilitation du CMF, lequel serait également compétent
pour approuver leurs règles de fonctionnement et les contrôler.
IV. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre commission approuve les orientations générales du
présent article en ce qu'elles renforcent la sécurité
juridique des opérations financières réalisées sur
la place de Paris et contribuent à la mise en place du marché
unique des marchés financiers.
Toutefois, elle vous proposera un amendement rédactionnel relatif
à la définition des systèmes de règlement-livraison
de titres et un autre amendement destiné à prendre en compte les
nantissements de titres ou d'espèces dans le cadre des systèmes
de paiement ou de règlement-livraison de titres.
Votre commission vous proposera également un amendement permettant de
sécuriser juridiquement la compensation des prêts et
dépôts de gestion de trésorerie interbancaire au regard de
la loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des
entreprises.
Enfin, votre commission regrette la sédimentation des régimes
juridiques de remises de garantie, à laquelle elle avait tenté de
mettre un terme en insérant l'article 52 de la loi financière. Il
serait souhaitable, d'ici la codification de ces dispositions dans le futur
code monétaire et financier, d'unifier le régime juridique de ces
dispositions.
Décision de la commission : sous réserve de l'adoption de
l'amendement qu'elle vous présentera, votre commission des finances vous
propose d'adopter le présent article.
ARTICLE 19
Droit de propriété dans
les systèmes de règlement
contre livraison de titres
Commentaire : le présent article a pour objet de
permettre la mise en pension intrajournalière des titres acquis pour
leurs clients par les intermédiaires.
I. LA SITUATION ACTUELLE
Comme on l'a vu dans le commentaire de l'article 18, la création de
systèmes de règlement contre livraison de titres permettant
d'engager des règlements irrévocables et définitifs
d'opérations sur titres en cours de journée constitue une
étape importante dans l'interconnexion des systèmes de titres
à l'échelon européen. Elle permet en effet de
sécuriser les échanges de titres et accroît les
possibilités d'arbitrage entre des titres déposés dans des
systèmes différents.
C'est la raison pour laquelle l'Association européenne des
dépositaires centraux d'instruments financiers, l'ECSDA, a
décidé d'en faire une condition minimale pour la participation
d'un système de titres au dispositif d'interconnexion.
Au demeurant, cette évolution s'inscrit dans le droit fil des
orientations préconisées par l'Institut monétaire
européen (IME)
9(
*
)
et le
Conseil des ministres de la Communauté européenne
10(
*
)
.
Le présent article s'inscrit dans cette problématique
générale et tend à préciser les conditions du
transfert de propriété dans les systèmes de titres
organisant le règlement-livraison d'opérations
réalisées de gré à gré. Il revêt une
grande importance pour la sécurisation de Relit Grande Vitesse (RGV),
système qui fait intervenir la Banque de France et les
établissements de crédit pour le compte d'investisseurs
institutionnels, et gère l'ensemble des opérations
réalisées dans le cadre des interventions de politique
monétaire, par la Banque centrale, ainsi que celles consécutives
aux adjudications des valeurs du Trésor.
On rappellera brièvement le contexte actuel, avant d'exposer de
façon plus précise le problème que tente de
résoudre le présent article.
A. LE CONTEXTE ACTUEL
La Banque de France a accepté de mettre en place des pensions
livrées intrajournalières (dites pensions livrées
conservatoires ou PLC) pour fournir la liquidité nécessaire au
dénouement des opérations qui seront traitées dans le
système RGV.
En effet, les établissements qui participeront à RGV ne
disposent pas toujours d'un " stock " suffisant de titres
susceptibles d'être mis en pension. La Banque de France a donc
accepté de prendre également en pension les titres qui sont
l'objet même des livraisons dans le cadre des opérations de
règlement-livraison de RGV, c'est à dire les " flux ".
Une partie de ces flux correspond à des titres qui sont achetés
par les établissements participant à RGV pour leur propre compte,
une autre partie à des titres achetés pour le compte de la
clientèle. Or, la Sicovam
11(
*
)
n'est pas en mesure de distinguer
les uns des autres.
Dès lors, la question se pose de l'utilisation des titres
achetés pour le compte de la clientèle dans les PLC conclues avec
la Banque de France.
La Banque de France a fait savoir, il y a déjà plusieurs
années, qu'elle n'accepterait de prendre en pension des titres
achetés pour le compte de la clientèle que si les conditions
suivantes sont réunies :
• qu'il y ait un accord exprès de l'acheteur ; on observera
au demeurant que l'article 63-1 de la loi financière du 2 juillet 1996
interdit aux prestataires de services d'investissement d'utiliser, pour leur
propre compte, les titres des investisseurs dont ils assurent la tenue de
compte, à moins d'un consentement explicite de
l'investisseur
12(
*
)
;
• qu'il s'agisse d'un client qui soit capable de se rendre compte de la
portée de son accord, c'est à dire d'un
" professionnel ".
La seconde condition peut d'ores et déjà être
considérée comme remplie dans la mesure où RGV est un
système qui, compte tenu de ses caractéristiques, n'est pas
destiné à des particuliers.
En revanche, la première condition suppose que soit
précisé le régime juridique du transfert de
propriété des instruments financiers.
B. EXPOSÉ DU PROBLÈME
Pour que l'acheteur puisse donner utilement un accord à une
éventuelle mise en pension des titres qu'il a achetés, encore
faut-il qu'il soit propriétaire des titres au moment où la PLC
est conclue.
Or, le législateur n'a fixé de règles précises sur
le transfert de propriété dans les systèmes de titres que
concernant les opérations réalisées dans le cadre de
marchés réglementés, c'est à dire actuellement
celles qui se dénouent dans RELIT. Ces règles sont les
suivantes :
• l'article 47 bis de la loi du 3 janvier 1983 sur le
développement des investissements et la protection de l'épargne
prévoit que : "
en cas de cession sur un marché
réglementé de titres inscrits en compte (...) le transfert de
propriété de ces titres résulte de leur inscription au
compte de l'acheteur, à la date et dans les conditions définies
par les règles de place " ;
• Lesdites règles de place
13(
*
)
précisent que l'inscription
au compte de l'acheteur doit intervenir
" le jour de la
négociation ou, au plus tard, le lendemain de ce jour "
pour
les titres achetés au comptant (fin de mois pour les achats sur le
compartiment Règlement mensuel du premier marché).
Or, pour les opérations qui seront traitées sur le marché
de gré à gré, qui sont celles qui se dénoueront
dans RGV, le législateur n'a fixé aucune règle
précise. Le transfert de propriété est donc
effectué selon les règles de droit commun du code civil qui
découlent de l'article 1583.
Selon cet article, la vente est parfaite "
dès lors qu'on est
convenu de la chose et du prix quoique la chose n'ait pas encore
été livrée, ni le prix payé
". C'est la
règle dite du "
consensualisme
". Toutefois, cette
règle ne saurait constituer une base suffisamment solide pour permettre
à la Banque de France de prendre en pension, sans risque juridique, les
titres constituant les " flux " de RGV. En effet, il est fait, en
matière de transfert de propriété des titres, une
application divergente de cette règle selon que l'on se
réfère à la jurisprudence de la chambre civile de la Cour
de cassation ou à celle de la chambre commerciale.
Pour la chambre commerciale
14(
*
)
, l'acheteur devient bien
propriétaire des titres dès la négociation, donc bien
avant le règlement-livraison dans les livres du dépositaire
central - la Sicovam.
Pour la chambre civile
15(
*
)
,
le transfert de propriété de titres
dématérialisés obéit au régime des choses de
genre incorporelles pour lesquelles le transfert de propriété
n'est réalisé qu'à partir du moment où la chose est
individualisée, c'est à dire, s'agissant de titres, à
partir du moment où les titres cédés sont inscrits au
compte de l'acheteur. Selon cette jurisprudence civile, le transfert de
propriété ne serait donc pas encore fait au moment du
règlement-livraison.
Dès lors que, au moment du règlement-livraison dans RGV, on ne
peut avoir la certitude que les titres ont bien cessé d'appartenir au
vendeur, la première de deux conditions posées par la Banque de
France pour prendre les " flux " RGV en pension est donc, en
l'état actuel du droit, impossible à réunir.
Il serait donc opportun que le législateur modifie l'article 47 bis de
telle sorte qu'il soit clair que, pour les titres acquis sur des marchés
de gré à gré, le transfert de propriété
s'effectue, au plus tard, au moment du règlement-livraison dans les
livres du dépositaire central. C'est précisément l'objet
du présent article.
II. LES AMÉNAGEMENTS PROPOSÉS PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article a pour principal objet de préciser le
régime juridique du transfert de propriété des
opérations de gré à gré effectuées dans le
cadre de systèmes de règlement-livraison de titres.
Accessoirement, il procède à diverses harmonisations entre la loi
financière du 2 juillet 1996 et la loi du 3 janvier 1983
précitée.
A. LE RÉGIME DU TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ DES
OPÉRATIONS DE GRÉ À GRÉ RÉALISÉES
DANS LE CADRE DE SYSTÈMES DE RÈGLEMENT LIVRAISON DE TITRES
Cette modification résulte de l'adjonction par le
3° du
paragraphe I du présent article
, de deux alinéas
complémentaires à l'article 47 bis de la loi du 3 janvier 1983.
Le premier alinéa
fixe le moment auquel intervient le transfert
de propriété des instruments financiers cédés dans
le cadre d'opérations de gré à gré et portant sur
des instruments financiers inscrits en compte chez un intermédiaire
habilité participant à un système de
règlement-livraison de titres. Afin de lever toute
ambiguïté, il est précisé que ce transfert de
propriété résulte "
du dénouement
irrévocable de l'opération tel que les règles de
fonctionnement du système de règlement et de livraison l'ont
fixé.
"
On observera que cette disposition transpose, par anticipation, les
recommandations de la position commune susvisée du Conseil des ministres
de la Communauté et, en particulier, de son article 5 qui dispose
que : "
un ordre de transfert ne peut être
révoqué par un participant à un système ou par un
tiers à partir du moment fixé par les règles de
fonctionnement de ce système
".
Le second alinéa
dispose que : "
le client acquiert
la propriété des instruments financiers s'il en a
réglé le prix. Tant que le client n'a pas réglé le
prix, l'intermédiaire qui a reçu lesdits instruments financiers
en est le propriétaire
". Dès lors,
l'intermédiaire pourra, durant le laps de temps qui sépare le
dénouement irrévocable de l'opération et le paiement du
prix par le client, remettre les titres en pension.
Comme le relève justement le rapporteur général de
l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud,
16(
*
)
cette disposition ne constitue pas
une dérogation à l'interdiction du " tirage sur la
masse " (article 63-1 de la loi financière) : seul le
propriétaire des titres reste autorisé à les utiliser,
mais jusqu'au paiement par le donneur d'ordre, le propriétaire est
l'intermédiaire.
Ainsi, cet article précise le régime juridique du transfert de
propriété des instruments financiers négociés de
gré à gré dans le cadre d'un système de titres et,
dans le même temps, reconnaît aux participants à un tel
système un droit limité d'utilisation des titres issus des flux
de ce système. Cette utilisation n'est qu'intrajournalière et a
pour objet de garantir le caractère irrévocable du
dénouement des opérations réalisées.
B. L'HARMONISATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI DE 1983 SUR LA PROTECTION
DE L'ÉPARGNE
On se souvient que la loi financière du 2 juillet 1996 a
transposé en droit français la notion d'instruments financiers,
introduite par la directive du 10 mai 1993 sur les services d'investissement
(DSI) afin de pouvoir établir le passeport européen pour les
services financiers.
En conséquence, il est proposé de modifier les articles 47
bis
et 47
ter
de la loi du 3 janvier 1983 précitée
afin de remplacer les mots "
titres
" par ceux d'
"
instruments financiers
". Il est du reste
précisé pour l'application de ces deux articles, que seuls sont
concernés les instruments financiers visés aux 1°, 2°
et 3° de l'article premier de la loi financière, c'est à
dire, les actions et autres titres de capital, les obligations et autres titres
de créance ainsi que les parts ou actions d'organismes de placement
collectif, à l'exclusion donc des instruments financiers à terme
visés au 4° de ce même article premier.
L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans
modification.
Décision de la commission : votre commission des finances vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
Section 5
Continuité des relations
contractuelles
ARTICLE 20
Continuité des taux et indices contractuels
Commentaire : le présent article propose de
confirmer le principe de continuité des contrats dans lesquels sont
mentionnés des taux ou des indices affectés par le passage
à l'euro. Il précise également les règles de
publicité concernant le remplacement d'un taux ou d'un indice au cas
où celui-ci disparaîtrait du fait de l'introduction de la monnaie
unique.
Le règlement n° 97/1103/CE du 17 juin 1997
fixant
certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro, pose le
principe de la continuité juridique des contrats, afin d'assurer le
maximum de sécurité juridique lors du passage à l'euro.
Son article 3 dispose en effet que : "
l'introduction de l'euro n'a
pas pour effet de modifier les termes d'un instrument juridique ou de
libérer ou de dispenser de son exécution, et elle ne donne pas
à une partie le droit de modifier un tel instrument ou d'y mettre fin
unilatéralement
".
Ce principe de continuité concerne l'ensemble des instruments
juridiques, dont l'article premier du règlement communautaire
précité donne une définition. Il s'agit des
"
dispositions législatives et réglementaires, actes
administratifs, décisions de justice, contrats, actes juridiques
unilatéraux, instruments de paiement autres que les billets et les
pièces, et autres instruments ayant des effets juridiques
".
Le présent article a pour objet d'apporter une réponse
à la question des conséquences sur la continuité des
contrats de la disparition ou de la modification d'un indice ou d'un taux de
référence figurant dans un contrat
auxquels de très
nombreux contrats font référence.
En effet, si un contrat de prêt à taux fixe ne sera guère
affecté par l'introduction de la monnaie unique, tel ne sera pas le cas
pour un contrat de prêt à taux variables.
Trois situations
sont envisageables après le passage à
l'euro :
- le
maintien
du taux ou de l'indice ;
- la
modification
de la composition ou de la définition d'un
taux variable ou d'un indice auquel il est fait référence dans
une convention :
le premier alinéa
du présent article
prévoit qu'une telle modification est sans effet sur l'application de
ladite convention ;
- la
disparition
de ce taux variable ou de cet indice :
le
deuxième
alinéa
propose alors l'intervention du
ministre chargé de l'économie qui peut désigner, par
arrêté, le taux variable ou l'indice qui s'y substitue, le but de
cette disposition étant d'assurer une publicité suffisante
à ce remplacement.
Enfin,
le troisième alinéa
du présent article
permet aux parties à la convention de déroger, d'un commun
accord, à l'application du taux ou de l'indice ainsi substitué
par voie d'arrêté.
Cette disposition évite ainsi toute restriction à la
liberté contractuelle, en donnant la possibilité aux parties de
renégocier le contrat, conformément à la dernière
phrase de l'article 3 du règlement communautaire
précité, selon laquelle la continuité juridique des
contrats "
s'applique sans préjudice de ce dont les parties sont
convenues
".
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.
ARTICLE 21
Garantie en cas de double conversion
des dettes et créances
Commentaire : le présent article a pour objet, dans
un but de sécurité juridique, d'empêcher toute contestation
relative à l'écart susceptible d'apparaître en cas de
conversion en euros d'une somme libellée en francs puis de conversion en
sens inverse de cette même somme. Cette disposition n'est toutefois
valable que si les opérations de conversion ont respecté
strictement les règles prévues par les articles 4 et 5 du
règlement n° 97/1103/CE du 17 juin 1997.
Le règlement n° 1103/97 du Conseil du 17 juin 1997 fixant
certaines dispositions relatives à l'euro définit notamment les
règles de conversion et d'arrondi entre les monnaies nationales et
l'euro.
L'article 4 de ce règlement fixe les règles applicables aux
taux de
conversion
dont on sait qu'en vertu de l'article 109 L,
paragraphe 4 première phase du Traité, ils ne pourront être
arrêtés qu'au 1er janvier 1999.
Ces règles sont les suivantes :
- les taux de conversion comportent six chiffres significatifs, soit cinq
décimales ;
- ces taux ne peuvent être ni arrondis ni tronqués lors des
conversions ;
- l'utilisation de taux inverses calculés à partir des taux
de conversion est interdite : cela conduirait à arrondir les taux et
pourrait entraîner des imprécisions significatives en raison de
l'effet multiplicateur de l'arrondi. Ainsi, les contre-valeurs d'unités
monétaires nationales en euros devront être calculées en
multipliant ou en divisant selon le cas par le taux de conversion entre l'euro
et l'unité monétaire nationale considérée ;
- la conversion des monnaies nationales entre elles doit s'effectuer en
utilisant l'euro, aucune autre méthode de calcul ne pouvant être
utilisée.
En outre, l'article 5 du règlement précité
définit, quant à lui, les règles relatives à
l'arrondi après conversion.
Il prévoit, dans la mesure
où il n'existe pas de millième d'euro, que "
les sommes
d'argent à payer ou à comptabiliser...sont arrondies au cent
supérieur ou inférieur le plus proche"
, soit deux
décimales après la virgule. Si un résultat de conversion
en euro se situe exactement au milieu (troisième décimale
égale à 5), la somme sera arrondie au chiffre supérieur.
L'application des règles posées par les articles 4 et 5 du
règlement pose toutefois problème dans la mesure où,
en
cas de conversions successives,
la somme finalement obtenue peut
différer légèrement de celle existant initialement.
Les écarts enregistrés seront toujours très faibles, de
l'ordre de quelques centimes. Mais les gains ou les pertes peuvent devenir
significatifs pour l'une des deux parties à la transaction, en cas
d'accumulation d'un nombre important d'écarts résultant d'une
multiplicité d'opérations donnant lieu à conversion.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.
Section 6
Dispositions fiscales
ARTICLE 22
Harmonisation des règles d'arrondissement en
matière fiscale
Commentaire : le présent article a pour objet
d'unifier les règles d'arrondissement des bases d'imposition et de
liquidation des impositions fiscales.
I. LE DROIT ACTUEL EST MARQUÉ PAR UNE GRANDE DIVERSITÉ DES
RÈGLES D'ARRONDISSEMENT EN MATIÈRE FISCALE
Le droit actuel se caractérise par une grande complexité des
règles d'arrondissement en matière fiscale. Non seulement
celles-ci varient d'un impôt à l'autre, mais les principes
concernant les bases d'imposition ou les bases de liquidation de l'impôt
(cotisations) diffèrent également.
A. LES RÈGLES D'ARRONDISSEMENT POUR LES BASES D'IMPOSITION
La règle générale en matière d'arrondissement des
bases d'imposition est celle de l'arrondissement au franc inférieur.
Ainsi, une note du ministre de l'économie du 30 avril 1976
précise que la règle de l'arrondissement
au franc
inférieur
constitue le principe général
"
applicable à tous les éléments qui concourent
à la détermination des bases d'imposition
" et commun
"
à tous les impôts et taxes, sauf dispositions plus
favorables prévues par le code général des impôts
à l'égard des contribuables
".
En réalité, cette règle souffre de nombreuses exceptions.
Ainsi, la détermination de la base d'imposition de la taxe sur la
valeur ajoutée est régie par le principe de l'arrondissement
au franc le plus voisin
. En effet l'article 270 du code
général des impôts dispose que la taxe sur la valeur
ajoutée "
frappe les sommes imposables suivies de franc en
franc, l'arrondissement étant opéré au franc le plus
voisin
".
En revanche, la détermination de la base d'imposition de l'impôt
sur les sociétés est régie par le principe de
l'arrondissement à
la dizaine de francs inférieure
. Le
premier paragraphe de l'article 219 du code général des
impôts dispose que "
pour le calcul de l'impôt, toute
fraction du bénéfice imposable inférieure à
10 francs est négligée
".
Cette règle est également valable pour le calcul des bases
d'imposition de :
-
l'impôt sur le revenu
, en vertu de l'article 193 du code
général des impôts qui précise que le revenu
imposable est arrondi à la dizaine de francs inférieure pour le
calcul de l'impôt sur le revenu ;
-
les taxes sur les salaires
, en vertu de l'article 225 du même
code qui dispose que "
pour le calcul de la taxe, toute fraction
n'excédant pas 10 francs est négligée
" ;
-
la taxe d'habitation
en vertu de l'article 310 H de l'annexe II du
code général des impôts qui précise que la valeur
locative est arrondie à la dizaine de francs inférieure ;
-
les taxes foncières et la taxe d'habitation
ainsi que les taxes
annexes correspondantes en vertu du deuxième alinéa du 1 de
l'article 1657 qui dispose que
" les bases des taxes foncières
et de la taxe d'habitation ainsi que celles des taxes annexes correspondantes
sont arrondies à la dizaine de francs inférieure "
.
L'article 261 de l'annexe III du code général des impôts
rappelle également qu '"
il est fait abstraction des fractions de
sommes et valeurs inférieures à 10 francs pour la perception
du droit ou de la taxe
[...] " prévue par :
- les droits d'enregistrement et les taxes de publicité foncière
ainsi que les prélèvements d'office sur les bons du trésor
et les titres anonymes ;
- l'ensemble des droits d'enregistrement perçus par les communes, les
départements et les régions ;
- et les impositions perçues au profit de certains établissements
publics et d'organismes divers.
B. LES RÈGLES D'ARRONDISSEMENT POUR LE MONTANT DES
COTISATIONS
Selon la nature des cotisations, leur montant peut être arrondi selon
quatre règles différentes : au franc le plus voisin, au franc
inférieur, au franc supérieur et à la dizaine de francs
inférieure.
Obéit à la règle de l'arrondissement
au franc le plus
voisin
le montant des impôts directs de toute nature, sauf les
acomptes provisionnels d'impôt sur le revenu. Le quatrième
alinéa de l'article 1657 du code général des impôts
dispose que "
les cotisations d'impôts directs de toute nature
sont arrondies au franc, les fractions de franc inférieures à
0,50 franc étant négligées et celles de
0,50 franc et au-dessus étant comptées pour 1 franc. Il
en est de même du montant des majorations, réductions et
dégrèvements
".
Obéit à la règle de l'arrondissement
au franc
inférieur
le montant de tous les impôts et les taxes autres
que les impôts directs, notamment la TVA, les droits d'enregistrement,
l'impôt de solidarité sur la fortune et les produits domaniaux. En
effet, l'article 1724 dispose que "
sous réserve de ce qui est
dit à l'article 1657, la liquidation de toutes sommes à recevoir,
à quelque titre et pour quelque cause que ce soit, est
opérée en négligeant les centimes. Il est
procédé à cet arrondissement au niveau du décompte
de chaque impôt ou taxe
". De même, le montant des
acomptes pour l'impôt sur les sociétés est arrondi au franc
inférieur en vertu du dernier alinéa de l'article 360 de l'annexe
II du code général des impôts.
Obéit à la règle de l'arrondissement
au franc
supérieur
le montant de tous les avoirs fiscaux et des
crédits d'impôt.
Enfin, obéit à la règle de l'arrondissement à la
dizaine de francs supérieure
le montant de chaque acompte de
l'impôt sur le revenu conformément au deuxième
alinéa de l'article 357 B de l'annexe III du code général
des impôts.
Est ainsi démontrée l'excessive complexité des
règles relatives à l'arrondissement des bases d'imposition et des
cotisations.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE HARMONISATION DES RÈGLES
D'ARRONDISSEMENT
A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article propose d'unifier les règles d'arrondissement
des bases d'imposition et de liquidation de l'impôt.
Il prévoit que les
bases des impositions de toute nature soient
arrondies au franc ou à l'euro le plus proche
et que la fraction de
franc ou d'euro égale à 0,50 soit comptée pour 1. En
outre, toute disposition contraire est abrogée.
Cet article permet donc d'imposer
une règle unique
d'arrondissement
en matière fiscale.
En outre,
il anticipe sur le passage à l'euro
puisqu'il
prévoit que le principe de l'arrondissement en matière fiscale
s'appliquera également lorsque les opérations de fixation des
bases d'imposition et de liquidation s'effectueront en euro.
B. L'IMPACT DE CE DISPOSITIF SUR LES RECETTES FISCALES
Selon les informations contenues dans l'étude d'impact annexée
au présent projet de loi, cette mesure n'aurait pas de
conséquence significative.
En effet, en ce qui concerne les bases de liquidation, les arrondissements
à l'unité inférieure et à l'unité
supérieure devraient globalement se neutraliser.
En revanche, la disparition de l'arrondi à la dizaine inférieure
devrait se traduire par un gain pour l'Etat en ce qui concerne les bases
d'imposition. Toutefois, ce dernier doit être relativisé et ne
devrait pas dépasser 38 millions de francs. Ainsi, pour
l'impôt sur le revenu, il devrait atteindre onze millions de francs sur
un montant de 294,7 milliards de francs de recettes prévus au titre
de cet impôt par la loi de finances pour 1998.
Cette mesure devrait également avantager les collectivités
territoriales. L'article 1657 du code général des impôts
fixe les règles relatives à l'établissement et la mise en
recouvrement des rôles.
En ce qui concerne les bases d'imposition
, le deuxième
alinéa du 1 de cet article dispose que "
les bases des taxes
foncières et de la taxe d'habitation ainsi que celles des taxes annexes
correspondantes sont arrondies à la dizaine de francs
inférieure
".
Le passage à la règle d'arrondissement au franc le plus
proche va donc entraîner une augmentation des bases des taxes
foncières et de la taxe d'habitation que l'administration fiscale
répercutera directement sur les bases notifiées par les
collectivités locales.
Toutefois, les
gains
générés par cette mesure
seront
très limités,
puisqu'ils sont estimés entre
5 et 10 millions de francs.
En revanche, les bases d'imposition de la taxe professionnelle obéissent
déjà à la règle de l'arrondissement au franc le
plus proche. La mesure proposée par le présent article ne
modifiera donc pas ces dernières.
En ce qui concerne les bases de liquidation
, le troisième
alinéa du 1 de l'article 1657 précité dispose que
"
les taux applicables aux bases de cotisations pour le calcul des
impositions directes locales sont exprimés avec trois chiffres
significatifs, le troisième chiffre étant augmenté d'une
unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur
à 5
".
Les cotisations obéissent donc déjà à la
règle de l'arrondissement au franc le plus proche. Elles ne seront donc
pas affectées par la mesure proposée par le présent
article.
Décision de votre commission : votre commission propose
d'adopter cet article sans modification.