ARTICLE 30

Rachat par une société de ses propres actions

Commentaire : le présent article propose d'assouplir le régime juridique et fiscal du rachat par les sociétés de leurs propres actions.

Le rachat par une entreprise de ses propres actions est, dans les pays anglo-saxons, une opération financière banale et de plus en plus fréquente. Elle constitue, pour l'entreprise, un instrument de gestion des capitaux propres permettant, notamment, d'améliorer ses ratios de rentabilité du capital. Pour l'actionnaire, c'est un moyen de partager les richesses accumulées, dans la droite ligne des théories de la " shareholder value " et du " corporate governance ". Enfin, d'un point de vue macro-économique, elle permet une meilleure allocation des ressources en rendant au marché des capitaux promis à une moindre rentabilité et qui pourront être investis dans d'autres entreprises, ou, plus largement, dans d'autres placements plus rentables.

En France, ce type d'opérations se heurte à un régime juridique particulièrement rigide qui ne permet d'envisager les rachats d'actions que pour des opérations véritablement structurelles, précédant bien souvent un retrait du marché. C'est pourquoi, depuis plusieurs années, un mouvement de réflexion, associant professionnels et pouvoirs publics, s'est engagé en faveur de l'assouplissement de ce régime.

Le présent article propose de donner suite à cette réflexion et constitue un premier pas dans le sens d'une modernisation du droit des sociétés.

I. LA SITUATION ACTUELLE

La situation actuelle se caractérise par un régime juridique et fiscal peu propice au rachat par une société de ses propres actions, source d'insatisfaction pour les professionnels qui en demandent la modernisation.

A. UN REGIME JURIDIQUE ET FISCAL PEU PROPICE AU RACHAT D'ACTIONS

Il faut distinguer aujourd'hui deux types d'opérations de rachat qui répondent à des logiques bien différentes :

- d'une part les opérations de rachat qui se réalisent par voie de réduction du capital . Il s'agit essentiellement du " rachat d'actions non motivé par des pertes " dont le régime juridique est défini par les articles 215 et 216 de la loi de 1966 44( * ) . Ces opérations obéissent à une logique purement financière, mais sont enserrées dans une procédure particulièrement lourde et dissuasive , l'offre publique de rachat (OPRA), et se heurtent de surcroît à des contraintes fiscales ;

- d'autre part, les opérations de rachat qui se réalisent sans réduction du capital mais dont les objectifs sont particulièrement étroits. Il s'agit, d'une part, de la procédure dite de " régularisation des cours ", définie à l'article 217-2 de la loi de 1966 et, d'autre part, du rachat d'actions en vue de faire participer les salariés aux résultats de l'entreprise (participation, stock-options) fixé par l'article 217-1 de cette même loi 45( * ) .

1. Le rachat d'actions avec réduction du capital (rachat d'actions non motivé par des pertes)

La réduction du capital non motivée par des pertes est ouverte à toutes les entreprises, qu'elles soient ou non cotées, et n'est pas limitée. Elle obéit à une motivation financière, mais est enserrée dans un régime juridique très contraignant.

a) Motivations

L'actuel développement des rachats d'actions permet de mettre en valeur les aspects positifs, pour l'actionnaire, de ce type d'opérations, notamment en termes de création de valeur : les actionnaires vendeurs enregistrent une prime par rapport au cours normal. En 1996, cette prime a évolué entre + 5,1 % et + 150 % 46( * ) ; pour les actionnaires qui décident de ne pas vendre, le rachat peut créer un effet positif sur le bénéfice par action ou sur l'actif net par action.

Pour les entreprises, le rachat d'actions avec réduction du capital peut être intéressant dans une période de bas taux d'intérêt, lorsque la rémunération d'une trésorerie abondante n'est plus jugée suffisamment intéressante, ou lorsque les possibilités de croissance externe, c'est-à-dire par rachat de sociétés concurrentes, ne sont pas suffisantes.

b) Régime juridique et fiscal

1) Le régime juridique

Tout d'abord, la réduction du capital n'étant pas motivée par des pertes, celle-ci n'est pas toujours possible, compte tenu de certains obstacles : émission par la société d'obligations échangeables (article L. 206 al. 1), d'obligations convertibles (L. 195 al. 5) ou encore d'obligations à bons de souscription (L. 194-4 al. 1 er ).

En outre , le rachat est parfois contraint par un ordre de priorité : la société qui a émis des actions à dividende prioritaire sans droit de vote doit racheter prioritairement ces actions prioritaires (art. L. 267-7 al. 2).

La procédure de droit commun (article 217 deuxième alinéa et articles 215 et 216) est particulièrement lourde.

Elle doit être autorisée par l'Assemblée générale extraordinaire (AGE) et être étendue à l'ensemble des actions de la société . Les commissaires aux comptes établissent un rapport spécial où ils font connaître leur appréciation sur l'opération au regard notamment de l'égalité des actionnaires.

L 'AGE peut certes déléguer au conseil d'administration ou au directoire tous pouvoirs pour réaliser l'opération de réduction du capital. Mais cette délégation ne peut pas porter sur les conditions essentielles de l'opération qu'il appartient de fixer : le montant de la réduction, le nombre de titres concernés, le choix de la méthode de réduction.

Le projet de réduction du capital doit être accepté par l'ensemble des créanciers de l'entreprise . Ceux-ci disposent pour se prononcer d'un délai de trente jours à compter de la " date du dépôt au greffe du procès-verbal de délibération de l'AGE qui a décidé ou autorisé la réduction ".

Si le nombre d'actions présentées à l'offre est supérieur à la quantité souhaitée, il est procédé pour chaque actionnaire vendeur à une réduction proportionnelle au nombre d'actions " dont il justifie être propriétaire au moment du rachat " et non pas au nombre d'actions qu'il apporte à l'offre.

Mais la principale difficulté vient, pour les sociétés cotées, de la nécessité de procéder à une offre publique de rachat (OPRA) comme le précise l'article 181 du décret du 23 mars 1967.

" Art. 181. Lorsque la société a décidé de procéder à l'achat de ses propres actions en vue de les annuler et de réduire son capital à due concurrence, elle doit faire cette offre d'achat à tous les actionnaires.

" A cette fin, un avis d'achat est inséré dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans le département du siège social et, en outre, si la société fait publiquement appel à l'épargne, au Bulletin des annonces légales obligatoires. (...) "


Cette offre est une offre simplifiée aux termes de l'article 5-3-2 du règlement du Conseil des bourses de valeur (CBV). Néanmoins, l'article R 14 du règlement COB n° 89-03 oblige pour sa part l'initiateur à rédiger une note d'information quand la société procède au rachat de ses actions et la COB se montre vigilante quant à l'information délivrée sur les motivations et les conditions de l'opération.

Comme le montre le rapport Esambert (voir infra), le calendrier juridique d'une OPRA est en moyenne de l'ordre de trois mois.

Cette procédure est donc à la fois longue, lourde et conçue pour la réalisation d'une opération exceptionnelle dans la vie de l'entreprise. En outre, elle est assortie d'un régime fiscal dissuasif.

2) Le régime fiscal

La procédure de rachat n'est guère intéressante pour les actionnaires, dans la mesure où elle a la nature juridique d'un remboursement et non d'une cession de titres. Le gain réalisé par le propriétaire des titres rachetés constitue donc un revenu mobilier imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu (articles 109-1, 112 et 158-3 du code général des impôts -CGI-) et non un gain imposable au taux réduit de 16 % dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Les sommes reçues étant considérées comme des revenus mobiliers, elles n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal contrairement à ce qui se produit pour les dividendes.

Cette solution n'apparaît guère satisfaisante en équité, puisque lorsque l'associé se retire en cédant ses titres à un tiers, il bénéficie du taux réduit des plus-values, alors que dans le cas où il accepte de vendre ses titres à la société, il supporte l'impôt progressif.

2. Le rachat d'actions sans réduction du capital

Le rachat par une société de ses propres actions, hors réduction du capital, apparaît comme une pratique interdite (article L. 217 de la loi de 1966). Cette interdiction de principe supporte toutefois quelques dérogations, mais celles-ci sont trop restrictives pour autoriser une gestion financière du capital.

a) Le principe de l'interdiction du rachat par une société de ses propres actions, hors réduction du capital

Comme le fait justement remarquer le professeur Alain Couret 47( * ) " la pratique du rachat d'actions est généralement perçue par les juristes de façon négative et cette perception trouve sa traduction dans la loi du 24 juillet 1966 franchement hostile aux opérations de ce type, hostilité encore renforcée par la transposition de la deuxième directive du Conseil des Communautés européennes par la loi du 30 décembre 1981".

1) Le fondement de l'interdiction

L'interdiction de racheter repose sur des justifications très anciennes, la doctrine classique considérant qu'une société ne peut être à la fois créancière et débitrice d'elle-même. Or le rachat introduit une confusion des qualités qui est conceptuellement dérangeante.

Par ailleurs, la doctrine s'accorde à voir dans le capital social, outre la clef de répartition des droits des associés, le gage des créanciers 48( * ) . Réduire le capital, c'est donc porter atteinte aux garanties des créanciers.

Enfin, on peut encore évoquer la crainte de voir une société spéculer sur ses propres titres et accomplir ainsi une activité étrangère à l'objet de ses statuts.

Dans le droit fil de cette conception, la deuxième directive européenne n° 77-91 du 13 décembre 1976, modifiée par la directive n° 92-101 du 23 novembre 1992, indique que l'objectif de l'interdiction est de maintenir l'intégrité du capital et l'égalité des actionnaires.

2) Les sanctions juridiques attachées

La loi de 1966 attache au principe de l'interdiction deux sortes de sanctions :

- des sanctions civiles : l'article 217-7 oblige à libérer les actions irrégulièrement souscrites ou acquises ; ces actions devant être cédées dans le délai d'un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition et annulées à l'expiration de ce délai ;

- des sanctions pénales : l'article 454-1, alinéa premier punit d'une amende de 60.000 francs le président, les administrateurs ou les directeurs d'une société anonyme ayant, au nom de la société, souscrit, acquis, pris en gage, conservé ou vendu des actions en violation des dispositions légales.

Par ailleurs, on observera que l'article 217-9 interdit à une société d'avancer des fonds, d'accorder des prêts ou de consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers.

b) Les dérogations actuelles

Les dérogations à ce principe sont fixées par la loi et font l'objet d'une interprétation restrictive. Il s'agit, d'une part, du rachat en vue de faire participer les salariés aux résultats de l'entreprise ou du rachat par les sociétés qui consentent à leurs salariés des options d'achat de leurs actions et, d'autre part, de mener des opérations de régularisation des cours.

1) Le rachat d'actions pour les salariés (article 217-1)

Cette possibilité est prévue par l'article 217-1 de la loi de 1966 qui se contente de préciser que les actions doivent être attribuées ou les options consenties dans le délai d'un an à compter de l'acquisition.

Cette possibilité, pourtant soumise à peu de contraintes, n'a pas été beaucoup utilisée, à l'exception de sociétés qui souhaitaient éviter la dilution d'un actionnariat principal, souvent familial (L'Oréal, LVMH, Legrand, Carrefour, Promodès....). Signe des temps, certaines entreprises qui avaient mis en place des plans d'options de souscription d'actions rachètent depuis quelques mois leurs actions pour neutraliser l'effet dilutif, à l'instar de Total ou de la Générale des Eaux.

2) Le rachat d'actions à des fins de régularisation des cours (article 217-2)

Ce régime est assez restrictif. Outre l'autorisation de l'assemblée générale ordinaire, le rachat doit en effet obéir à un certain nombre de conditions :

- les titres acquis ne peuvent conduire la société à détenir plus de 10 % de son propre capital social, compte tenu des titres qu'elle détient déjà ;

- l'acquisition ne peut avoir pour effet d'abaisser les capitaux propres à un montant inférieur à celui du capital augmenté des réserves non distribuables ;

- les actions rachetées entrent dans le portefeuille des titres de la société, mais perdent tous leurs droits (droit de vote, droits aux dividendes...) à l'exception du droit d'attribution. La société peut par la suite les revendre sur le marché, les utiliser pour procéder à des acquisitions ou les attribuer aux salariés, voire les annuler si l'assemblée générale des actionnaires le décide ;

- la société doit disposer de réserves, autres que la réserve légale, d'un montant au moins égal à la valeur de l'ensemble des actions qu'elle possède ;

- la société doit informer la COB des opérations qu'elle envisage et lui rendre compte des acquisitions réalisées, tenir un registre des achats et ventes et donner une information dans le rapport annuel sur les opérations effectuées.

En outre, la COB a complété l'article 217-2 par son règlement n° 90-04. Pour être présumées légitimes, les opérations doivent avoir pour objectif de " réduire les fluctuations excessives de cours ". Les interventions doivent être réalisées en " contre-tendance " par rapport au dernier cours coté, par l'intermédiaire d'une seule société de bourse et ne pas dépasser le quart de la moyenne quotidienne du volume de transactions constatées sur une période de référence pendant l'intervention.

Si la société décide d'annuler les actions qu'elle a acquises dans le cadre d'une intervention de régularisation, elle se trouve soumise à la procédure des articles 215 et 216 et donc confrontée au formalisme de cette procédure (voir supra ). Néanmoins, comme ces annulations s'effectuent sur des titres déjà autodétenus, la doctrine dominante considère que la société n'est pas tenue de faire une offre à l'ensemble des actionnaires et que cette réduction du capital ne requiert pas le dépôt d'une OPRA.

Cette procédure, assez spécifiquement française, est donc largement inadaptée à l'objectif de gestion économique du capital.

C'est dans ce contexte que s'est fait jour, depuis plusieurs années, une demande de modernisation de cette législation.

B. UNE FORTE DEMANDE DE MODERNISATION

L'arrivée en masse d'investisseurs étrangers sur les marchés financiers français s'est traduite par une importance accrue accordée aux ratios de rentabilité des entreprises, mais aussi à leur capacité à se recentrer sur leur coeur de métier ( core business ) et à se défaire des participations croisées. Par ailleurs l'importance de l'autofinancement, dans un contexte de bas taux d'intérêt a conduit les entreprises à s'interroger sur l'utilisation de leurs trésoreries. Ces deux facteurs conjugués ont conduit entreprises et investisseurs à demander un assouplissement du cadre juridique et fiscal des rachats d'actions et de l'annulation de titres.

Cette demande a fait l'objet d'un examen précis de la part des pouvoirs publics.

Déjà en juillet 1996, votre rapporteur, dans le cadre du rapport sur la modernisation du droit des sociétés 49( * ) remis au Premier ministre avait proposé " d'améliorer et (de) compléter le régime du rachat par une société de ses propres actions ". Plus précisément, il était recommandé :

- d'améliorer le régime juridique de la procédure de régularisation de cours ;

- d'autoriser les sociétés à racheter leurs propres actions à des fins différentes de la régulation de cours, dans une limite globale définie par la loi ;

- de préciser la rédaction de l'article 217-9 relatif à l'interdiction pour une société de consentir des prêts pour l'achat de ses propres actions.

Plus récemment, la COB a mandaté un membre de son collège, M. Bernard Esambert, afin de lui faire rapport sur cette question. Le rapport de M. Esambert publié en janvier 1998 propose lui aussi de " libéraliser le rachat d'actions " en substituant au principe général de l'interdiction, un régime d'autorisation, néanmoins encadré afin de garantir la transparence et les droits des différentes parties prenantes à l'opération.

Cette réforme utile à l'économie française est rendue possible dans le cadre de la directive européenne.

1. Les motivations de la réforme

Outre la volonté de permettre une meilleure gestion financière du capital, la réforme du cadre légal est justifiée par la nécessité de mettre un terme aux détournements de procédure constatés. A ces deux arguments, le gouvernement ajoute deux arguments d'ordre macro-économiques dont la pertinence mérite d'être soulignée.

a) Permettre une meilleure gestion financière du capital

Comme cela a déjà été indiqué, le rachat d'actions est un outil de gestion financière sur le moyen terme, à la disposition des dirigeants de l'entreprise. Il permet notamment :

- d'arbitrer avec le paiement de dividendes ;

- de " piloter " les capitaux propres afin d'améliorer mécaniquement les ratios de rentabilité et notamment le célèbre " return on equity " (ROE) ;

- d'optimiser l'allocation des ressources financières et d'abaisser le coût moyen du capital ;

- de gérer la sortie du capital d'un actionnaire, sans peser sur le cours de bourse (décroisement de participations, privatisation) ;

- d'empêcher la dilution liée à certaines opérations de financement utilisant des titres donnant accès indirectement au capital (obligations convertibles, obligations à bons de souscription d'actions) ou de motivation des salariés ( stock options).

Enfin le rachat d'actions doit permettre le partage des richesses avec les actionnaires en leur redistribuant une partie de la richesse accumulée.

b) Mettre fin aux détournements de procédure

Comme le met en évidence le rapport Esambert, l'inadaptation de la législation actuelle favorise des pratiques de contournement. Sont ainsi apparus des pratiques ou des montages visant à permettre des rachats d'actions en dehors du cadre strict défini pour l'offre publique de rachat d'actions.

En premier lieu, un certain nombre de montages juridiques permettent de contourner l'interdiction pour une société d'accorder des prêts en vue de l'achat de ses propres actions.

Surtout, l'interdiction du rachat de ses propres actions peut être contournée par des opérations au sein d'un groupe par le biais de filiales ou de sous-filiales.

Enfin, la COB a récemment eu connaissance de plusieurs projets visant à permettre à une société de racheter ses propres actions par l'utilisation de bons de cession, sans passer par la procédure de l'offre publique de rachat.

c) Favoriser l'allocation du capital et renforcer les procédures anti-OPA

Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement invoque la nécessité " d'optimiser l'allocation des flux d'épargne au sein de l'économie française (...)". " Grâce à cette technique, les sociétés ayant atteint un stade de maturité avancé peuvent rendre leurs capitaux excédentaires au marché, ce dernier finançant ainsi l'investissement d'autres sociétés, en phase de croissance ou de développement rapide. L'insuffisance du capital en France rend une telle mesure particulièrement nécessaire afin de soutenir la croissance en fonds propres des entreprises ".

Cette justification, reprise par le rapporteur général de l'Assemblée générale, M. Didier Migaud, 50( * ) est sans conteste fondée.

On remarquera néanmoins que l'intérêt de cette démonstration est moins de servir la réforme ponctuelle, et à vrai dire assez technique qui nous occupe aujourd'hui, que de servir de jalon dans l'histoire des idées politiques, puisqu'elle repose, de façon très explicite, sur l'idée que le marché est le moyen le plus efficace et le plus sûr de distribuer cette ressource rare que constitue le capital.

Par ailleurs, il est également vrai que la procédure du rachat d'actions peut servir à renforcer le système de défense d'une société cotée dont les titres feraient, ou seraient en passe de faire, l'objet d'une OPA. En effet, le rachat d'actions ayant pour effet d'augmenter le cours des actions de la société en question, celle-ci devient plus chère, et donc plus difficile à acquérir, pour les éventuels acheteurs.

2. Le cadre général de la directive européenne

Les règles posées par la deuxième directive 77/91 du 13 décembre 1976 en matière de rachats d'actions dessinent un cadre juridique plus libéral que la législation française.

Elle autorise en effet les rachats d'actions, indépendamment de toute réduction de capital, dans la limite de 10 % du capital. Elle soumet toutefois cette procédure aux conditions suivantes :

- l'autorisation d'acquérir doit être accordée par l'Assemblée générale qui fixe les modalités d'acquisition envisagées, et notamment, le nombre maximal d'actions à acquérir, la durée pour laquelle l'autorisation est accordée, celle-ci ne devant pas excéder 18 mois, et des fourchettes de prix ;

- les acquisitions ne peuvent avoir pour effet que l'actif net devienne inférieur au montant du capital souscrit augmenté des réserves non distribuables.

Ce formalisme peut être évité lorsque " l'acquisition d'actions propres est nécessaire pour éviter à la société un dommage grave et imminent ", c'est à dire en pratique la défense anti-OPA. Dans cette hypothèse, c'est l'assemblée générale suivante qui devra être informée des raisons et des modalités des acquisitions effectuées.

Les actions qui ne sont pas acquises en vue d'une réduction du capital doivent être cédées dans un délai de trois ans au maximum. A défaut, les actions doivent être annulées.

Les titres autodétenus sont privés de droit de vote. La société qui détient des titres en autocontrôle doit par ailleurs mentionner dans un rapport de gestion les raisons des acquisitions effectuées pendant l'exercice ainsi que le nombre et la valeur des actions acquises et la fraction du capital qu'elles représentent.

S'agissant des rachats avec réduction du capital, la directive prévoit seulement que toute réduction du capital soit subordonnée à une décision de l'assemblée générale à une majorité d'au moins les 2/3 des actionnaires. Cette décision doit faire l'objet d'une publicité et les droits des créanciers doivent être respectés.

Dans ce contexte, le présent article nous propose d'assouplir considérablement le régime juridique du rachat d'actions.

II. LES AMÉNAGEMENTS PROPOSÉS PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article comporte trois modifications par rapport au texte existant :

A. LE PASSAGE D'UN PRINCIPE D'INTERDICTION À UN PRINCIPE D'AUTORISATION

Le 2° du paragraphe I du présent article propose de modifier l'article 217 de la loi de 1966 qui, dans sa rédaction actuelle, édicte l'interdiction pour une société de souscrire ou d'acheter ses propres actions (alinéa premier), sauf cas de réduction de capital non motivée par des pertes (deuxième alinéa) et prévoit la sanction civile de libération des actions souscrites ou acquises en violation de la loi (troisième et quatrième alinéas).

Désormais cet article comprendrait deux paragraphes :

Le paragraphe I , comme antérieurement, interdira la " souscription " par une société de ses propres actions. Cette affirmation de principe tient au fait que la substance même du capital social interdit qu'une société puisse se faire à elle-même une promesse d'apport.

Ce paragraphe continuera d'assortir ce principe de sanctions civiles, mais qui, par coordination, ne viseront plus que la souscription et non l'achat.

Par ailleurs, le régime des sanctions pénales attachées à l'interdiction de racheter ses propres actions sera modifié en conséquence (9° et 10° du paragraphe I du présent article).

En revanche, le deuxième alinéa qui, dans sa réduction actuelle, prévoit la possibilité pour une société de racheter ses propres actions en cas de réduction du capital non motivée par des pertes, sera transféré dans un article additionnel après l'article 217 : l'article 217 1 A.

Précisément, le paragraphe II du nouvel article 217 posera le principe de l'autorisation pour une société d'acheter ses propres actions et renverra à d'autres articles la fixation de ses modalités de mise en oeuvre. En vertu du second alinéa de ce même paragraphe, le rachat d'actions devra impérativement transiter par un intermédiaire financier agréé et non par un prête-nom.

Il y aurait donc désormais trois procédures de rachat d'actions :

- l'ancienne procédure de rachat avec réduction du capital non motivée par des pertes, dont les formalités sont très légèrement allégées ;

- l'ancienne procédure de rachat d'actions pour les salariés qui reste inchangée ;

- une nouvelle procédure simplifiée de rachat, susceptible de déboucher sur une réduction du capital, mais dans une limite globale de 10 % du capital social fixée par la loi, et qui se substitue à l'ancienne procédure de rachat en vue de régularisation de cours.

B. L'INSTITUTION D'UNE PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RACHAT D'ACTIONS POUR LES SOCIETES COTEES EN REMPLACEMENT DE L'ANCIENNE PROCEDURE DE ACTION EN REGULARISATION DE COURS

1. Le régime juridique


Cette nouvelle procédure sera fixée par l'article 217-2 de la loi de 1966 et ne sera ouverte qu'aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, c'est à dire les sociétés cotées . Le rachat devra, en principe, intervenir " en bourse ", du fait de l'obligation de concentration des transactions sur instruments financiers négociés sur un marché réglementé (article 45 de la loi financière).

La décision de recourir à cette procédure sera de la compétence de l'assemblée générale ordinaire et devra prévoir :

- les finalités de l'opération . Il s'agit des objectifs généraux de l'opération qui pourront être, par exemple, la correction d'un excès de fonds propres ou la régularisation du cours des actions ;

- ses modalités . Parmi celles-ci devront figurer obligatoirement la durée pendant laquelle le directoire ou le conseil d'administration, selon le cas, sera autorisé à proposer une offre de rachat et le plafond de l'offre . Cette offre devra nécessairement intervenir dans un délai de dix-huit mois à compter de la date de l'autorisation donnée par l'assemblée. Quant au plafond, il ne pourra excéder 10 % du capital . Comme on peut le constater, plafond et durée sont directement repris de la deuxième directive précitée du Conseil du 13 décembre 1976. En revanche, et contrairement au texte actuel, l'autorisation de l'assemblée ne devra plus nécessairement fixer les prix maximum d'achat minimum de vente, le nombre maximum d'actions à acquérir.

L'Assemblée nationale a souhaité compléter les formalités obligatoires de cette procédure par l'information du comité d'entreprise.

Le deuxième alinéa du texte proposé prévoit que " l'acquisition, la cession ou le transfert " des actions pourra être effectué " par tous moyens ". Cette expression est destinée à lever l'ambiguïté actuelle résultant de la rédaction de l'article 217-2 qui ne vise que les cas de cession et de transfert et pas les cas d'acquisition 51( * ) . Elle a également pour objet de prévoir le cas où, par dérogation à la règle de concentration, les actions seraient acquises, cédées ou transférées hors marché.

Les actions rachetées pourront donc soit être vendues ou transférées, soit annulées, mais à la différence de la procédure actuelle, il ne sera plus nécessaire dans ce cas de recourir à la procédure de l'offre publique de retrait prévue par les articles 215 et 216, comme c'est le cas actuellement, même si les règles générales de la procédure de réduction du capital s'appliqueront (voir supra ). Il s'agit là de la principale modification apportée par ce texte.

L'annulation des actions rachetées est soumise à une autorisation, ou directement décidée, par l'assemblée générale extraordinaire.

En cas d'annulation, un rapport spécial des commissaires aux comptes sur l'opération devra être communiqué directement aux actionnaires de la société dans un délai fixé par décret.

Par ailleurs, la société devra informer, chaque mois, le CMF des achats, cessions, transferts et annulations ainsi réalisés, lequel portera ces informations " à la connaissance du public ".

On observera à cet égard que le dispositif proposé ne règle pas la question du chevauchement de compétence entre la COB et le CMF, puisque l'article 217-5 qui prévoit que " les sociétés doivent déclarer à la Commission des opérations de bourse les opérations qu'elles envisagent d'effectuer en application des dispositions de l'article 217-2 (...) " demeure inchangé.

Les possibilités d'utiliser la procédure de rachat d'actions pour abonder les plans de participation, d'intéressement ou encore pour accorder des options d'achat d'actions ( stock options ) demeurent inchangées.

Enfin, la modification de l'article 217-3 prévue par le 6° du I du présent article, prévoit, afin de lever toute ambiguïté, de reprendre l'obligation déjà prévue à l'article 164 de la loi de 1966 et selon lequel, les actions autodétenues sont privées de droit de vote.

2. Le régime fiscal

Actuellement, le régime fiscal des opérations de rachat d'actions résulte de la combinaison des articles 109, 112 et 160 ter du code général des impôts (CGI).

L'article 109 pose le principe que ces gains constituent une distribution de revenus et relèvent en conséquence de l'application du barème progressif. Toutefois, ces gains n'ouvrent pas droit au bénéfice de l'avoir fiscal.

Par dérogation à cet article 109, l'article 112, 6° prévoit que, dans les cas de rachat d'actions pour régularisation de cours ou à des fins de participation des salariés, les gains retirés du rachat sont soumis au régime plus avantageux des plus-values de cessions sur valeurs mobilières.

L'article 160 ter est redondant avec l'article 109 puisqu'il prévoit que les gains retirés de rachats d'actions résultant de la procédure de régularisation de cours ou de participation des salariés sont " exonérés du revenu ". Cette rédaction ambiguë ne signifie pas qu'il s'agit d'une exonération d'impôt, mais uniquement de la non application du barème progressif sur le revenu selon les règles des plus-values.

La situation actuelle est donc la suivante :

- rachat avec réduction du capital non motivée par des pertes : imposition au barème ;

- rachat, sans réduction du capital, à des fins de régularisation de cours : imposition selon le régime des plus-values ;

- rachat, sans réduction du capital, à des fins de participation des salariés : imposition selon le régime des plus-values.

Le présent article prévoit de confirmer ce dispositif pour ce qui est du rachat non motivé par des pertes et du rachat à des fins de participation des salariés.

Par ailleurs, il ferait bénéficier le nouveau régime de l'article 217-2 de rachat simplifié, du régime actuel du rachat à des fins de régularisation des cours.

Enfin, il supprimerait les dispositions de l'article 160 ter du CGI afin de lever toute ambiguïté sur l'absence d'exonération.

Il s'en suit que des opérations de rachat avec réduction du capital pourront être :

- soit taxées au barème si elles ont lieu dans le cadre de la procédure générale de rachat non motivé par des pertes et pouvant porter sur plus de 10 % du capital ;

- soit taxées au régime des plus-values, si elles ont lieu dans le cadre de la procédure de rachat simplifié, ne pouvant porter que sur 10 % au plus du capital.

C. L'ALLEGEMENT DE LA PROCEDURE DE RACHAT D'ACTIONS NON MOTIVE PAR DES PERTES

Cette procédure, désormais fixée par l'article 217-1-A de la loi de 1966, serait très légèrement modifiée sur deux points :

En premier lieu, le rapport des commissaires aux comptes sur le projet de réduction du capital devrait être désormais communiqué à chaque actionnaire dans un délai fixé par décret (modification résultant du 1° du paragraphe I du présent article).

En second lieu, l'interdiction actuelle de recourir à cette procédure en cas d'existence d'un emprunt obligataire complexe non encore abouti en titres de capital, serait supprimée ( 6  et le 7° du paragraphe I du présent article ). Ainsi, un rachat d'actions avec réduction du capital, non motivé par des pertes, serait possible même en présence :

- d'obligations à bons de souscription en cours de validité ;

- d'obligations convertibles en actions ;

- d'obligations échangeables en actions non encore échangées ou remboursées.

Décision de votre commission : Votre commission vous demande d'adopter le présent article sans modification.

Section 8

Dispositions relatives à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

ARTICLE 31

Dispositions relatives à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

Commentaire : le présent article propose des modifications permettant l'émission et la mise en circulation de l'euro dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon sont les deux collectivités territoriales d'outre-mer de la République française à statut spécial. Elles sont associées à la Communauté européenne en vertu de l'article 227 alinéa 3 du Traité de Rome mais, contrairement aux départements d'outre-mer, elles n'étaient pas expressément visées par les dispositions du Traité sur l'Union européenne.

Les modifications apportées par le présent article permettront l'introduction de l'euro dans ces deux collectivités, en même temps que dans les départements d'outre-mer.

I - LA SITUATION ACTUELLE

Les textes législatifs actuels doivent être modifiés afin de permettre l'émission et la mise en circulation de l'euro à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Dans l'état actuel du droit français, deux obstacles s'y opposent :

- la référence au " signe monétaire français " dans les textes relatifs aux régimes monétaires de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon,

- l'existence de deux instituts d'émission différents : l'IEDOM à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui assurera l'introduction de l'euro dans ce territoire et dans les départements d'outre-mer, où il est également présent ; et l'IEOM à Mayotte.

A. LA RÉFÉRENCE AU " SIGNE MONÉTAIRE FRANÇAIS "

Les textes actuels 52( * ) prévoient que la monnaie ayant cours légal et pouvoir libératoire à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon est le " signe monétaire français ", qui désigne aujourd'hui le franc français.

Cette situation est incompatible avec l'introduction de l'euro qui n'est pas un " signe monétaire français ".

En outre, le mot " franc " subsistera dans les territoires d'outre-mer, où ne circulera pas l'euro. La référence au " signe monétaire français " pourrait donc se révéler trompeuse par rapport au franc CFP (change franc Pacifique).

B. LA COMPÉTENCE CONTESTABLE DE L'IEOM A MAYOTTE

1. L'IEOM à Mayotte


A Mayotte, la circulation du franc français est assurée par l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM). Cet établissement public à caractère industriel ou commercial a été créé par la loi de finances rectificative pour 1966 et sa compétence a été étendue à Mayotte par deux lois portant diverses dispositions d'ordre économique et financier de 1977 et 1991.

Dans les territoires du Pacifique pour lesquels il est également compétent, l'IEOM met en circulation les francs CFP.

2. L'IEDOM à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les départements d'outre-mer

A Saint-Pierre-et-Miquelon, la circulation du franc français est assurée, comme dans les départements d'outre-mer, par l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM). Cet établissement public à caractère industriel ou commercial a été créé par l'ordonnance de 1959 portant réforme du régime de l'émission dans les départements de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion. Saint-Pierre-et-Miquelon relève de l'IEDOM depuis une loi de 1976 (en effet, ce territoire a été un département d'outre-mer à part entière entre 1976 et 1985).

C'est l'IEDOM qui assurera l'introduction de l'euro dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

3. Il semble peu justifié de maintenir Mayotte dans le champ de compétence de l'IEOM

Comme l'a souligné la Cour des Comptes dans deux rapports de 1996 consacrés à l'IEDOM et à l'IEOM, il paraît peu cohérent de conserver deux instituts d'émission différents ayant dans les départements d'outre-mer, ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte des missions similaires.

Cette anomalie pourrait être résolue en élargissant la compétence de l'IEDOM à Mayotte au détriment de l'IEOM qui se limiterait aux territoires d'outre-mer.

II - LE PROJET DU GOUVERNEMENT

Le présent article propose de créer les conditions de la mise en circulation de l'euro à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon en introduisant dans leurs régimes monétaires respectifs la notion de " signe monétaire métropolitain " et en faisant entrer Mayotte dans le champ de compétence géographique de l'IEDOM.

A. LA RÉFÉRENCE AU " SIGNE MONÉTAIRE MÉTROPOLITAIN "

Les paragraphes I et II proposent de remplacer l'ancienne référence aux " signes monétaires français ", qui ne permet pas l'introduction de l'euro, par une référence aux " signes monétaires ayant cours légal et pouvoir libératoire dans la métropole ", c'est à dire le franc français dans un premier temps, auquel devrait se substituer l'euro.

Ce seront désormais ces signes métropolitains qui auront cours légal et pouvoir libératoire, dans les mêmes conditions, à Mayotte ( paragraphe I ) et à Saint-Pierre-et-Miquelon ( paragraphe II ).

B. LE TRANSFERT DE COMPÉTENCE DE L'IEOM A L'IEDOM

1. Rôles respectifs de l'IEDOM et de l'IEOM après l'introduction de l'euro


C'est l'IEDOM qui sera chargé de l'introduction de l'euro dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.

Le paragraphe I propose donc que l'IEDOM assure, à Mayotte, à partir d'une date fixée par décret, la mise en circulation des signes monétaires métropolitains, dans les mêmes conditions que dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s'agit d'une extension de la compétence géographique de l'IEDOM.

L'IEOM restera compétent pour les territoires d'outre-mer, qui ne participeront pas à l'euro et continueront à utiliser le franc CFP.

2. Les modalités du transfert de compétence entre l'IEOM et l'IEDOM à Mayotte

Le transfert de compétences entre l'IEOM et l'IEDOM concernant Mayotte est proposé aux paragraphes I et III (abrogation des articles des lois de 1977 et 1991 précitées qui établissaient la compétence de l'IEOM sur Mayotte).

Le paragraphe I propose que les conditions du transfert, avec notamment la question des modalités de la mise à disposition des réserves de billets, des services et des installations, fassent l'objet d'un décret pris après avis du collège des censeurs de l'IEDOM et de l'IEOM. Les collèges de censeurs, chargés du contrôle de ces instituts d'émission, se composent du commissaire du gouvernement auprès de la Caisse française de développement et du représentant de la Banque de France.

Ce transfert ne devrait pas rencontrer d'obstacles techniques majeurs que ce soit en matière de personnel, d'installations, ou de services.

C. LA CONTRAINTE DE TEMPS

L'article 34 du présent projet de loi prévoit que le transfert devra être achevé avant le 1 er janvier 1999 (date prévue d'introduction de l'euro en France) ou, si elle est différente, à la date à laquelle la France participe à la monnaie unique. L'organisation de l'émission monétaire à Mayotte devra donc être en place pour l'introduction de l'euro. La relative simplicité de ce transfert devrait permettre le respect de cette contrainte de temps.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.


ARTICLE 31 bis (nouveau)

Dépôt d'un rapport du Gouvernement relatif aux garanties de prêts en faveur du logement locatif à Mayotte

Commentaire : le présent article additionnel propose la présentation par le Gouvernement d'un rapport au Parlement relatif aux conditions de garantie des prêts en faveur du logement locatif à Mayotte.

La collectivité territoriale de Mayotte connaît actuellement une situation préoccupante en matière de financement du logement locatif, imputable à des difficultés du Crédit Foncier de France (CFF).

Cette situation a motivé le dépôt d'un amendement à l'Assemblée nationale imposant au Gouvernement la présentation, avant le 1 er janvier 1999, d'un rapport sur les conditions de garantie des prêts en faveur du logement locatif à Mayotte.

I - LA SITUATION ACTUELLE

A. LES CONSÉQUENCES DU RETRAIT DU CREDIT FONCIER DE FRANCE


La collectivité territoriale de Mayotte connaît une forte croissance démographique justifiant un effort particulier dans le domaine du logement locatif.

Or, la collectivité territoriale n'a pas les ressources financières suffisantes pour garantir à 100% les emprunts immobiliers. C'est pourquoi, le législateur
53( * ) a autorisé l'Etat à apporter sa garantie à hauteur de 50 % des encours des prêts consentis par le CFF en faveur du logement locatif pour les demandes de garanties présentées avant le 30 juin 1999.

Les difficultés financières rencontrées par le CFF l'ont amené à arrêter son activité dans les DOM-TOM, ce qui, à Mayotte, a eu des conséquences graves dans la mesure où celui-ci constituait la seule source de financement du logement locatif.

B. LES NOUVELLES PISTES DE RÉFLEXION

Deux autres organismes financiers sont susceptibles de se substituer au CFF dans le financement du logement locatif : la Caisse française de développement (CFD) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Actuellement, la CFD octroie des prêts sur Mayotte, garantis à 50 % par la collectivité territoriale, sans exiger de garantie de l'Etat.

La CDC, pour sa part, propose de se substituer au CFF à condition de bénéficier également d'une procédure extraordinaire de garantie par l'Etat de ses prêts à Mayotte.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Dans ce contexte, le présent article propose de prévoir la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, avant le 1 er janvier 1999.

Plus concrètement, il s'agit de lancer une réflexion sur la possibilité pour un organisme financier, la CDC ou la CFD, de se substituer au CFF afin de permettre la reprise du programme de logements locatifs à Mayotte bénéficiant d'une garantie de l'Etat à hauteur de 50 %.

Il semble résulter des débats à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement privilégierait l'activité de la CFD à Mayotte ce qui éviterait à l'Etat d'avoir à apporter une garantie. En effet, M. Dominique Strauss-Khan, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a refusé de reprendre à son compte un amendement de M. Henry Jean-Baptiste prévoyant la garantie de l'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel sans modification.

Section 9

Autres dispositions

ARTICLE 32

Fonctionnement du Conseil des marchés financiers

Commentaire : le présent article propose d'assouplir certaines règles de fonctionnement du Conseil des marchés financiers.

Autorité professionnelle dotée de la personnalité morale, le Conseil des marchés financiers (CMF) est issu de la fusion du Conseil des bourses de valeur (CBV) et du Conseil des marchés à terme (CMT), réalisée par la loi financière du 2 juillet 1996 54( * ) .

Il est composé de 16 membres, professionnels des marchés, et élit son président en son sein. Un représentant de la Banque de France et un commissaire du Gouvernement assistent également aux délibérations, sans voix délibérative.

Le Conseil dispose de larges pouvoirs de contrôle et de réglementation. En outre, il joue un rôle important en matière d'agrément.

En matière de réglementation 55( * ) , il est compétent, notamment, pour édicter les règles de " bonne conduite " applicables aux prestataires de services d'investissement, aux entreprises d'investissement et aux chambres de compensation, ainsi que les principes généraux d'organisation et de fonctionnement que doivent respecter les marchés réglementés. De même, il est compétent pour établir les règles relatives aux opérations financières et, notamment, les procédures d'offre publique obligatoire et de retrait obligatoire.

En matière de contrôle 56( * ) , il est chargé de veiller au respect par les prestataires de services d'investissement exerçant leurs activités en France, les entreprises de marché et les chambres de compensation, des règles de bonne conduite qui leur sont applicables en vertu des lois et règlements en vigueur. Il veille également à la régularité des opérations effectuées sur les marchés réglementés.

Enfin, en matière de délivrance des agréments 57( * ) , il est chargé d'approuver le " programme d'activité " que sont obligés de déposer les candidats à l'agrément de prestataire de services d'investissement, pour tous les services autres que la gestion pour compte de tiers.

A l'issue de 18 mois de fonctionnement 58( * ) , il apparaît opportun d'assouplir les règles de fonctionnement de cet organisme, afin de lui permettre de remplir sa mission dans les conditions de rapidité exigées par le fonctionnement des marchés financiers.

I. LA SITUATION ACTUELLE

Le législateur et le Gouvernement, tout en élargissant considérablement les pouvoirs de cette autorité professionnelle, ont souhaité encadrer fortement son fonctionnement. Or cet encadrement s'est révélé en pratique d'autant plus contraignant qu'il a été renforcé par le juge.

A. DES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT CONTRAIGNANTES

Le Gouvernement a prévu, dans l'article 3 du décret du 3 octobre 1996 59( * ) , la démission d'office des membres absents trois fois consécutives. On observera que cette disposition a déjà trouvé à s'appliquer. Par ailleurs, les règles relatives au quorum ne permettent pas au CMF de délibérer lorsque moins de la moitié de ses membres est présente. Enfin, le Conseil étant l'instance de décision, il n'est pas prévu de délégation de pouvoirs au profit du président notamment en matière de décisions individuelles, contrairement à ce qui est prévu, par exemple, pour la Commission des opérations de bourse (COB).

Toutefois, la réglementation applicable ménage quelques éléments de souplesse. Ainsi, le président du CMF peut déléguer certains de ses pouvoirs propres à un autre membre du Conseil. En outre, chaque membre du CMF a la faculté de donner mandat à un autre membre de voter en son nom lors des réunions. Par ailleurs, et sauf exceptions prévues par la loi, les décisions du Conseil sont prises à la majorité simple des membres présents et non à la majorité qualifiée. Enfin, le Conseil avait recours très fréquemment à une procédure de consultation écrite de ses membres. Mais cet élément de souplesse a disparu à la suite d'un arrêt de mai 1997 de la Cour d'appel de Paris censurant une décision prise selon cette procédure.

B. DES CONTRAINTES RENFORCÉES PAR LE JUGE

Par dérogation au principe de collégialité, selon lequel toute décision doit être délibérée collectivement, le CMF a utilisé la procédure de la consultation écrite. Ce type de consultation, à vrai dire assez fréquent dans les organismes publics ou semi-publics, était déjà utilisé, sans texte, par le CBV. En la reprenant dans son règlement général 60( * ) , le CMF n'a fait que donner une base écrite à une pratique utilisée par son prédécesseur 61( * ) .

Par un arrêt du 28 mai 1997, la Cour d'appel de Paris a annulé une décision du CBV prise par consultation écrite. A la suite de cet arrêt, le CMF a donc mis fin à toute utilisation de cette procédure de consultation écrite.

Or, cette nouvelle situation rend le fonctionnement du CMF très difficile pour deux raisons.

D'une part, le CMF rend de très nombreuses décisions 62( * ) et le plus souvent dans l'urgence (le délai habituel est de 5 jours de bourse).

D'autre part, ses membres, étant des professionnels, exercent des responsabilités extérieures qui ne leur laissent que peu de disponibilité pour assister aux travaux.

II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT

Afin de redonner une certaine souplesse de fonctionnement au CMF, le présent article propose :

- de donner une base légale à la procédure de consultation écrite,

- de rendre facultative la présence du représentant de la Banque de France aux délibérations du CMF,

- d'autoriser des délégations de pouvoir du Conseil à son président.

A. LA CONSULTATION ÉCRITE

Dans un premier temps, afin de donner une base réglementaire plus solide à la procédure de consultation écrite du CMF, le Gouvernement avait décidé de compléter le décret du 3 octobre 1996. Le Conseil d'Etat, saisi pour avis de ce projet de décret, a rendu un avis négatif 63( * ) , estimant que seule la loi pouvait apporter de telles modifications.

C'est pourquoi le 2° du paragraphe I du présent article complète l'article 27 de la loi financière de 1996 afin de permettre au Conseil de " statuer par voie de consultation écrite ".

Deux conditions encadrent cette possibilité.

D'une part, il faut qu'il y ait " urgence constatée par (le) président ", la délibération collective lors de réunions du Conseil demeurant le mode de fonctionnement normal.

D'autre part, cette consultation ne doit pas concerner des décisions prises en matière disciplinaire, pour lesquelles une délibération collective du Conseil est obligatoire.

Le 3° du même paragraphe du présent article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser " les modalités de déroulement des consultations écrites " 64( * ) .

B. LA PRÉSENCE FACULTATIVE DU REPRÉSENTANT DE LA BANQUE DE FRANCE AUX DÉLIBÉRATIONS DU CMF

Le 1° du paragraphe I du présent article modifie l'article 27 de la loi financière de 1996 afin de rendre facultative la présence du représentant de la Banque de France aux délibérations du Conseil.

Cette disposition s'explique vraisemblablement par le fait que la présence du représentant de la Banque de France n'apparaît pas nécessaire lors des délibérations qui ne portent pas sur des questions monétaires.

C. LES DÉLÉGATIONS DE POUVOIR AU PRÉSIDENT

Le paragraphe II
du présent article insère un article 27-1 dans la loi financière de 1996 afin d'autoriser le Conseil à déléguer à son président, ou à son représentant, membre du Conseil, le pouvoir de prendre des décisions individuelles.

Plusieurs conditions encadrent cette nouvelle disposition :

1- cette faculté ne s'exerce que pour des décisions individuelles concernant des organismes soumis au contrôle du CMF ;

2- elle ne s'exerce pas en matière disciplinaire ;

3- une " information préalable du commissaire du gouvernement " est obligatoire ;

4- le règlement général du CMF fixera les conditions et les limites dans lesquelles ces délégations de pouvoir pourront s'exercer 65( * ) .

L'Assemblée nationale a adopté l'article 32 avec deux amendements de correction d'erreurs de référence.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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