ARTICLE 33

Retrait des certificats d'investissement cotés

Commentaire : le présent article a pour objet de faciliter les conditions dans lesquelles les certificats d'investissement admis aux négociations sur un marché réglementé peuvent être retirés de la cote.

I. LA SITUATION ACTUELLE


Les certificats d'investissement ont été créés par la loi du 3 janvier 1983 sur le développement de l'investissement et la protection de l'épargne. Leur régime est fixé aux articles 283-1 à 283-5 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

L'objectif recherché à l'époque était de permettre aux entreprises, surtout publiques, de se procurer des fonds propres sans pour autant céder des droits de vote et donc du pouvoir.

La démarche suivie a donc consisté à démembrer l'action entre :

- un certificat de vote , représentatif du droit de vote attaché à l'action ;

- un certificat d'investissement, représentatif des droits pécuniaires attachés à l'action.

Quinze ans après, force est de constater que cette catégorie d'instruments financiers est depuis longtemps passée de mode.

Après une brève période de faveur, dans le contexte spécifique des nationalisations, les investisseurs n'ont été que modérément intéressés par ce produit, généralement peu liquide et enregistrant de ce fait une décote par rapport à l'action.

C'est pourquoi, dès 1986, le législateur a prévu de faciliter la réversibilité du processus de démembrement en permettant la transformation de certificats d'investissement en actions, dès lors qu'un certificat d'investissement se trouverait réuni avec un certificat de droit de vote, que ce soit par la cession de ce dernier au porteur du premier, par leur cession concomitante, ou, de plein droit, par la détention entre les mains d'un même porteur d'un certificat d'investissement et d'un certificat de droit de vote.

Pourtant, ni cette réforme, ni la création consécutive, par l'ancien Conseil des bourses de valeurs (CBV) et la Commission des opérations de bourse (COB), d'un marché des certificats de droits de vote pour faciliter la reconstitution des actions n'ont encore permis de réduire suffisamment le nombre des certificats d'investissement.

C'est pourquoi, dans son 27 ème rapport annuel pour 1994, la COB a proposé d'étendre aux certificats d'investissement la procédure du retrait obligatoire, instaurée par la loi du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers.

Cette procédure, désormais fixée par l'article 33 de la loi financière du 2 juillet 1996, permet, à l'issue d'une procédure d'offre ou de demande de retrait d'associés, de transférer aux actionnaires majoritaires, à leur demande, les titres encore détenus par les actionnaires ultra-minoritaires, c'est-à-dire ne représentant pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, après les avoir justement indemnisés.

L'impossibilité d'utiliser cette procédure en matière de certificats d'investissement a pour effet, selon les termes mêmes de l'étude d'impact jointe au présent projet de loi d'empêcher " les entreprises dont une partie du capital est composée de certificats d'investissement de simplifier leur structure de capital. Elle est particulièrement gênante pour les entreprises du secteur public qui font l'objet d'une privatisation de gré à gré et dont les actions ne sont pas cotées. "

Le présent article propose de résoudre ce problème en instaurant une procédure de retrait obligatoire pour les certificats d'investissement et de vote et une procédure de reconstitution forcée des certificats de droits de vote.

II. LES PROCEDURES PROPOSÉES

A. LA MISE EN PLACE D'UNE PROCEDURE DE RETRAIT POUR LES CERTIFICATS D'INVESTISSEMENT ET LES CERTIFICATS DE DROIT DE VOTE


Le texte proposé par le présent article pour l'article 283-1-1 de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales, transpose mutatis mutandis , l'article 33 de la loi financière qui encadre la procédure du retrait facultatif et du retrait obligatoire ( squeeze out) pour les actions. On observera que cette procédure, instaurée en 1993 à l'initiative de la commission des finances du Sénat, a fait ses preuves puisqu'elle a été utilisée 68 fois en 1995, 63 fois en 1996 et 60 fois en 1997.

Ainsi, la nouvelle procédure prévue par le 1° du texte proposé pour le nouvel article 233-1-1 de la loi de 1966 s'étendra à l'ensemble des sociétés, cotées ou non cotées, ayant émis des certificats cotés. Elle prévoit que :

- le seuil de détention des droits du vote et du capital par un même actionnaire ou des actionnaires agissant de concert au sens de l'article 356-1-3 de la loi de 1966 sera fixé à 95 % des droits de vote et du capital, afin d'éviter, par exemple, qu'une société contrôlée à 95 % en droits de vote fasse une offre publique de retrait pour des certificats d'investissement représentant 25 % de son capital, c'est-à-dire : s'agissant de titres offrant potentiellement une grande liquidité ;

- la possibilité pour les porteurs de titres en situation minoritaire de demander au CMF que soit présentée par les actionnaires majoritaires, une offre publique de retrait. Le CMF appréciera le bien-fondé de cette demande au regard de l'absence de liquidité du marché des titres en cause ainsi que de la date de leur rachat pour éviter de récompenser les manoeuvres de personnes qui se seraient délibérément portées vendeurs afin de percevoir une " prime " à l'occasion de l'offre publique de rachat ;

- la possibilité pour les actionnaires majoritaires de lancer leur offre publique de retrait de façon spontanée.

Le 2° du texte proposé pour l'article 283-1-1 fixe les conditions dans lesquelles l'offre publique peut être suivie d'une procédure de retrait obligatoire, contre indemnisation, des titulaires ultra-minoritaires de certificats d'investissement ou de droits de vote, c'est à dire lorsqu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote.

L'indemnisation des détenteurs correspond au montant proposé à l'occasion de l'offre publique de retrait ou de la demande de retrait. Toutefois, si une évaluation technique des titres faite selon plusieurs critères, non limitativement énumérés dans l'article, fait apparaître un prix plus élevé, c'est ce prix qui est retenu.

La COB a relevé, dans son rapport pour 1995, que dans la majorité des 68 opérations de retrait réalisées cette année-là, le prix offert aux actionnaires se situait dans la fourchette haute des évaluations effectuées dans le cadre de l'analyse multicritères et correspondait le plus souvent à la valeur la plus élevée.

B. LA MISE EN PLACE D'UNE PROCEDURE DE RECONSTITUTION FORCEE DES DROITS DE VOTE

A l'inverse de la procédure d'offre de retrait, la procédure de reconstitution forcée, instituée par le texte proposé pour le nouvel article 283-1-2 de la loi de 1966 , serait réservée aux sociétés cotées.

Toutefois, cette procédure ne s'appliquerait qu'aux cas où les certificats d'investissement de ces sociétés présentent une liquidité extrêmement faible, puisqu'elle ne s'appliquerait qu'aux sociétés dont les certificats d'investissement représentent au plus 1 % du capital social.

Aucune exigence tenant au contrôle de la société n'est prévue en raison même de l'objectif poursuivi, visant à permettre la simplification de la structure de capital en retirant de la cote les titres devenus résiduels.

Une procédure de ce type a déjà été instituée par la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations complétée par l'article 22 de la loi n° 88-17 du 5 janvier 1988, s'agissant des certificats d'investissement émis par les sociétés nationalisées faisant l'objet d'une nationalisation.

Les garanties prévues par cette loi sont reprises dans le présent article. Il en va ainsi :

- de la compétence de l'assemblée générale extraordinaire pour décider de procéder à la reconstitution des certificats existant en actions en mettant en oeuvre une procédure de cession des certificats de droit de vote dérogatoire au principe selon lequel un tel certificat ne peut être cédé qu'accompagné d'un certificat d'investissement ou au porteur d'un certificat d'investissement. Les certificats de droit de vote seront en effet cédés à la société, la décision d'utiliser cette procédure étant prise sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire de la société ;

- de l'accord unanime des titulaires de certificats de droits de vote pour la mise en oeuvre de cette procédure. Cette condition très stricte comporte néanmoins un léger assouplissement puisque ne sont pris en compte que les titulaires présents ou représentés lors de l'assemblée générale ;

- de la fixation du prix de cession selon la procédure applicable à l'approbation des avantages particuliers. Dans ce cadre, le commissaire aux avantages particuliers, éventuellement assisté d'experts, évalue le prix des certificats de droit de vote en suivant la méthode multicritère, très protectrice des intérêts patrimoniaux des minoritaires, applicable au retrait obligatoire, évoquée ci-dessus. En cas d'approbation par l'assemblée générale extraordinaire, les certificats de droit de vote sont cédés à la société. Si l'assemblée réduit l'évaluation faite, l'accord des titulaires de certificats de droit de vote est requis, et, à défaut de cet accord, la cession n'est pas réalisée.

La reconstitution des actions résulte de la cession à titre gratuit, par la société, des certificats de droit de vote qu'elle a acquis aux porteurs des certificats d'investissement. L'avantage ainsi consenti aux titulaires de certificats d'investissement est important, puisque les porteurs de certificats d'investissement vont devenir actionnaires à des conditions privilégiées, alors que c'est la société, donc l'ensemble des actionnaires, qui va supporter la charge du rachat. Cependant, cet avantage n'apparaît pas disproportionné compte tenu de l'intérêt qui s'attache pour la société à la simplification de la structure de son capital, dont les actionnaires, qu'ils aient ou non cédé, contre indemnité, des certificats de droits de vote, profiteront également.

Pour le bon déroulement de l'opération, il est nécessaire de permettre à la société de retrouver l'identité des porteurs de certificats d'investissement et de droit de vote sans avoir à modifier ses statuts, dans l'hypothèse où ceux-ci ne le permettraient pas. C'est l'objet du dernier alinéa du texte proposé.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission vous propose d'insérer le texte proposé pour l'article 283-1-1 dans la loi financière, à côté du squeeze out pour les sociétés cotées, dans la mesure où il s'agit d'une compétence attribuée au CMF.

En second lieu, votre commission vous proposera de préciser la procédure applicable en matière de reconstitution forcée des certificats de droits de vote. En effet, les titulaires de certificats de droit de vote ne peuvent participer au vote de la décision de l'AGE, en vertu de l'article 82 de la loi de 1966 auquel l'article 193 se réfère, car ils sont les bénéficiaires d'un avantage particulier. Il est donc nécessaire de prévoir un dispositif spécifique leur permettant de s'exprimer avant l'AGE.

Décision de votre commission : votre commission vous propose de modifier cet article.

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