ARTICLE 27
Création des organismes de placement collectif
en valeurs mobilières à compartiments
Commentaire : le présent article propose la
création des organismes de placement collectif en valeurs
mobilières (OPCVM) à " compartiments ".
I. LA SITUATION ACTUELLE
Un OPCVM à " compartiments " regroupe, au sein d'une
même structure juridique, deux ou plusieurs catégories
(" compartiments ") d'actifs homogènes obéissant
à des profils de gestion différents. Son principal
intérêt est d'offrir aux investisseurs la possibilité de
modifier la structure de leur patrimoine sans avoir à effectuer des
cessions et des souscriptions, ce qui permet de réduire les coûts
financiers liés à de telles opérations (droits
d'entrée et de sortie).
L'absence de la catégorie des OPCVM à compartiments constitue
une lacune dans le droit français.
A. LE RETARD FRANÇAIS
Cette catégorie d'instruments financiers est couramment utilisée
à l'étranger, notamment au Royaume-Uni, en Belgique, au
Luxembourg et en Irlande.
Or, une application stricte du principe d'unicité du patrimoine fait
obstacle à la mise en place de tels OPCVM dans le droit français.
Cette situation est préjudiciable à notre industrie de la
gestion pourtant florissante puisqu'elle est la deuxième du monde.
Cette restriction apparaît d'autant moins justifiée qu'il est
possible aux épargnants français d'avoir accès à ce
type d'instruments grâce à la libre commercialisation des OPCVM
répondant à des critères définis par la directive
européenne de coordination de 1985 (de tels OPCVM sont alors dits
" coordonnables "). Aujourd'hui, plus de 80% (65 sur 75) des OPCVM
étrangers européens commercialisés en France sont des
OPCVM à compartiments.
De plus, cette restriction aboutit à des manoeuvres de contournement de
la part de nombreux établissements français qui ont établi
des OPCVM de ce type au Luxembourg, afin de les proposer à leurs clients
français.
Il est donc souhaitable de mettre le droit en harmonie avec la pratique et de
permettre ainsi à notre industrie d'affronter, en toute clarté,
la concurrence européenne.
B. UNE ADAPTATION LÉGISLATIVE NÉCESSAIRE
La mise en place de l'euro se traduira inéluctablement par un
accroissement des pressions concurrentielles qui concernera au premier chef
l'industrie de la gestion financière. En effet, en ce domaine, la
concurrence sera d'autant plus vive que le " passeport
européen " existe depuis longtemps.
Or, l'industrie de la gestion collective est génératrice
d'emplois à haute valeur ajoutée. En outre, elle permet d'exercer
une influence sur les entreprises qui font appel aux marchés de
capitaux
36(
*
)
. Il est donc
important, afin de renforcer la compétitivité de cette industrie
en France, de lui permettre d'être à armes égales avec ses
concurrentes.
Pour l'investisseur, cette évolution sera synonyme d'un choix plus
large de produits financiers et, surtout, d'une diminution des frais de
gestion.
II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT
Le présent article insère un chapitre V
bis
dans la
loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux OPCVM,
destiné à asseoir le régime juridique de ces nouveaux
OPCVM et à les soumettre au contrôle de la COB.
A. LE RÉGIME JURIDIQUE
Le régime juridique des OPCVM à compartiments se
caractérise par le souci de traier chaque compartiment comme une
entité autonome.
Le
paragraphe I
définit la notion d'OPCVM à
compartiments. La création de compartiments devra être
prévue par les statuts ou le règlement de l'OPCVM. A cet
égard, il convient de relever l'absence de plafond légal ou
réglementaire au nombre de compartiments.
En vertu d'un principe d'unité " économique ", chaque
compartiment donnera lieu à l'émission d'actions ou de parts
représentatives d'une et d'une seule catégorie des actifs de
l'OPCVM. Par exemple, un OPCVM spécialisé dans les actions pourra
contenir un compartiment spécifique pour les actions françaises,
un deuxième pour les actions européennes, un troisième
pour les actions asiatiques, etc. Ainsi sera préservée
l'homogénéité des actifs au sein de chaque compartiment.
En vertu d'un principe d'unité " juridique ", il est
prévu que les compartiments des OPCVM
spécialisés
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*
)
ainsi que ceux des OPCVM bénéficiant d'une procédure
allégée
38(
*
)
,
devront être soumis individuellement aux dispositions spécifiques
qui régissent ces OPCVM. Ainsi, la création d'un compartiment ne
pourra pas être l'occasion de contourner les obligations qui
pèsent sur l'OPCVM.
Dans un souci de transparence, le
paragraphe II
prévoit que
chaque compartiment devra faire l'objet d'une comptabilité distincte au
sein de la comptabilité de l'OPCVM. Cette comptabilité pourra, au
demeurant, être tenue en unités monétaires
différentes du franc français ou de l'euro.
On observera que le régime fiscal de ces nouveaux instruments ne fait
l'objet d'aucune disposition du présent article. Aucune
exonération fiscale n'étant prévue, la cession de valeurs
ou de droits représentatifs des parts ou actions de l'OPCVM
affectés à chaque compartiment (c'est-à-dire y compris en
cas de mouvements entre compartiments) sera imposée au titre des
plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux.
En liaison avec une autre innovation du présent projet de loi, le
paragraphe III
prévoit qu'un compartiment pourra être
nourricier
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*
)
d'un autre
OPCVM, sans que l'OPCVM auquel le compartiment appartient soit lui-même
nourricier.
B. LE CONTRÔLE DE LA COB
La Commission des opérations de bourse (COB) bénéficie
d'un "bloc de compétence" en matière de gestion pour le compte de
tiers, consacré par la loi financière du 2 juillet 1996.
Dans ses
paragraphes I et IV
, le présent article attribue
compétence à la COB pour :
- délivrer l'agrément nécessaire à la constitution,
la transformation, la fusion, la scission et la liquidation des
compartiments ;
- définir les conditions de délivrance de cet
agrément ;
- déterminer la valeur liquidative de chaque catégorie d'actions
ou de parts, laquelle doit être calculée en fonction de la valeur
nette des actifs du compartiment.
A chaque changement affectant les compartiments d'un OPCVM à
compartiments multiples, la COB effectuera des contrôles identiques
à ceux qu'elle exerce aujourd'hui à l'égard des OPCVM
eux-mêmes. La création de ce type d'instrument ne se traduira donc
pas par un allégement des contrôles.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.