Section 1
Dispositions comptables
ARTICLE 12
Dispositions relatives à la tenue de la
comptabilité en euros
Commentaire : le présent article donne aux
entreprises qui le souhaitent le choix - irrévocable - de tenir leur
comptabilité en euros dès le 1
er
janvier 1999 et
prévoit une dérogation relative à l'enregistrement, dans
un même compte de résultat, des arrondis de conversion
engendrés par l'introduction de la monnaie unique.
Le passage à la monnaie unique soulève plusieurs problèmes
juridiques et notamment celui de la possibilité d'établir des
documents comptables dans une unité monétaire autre que le franc,
ce qui est actuellement interdit, ainsi que celui des techniques de conversion
utilisables.
Le présent article apporte une solution à ces deux
problèmes.
I. LA FACULTÉ D'ÉTABLIR DES DOCUMENTS COMPTABLES EN EUROS
DÈS LE PREMIER JANVIER 1999
Les dispositions actuelles de l'article 16 du Code de commerce imposent
aux entreprises l'utilisation du franc pour la tenue de l'ensemble de leur
comptabilité, y compris les livres comptables (livre-journal,
grand-livre). Manifestement, le maintien de ces dispositions feraient obstacle
à l'utilisation de l'euro par les entreprises.
C'est pourquoi le
paragraphe I du présent article propose de
déroger aux dispositions de l'article 16 du Code de commerce.
Au demeurant, on observera que :
- d'une part, cette règle connaissait déjà une
dérogation pour les SICAV et les fonds communs de placement, en vertu de
l'article 32 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre
1988 qui dispose
: "... la comptabilité des SICAV et fonds
communs de placement, peut être tenue en unités monétaires
autres que le franc français..."
;
- d'autre part, la tenue d'une comptabilité en ECU était
déjà possible à condition de tenir également une
comptabilité en francs ; cette position a été
renforcée par l'article 283-1 du décret n° 94-663
du 2 août 1994, qui permet une publication des comptes en francs,
accompagnée -et non substituée- d'une publication des comptes en
ECU, avec indication en annexe du taux de conversion à la date de
clôture.
La diversité des situations commande cependant, conformément du
reste au principe du "ni-ni" de ne pas abroger les dispositions de
l'article 16, mais seulement d'établir la possibilité d'y
déroger.
En effet, de nombreuses entreprises devront nécessairement
établir leurs comptes en euros. C'est le cas en premier lieu
d'entreprises qui ont des relations avec l'étranger ou avec d'autres
entreprises ayant fait le même choix de l'euro.
Par ailleurs, les sociétés cotées devront
nécessairement établir leurs comptes en euros du fait du
basculement de l'ensemble des marchés financiers (voir article 16
du présent projet de loi).
Enfin, de nombreuses entreprises ont des systèmes informatiques communs
pour la comptabilité générale et la production
d'états de gestion. Dès lors que l'essentiel de leurs
opérations sera réalisé en euro, le basculement de leur
comptabilité de gestion, et donc de leur système comptable,
apparaît nécessaire.
En revanche, d'autres entreprises dont l'activité est surtout domestique
et tournée vers le public souhaiteront probablement attendre
l'introduction des pièces et des billets en euro.
La tenue d'une double comptabilité étant exclue, un régime
de liberté s'impose.
II. LES TECHNIQUES DE CONVERSION ET LE PROBLEME DES ARRONDIS
A. LES RÈGLES POSEES PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE
Durant la période transitoire, du 1
er
janvier 1999 au
30 juin 2002, l'euro et le franc vont coexister, ce qui va conduire
à d'innombrables opérations de conversion. Ces opérations
vont cependant soulever des difficultés puisque la conversion d'un
montant de francs en euros -ou inversement- donnera lieu en
général à des arrondis.
Comme il n'est pas possible de retenir un taux de conversion simple (par
exemple, un euro égal à 6 francs ou à 7 francs),
puisque cela reviendrait à dévaluer ou réévaluer le
franc sans justification, le passage des francs en euros va être à
l'origine d'écarts de valeur résultant des arrondis de conversion.
Afin de permettre à l'ensemble des pays européens de
résoudre ce problème de manière homogène, le
règlement communautaire n° 1103/97 du Conseil du 17 juin
1997 fixe un cadre général et des règles précises
quant aux techniques de conversion qui devront être utilisées.
1)
Le taux de conversion irrévocable qui sera fixé à la
fin de l'année 1998 comportera six chiffres significatifs,
c'est-à-dire cinq chiffres après la virgule.
Il faudra le plus souvent arrondir le résultat suivant une logique
mathématique courante : arrondir au centime supérieur lorsque le
troisième chiffre après la virgule est égal ou
supérieur à 5 et au centime inférieur lorsque ce
troisième chiffre après la virgule est inférieur à
5.
Exemple :
Soit un euro = 6,47551 francs
Valeur en francs de 47,21 euros :
47,21 x 6,47551 = 305,7088271 francs,
soit 305,71 francs.
Valeur en francs de 47,22 euros :
47,22 x 6,47551 = 305,7735822 francs
soit 305,77 francs
Un autre exemple met en évidence les difficultés liées
aux arrondis. Soit un euro = 6,12345 francs ; calculons la valeur en
euros de sommes autour de 100 francs :
99,96 FRF = 16,32413 = |
16,32 euros |
99,97 FRF = 16,32576 ) |
|
99,98 FRF = 16,32739 ) |
|
99,99 FRF = 16,32803 ) |
|
100,00 FRF = 16,33066 ) = |
16,33 euros |
100,01 FRF =16,33229 ) |
|
100,02 FRF = 16,33392 ) |
|
100,03 FRF = 16,33556 = |
16,34 euros |
Ainsi, six montants en francs auront la même
contre-valeur en euros; 16,33 euros correspondront à
99,97 francs comme à 100,02 francs.
Deux séries de problèmes peuvent alors être
identifiées.
•
Les écarts dus aux conversions successives
Si la conversion euro/franc puis franc/euro ne pose pas de problème, il
en va autrement pour la conversion franc/euro puis euro/franc. Ainsi,
99,97 francs donnent 16,33 euros, mais 16,33 euros correspondent
à 100 francs (sur la base de un euro = 6,12345 francs).
La conversion franc/euro puis euro/franc peut donc créer des
écarts allant jusqu'à plus ou moins 3 centimes. Imaginons un
client ayant reçu une facture en francs et réglant en
euros : son fournisseur recevra un règlement en francs de la banque
d'un montant légèrement différent, ce qui pose des
problèmes de rapprochement dans sa comptabilité.
•
Les écarts dus aux conversions avant ou
après calcul
Toutes les opérations (addition, soustraction, multiplication, division,
etc.) risquent de donner des résultats différents selon que la
conversion sera faite sur les éléments de base avant calcul ou
sur le résultat final. En particulier,
la somme des arrondis n'est
pas égale à l'arrondi de la somme
.
Les différentes recommandations sur ce point vont dans le sens du
principe de conversion du total plutôt que des éléments,
afin de limiter l'impact des arrondis.
2)
Les taux de conversion ne peuvent pas être arrondis ou
tronqués lors des conversions.
3)
L'utilisation du taux inverse dans les fonctions de conversion est
interdite.
4)
Si l'on transforme des francs en euros, il faut diviser le montant
initial par le taux de conversion ; si l'on transforme les euros en
francs, il faut multiplier le montant initial par le taux de conversion. Toutes
les conversions
(des monnaies nationales vers l'euro ou de l'euro vers les
monnaies nationales
) devront prévoir six chiffres significatifs, avec
un arrondi au-dessus ou au-dessous, en fonction de la décimale suivante.
Si l'application du taux de conversion donne un résultat qui se
situe exactement au milieu, la somme est arrondie au chiffre supérieur.
Toute somme d'argent à convertir d'une unité monétaire
nationale dans une autre doit d'abord être convertie dans un montant
exprimé dans l'unité euro ; ce montant ne pouvant être
arrondi à moins de trois décimales est ensuite converti dans
l'autre unité monétaire nationale.
5) La conversion en euros des comptes des entreprises va donner lieu à
des arrondis, l'article 5 du règlement n° 1103/97 du
Conseil, du 17 juin 1997 prévoit que "
les sommes d'argent
à payer ou à comptabiliser, lorsqu'il y a lieu de les arrondir
après conversion dans l'unité euro conformément à
l'article 4 sont arrondies au cent supérieur ou inférieur le
plus proche. Les sommes d'argent à payer ou à comptabiliser qui
sont converties dans une unité monétaire nationale sont arrondies
à la subdivision supérieure ou inférieure la plus proche
ou, à défaut de subdivision, à l'unité la plus
proche ou, selon les lois ou pratiques nationales, à un multiple ou
à une fraction de la subdivision ou de l'unité monétaire
nationale. Si l'application du taux de conversion donne un résultat qui
se situe exactement au milieu, la somme est arrondie au chiffre
supérieur."
B. LES PROBLEMES SOULEVES EN DROIT FRANCAIS ET LA SOLUTION APPORTEE PAR LE
PRESENT ARTICLE
L'apparition de légers écarts d'arrondis pourrait obliger les
entreprises à comptabiliser des profits ou des pertes.
Or actuellement, une telle comptabilisation n'est pas possible. En effet, le
deuxième alinéa de l'article 13 du code de commerce pose le
principe de l'interdiction et de la compensation dans un même compte de
charges et de produits.
Cet article dispose en effet que
"les éléments d'actif et de
passif doivent être évalués séparément.
"Aucune compensation ne peut être opérée entre les
postes d'actif et de passif du bilan ou entre les postes de charges et de
produits du compte de résultat.
"Le bilan d'ouverture d'un exercice doit correspondre au bilan de clôture
de l'exercice précédent."
C'est pourquoi le présent article, par dérogation à
l'article 13 du code de commerce précité, prévoit que
"les différences d'arrondis de conversion résultant de
l'application des règles d'arrondissement propres à
l'introduction de l'euro sont inscrites en résultat pour leur montant
net"
.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.