N° 413
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 29 avril 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier,
TOME II
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur.
EXAMEN DU TITRE II
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ
.) : 727, 781,
et T.A.
115.
Sénat
:
373
et
408
( 1997-1998)
Politique économique.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À
L'ADAPTATION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE
ET À LA
MODERNISATION DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES
EN VUE DE LA
TROISIÈME PHASE DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE
Au-delà des divisions formelles qu'il comporte, le
présent titre comprend deux séries de dispositions ayant trait
respectivement au plan de passage à l'euro et à la modernisation
des activités financières.
Le plan français de passage à l'euro
doit se faire selon
le principe du "ni-ni" entre 1999 et 2002 : ni obligation (de conversion),
ni interdiction. Dans ce cadre, les dispositions du projet de loi, de nature
technique, sont destinées à permettre de convertir les grands
mouvements financiers en euros dès 1999. Elles ont principalement pour
objet :
- la conversion de la comptabilité du capital social et des
déclarations fiscales des entreprises (articles 12, 13 et 26) ;
- la conversion des dettes négociables en euros, en particulier celle de
l'État (article 14) ;
- la possibilité d'indexer sur l'inflation les nouvelles
émissions d'instruments financiers et, notamment, de l'État afin
d'alléger la charge de la dette publique (article 15) ,
- l'autorisation de cotation des instruments financiers en euros, adaptation
des systèmes de règlement-livraison, substitution des indices
" euro " aux indices " franc " et continuité des
contrats (articles 16, 17 et 20 à 24) ;
Les autres dispositions de ce titre ont trait à la modernisation des
marchés financiers, processus continu d'évolution et d'adaptation
de la place financière de Paris, afin de lui permettre de maintenir sa
compétitivité juridique par rapport aux autres places
européennes. Bien que mêlées au dispositif de passage
à l'euro, elles n'ont pas de lien direct avec lui. Ces dispositions sont
les suivantes :
- irrévocabilité des opérations de
règlement-livraison de titres et modification des règles de
transfert de propriété (articles 18 et 19) ;
- définition législative de l'appel public à
l'épargne et établissement d'un corpus de règles propres
aux investisseurs "qualifiés" et aux "cercles restreints
d'investisseurs" (article 25) ;
- création de nouveaux types d'OPCVM (articles 27 à 29) ;
- rachat par une société de ses propres actions (article 30) ;
- modification du processus de décision au sein du Conseil des
marchés financiers (article 32) ;
- extension de la procédure de retrait obligatoire aux certificats
d'investissement et fusion obligatoire des certificats d'investissement et des
certificats de droits de vote (article 33).
*
* *
Votre rapporteur souhaite rappeler brièvement quelques
éléments généraux concernant le passage à la
monnaie unique avant d'aborder l'examen des articles.
1) Le calendrier du passage à la monnaie unique
Depuis le Conseil européen de Madrid, en décembre 1995, le
calendrier de passage à la monnaie unique est clairement établi.
Le 2 mai 1998, les chefs d'Etat et de Gouvernement, réunis à
Bruxelles, décideront de leur participation à l'Union
économique et monétaire (UEM), sur la base des recommandations du
Conseil des ministres Ecofin, en prenant en compte les rapports de la
Commission et de l'Institut monétaire européen (IME) ainsi que
l'opinion du Parlement européen.
Le 3 mai, le Conseil Ecofin déterminera les pré-parités de
change bilatérales définitives pour les monnaies des pays membres
de l'UEM.
Le 1
er
janvier 1999, les parités de change entre les monnaies
participantes et l'euro seront fixées de manière
irrévocable. La monnaie unique européenne sera dès lors
une réalité.
Toutefois, ce n'est qu'à partir du 1
er
janvier 2002 que les
pièces et les billets en euro seront mis en circulation, les monnaies
nationales devant définitivement disparaître le 1
er
juillet 2002.
24 mars 1998 : l'Institut monétaire européen (IME), qui regroupe les banques centrales, établit son rapport sur la convergence en Europe et le rend public le lendemain. |
28 mai :
référendum au Danemark sur le
traité d'Amsterdam.
|
25 mars : la Commission de Bruxelles publie son rapport sur la convergence, assorti de recommandations aux gouvernements. |
27 septembre : élections générales en Allemagne. |
26 mars : réunion extraordinaire du Conseil de la Bundesbank qui produit son propre rapport de convergence en Europe et le présente le 27 au gouvernement. |
31 décembre : annonce du taux de conversion de l'euro vis-à-vis de chaque monnaie nationale. En dépit de la fixation des parités croisées le 2 mai, le niveau de l'euro ne peut être connu avant. Certaines monnaies ne participant pas à l'euro (sterling) tout en continuant d'appartenir à l'écu, il faut attendre le moment où l'euro se substitue à l'écu, le 31 décembre, pour connaître le taux de conversion |
fin mars : les banques
centrales de Belgique et des
Pays-Bas transmettent à leurs gouvernements leurs rapports de
convergence.
|
|
23-24 avril : vote du
Bundestag sur l'euro.
|
1er janvier 1999 : l'euro est la monnaie unique des pays de l'Union monétaire. Le franc et le mark ne sont plus que "l'expression non décimale" de l'euro en France et en Allemagne, avant de disparaître totalement le 1er juillet 2002. |
2-3 mai : sommet extraordinaire, à Bruxelles, des chefs d'Etat et de gouvernement. Trois missions : établir la liste des pays ; fixer les parités bilatérales des monnaies entrant dans l'euro ; choisir le président de la Banque centrale européenne et les membres du directoire. |
4 janvier 1998 : première cotation de l'euro sur les marchés. |
2) Le principe du "ni obligation - ni interdiction"
La période de transition, des monnaies nationales à la monnaie
unique, durera ainsi trois ans. Elle représente une difficulté
pour les entreprises puisque coexisteront plusieurs formes d'une même
monnaie, l'euro et les monnaies nationales qui subsisteront comme subdivisions
non décimales de l'euro.
En octobre 1996, la direction du Trésor a demandé à
Jacques Creyssel, directeur général de la stratégie et des
études économiques du CNPF, et à Pierre Simon, directeur
général de l'Association française des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement
(AFECEI), de constituer un groupe de travail destiné à mettre en
évidence les conséquences pratiques du passage à l'euro
pour les entreprises. Le rapport issu de ce groupe de travail a
été présenté et discuté au Comité
national de l'euro, qui l'a approuvé, le 20 mars 1997.
La première recommandation de ce
rapport
" Simon-Creyssel "
reprend le principe posé lors du
Conseil européen de Madrid de décembre 1995, et
réaffirmé par l'article 8-1 du projet de règlement
communautaire approuvé le 7 juillet 1997, selon lequel le passage
à la monnaie unique ne devrait entraîner "
ni
obligation ni interdiction
"
. En d'autres termes, les entreprises
seront libres d'établir leurs comptes en euros ou en francs entre le
1
er
janvier 1999 et le 31 décembre 2001. Passé cette
date, elles devront impérativement établir leurs comptes en euros.
Toutefois, la possibilité ouverte aux entreprises, à compter du
1
er
janvier 1999, de tenir leur comptabilité en euros,
pose le problème, pour celles dont l'exercice ne coïncide pas avec
l'année civile, du transfert en euros de comptes préalablement
tenus en francs. C'est pourquoi la deuxième recommandation du groupe de
travail propose la réalisation d'un "
arrêté
intercalaire "
des comptes au 31 décembre 2001, cette
solution permettant de ne pas modifier la clôture comptable de
l'entreprise.
Cet "
arrêté intercalaire "
- en quelque sorte un
arrêté intermédiaire limité - exonère les
entreprises des formalités assez lourdes liées à
l'établissement de comptes intermédiaires. Au
31 décembre 2001, elles devraient convertir à l'euro leur
balance en capitaux sans pour autant comptabiliser les opérations de fin
d'exercice (amortissements, provisions...) : la conversion devrait donc
porter sur l'ensemble des postes de bilan et du compte de résultat.
Enfin, une troisième recommandation tend à éviter que les
entreprises concernées aient deux exercices comptables
consécutifs d'une durée cumulée de vingt-quatre mois mais
d'une durée individuelle non égale à douze mois. Cette
situation poserait des problèmes sur le plan fiscal et juridique, ainsi
qu'en termes de présentation des comptes et de relations avec les tiers.