ARTICLE 45
Prélèvement sur l'Association de
gestion
du fonds des formations en alternance (AGEFAL)
Commentaire : le présent article institue une
contribution exceptionnelle au budget de l'Etat de 500 millions de francs
prélevée sur l'AGEFAL, association chargée de gérer
la trésorerie des organismes collecteurs des fonds de la formation en
alternance.
Les concours financiers des entreprises au titre de la formation continue
sont soit directement alloués aux organismes de formation, soit
transitent par des organismes intermédiaires et paritaires de
financement.
Ces derniers interviennent dans trois domaines : au titre du
congé individuel de formation, du plan de formation des entreprises ou
de l'alternance
.
I - LES MISSIONS DE L'AGEFAL
L'AGEFAL gère la trésorerie des organismes collecteurs des fonds
de la formation en alternance
Les règles concernant la participation des entreprises au
financement de la formation professionnelle en alternance ont été
fixées par l'article 30 de la loi de finances pour 1985. Cette formation
s'adresse aux jeunes, est pour partie théorique et s'effectue pour
l'autre partie en entreprise, dans le cadre de contrats de travail
spécifiques (contrats de qualification, d'orientation ou d'adaptation).
L'article 74 de la loi quinquennale pour l'emploi du 20 décembre
1993 a rationalisé le dispositif de collecte de la participation des
entreprises à la formation professionnelle, notamment pour ce qui
relève de la formation en alternance. Elle a ainsi remplacé
à compter du 1er janvier 1996 les 255 organismes collecteurs au
titre du congé individuel, du plan de formation ou de l'alternance par
66 organismes nouvellement agréés, compétents
exclusivement au titre de la formation en alternance ou du plan de formation
des entreprises, que celles-ci comprennent plus ou moins de
10 salariés. Par ailleurs, 38 organismes interviennent au
titre du congé individuel de formation.
En outre, les organismes compétents au titre de la formation en
alternance doivent, en application des dispositions de l'article 45 de la loi
de finances rectificative pour 1986 déposer leur trésorerie au
sein d'un compte unique pouvant, le cas échéant, leur consentir
des avances. Ce rôle de compte unique est joué par l'AGEFAL
(association de type loi 1901) qui de ce fait a pour mission principale de
transférer les excédents vers ceux des organismes ayant des
besoins de trésorerie non couverts par leur collecte.
En 1997, l'ensemble des ressources collectées par les organismes
paritaires collecteurs agréés (OPCA) s'élevait à
6.300 millions de francs. Le résultat de l'AGEFAL en 1997, - 508
millions de francs, a réduit le niveau de sa trésorerie de 2.071
à 1.543 millions de francs au 31 décembre 1997. Au 31 mars
1998, elle était estimée à 1.510 millions de francs.
Situation financière de l'AGEFAL
(en millions de francs)
|
1995 |
1996 |
1997 |
Ressources |
2.197 |
423 1 |
1.926 |
Charges |
722 |
805 |
2.434 2 |
Résultat |
1.475 |
- 382 |
- 508 |
Trésorerie (au 31/12) |
2.506 |
2.071 |
1.543 |
1) Cette année n'est pas significative pour les
ressources en raison d'une restructuation du réseau de collecte.
2) Y compris le prélèvement exceptionnel de 1.370 millions
de francs.
II - LE PRÉLÈVEMENT PRÉVU PAR L'ARTICLE 45
Il constitue le troisième opéré en moins de deux ans
sur les excédents de trésorerie des organismes collecteurs des
fonds de la formation continue.
A ce titre, votre commission s'inquiète de la multiplication des
prélèvements opérés sur les trésoreries
d'organismes publics ou parapublics.
A. LES PRÉLÈVEMENTS DE 1996 ET 1997
L'article 29 de la loi de finances pour 1996 avait institué un fonds
d'affectation des excédents financiers des organismes collectant les
fonds du congé individuel de formation, ainsi qu'un
prélèvement exceptionnel de 60 %
sur les
excédents financiers de ce fonds au profit du budget de l'Etat.
Effectué le 31 août 1996, le versement avait atteint
1.465 millions de francs et notamment permis d'abonder les crédits
consacrés aux primes d'apprentissage à hauteur de
900 millions de francs.
L'article 40 de la loi de finances pour 1997 a autorisé avant le
1er septembre 1997
un prélèvement exceptionnel de
40 %
sur la trésorerie de l'AGEFAL.
Son produit
estimé alors à un milliard de francs s'était finalement
élevé à 1.370 millions de francs
en raison d'un
niveau supérieur aux prévisions des excédents de l'AGEFAL.
Il fut affecté au budget général et permit, de fait, de
financer la suppression de l'économie que souhaitait réaliser le
gouvernement sur la compensation de la réduction de la taxe
professionnelle pour embauche et investissement (REI).
Au total ce sont donc 2.835 millions de francs qui ont
déjà ainsi été prélevés en l'espace
d'une année.
B. LE PRÉLÈVEMENT POUR 1998
1. Le dispositif envisagé
Cet article prévoit avant le 1er septembre 1998 un nouveau
prélèvement d'un montant de 500 millions de francs au profit
du budget de l'Etat selon des modalités identiques à celles du
prélèvement opéré par l'article 40 de la loi de
finances pour 1997 précitée.
Il s'en distingue cependant à un double titre :
- d'une part le montant du prélèvement proposé est
fixé en valeur absolue (500 millions de francs) et non plus par
l'application d'un taux à une assiette définie à l'avance.
Il n'y a donc pas d'incertitude concernant son montant définitif exact
à la différence de ce qui se produisit lors du
précédent prélèvement de 1997 ;
- d'autre part, si ce prélèvement est versé "au
budget de l'Etat", en vertu du respect de la règle de
l'universalité budgétaire, il devrait avoir, d'après les
indications qui avaient été fournies par le gouvernement lors de
l'examen du projet de loi de finances pour 1998 une affectation précise.
Ainsi que cela avait été relevé par votre rapporteur
spécial lors de la discussion des crédits de l'emploi et de la
solidarité pour 1998, la dotation afférente aux primes à
l'apprentissage transférées du budget des charges communes au
budget de l'emploi avait fait l'objet initialement, dans le projet de loi de
finances, d'une réduction de 400 millions de francs
(4.874 millions de francs en 1998 contre 5.270 millions de francs en
1997, soit une diminution de 7,5 %). Celle-ci devrait être
compensée intégralement par une contribution de 400 millions
de francs versée au budget de l'Etat par les organismes paritaires
collecteurs agréés.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, le montant de la
réduction des crédits affectés aux primes à
l'apprentissage, avait été accru de 100 millions de francs et
porté à 500 millions afin de gager une partie de la reconduction
pour 1998 du plan textile. En conséquence figure dans le budget
voté du ministère de l'emploi et de la solidarité (section
emploi) pour 1998 un chapitre 43-05 destiné à la formation en
alternance et dont les crédits ouverts sont fixés à 4.774
millions de francs. De ce fait, afin de compenser intégralement cette
réduction, ledit prélèvement sur les organismes paritaires
devait être porté de 400 à 500 millions de francs.
2. Éléments d'appréciation du dispositif
a) Le prélèvement qu'il vous est demandé d'autoriser par
le présent article vise à régulariser une opération
financière " exceptionnelle " évoquée lors de la
discussion du projet de loi de finances pour 1998
• Votre rapporteur souhaiterait cependant que le gouvernement puisse,
lors de la discussion en séance publique de cet article confirmer
explicitement l'affectation de cette somme. En effet lors de l'examen de cet
article à l'Assemblée nationale, M. le Secrétaire
d'État au Budget avait indiqué que "
ces 500 millions
permettront de financer un effort supplémentaire dans le cadre des
mesures de lutte contre l'exclusion et notamment par un développement de
la formation en alternance "
48(
*
)
.
Il a par ailleurs
confirmé
qu'il s'agissait
" de transformer de l'argent
passif, une trésorerie dormante, comme l'a expliqué le rapporteur
général, en argent actif pour lutter contre l'exclusion et
permettre à des jeunes ou peut-être des moins jeunes
d'accéder à des formations en alternance
"
49(
*
)
.
• A ce titre votre rapporteur tient à relever que dans le projet
de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions ainsi que
dans le programme de prévention et de lutte contre les exclusions
figurent des mesures similaires et d'un montant sensiblement identique, en
faveur des contrats de qualification
50(
*
)
.
• Il estime donc nécessaire que le gouvernement confirme
l'affectation des fonds ainsi dégagés, conformément aux
engagements pris lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998.
Il importe en effet que, dès l'encaissement effectif de cette recette
soit ouvert, en contrepartie un crédit de 500 millions de francs sur le
chapitre 43-05 du ministère de l'emploi.
• Par ailleurs, votre rapporteur ne peut que rappeler
le
caractère "exceptionnel" de ce nouveau prélèvement devenu
désormais récurrent et annuel
, qui porterait à
3.335 millions de francs le montant total des sommes
prélevées en moins de deux ans sur les excédents de
trésorerie des organismes collecteurs des fonds de la formation continue.
Néanmoins, ce nouveau prélèvement, d'ampleur plus
limitée que les deux précédents, eu égard au
montant des excédents actuels de trésorerie de l'AGEFAL, ne
devrait pas, selon les informations communiquées à votre
rapporteur, perturber son fonctionnement.
b) Cette opération est contestable au regard des principes du
droit budgétaire et de la nécessité d'un bonne gestion des
finances publiques.
Ainsi que le relevait votre rapporteur spécial lors de l'examen dans le
projet de loi de finances pour 1998 des crédits du ministère de
l'emploi, "
ces prélèvements inopinés sur les fonds de
l'alternance posent un véritable problème du point de vue de
l'unité budgétaire
". De façon plus
générale, il apparaît en effet indispensable que les
principes généraux du droit budgétaire, notamment en
l'espèce, ceux de l'unité et de l'universalité
budgétaire soient pleinement respectés par le gouvernement.
Ce prélèvement pose également
un problème de
principe qui est celui de la justification des prélèvements
opérés sur les trésoreries d'organismes publics ou
parapublics
. De tels prélèvements sont le plus souvent le
reflet d'
une mauvaise gestion des finances publiques
qui conduit
à faire financer des dépenses courantes par des "recettes de
poche", à caractère exceptionnel. Par ailleurs en
pénalisant les trésoreries excédentaires, ces ponctions
constituent, de fait, une incitation à la mauvaise gestion !
c) Ce prélèvement n'aborde pas la question de fond qui est celle
du financement de la formation professionnelle
Au vu des excédents actuels de trésorerie de l'AGEFAL
(1.510 millions de francs au 31 mars 1998), votre rapporteur est
amené à s'interroger sur la pertinence et la logique
intrinsèque de ce prélèvement.
Dans l'hypothèse où cette nouvelle ponction viendrait
réduire fortement les excédents de cet organisme, ne peut-on pas
craindre que cette mesure diminue à l'avenir le nombre de contrats de
qualification financés ? Cela serait d'autant plus préoccupant
que leur nombre devrait s'accroître notamment compte tenu des
priorités affichées en ce domaine par le gouvernement dans le
cadre de la lutte contre les exclusions.
A l'inverse, si les excédents de l'AGEFAL sont structurels, comme le
sous-entend le gouvernement
51(
*
)
, ne faudrait-il pas en revoir le
mode de financement et donc réduire, le cas échéant, les
cotisations versées par les entreprises ?
3. La position de votre commission
Dans ce cadre, compte tenu de ces éléments, votre commission
vous demande d'appliquer en l'espèce la doctrine qu'elle s'est
fixée.
Une nouvelle proposition de prélèvement sur l'AGEFAL
manifesterait que le gouvernement n'a réfléchi ni à la
pertinence de l'emploi des fonds, ni à une éventuelle
réduction de la recette.
Par voie de conséquence, tout
prélèvement ultérieur sera repoussé.
Cette doctrine, votre commission l'a encore appliquée
récemment. Ainsi lors de l'examen en décembre dernier du projet
de loi de finances rectificative pour 1998, le Sénat a refusé
d'autoriser un nouveau prélèvement, le troisième en six
ans, sur les réserves de l'Institut national de la
propriété industrielle (INPI). Votre commission avait en effet
indiqué de façon solennelle au gouvernement en 1995 que le
prélèvement alors opéré, compte tenu d'un
précédent prélèvement en 1991, serait le dernier
qu'elle pourrait accepter.
Compte tenu des principes ainsi rappelés et, dans la mesure
où ce prélèvement apparaît compatible avec le niveau
actuel de la trésorerie de l'AGEFAL,
votre commission vous demande
donc, sous les réserves et dans les conditions qu'elle vient de vous
rappeler,
d'autoriser pour la dernière fois un tel
prélèvement
sur la trésorerie des organismes
chargés de collecter les fonds de la formation continue.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.