ARTICLE 46
Limitation de l'amortissement des biens donnés en
location par une société de personnes
Commentaire : le présent article tend à
réserver un dispositif fiscal très incitatif (la
possibilité pour des investisseurs de minorer leur assiette imposable
par l'imputation de déficits d'exploitation) qui s'appliquait
jusqu'à présent à tous les secteurs économiques,
aux seuls biens d'équipement lourds (avions, TGV, navires...)
amortissables sur une durée au moins égale à 8 ans. Il
fait ainsi d'un dispositif fiscal qui constituait jusqu'à présent
le droit commun, une exception.
Pour cela il procède en deux étapes :
- dans une première étape, il interdit la déduction des
amortissements des biens donnés en location au delà du montant
des loyers diminué des autres charges, pour tous les investisseurs,
personnes physiques ou personnes morales ;
- dans une seconde étape, il permet aux personnes morales assujetties
à l'impôt sur les sociétés de déroger, sur
agrément, à cette restriction lorsque qu'elles acquièrent
un bien d'équipement qui présente pour la collectivité un
intérêt économique et social, par l'intermédiaire
d'une structure de financement relevant du régime des
sociétés de personnes (GIE, SNC...), afin de le louer ou de le
mettre à la disposition d'un utilisateur qui l'exploite dans le cadre de
son activité habituelle.
A ce dispositif dérogatoire, les députés ont adjoint une
exonération des plus-values de cession du bien lorsque la cession est
effectuée au profit de l'utilisateur du bien.
Dans sa version initiale, le présent article avait pour objet de
restreindre la possibilité de financer des investissements par
l'intermédiaire de structures transparentes dont les associés
sont passibles de l'impôt sur les sociétés, aux seuls
projets agréés, sous certaines conditions, par le
ministère du budget. Il s'agissait de faire obstacle à une
certaine évasion fiscale, dans la mesure où le financement par
ces structures transparentes permet la remontée des déficits
d'exploitation du bien dans les comptes de l'investisseur, réduisant
ainsi ses revenus imposables. Les services fiscaux ne semblaient en effet plus
en mesure de contrôler le flux d'investissements financés
grâce à ce mécanisme.
Enserré dans une contrainte budgétaire qui lui laisse peu de
marges de manoeuvre, le gouvernement ne proposait rien moins qu'un durcissement
de la législation fiscale avec le maintien d'une possibilité
dérogatoire de déduire des amortissements fortement
dégressifs pour les projets présentant pour la
collectivité un intérêt économique et social,
notamment en matière d'emploi.
Après son examen par l'Assemblée nationale, la portée de
cet article a été considérablement modifiée par
l'
adjonction
d'une disposition visant à exonérer
d'impôt les plus-values de cession du bien
lorsque cette cession
intervient au profit de l'utilisateur du bien
. En outre, la durée
minimale de détention du bien ou des parts de la société
par l'investisseur initial a été ramenée par les
députés aux deux tiers de la durée normale d'utilisation.
C'est cette dernière disposition qui doit être regardée
comme venant en substitution de l'abrogation de la loi tendant à
encourager la souscription de parts de copropriété de navires,
même si son champ d'application excède largement le cadre du
financement des navires de commerce.
I. LA SUPPRESSION D'UN DISPOSITIF DE DROIT COMMUN
Le paragraphe I du présent article a pour objet d'étendre le
mécanisme de limitation de la déduction des amortissements des
biens donnés en location à toutes les opérations
réalisées par des entreprises relevant du régime des
sociétés de personnes, quels que soient le régime fiscal
et la qualité des associés (alors qu'actuellement, seules les
opérations réalisées par des personnes physiques sont
concernées par cette limitation, en application de l'article 31 annexe
II du code général des impôts).
A. LE RÉGIME ACTUEL DES GIE FISCAUX
Les services fiscaux s'inquiètent depuis une quinzaine d'années
de voir échapper de la matière imposable à travers
l'imputation des déficits réalisés par les
sociétés de personnes sur les résultats
bénéficiaires de leurs associés. En effet, les
sociétés de personnes - qui peuvent être des
sociétés en nom collectif, des copropriétés de
navires ou encore des groupements d'intérêt économique
(GIE), ce dernier cas étant le plus fréquent - sont des
structures transparentes dont les résultats sont imposés entre
les mains de leurs associés, copropriétaires ou membres.
Ainsi, les opérations de crédit-bail consenties, par exemple par
des GIE, permettent-ils la remontée des déficits
générés lors des premières années de
l'activité de crédit-bail dans les comptes des membres de ces
structures, réduisant ainsi leur résultat imposable.
Le crédit-bail est en effet une activité déficitaire tant
que le montant des dotations comptables effectuées pour amortir le bien
d'équipement excède celui des loyers encaissés au titre de
la location du bien, diminué du montant des autres charges.
Or, la combinaison d'un amortissement effectué sur le mode
dégressif (qui permet de majorer les premières annuités et
de minorer les dernières annuités), de loyers progressifs et d'un
prix de levée d'option élevé, a pour effet de
dégager des déficits nets importants au début de la mise
en oeuvre du contrat et des excédents nets à la fin du
crédit-bail.
Les économies d'impôt ainsi obtenues par les associés
durant les premières années d'exploitation sont compensées
par les suppléments d'impôt qui apparaissent ensuite, lorsque la
structure de financement réalise des bénéfices. Toutefois,
ce décalage dans le temps permet de dégager un
gain de
trésorerie
qui correspond à la différence
actualisée entre les économies d'impôt des premiers
exercices et les cotisations supplémentaires d'impôt des derniers
exercices. Il est rétrocédé en partie à
l'entreprise utilisatrice du bien sous forme de diminution du prix des loyers.
Les banques se servaient jusqu'à présent de ce type de montages
pour financer des biens d'équipement lourds (avions, trains...) ou des
investissements immobiliers industriels. Elles se prémunissaient par
avance contre un éventuel redressement fiscal par les services fiscaux
en obtenant des " lettres de confort " de la part du Service de la
législation fiscale.
Enfin, il convient de préciser que seuls les associés assujettis
à l'impôt sur les sociétés pouvaient
bénéficier de l'intégralité de ce levier fiscal
dans la mesure où le code général des impôts
plafonne le montant des amortissements déductibles au niveau du montant
des loyers perçus diminué des autres charges déductibles,
lorsque le
bailleur est une
personne physique
(article 31 de
l'annexe II du CGI).
B. LA LIMITATION DE L'AMORTISSEMENT DES BIENS LOUÉS
Actuellement, l'article 31 de l'annexe II du CGI prévoit en effet que le
montant de l'amortissement des biens loués, directement ou
indirectement
52(
*
)
par des
personnes physiques
ne peut excéder le montant du loyer
perçu pendant l'exercice considéré, diminué du
montant des autres charges afférentes au bien donné en
location
53(
*
)
.
Sont visés les particuliers relevant de l'impôt sur le revenu qui,
directement ou par l'intermédiaire de sociétés ou
d'organismes soumis au régime des sociétés de personnes,
donnent des biens en location. L'objet de ce dispositif est d'éviter la
constitution, par le biais d'une annuité d'amortissement
supérieure au loyer diminué des charges, de déficits
imputables sur les revenus de toute nature passibles de l'impôt sur le
revenu.
Le paragraphe I du présent article a pour objet d'élever ce
dispositif au niveau législatif et d'en
étendre le champ
d'application à l'ensemble des entreprises relevant des
sociétés de personnes dont les membres sont des personnes morales
passibles de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les
sociétés
.
Il vise également à étendre le mécanisme de la
limitation de la déduction des amortissements à l'ensemble des
opérations de " mise à disposition " de biens
.
Il semble que
cette notion vise implicitement les opérations de
crédit-bail
dans la mesure où ces dernières ne
présentent pas une nature strictement locative mais plutôt
financière.
Les députés ont apporté une modification importante
à ce dispositif général
en permettant la
remontée des amortissements, sans limitation, pour les résultats
correspondants à la participation directe d'une entreprise au bien
qu'elle exploite
. Il s'agit donc du cas où l'exploitant du bien
serait lui-même membre du tour de table d'investisseurs composant la
société de personnes, la copropriété ou le
groupement. Les députés ont souhaité ne pas
décourager la constitution de GIE de moyens qui regroupent plusieurs
entreprises industrielles pour la mise en oeuvre d'un investissement.
La limitation du droit à déduction des amortissements
imposée par le présent article aura pour effet de supprimer tout
résultat déficitaire de la structure soumise au régime des
sociétés de personnes. S'agissant des amortissements dont la
déduction serait empêchée par le présent dispositif,
l'administration a, dans une instruction, précisé que
la
fraction de l'amortissement régulièrement comptabilisée
dont la déduction en franchise d'impôt est écartée
au titre d'un exercice peut néanmoins être admise en
déduction ultérieurement
, en sus de l'annuité normale,
ou, à défaut, après l'expiration de la durée
normale d'utilisation, à condition que l'ensemble des amortissements
déduits au titre d'un exercice déterminé n'excède
pas la limite fixée par l'article 31 de l'annexe II du CGI. Une solution
de même nature devrait être prévue dans le cadre du nouveau
dispositif.
Il n'a pas été possible à votre rapporteur d'obtenir un
chiffrage du gain budgétaire que ce dispositif procurera à
l'Etat. On peut cependant penser qu'il sera considérable compte tenu de
la surface financière des investissements financés jusqu'à
présent par le mécanisme de la déduction des
amortissements. Il sera en partie employé pour financer le
deuxième volet du dispositif.
C. ENTRÉE EN VIGUEUR
Le texte prévoit que la limitation de l'amortissement des biens
loués ne s'applique qu'aux contrats de location ou aux mises à
disposition conclus ou intervenues à compter du 25 février 1998,
date à laquelle le présent dispositif a été rendu
public. Il s'agit en évitant que le présent dispositif
rétroagisse sur des situations acquises, de ne pas bouleverser
l'équilibre économique et financier de projets financés
par le biais de sociétés translucides. On peut penser
qu'après cette date, les investisseurs auront eu la sagesse de ne plus
compter sur l'avantage fiscal lié aux montages financiers de ce type.
Les députés ont souhaité en outre ne pas priver les
investissements bénéficiant de l'aide fiscale à
l'investissement outre-mer ou de l'aide fiscale à la souscription de
parts de copropriété de navires du privilège de l'ancien
régime de droit commun dès lors qu'ils auraient fait parvenir une
demande d'agrément à l'autorité administrative avant le 15
septembre 1997.
Cette disposition est bienvenue dans la mesure où les auteurs de ces
investissements avaient probablement intégré la
possibilité de pratiquer des amortissements " agressifs " dans
leurs calculs de rentabilité.
II. L'INSTITUTION D'UN RÉGIME DÉROGATOIRE EN FAVEUR DES BIENS
D'ÉQUIPEMENT LOURDS PRÉSENTANT UN INTÉRÊT
ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SIGNIFICATIF
Conscient que le levier fiscal lié à ce type de financements
" agressifs " s'avère parfois nécessaire pour
rentabiliser des activités qui ne pourraient être financées
autrement, le gouvernement ménage une dérogation au nouveau
régime restrictif de droit commun afin d'encourager, sur
agrément, le financement d'investissements lourds qui présentent
"du point de vue de l'intérêt général,
particulièrement en matière d'emploi, un intérêt
économique et social significatif".
Pour cela, le présent article insère un nouvel article 39 CA dans
le code général des impôts, afin de permettre aux
associés, copropriétaires ou membres soumis à
l'impôt sur les sociétés de structures de financement
translucides
54(
*
)
d'imputer sur
leurs résultats, sans limitation, les amortissements afférents
à certaines opérations agréées.
Le gouvernement prévoit même une amélioration sensible du
dispositif en
majorant d'un point le coefficient de l'amortissement
dégressif
. Cette majoration aura pour effet d'accroître les
résultats déficitaires de la structure translucide au cours des
premiers exercices ce qui majorera d'autant la valeur actualisée des
économies d'impôt.
Le tableau suivant indique les taux de l'amortissement dégressif
praticable avant et après majoration :
Il convient de noter en outre que la participation à la structure
translucide sera ouverte à toute société assujettie
à l'impôt sur les sociétés ayant une capacité
fiscale bénéficiaire pouvant faire partie de cette structure.
A. UNE DÉROGATION OUVERTE AUX BIENS MEUBLES AMORTISSABLES SELON
LE MODE DÉGRESSIF SUR UNE DURÉE AU MOINS ÉGALE À
HUIT ANS
Seuls pourraient bénéficier de la dérogation les biens
meubles amortissables selon le mode dégressif sur une durée au
moins égale à huit ans.
Compte tenu de ces conditions, ce dispositif concernerait en pratique
essentiellement les biens d'équipement lourds tels que les avions, les
rames de trains ou les machines-outils. Il est à noter que le mobilier
de bureau est également amortissable sur une durée de 10 ans.
La durée minimale d'amortissement de huit ans conduirait en revanche
à exclure du régime spécial certaines installations
complexes spécialisées (ICS) amortissables sur une durée
de 6 ans 2/3, sauf à considérer que ces biens seraient amortis
sur huit ans au lieu de 6 ans 2/3, ce qui serait compatible avec une
tolérance administrative
55(
*
)
.
Il convient également de noter que le texte de l'article aboutirait
à écarter la réalisation de tout financement immobilier
dans le cadre de ces schémas, y compris ceux qui concernent des biens
immeubles admis au bénéfice de l'amortissement dégressif
comme les installations de magasinage et de stockage ou immeubles des
entreprises hôtelières.
Le dispositif serait en outre réservé au financement de
biens
acquis à l'état neuf
, qui seuls bénéficient du
régime de l'amortissement dégressif. Toutefois, les navires
d'occasion qui peuvent, en vertu d'une instruction administrative
(BIC-X-24430), déroger à ce principe, seront admis au
bénéfice du présent dispositif.
Par ailleurs, deux conditions concernent l'utilisateur des investissements
financés :
- En premier lieu, l'utilisateur du bien devra être une
société qui l'exploite dans le cadre de son
activité
habituelle
. Cette condition tend à écarter toute structure
interposée pratiquant la sous-location dans la mesure où la
notion d'utilisation serait exclusive de celle de location. Il ne faut
cependant pas qu'une interprétation trop restrictive de cette clause
conduise à écarter du bénéfice du présent
dispositif les sociétés qui, par souci de saine gestion,
diversifieraient leurs activités.
Elle conduirait également à écarter les biens
utilisés par les entreprises n'ayant pas le statut de
société, et notamment, les investissements financés au
profit des collectivités territoriales ou de leurs démembrements.
- En second lieu,
l'utilisateur est susceptible d'acquérir la
propriété du bien à titre permanent
: cette
condition permettra à l'administration de refuser l'agrément
lorsque le contrat de location ou de mise à disposition ne comprend pas
une promesse de vente ou un mécanisme de levée d'option
permettant à l'utilisateur d'acquérir le bien. il semble naturel
d'imposer cette condition dans la mesure où le présent dispositif
est conçu comme une aide à l'utilisateur.
En outre, une telle clause conduit à exclure du bénéfice
d'une telle aide les biens concédés par une personne publique
à une entreprise remplissant une mission de service public, le
gouvernement ne souhaitant pas leur accorder un avantage fiscal
supplémentaire. En effet, par définition, les biens mis en
concession, biens dits " de retour ", sont censés revenir
à la collectivité concédante à l'issue du contrat
de concession. Ils ne peuvent rentrer dans le patrimoine du concessionnaire
sauf décision législative contraire.
Enfin, il convient de noter que le texte ne pose aucune condition relative
à la nationalité du preneur et à la localisation du bien.
Sans préjudice des dispositions qui suivent, il pourrait donc s'agir
d'une société étrangère qui prend le bien en
location ou en crédit-bail en vue de son exploitation à
l'étranger.
B. UNE DÉROGATION OUVERTE AUX BIENS AYANT FAIT L'OBJET D'UN
AGRÉMENT
Pour bénéficier de l'avantage fiscal, le bien doit au
préalable avoir reçu l'agrément du ministre chargé
du budget. Le présent article subordonne la délivrance de
l'agrément par ce dernier à six conditions cumulatives :
Le prix d'acquisition du bien doit correspondre au prix de
marché
, compte tenu de ses caractéristiques.
Il s'agit d'éviter de voir le prix de cession des biens majoré en
raison de l'avantage fiscal. Le cédant et l'acquéreur peuvent en
effet chacun avoir intérêt à surestimer le prix de cession,
le premier pour réaliser une plus-value, le second pour accroître
l'assiette de l'amortissement.
L'investissement doit présenter du point de vue de
l'intérêt général, particulièrement en
matière d'emploi, un intérêt économique et social
significatif.
Cette disposition est inspirée d'une clause similaire subordonnant
l'agrément des investissements productifs réalisés dans
les départements d'outre-mer (cf. article 217
decies
du CGI). La
loi de finances pour 1998 a notamment inclus une clause prévoyant que
l'agrément peut être accordé s'il favorise le maintien ou
la création d'emplois dans le département concerné.
Il s'agit d'un moyen de favoriser les biens fabriqués sur le territoire
national ou les financements réalisés au profit d'un utilisateur
français.
Il reste que l'intérêt économique et social pourra parfois
être difficile à démontrer lorsqu'une entreprise est en
phase de restructuration.
L'utilisateur du bien doit démontrer que le bien est
nécessaire à son exploitation
.
Cette clause semble destinée à éviter le simple
" portage " des biens. Néanmoins, on peut penser qu'un tel
objectif est déjà poursuivi par la condition
précédente tendant à ce que l'utilisateur du bien soit
susceptible d'en acquérir la propriété à titre
permanent.
L'utilisateur du bien doit démontrer que les modalités de
financement retenues sont déterminées par des
préoccupations autres que fiscales ou comptables
.
Cette condition ne figurait pas dans la version initiale du présent
article. Elle a été substituée par les
députés à la condition tendant à ce que
l'utilisateur démontre qu'il n'est pas en mesure d'acquérir
directement le bien sans compromettre l'équilibre financier de
l'entreprise, à la suite de l'adjonction du paragraphe tendant à
exonérer les plus-values de cession du bien en cas de cession
anticipée à l'utilisateur.
On voit cependant difficilement comment l'utilisateur pourra prouver que les
modalités de financement retenues sont déterminées par des
préoccupations autres que fiscales dans la mesure où le
présent dispositif a précisément pour objet d'encourager
des investissements lourds grâce à un levier fiscal très
incitatif.
Il sera plus facile en revanche à l'utilisateur de démontrer que
les modalités de financement choisies ne visent pas à
éviter de dégrader son bilan comptable. Le dispositif ne vise en
effet pas à favoriser les entreprises qui, par souci d'affichage,
financeraient leurs biens d'exploitation par l'intermédiaire d'une
structure transparente afin de ne pas avoir à consolider les
investissements ainsi opérés à leur bilan.
Les deux tiers au moins de l'avantage fiscal obtenu par les membres de la
structure de financement doivent être rétrocédés
à l'utilisateur sous forme de diminution du loyer ou de minoration du
montant de l'option d'achat
. Le montant de l'avantage qui doit être
rétrocédé est déterminé lors de la
délivrance de l'agrément.
Il convient de noter que cette rétrocession de l'avantage fiscal
à l'utilisateur avait déjà lieu dans le cadre des anciens
" GIE fiscaux " mais que la norme était de
rétrocéder la moitié de l'avantage fiscal obtenu. Le
présent dispositif est donc plus favorable à l'utilisateur.
Par ailleurs, la disposition tendant à ce que le montant de l'avantage
fiscal et donc de la rétrocession envisagée soit fixé
dès le dépôt du dossier de demande de l'agrément est
de nature à poser des difficultés au regard d'une autre
disposition du texte qui institue un
plafond d'imputation des pertes
. En
effet, pour les acquisitions agréées, les déficits
réalisés par la structure de financement ne seront
déductibles
chaque année
qu'à hauteur du
quart
des bénéfices imposables
de chaque associé, sachant
que les associés s'engagent à conserver leurs parts
jusqu'à l'expiration du contrat de location. Le gouvernement avait pour
souci en instituant ce plafond d'empêcher que les associés de la
structure de financement puissent échapper complètement à
l'impôt sur les sociétés. Cette condition impose en outre
que les participants à l'opération disposent de perspectives
bénéficiaires suffisamment assurées pour en retirer tout
son intérêt fiscal.
Or, cette dernière disposition rend le dispositif inapplicable car
aucune société ne peut prévoir ses résultats
financiers sur une durée de huit années
et donc le montant de
l'avantage fiscal global qu'elle retirera
in fine
de son investissement.
Au surplus, cette disposition semble
inutile
. Outre qu'elle n'aura aucun
impact sur la dépense fiscale finalement consentie par l'Etat, les
investissements étant agréés
a priori
sur le
fondement des conditions précédemment recensées, et non en
fonction des membres de la structure de financement
56(
*
)
, l'objectif qu'elle poursuit
(éviter qu'une société puisse annuler totalement son
impôt) sera rempli naturellement par l'application par les investisseurs
du principe de précaution. Aucun investisseur ne prendra le risque de
financer seul des investissements aussi lourds que ceux que le présent
projet de texte tend à encourager.
Votre commission vous proposera en conséquence un amendement de
suppression de cette disposition.
Les associés, copropriétaires ou membres s'engagent à
conserver les parts qu'ils détiennent dans la structure de financement
jusqu'à l'expiration du contrat de location ou de mise à
disposition du bien
.
Cette obligation de conservation du bien tend à éviter qu'un
associé revende ses
parts
à une société
déficitaire au moment où les résultats de la structure de
financement deviendraient bénéficiaires. Une telle situation
conduirait à optimiser l'avantage fiscal et à s'écarter du
schéma agréé.
Pour la même raison, le texte impose que les
biens
soient
conservés par la structure de financement jusqu'à l'expiration du
contrat de location ou de mise à disposition.
Il convient de noter cependant que la durée du contrat de location ou de
mise à disposition peut être légèrement
supérieure à la durée de l'amortissement. Ainsi, dans le
cas d'un bien amortissable sur 15 ans comme une rame de TGV, les investisseurs
devraient conserver leurs parts pendant 16 ou 17 ans, ce qui peut sembler
très long.
L'absence de respect de cette condition était, dans le texte initial,
sanctionnée par la réintégration du montant de l'avantage
fiscal afférent aux parts cédées dans les résultats
de l'exercice duquel il avait été déduit. Toutefois,
l'investisseur peu scrupuleux n'était pas sanctionné :
- s'il s'engageait à conserver ses parts pendant une durée
minimale de huit ans et à ne les céder qu'à l'utilisateur
effectif du bien,
- et s'il produisait des éléments de nature à
établir la pérennité de l'exploitation du bien jusqu'au
terme du contrat initial de location ou de mise à disposition.
Ce dispositif a disparu au profit d'un nouveau dispositif introduit par
l'Assemblée nationale (cf. infra).
C. LES AUTRES CONDITIONS
Le texte prévoit que le prix d'acquisition du bien pris en compte pour
le calcul de l'amortissement est égal au
prix de cession
compris dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou
de l'impôt sur le revenu du constructeur
. Il s'agit, semble-t-il,
d'éviter de prendre en compte dans l'assiette de l'amortissement les
frais accessoires nécessaires à la mise en état
d'utilisation du bien, alors même que ces derniers sont compris dans les
bases de l'amortissement (droits de douane, frais d'installation et de montage).
Il semble également, à la lecture du rapport de
l'Assemblée nationale, qu'une telle disposition, qui pourrait
apparaître comme redondante au regard de la condition imposant que le
prix d'acquisition du bien corresponde au prix du marché, soit
motivée par la volonté d'orienter le dispositif vers les biens
construits en France, ce qui peut poser problème au regard du droit
communautaire.
L'administration pourrait en effet choisir d'interpréter les termes
" impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu
du constructeur " comme excluant les biens acquis auprès de
constructeurs qui ne seraient pas assujettis à l'impôt sur le
revenu ou l'impôt sur les sociétés français. Votre
rapporteur considère qu'une telle interprétation est trop
restrictive et néglige l'existence d'impôts similaires à
l'étranger.
Il ne faudrait pas en effet que cette clause prive les
entrepreneurs de la possibilité d'acquérir des biens à
l'étranger, notamment dans les secteurs dont l'industrie
française est absente
(construction de porte-conteneurs, fabrication
de certains avions spécialisés...).
Au demeurant, la condition tendant à réserver l'avantage fiscal
aux investissements qui présentent " d'un intérêt
économique et social significatif, notamment en matière
d'emploi " devrait permettre d'écarter tout investissement
effectué à l'étranger, lorsque l'acquisition aurait pu
être effectuée dans les mêmes conditions en France.
Cette disposition suscite en outre trois types de
difficultés
:
- elle est
inapplicable pour les navires d'occasion
: si l'on
devait en effet amortir ces derniers sur la base du prix de cession initial, on
surévaluerait considérablement le prix du navire. Son application
stricte engendrerait donc un coût non négligeable pour l'Etat.
-
la pratique comptable constante veut que la base de l'amortissement d'un
bien soit le prix de revient de ce bien
(BIC-X-2600 s). En effet, il arrive
que le prix de cession pris en compte dans l'assiette de l'impôt du
constructeur résulte d'un arbitrage, conduisant à faire prendre
en charge directement par l'armateur certains frais annexes. Il est
difficilement envisageable de ne pas les intégrer, dès lors que
ces frais seraient justifiés.
-
le prix de cession compris dans l'assiette de l'impôt du
constructeur peut être difficile à connaître
, lorsque le
constructeur est étranger et n'obéit pas aux mêmes
règles comptables que les constructeurs français.
Votre commission vous proposera donc un amendement ayant pour objet de
revenir à une définition simple de la base d'amortissement du
bien, c'est-à-dire le prix de revient de ce bien, sans faire
référence à l'assiette de l'impôt du constructeur.
D. L'AGRÉMENT PEUT PRÉVOIR UNE EXONÉRATION DES
PLUS-VALUES EN CAS DE CESSION ANTICIPÉE DU BIEN À
L'UTILISATEUR
L'Assemblée nationale a apporté une modification majeure au
dispositif prévu par le gouvernement.
Elle a en effet introduit un dispositif d'
exonération de la
plus-value
réalisée
en cas de cession anticipée
du bien ou des parts de la société de personnes
à
l'utilisateur
du bien
. Ce dispositif, réclamé de
longue date par les armateurs, se substitue au mécanisme
dérogatoire évoqué plus haut.
Tout contribuable qui souhaiterait en bénéficier devrait le
requérir expressément au moment de la demande d'agrément,
et devrait remplir les conditions suivantes :
Les deux tiers de la durée normale d'utilisation du bien sont
écoulés.
La durée d'utilisation du bien correspond à la durée
d'amortissement du bien. Elle est déterminée par les usages de
chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation. En
conséquence, pour un navire amortissable sur huit ans, les deux tiers de
la durée normale d'utilisation correspondent à cinq ans un tiers.
Pour un avion amortissable sur treize ans, les deux tiers de la durée
normale d'utilisation correspondent à huit ans deux tiers.
L'utilisateur du bien démontre qu'il n'est pas en mesure de
l'acquérir directement sans compromettre l'équilibre financier de
l'entreprise
.
Cette condition figurait initialement dans le premier volet de
l'agrément. Elle est destinée à réserver l'avantage
du dispositif aux entreprises les plus fragiles, qui exigent le plus
d'être aidées.
Elle risque cependant de soulever des difficultés d'appréciation
et de faire du présent dispositif un dispositif de subvention
artificielle des plus mauvais risques.
Cet utilisateur est en mesure de garantir la pérennité de
l'exploitation du bien jusqu'à la date prévue d'expiration du
contrat initial de location ou de mise à disposition du bien
.
Cette condition figurait également dans le texte initial parmi les
conditions permettant aux investisseurs de céder leurs parts à
l'issue d'une période de huit ans, à la différence
près que c'est l'investisseur qui devait produire les
éléments de nature à établir la
pérennité de l'exploitation du bien jusqu'au terme du contrat
initial de location ou de mise à disposition.
Le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale
faisait très justement observer que cette proposition manquait
singulièrement de réalisme. "
On imagine assez mal
,
écrit le rapporteur général, M. Didier Migaud
57(
*
)
,
comment le contribuable
crédit-bailleur pourrait produire dès le dépôt de la
demande d'agrément, des éléments de nature à
établir la pérennité de l'exploitation du bien jusqu'au
terme du contrat initial de location ou de mise à disposition, alors que
cette exploitation n'a pas encore commencé ! Qui peut dire ce que
sera l'état du marché pétrolier en 2006 ou celui du
transport aérien en 2011 ?
"
Ce nouveau levier fiscal appelle deux observations :
- En premier lieu,
il a pour effet de multiplier par deux l'avantage
fiscal
résultant de la première partie du dispositif. En
effet, selon les informations recueillies par votre rapporteur, en actualisant
au taux de 6 % (qui est relativement élevé)
l'économie d'impôt résultant de la possibilité de
déduire les amortissements des biens donnés en location, on
obtient un avantage de 85 pour mille soit 8,5 % de la valeur de
l'investissement.
L'exonération des plus-values de cession en cas de
cession anticipée porte cet avantage à 15 %.
Il semble
utile de préciser que c'est cet avantage global qui doit être
rétrocédé à hauteur de 2/3 à l'utilisateur
du bien.
- En second lieu, il convient de souligner que la rédaction du nouveau
dispositif n'impose pas à l'administration d'accorder
l'exonération des plus-values du bien ou des parts cédés
dans l'hypothèse où les conditions d'octroi de l'avantage
seraient remplies. Le texte précise en effet que "
la
décision d'agrément
peut
prévoir
que la
cession anticipée du bien ou des parts (...) n'entraîne pas
d'impositions supplémentaires à l'impôt sur les
sociétés
" si les conditions sont remplies.
Cette rédaction est éminemment problématique
. En
effet, on ne voit pas pourquoi un avantage fiscal de cette ampleur
dépendrait du bon vouloir de l'administration, dès lors qu'un
certain nombre de conditions seraient remplies. Une telle rédaction est
de nature à nourrir un contentieux abondant sur le fondement de la
rupture de l'égalité devant l'impôt.
Si l'objectif du gouvernement consiste à réserver le
bénéfice de ce deuxième levier fiscal aux seuls navires de
commerce, en remplacement de la loi relative à l'encouragement fiscal en
faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de
commerce supprimée par la loi de finances pour 1998, il conviendrait
alors de le préciser dans le texte de la loi.
III. APPRÉCIATION DU DISPOSITIF
A. UNE MESURE DE BONNE GESTION POUR LES FINANCES PUBLIQUES MAIS UN RISQUE
DE TARISSEMENT DES INVESTISSEMENTS DANS CERTAINS SECTEURS DE
L'ÉCONOMIE
Il peut apparaître comme de saine gestion de cibler un dispositif fiscal
très incitatif sur les biens économiques à vie longue pour
lesquels les investisseurs ne disposent pas d'une visibilité suffisante
pour investir. Il s'agit en gonflant artificiellement la rentabilité
d'un investissement, d'encourager les opérateurs privés à
investir dans des secteurs que les lois du marché les inciteraient
naturellement à négliger.
Il est vraisemblable en outre que l'on accroît l'incitativité et
l'efficience économique (résultats/coût) d'un dispositif
qui était jusqu'à présent trop largement accessible et qui
donnait probablement prise à certains excès, même si les
services fiscaux sont dans l'impossibilité de fournir un chiffrage du
coût de ce dispositif.
Néanmoins, le nouveau dispositif risque le tarir les sources de
financement dans des secteurs dont la rentabilité est très
précaire. Il convient de se demander s'il s'agit d'une stratégie
adéquate dans un pays notablement en retard en termes d'investissements,
par rapport à ses concurrents.
Il convient de remarquer, à cet égard, que c'est la
troisième fois en trois ans que les gouvernements successifs
écornent un levier fiscal résultant de la possibilité
d'imputer des déficits, après ce que l'on a appelé la
" tunnélisation " des déficits
58(
*
)
opérée dans le cadre
de la loi de finances pour 1996, étendue aux investissements
réalisés dans les DOM-TOM par la loi de finances pour 1998.
Au demeurant, l'appréciation portée sur le dispositif
général initial par le rapporteur général du budget
de la commission des finances de l'Assemblée nationale dans son rapport
sur le présent projet de loi est pour le moins sévère. M.
Didier Migaud écrit en effet
59(
*
)
:
" On peut s'interroger sur l'adéquation du paragraphe I à
la réalité économique en ce que cette interdiction (de
l'imputation fiscale des amortissements au delà du montant du loyer
acquis diminué du montant des autres charges) méconnaît,
pour des systèmes de financement de biens coûteux, la
nécessité de prendre en compte la dépréciation
effective des biens. Son effet probable sera la disparition des financements
par " GIE fiscaux " ou le report de la charge sur l'utilisateur du
bien, par la dégressivité des loyers. Cette mesure intervient
alors que les taux d'intérêt sont très bas, et,
malgré des demandes réitérées, votre Rapporteur
général regrette que l'on n'ait pu lui indiquer quel montant de
recettes fiscales supplémentaires elle pourrait permettre. "
B. LA PROCÉDURE D'AGRÉMENT LAISSE UNE TROP GRANDE MARGE
D'APPRÉCIATION À L'ADMINISTRATION
Compte tenu du nombre de conditions subordonnant l'octroi de l'agrément
ministériel nécessaire pour bénéficier des
avantages fiscaux résultant du présent dispositif et de la large
marge d'appréciation laissée à l'administration, il n'est
pas inutile de rappeler les observations du rapport public du Conseil d'Etat de
1995.
Le Conseil d'Etat se demande en effet si "
lorsqu'il subordonne
à un agrément par le ministre des finances, l'octroi d'un
avantage fiscal, le législateur ne viole pas l'obligation que lui fait
la Constitution de déterminer les règles d'assiette, dans la
mesure où le renvoi à un agrément revient en fait à
subordonner le bénéfice de l'exonération - donc le
champ d'application de la loi au niveau du contribuable - à
l'appréciation des services fiscaux, voire à l'arbitraire d'un
ministre
".
Or, rappelle le rapport du Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel a
précisé dans une décision n° 87-237 DC du 30
décembre 1987, que "
l'exigence de l'agrément
confère seulement au ministre
[...]
le pouvoir de s'assurer
que
[...]
l'opération
[...]
satisfait aux conditions
fixées par la loi
".
C. UNE MESURE MOINS FAVORABLE QUE LE PRÉCÉDENT DISPOSITIF
QUIRATAIRE POUR LA FLOTTE DE COMMERCE
Les membres de copropriétés de navires
bénéficiaient déjà de la possibilité
d'imputer les déficits d'exploitation des navires sur leurs
résultats puisque c'était le droit commun. Le premier volet du
présent article ne leur apporte donc rien de plus, si ce n'est la
possibilité de majorer d'un point le coefficient multiplicateur
permettant de calculer l'amortissement dégressif.
Pour cette dernière raison, le dispositif initial ne recueillait pas
l'assentiment des armateurs.
En effet, alors que la loi
" quirats " aboutissait à diminuer le coût d'achat d'un
navire de près de
25 %
sur 5 ans
pour l'armateur
et
que le régime d'amortissement dégressif de 31,25 % sur 8 ans
procurait un second avantage fiscal en permettant aux investisseurs assujettis
à l'impôt sur les sociétés de dégager des
déficits importants au cours des premiers exercices, l'administration
chiffre à
6 ou 8 % de la valeur du navire
l'avantage
procuré par le premier volet du présent article.
Pour limiter cette pénalisation, les députés ont
adjoint au dispositif initial une disposition visant à exonérer
d'impôt les plus-values de cession du bien
lorsque cette cession
intervient au profit de l'utilisateur du bien
. En outre, la durée
minimale de détention du bien ou des parts de la société
par l'investisseur initial a été ramenée par les
députés à deux tiers de la durée normale
d'utilisation du bien.
C'est cette dernière disposition qui doit être regardée
comme venant en substitution de la loi n° 96-607 du 5 juillet 1996
tendant à encourager la souscription de parts de
copropriété de navires supprimée par la loi de finances
pour 1998, même si son champ d'application excède largement le
cadre du financement des navires de commerce.
Elle a pour effet de porter à 15 % le montant de l'avantage fiscal
total pour les investisseurs de la société translucide, avantage
qui doit être rétrocédé à hauteur de deux
tiers à l'armateur, soit 10 %. Cet avantage est
légèrement inférieur à celui qu'ils retiraient du
dispositif quirataire et qui s'élevait environ à 12 % de la
valeur du navire (25 % partagé à égalité entre
l'investisseur et l'utilisateur).
Le dispositif proposé se révèle donc moins ambitieux que
la loi " quirats ".
L'objectif d'orienter l'épargne vers l'investissement maritime est
abandonné.
Seules les entreprises soumises à l'impôt sur les
sociétés pourront bénéficier du nouveau
régime fiscal d'aide à l'investissement maritime : les personnes
physiques et les personnes morales assujetties à l'impôt sur le
revenu en seront exclues.
Or la loi du 5 juillet 1996 précitée
autorisait les personnes
physiques à déduire de leur revenu imposable les sommes investies
dans les navires de commerce français
, dans la limite annuelle d'un
plafond de 500.000 francs pour une personne seule et 1 million de francs pour
un couple marié.
L'article 163
unvicies
du code général des impôts
disposait que les personnes physiques pouvaient procéder à de
telles opérations directement ou par l'intermédiaire d'une
entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL),
d'une société à responsabilité limitée
(SARL) ou d'un fonds de placement quirataire.
Les personnes morales
étaient par ailleurs autorisées
à déduire de leur bénéfice imposable
l'intégralité des sommes investies (article 217
nonies
du
CGI).
En pratique, les armateurs ne pourront plus faire appel à des
investisseurs extérieurs au milieu maritime, à l'exception des
sociétés à capacité financière
élevée, qui trouveront avantage à investir dans des
projets de grande dimension.
Il est donc peu probable que des projets de faible coût (navires de
valeur inférieure 50 millions de francs) soient développés
grâce à ce mécanisme d'incitation fiscale.
Le dispositif proposé vise l'ensemble des investissements
" lourds " (amortissables sur une durée au moins égale
à huit ans) sans tenir compte des spécificités de la
filière maritime.
Il est symptomatique de constater que la procédure d'agrément
prévue par le présent article ne mentionne que l'agrément
du ministre chargé du budget.
La
procédure d'agrément
prévue au deuxième
alinéa de l'article 238
bis
HN du CGI disposait que
celui-ci était délivré par le ministre du budget
après avis du ministre chargé de la marine marchande et du
ministre chargé de l'équipement naval.
L'abandon de cette expertise technique du dossier pourrait conduire à la
délivrance d'agréments sur des considérations plus
budgétaires que relatives à l'intérêt de
l'investissement pour la flotte de commerce française.
Par ailleurs, du fait du caractère général du dispositif
proposé,
les conditions relatives au maintien sous pavillon
français du navire ont disparu
.
Il serait légitime d'introduire, éventuellement par le biais de
la procédure d'agrément, une condition relative au pavillon, sauf
à renoncer à l'objectif de maintien et de croissance de la flotte
de commerce française.
Cependant, la cession anticipée du bien, lorsque les deux tiers de la
durée d'amortissement sont écoulés, permettrait de
s'affranchir très rapidement des conditions posées dans
l'agrément.
Le récent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des
politiques publiques
60(
*
)
sur
la politique maritime et littorale de la France évoquait, comme critique
principale à la loi du 5 juillet 1996, les risques de
dépavillonnement des navires (estimés à 30 %) qui,
s'ils n'étaient pas contrecarrés, risquaient de transformer un
avantage fiscal destiné à l'investissement maritime
français en simple avantage de trésorerie pour les
sociétés armatoriales.
Loin de régler ces questions, le présent article risque de les
amplifier.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article ainsi amendé.
ARTICLE 46 bis (nouveau)
Institution d'une taxe
communale sur les pylônes et antennes de téléphonie
mobile
Commentaire : le présent article prévoit
l'institution, au profit des communes , d'une taxe forfaitaire annuelle sur les
installations de relais de téléphone mobile (de 6.670 francs pour
les antennes et de 13.345 francs pour les pylônes) d'une hauteur
supérieure à 12 mètres.
Cet article résulte d'un amendement de M. Michel Bouvard
initialement adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du
Gouvernement. Cette disposition
a finalement été
acceptée par le Gouvernement au terme de la seconde
délibération
dont le présent projet de loi a fait
l'objet.
I - LES CARACTERISTIQUES DE LA NOUVELLE TAXE COMMUNALE
A. PRINCIPES ET TARIFS
Très
largement inspiré dans son principe et pour ses tarifs
de la taxe sur les pylônes électriques
définie à
l'article 1519 A du code général des impôts, ce nouvel
article 1519 B du code général des impôts institue une
imposition forfaitaire communale sur les
" stations
radioélectriques d'une hauteur supérieure à
12 mètres, implantées par les opérateurs de
télécommunications "
.
Les
tarifs de cette imposition forfaitaire annuelle sont fixées par
référence à ceux de la taxe sur les pylônes
électriques
, soit pour 1998, à
6.670 francs pour les
antennes
et à
13.345 francs pour les pylônes
. Le
montant de ces tarifs est revalorisé dans les mêmes conditions que
ceux de la taxe sur les pylônes électriques, c'est à dire
proportionnellement à la variation du produit de la taxe foncière
sur les propriétés bâties constatée au niveau
national.
B. L'ASSIETTE
L'assiette de cette imposition est
déterminée à partir
de celle qui est définie pour les redevances pour occupation du domaine
public
à l'article R. 20-52 du code des postes et
télécommunications, dans sa rédaction résultant du
décret n° 97-683 du 30 mai 1997 relatif aux droits de passage
sur le domaine public routier et aux servitudes prévus par les articles
L. 47 et L. 48 du code des postes et
télécommunications, pris en application de la loi
n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications (dite LRT).
Le 3° de l'article R. 20-52 du code des postes et
télécommunications dispose en effet que " dans le cas
d'installations de stations radioélectriques, la valeur maximale de la
redevance exprimée en francs et par installation de plus de
12 mètres est de 1.000 pour des antennes et de 2.000 pour des
pylônes ".
A cet égard, il convient de préciser que la hauteur de
12 mètres, retenue comme seuil pour l'application de cette
taxation, résulte de la lecture combinée de deux dispositions du
code de l'urbanisme dont il ressort que
l'implantation de pylônes de
plus de 12 mètres est soumise à une déclaration de
travaux auprès du maire
61(
*
)
. Cette hauteur de
12 mètres ne
correspond
donc pas un seuil d'ordre technique,
mais simplement
à des exigences pratiques de recensement de
l'assiette de cette imposition
.
II. APPRÉCIATIONS SUR LE DISPOSITIF
A. UN PRODUIT ATTENDU D'UN MONTANT INCERTAIN
Cette disposition ayant été
adoptée sans simulation
préalable et eu égard aux incertitudes caractérisant la
définition de l'assiette de ce prélèvement
, il
n'existe pas d'évaluation exacte du " rendement " de cette
mesure. Cette évaluation est d'autant plus difficile à obtenir
que les trois opérateurs qui seraient redevables de cette taxe se
trouvent en situation de concurrence, et que les détails techniques de
leurs réseaux respectifs sont couverts par le secret des affaires.
Cependant, d'après les informations recueillies à ce sujet par
votre commission auprès du secrétaire d'Etat à
l'industrie, M. Christian Pierret,
" le produit de cette taxe,
selon les estimations
a minima
données par les seuls
opérateurs de radiotéléphone (France Télécom
Mobiles, SFR et Bouyges Télécom) serait d'un
montant d'au
moins 353 millions de francs
. "
S'agissant de la ventilation de ce prélèvement annuel entre les
trois opérateurs, les éléments d'évaluation fournis
par les trois opérateurs concernés
recoupent dans une
très large mesure (bien que légèrement
inférieures)
, celles qui ont été communiquées
par le secrétariat d'Etat à l'industrie. Ainsi, le plus gros
contributeur serait SFR-Cégétel à hauteur de
154 millions de francs
62(
*
)
, viendrait ensuite France
Télécom Mobiles pour un montant de 120 millions de francs au
minimum, puis enfin Bouygues Télécom qui aurait à
acquitter près de 60 millions de francs
63(
*
)
.
B. LA PORTÉE DE CETTE TAXATION
1. La situation des opérateurs
En dehors des impositions nationales et locales acquittées par ces
opérateurs, il apparaît tout d'abord, que les montants
précédemment évoqués au titre de cette imposition
nouvelle
se cumuleraient avec la redevance
pour occupation du domaine
public fixée par le
décret du 30 mai 1997
. Cette
redevance, qui possède la même assiette que la taxe
proposée par le présent article, ainsi qu'il a été
indiqué ci-dessus, de 1.000 francs pour des antennes et de
2.000 francs pour des pylônes, sachant que ces tarifs s'appliquent
automatiquement en l'absence d'une délibération de la
collectivité territoriale concernée fixant des montants
inférieurs.
Ensuite, il apparaît, notamment, que l'Etat perçoit, pour ce qui
le concerne et en application du décret du 3 février 1993
modifié,
des redevances de mise à disposition de
fréquences radioélectriques et de gestion
qui sont
acquittées par les opérateurs de
télécommunications
64(
*
)
.
Enfin, il convient de signaler l'annonce faite par
Mme Dominique
Voynet
d'un
projet de création d'une taxe sur le chiffre
d'affaires des opérateurs de services de
télécommunications
destinée à abonder un fonds
interministériel des technologies de l'information et de la
communication.
2. L'impact environnemental
A la différence des lignes téléphoniques, les
installations radioélectriques ne peuvent, par définition,
être enterrées puisqu'il s'agit dans ce domaine de relayer des
ondes.
Le principe d'une taxation peut cependant avoir pour effet d'inciter
au regroupement
des relais et au partage des infrastructures par les
opérateurs. Il pourrait en résulter une limitation du nombre de
pylônes.
A l'inverse
la détermination d'un seuil d'application
fixé, pour les raisons précédemment
évoquées, à plus de 12 mètres
pourrait
inciter les opérateurs à diminuer la taille des
pylônes
, ce qui induirait une augmentation de leur nombre, puisque
l'importance de la zone couverte est directement fonction de la hauteur des
installations.
3. Des conséquences ambiguës pour collectivités locales
a) Une ressource nouvelle pour les collectivités locales
concernées
L'analyse des implications de cette taxation, conduit, de façon
générale, à évoquer la problématique de la
participation des collectivités locales aux prélèvements
fiscaux assis sur les formes nouvelles de richesse qui se développent ou
transitent par leurs territoires, eu égard au caractère souvent
désuet des impositions dont elles perçoivent le produit.
En outre, cette réflexion soulève le débat de la
valorisation de l'occupation du domaine public par les grands
réseaux
65(
*
)
. Sur ce
point, l'analyse faite par M. Robert Tiquet, président de
l'association des ingénieurs des villes de France souligne les
conséquences qui doivent être tirées du
passage d'une
époque marquée par un
" service public, assuré en
situation de quasi-monopole
par un établissement public
national (France Télécom, TDF ...) où on pouvait
considérer que l'occupation était une contrepartie du service
public, [à une époque caractérisée] par
une
logique de concurrence avec de multiples opérateurs
, où on
peut prétendre à juste titre que
l'occupation du domaine
public représente une valeur économique pour ces
opérateurs
. ".
b) Un risque pour l'aménagement du territoire
Malgré le bénéfice que cette taxe apporterait aux
collectivités directement bénéficiaires de son produit, il
convient de noter que cette imposition
pourrait avoir un effet dissuasif sur
la politique de couverture des " zones peu peuplées " à
laquelle le législateur et, tout particulièrement, le
Sénat a voulu inciter les opérateurs
.
Le Sénat a en effet obtenu l'inscription dans la loi de
réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996
(à l'article L. 35-3 du code des postes et
télécommunications) d'un
lien entre l'exemption partielle du
financement du service universel
des opérateurs de
téléphonie mobile soumis à des obligations de couverture
nationale (fixées par la loi en pourcentage de la
population
)
et l'engagement de ceux-ci de contribuer au renforcement de la couverture
des zones moins peuplées
de notre territoire.
En application de cette disposition les opérateurs ont accepté
de consacrer l'équivalent des sommes dont ils ont été
exemptés à ce titre à l'extension géographique de
leur zone de couverture.
A cet égard, il apparaît que cette taxe risque de
constituer
une mesure dissuasive pour l'implantation de relais de téléphonie
mobile dans les portions du territoire à faible densité
démographique
et, par conséquent, de priver de nombreuses
collectivités locales d'une couverture par un réseau de
téléphonie mobile.
Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 47
Abaissement du seuil d'autorisation
des cinémas " multiplexes "
Commentaire : le présent article tend à
modifier l'article 36-1 de la loi d'orientation du commerce et de
l'artisanat de 1973 tel qu'il résulte de la loi du 5 juillet 1996,
pour abaisser les seuils à partir desquels les projets de
création ou d'extension de cinémas multiplexes sont soumis aux
commissions départementales d'équipement cinématographique.
Le développement des multiplexes
66(
*
)
a affecté la
rentabilité des salles traditionnelles, risquant, ainsi, de porter
atteinte à la vitalité des centres villes.
C'est ce qui a conduit le précédent gouvernement à mettre
en place en 1996, d'abord à titre provisoire puis définitif, une
procédure d'autorisation des implantations nouvelles -ou des extensions
des établissements importants- sur le modèle de celle applicable
aux grandes surfaces, en matière d'urbanisme commercial.
Le système, mis en place de façon transitoire avec la loi
n° 96-314 du 12 avril 1996, a été confirmé
et adopté par la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative
au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.
Votre rapporteur n'entrera pas dans le détail de la procédure
soumettant les implantations d'établissements de plus de
1.500 fauteuils (ou les extensions d'établissements ouverts depuis
plus de cinq ans dépassant le seuil de 2.000 places) à
l'accord des commissions départementales d'équipements
cinématographiques sous le contrôle en appel d'une commission
nationale.
En revanche, il parait intéressant de compléter l'information
du Parlement en assortissant ce commentaire de la liste des multiplexes
existants ou déjà autorisés.
Le présent article tend à abaisser les seuils
de nombre de places au-dessus desquels les opérations doivent être
autorisées par les commissions départementales
d'équipement cinématographique : on passerait ainsi de 1.500
à 1.000 places pour les créations et de 2.000 à 1.500
pour les extensions d'établissements existant depuis plus de cinq ans.
Cet aménagement, envisagé depuis un certain temps
déjà trouve sa justification dans
la suppression d'un
effet de seuil
conduisant un certain nombre d'exploitants à
tourner la loi en entreprenant des opérations d'un nombre de places
juste inférieur aux seuils.
Très controversé par la profession au moment de sa mise en
place, ce système ne semble plus soulever d'oppositions ouvertes ni dans
son principe ni en ce qui concerne l'abaissement des seuils.
Votre rapporteur ne vous propose donc pas de modification du présent
article -adopté par l'Assemblée nationale moyennant un amendement
rédactionnel-, sous réserve que l'on n'en profitera pas pour
appliquer une politique malthusienne susceptible de nuire au dynamisme du
secteur : il s'agit d'organiser et de coordonner une activité dans
un esprit d'aménagement du territoire, non d'entraver le
développement d'un mode de consommation qui -les chiffres le prouvent-
est approuvée par nos concitoyens et n'est pas sans lien avec
l'augmentation de la fréquentation.
Les multiplexes ont représenté 17,3 % de la
fréquentation et 18,4 % des recettes du cinéma
français en 1997. Sur la base de l'implantation de 10 à
12 nouveaux établissements par an, la part de marché des
multiplexes à la fin de l'an 2000 pourrait bien continuer de
croître fortement pour s'établir aux alentours de 33 % avant
de se stabiliser par suite de l'achèvement des équipements des
grosses agglomérations.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.