ARTICLE 46

Limitation de l'amortissement des biens donnés en location par une société de personnes

Commentaire : le présent article tend à réserver un dispositif fiscal très incitatif (la possibilité pour des investisseurs de minorer leur assiette imposable par l'imputation de déficits d'exploitation) qui s'appliquait jusqu'à présent à tous les secteurs économiques, aux seuls biens d'équipement lourds (avions, TGV, navires...) amortissables sur une durée au moins égale à 8 ans. Il fait ainsi d'un dispositif fiscal qui constituait jusqu'à présent le droit commun, une exception.

Pour cela il procède en deux étapes :

- dans une première étape, il interdit la déduction des amortissements des biens donnés en location au delà du montant des loyers diminué des autres charges, pour tous les investisseurs, personnes physiques ou personnes morales ;

- dans une seconde étape, il permet aux personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés de déroger, sur agrément, à cette restriction lorsque qu'elles acquièrent un bien d'équipement qui présente pour la collectivité un intérêt économique et social, par l'intermédiaire d'une structure de financement relevant du régime des sociétés de personnes (GIE, SNC...), afin de le louer ou de le mettre à la disposition d'un utilisateur qui l'exploite dans le cadre de son activité habituelle.

A ce dispositif dérogatoire, les députés ont adjoint une exonération des plus-values de cession du bien lorsque la cession est effectuée au profit de l'utilisateur du bien.


Dans sa version initiale, le présent article avait pour objet de restreindre la possibilité de financer des investissements par l'intermédiaire de structures transparentes dont les associés sont passibles de l'impôt sur les sociétés, aux seuls projets agréés, sous certaines conditions, par le ministère du budget. Il s'agissait de faire obstacle à une certaine évasion fiscale, dans la mesure où le financement par ces structures transparentes permet la remontée des déficits d'exploitation du bien dans les comptes de l'investisseur, réduisant ainsi ses revenus imposables. Les services fiscaux ne semblaient en effet plus en mesure de contrôler le flux d'investissements financés grâce à ce mécanisme.

Enserré dans une contrainte budgétaire qui lui laisse peu de marges de manoeuvre, le gouvernement ne proposait rien moins qu'un durcissement de la législation fiscale avec le maintien d'une possibilité dérogatoire de déduire des amortissements fortement dégressifs pour les projets présentant pour la collectivité un intérêt économique et social, notamment en matière d'emploi.

Après son examen par l'Assemblée nationale, la portée de cet article a été considérablement modifiée par l' adjonction d'une disposition visant à exonérer d'impôt les plus-values de cession du bien lorsque cette cession intervient au profit de l'utilisateur du bien . En outre, la durée minimale de détention du bien ou des parts de la société par l'investisseur initial a été ramenée par les députés aux deux tiers de la durée normale d'utilisation.

C'est cette dernière disposition qui doit être regardée comme venant en substitution de l'abrogation de la loi tendant à encourager la souscription de parts de copropriété de navires, même si son champ d'application excède largement le cadre du financement des navires de commerce.

I. LA SUPPRESSION D'UN DISPOSITIF DE DROIT COMMUN

Le paragraphe I du présent article a pour objet d'étendre le mécanisme de limitation de la déduction des amortissements des biens donnés en location à toutes les opérations réalisées par des entreprises relevant du régime des sociétés de personnes, quels que soient le régime fiscal et la qualité des associés (alors qu'actuellement, seules les opérations réalisées par des personnes physiques sont concernées par cette limitation, en application de l'article 31 annexe II du code général des impôts).

A. LE RÉGIME ACTUEL DES GIE FISCAUX

Les services fiscaux s'inquiètent depuis une quinzaine d'années de voir échapper de la matière imposable à travers l'imputation des déficits réalisés par les sociétés de personnes sur les résultats bénéficiaires de leurs associés. En effet, les sociétés de personnes - qui peuvent être des sociétés en nom collectif, des copropriétés de navires ou encore des groupements d'intérêt économique (GIE), ce dernier cas étant le plus fréquent - sont des structures transparentes dont les résultats sont imposés entre les mains de leurs associés, copropriétaires ou membres.

Ainsi, les opérations de crédit-bail consenties, par exemple par des GIE, permettent-ils la remontée des déficits générés lors des premières années de l'activité de crédit-bail dans les comptes des membres de ces structures, réduisant ainsi leur résultat imposable.

Le crédit-bail est en effet une activité déficitaire tant que le montant des dotations comptables effectuées pour amortir le bien d'équipement excède celui des loyers encaissés au titre de la location du bien, diminué du montant des autres charges.

Or, la combinaison d'un amortissement effectué sur le mode dégressif (qui permet de majorer les premières annuités et de minorer les dernières annuités), de loyers progressifs et d'un prix de levée d'option élevé, a pour effet de dégager des déficits nets importants au début de la mise en oeuvre du contrat et des excédents nets à la fin du crédit-bail.

Les économies d'impôt ainsi obtenues par les associés durant les premières années d'exploitation sont compensées par les suppléments d'impôt qui apparaissent ensuite, lorsque la structure de financement réalise des bénéfices. Toutefois, ce décalage dans le temps permet de dégager un gain de trésorerie qui correspond à la différence actualisée entre les économies d'impôt des premiers exercices et les cotisations supplémentaires d'impôt des derniers exercices. Il est rétrocédé en partie à l'entreprise utilisatrice du bien sous forme de diminution du prix des loyers.

Les banques se servaient jusqu'à présent de ce type de montages pour financer des biens d'équipement lourds (avions, trains...) ou des investissements immobiliers industriels. Elles se prémunissaient par avance contre un éventuel redressement fiscal par les services fiscaux en obtenant des " lettres de confort " de la part du Service de la législation fiscale.

Enfin, il convient de préciser que seuls les associés assujettis à l'impôt sur les sociétés pouvaient bénéficier de l'intégralité de ce levier fiscal dans la mesure où le code général des impôts plafonne le montant des amortissements déductibles au niveau du montant des loyers perçus diminué des autres charges déductibles, lorsque le bailleur est une personne physique (article 31 de l'annexe II du CGI).

B. LA LIMITATION DE L'AMORTISSEMENT DES BIENS LOUÉS

Actuellement, l'article 31 de l'annexe II du CGI prévoit en effet que le montant de l'amortissement des biens loués, directement ou indirectement 52( * ) par des personnes physiques ne peut excéder le montant du loyer perçu pendant l'exercice considéré, diminué du montant des autres charges afférentes au bien donné en location 53( * ) .

Sont visés les particuliers relevant de l'impôt sur le revenu qui, directement ou par l'intermédiaire de sociétés ou d'organismes soumis au régime des sociétés de personnes, donnent des biens en location. L'objet de ce dispositif est d'éviter la constitution, par le biais d'une annuité d'amortissement supérieure au loyer diminué des charges, de déficits imputables sur les revenus de toute nature passibles de l'impôt sur le revenu.

Le paragraphe I du présent article a pour objet d'élever ce dispositif au niveau législatif et d'en étendre le champ d'application à l'ensemble des entreprises relevant des sociétés de personnes dont les membres sont des personnes morales passibles de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés .

Il vise également à étendre le mécanisme de la limitation de la déduction des amortissements à l'ensemble des opérations de " mise à disposition " de biens . Il semble que cette notion vise implicitement les opérations de crédit-bail dans la mesure où ces dernières ne présentent pas une nature strictement locative mais plutôt financière.

Les députés ont apporté une modification importante à ce dispositif général en permettant la remontée des amortissements, sans limitation, pour les résultats correspondants à la participation directe d'une entreprise au bien qu'elle exploite . Il s'agit donc du cas où l'exploitant du bien serait lui-même membre du tour de table d'investisseurs composant la société de personnes, la copropriété ou le groupement. Les députés ont souhaité ne pas décourager la constitution de GIE de moyens qui regroupent plusieurs entreprises industrielles pour la mise en oeuvre d'un investissement.

La limitation du droit à déduction des amortissements imposée par le présent article aura pour effet de supprimer tout résultat déficitaire de la structure soumise au régime des sociétés de personnes. S'agissant des amortissements dont la déduction serait empêchée par le présent dispositif, l'administration a, dans une instruction, précisé que la fraction de l'amortissement régulièrement comptabilisée dont la déduction en franchise d'impôt est écartée au titre d'un exercice peut néanmoins être admise en déduction ultérieurement , en sus de l'annuité normale, ou, à défaut, après l'expiration de la durée normale d'utilisation, à condition que l'ensemble des amortissements déduits au titre d'un exercice déterminé n'excède pas la limite fixée par l'article 31 de l'annexe II du CGI. Une solution de même nature devrait être prévue dans le cadre du nouveau dispositif.

Il n'a pas été possible à votre rapporteur d'obtenir un chiffrage du gain budgétaire que ce dispositif procurera à l'Etat. On peut cependant penser qu'il sera considérable compte tenu de la surface financière des investissements financés jusqu'à présent par le mécanisme de la déduction des amortissements. Il sera en partie employé pour financer le deuxième volet du dispositif.

C. ENTRÉE EN VIGUEUR

Le texte prévoit que la limitation de l'amortissement des biens loués ne s'applique qu'aux contrats de location ou aux mises à disposition conclus ou intervenues à compter du 25 février 1998, date à laquelle le présent dispositif a été rendu public. Il s'agit en évitant que le présent dispositif rétroagisse sur des situations acquises, de ne pas bouleverser l'équilibre économique et financier de projets financés par le biais de sociétés translucides. On peut penser qu'après cette date, les investisseurs auront eu la sagesse de ne plus compter sur l'avantage fiscal lié aux montages financiers de ce type.

Les députés ont souhaité en outre ne pas priver les investissements bénéficiant de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer ou de l'aide fiscale à la souscription de parts de copropriété de navires du privilège de l'ancien régime de droit commun dès lors qu'ils auraient fait parvenir une demande d'agrément à l'autorité administrative avant le 15 septembre 1997.

Cette disposition est bienvenue dans la mesure où les auteurs de ces investissements avaient probablement intégré la possibilité de pratiquer des amortissements " agressifs " dans leurs calculs de rentabilité.

II. L'INSTITUTION D'UN RÉGIME DÉROGATOIRE EN FAVEUR DES BIENS D'ÉQUIPEMENT LOURDS PRÉSENTANT UN INTÉRÊT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL SIGNIFICATIF

Conscient que le levier fiscal lié à ce type de financements " agressifs " s'avère parfois nécessaire pour rentabiliser des activités qui ne pourraient être financées autrement, le gouvernement ménage une dérogation au nouveau régime restrictif de droit commun afin d'encourager, sur agrément, le financement d'investissements lourds qui présentent "du point de vue de l'intérêt général, particulièrement en matière d'emploi, un intérêt économique et social significatif".

Pour cela, le présent article insère un nouvel article 39 CA dans le code général des impôts, afin de permettre aux associés, copropriétaires ou membres soumis à l'impôt sur les sociétés de structures de financement translucides 54( * ) d'imputer sur leurs résultats, sans limitation, les amortissements afférents à certaines opérations agréées.

Le gouvernement prévoit même une amélioration sensible du dispositif en majorant d'un point le coefficient de l'amortissement dégressif . Cette majoration aura pour effet d'accroître les résultats déficitaires de la structure translucide au cours des premiers exercices ce qui majorera d'autant la valeur actualisée des économies d'impôt.

Le tableau suivant indique les taux de l'amortissement dégressif praticable avant et après majoration :



Il convient de noter en outre que la participation à la structure translucide sera ouverte à toute société assujettie à l'impôt sur les sociétés ayant une capacité fiscale bénéficiaire pouvant faire partie de cette structure.

A. UNE DÉROGATION OUVERTE AUX BIENS MEUBLES AMORTISSABLES SELON LE MODE DÉGRESSIF SUR UNE DURÉE AU MOINS ÉGALE À HUIT ANS

Seuls pourraient bénéficier de la dérogation les biens meubles amortissables selon le mode dégressif sur une durée au moins égale à huit ans.

Compte tenu de ces conditions, ce dispositif concernerait en pratique essentiellement les biens d'équipement lourds tels que les avions, les rames de trains ou les machines-outils. Il est à noter que le mobilier de bureau est également amortissable sur une durée de 10 ans.

La durée minimale d'amortissement de huit ans conduirait en revanche à exclure du régime spécial certaines installations complexes spécialisées (ICS) amortissables sur une durée de 6 ans 2/3, sauf à considérer que ces biens seraient amortis sur huit ans au lieu de 6 ans 2/3, ce qui serait compatible avec une tolérance administrative 55( * ) .

Il convient également de noter que le texte de l'article aboutirait à écarter la réalisation de tout financement immobilier dans le cadre de ces schémas, y compris ceux qui concernent des biens immeubles admis au bénéfice de l'amortissement dégressif comme les installations de magasinage et de stockage ou immeubles des entreprises hôtelières.

Le dispositif serait en outre réservé au financement de biens acquis à l'état neuf , qui seuls bénéficient du régime de l'amortissement dégressif. Toutefois, les navires d'occasion qui peuvent, en vertu d'une instruction administrative (BIC-X-24430), déroger à ce principe, seront admis au bénéfice du présent dispositif.

Par ailleurs, deux conditions concernent l'utilisateur des investissements financés :

- En premier lieu, l'utilisateur du bien devra être une société qui l'exploite dans le cadre de son activité habituelle . Cette condition tend à écarter toute structure interposée pratiquant la sous-location dans la mesure où la notion d'utilisation serait exclusive de celle de location. Il ne faut cependant pas qu'une interprétation trop restrictive de cette clause conduise à écarter du bénéfice du présent dispositif les sociétés qui, par souci de saine gestion, diversifieraient leurs activités.

Elle conduirait également à écarter les biens utilisés par les entreprises n'ayant pas le statut de société, et notamment, les investissements financés au profit des collectivités territoriales ou de leurs démembrements.

- En second lieu, l'utilisateur est susceptible d'acquérir la propriété du bien à titre permanent : cette condition permettra à l'administration de refuser l'agrément lorsque le contrat de location ou de mise à disposition ne comprend pas une promesse de vente ou un mécanisme de levée d'option permettant à l'utilisateur d'acquérir le bien. il semble naturel d'imposer cette condition dans la mesure où le présent dispositif est conçu comme une aide à l'utilisateur.

En outre, une telle clause conduit à exclure du bénéfice d'une telle aide les biens concédés par une personne publique à une entreprise remplissant une mission de service public, le gouvernement ne souhaitant pas leur accorder un avantage fiscal supplémentaire. En effet, par définition, les biens mis en concession, biens dits " de retour ", sont censés revenir à la collectivité concédante à l'issue du contrat de concession. Ils ne peuvent rentrer dans le patrimoine du concessionnaire sauf décision législative contraire.

Enfin, il convient de noter que le texte ne pose aucune condition relative à la nationalité du preneur et à la localisation du bien. Sans préjudice des dispositions qui suivent, il pourrait donc s'agir d'une société étrangère qui prend le bien en location ou en crédit-bail en vue de son exploitation à l'étranger.

B. UNE DÉROGATION OUVERTE AUX BIENS AYANT FAIT L'OBJET D'UN AGRÉMENT

Pour bénéficier de l'avantage fiscal, le bien doit au préalable avoir reçu l'agrément du ministre chargé du budget. Le présent article subordonne la délivrance de l'agrément par ce dernier à six conditions cumulatives :

Le prix d'acquisition du bien doit correspondre au prix de marché , compte tenu de ses caractéristiques.

Il s'agit d'éviter de voir le prix de cession des biens majoré en raison de l'avantage fiscal. Le cédant et l'acquéreur peuvent en effet chacun avoir intérêt à surestimer le prix de cession, le premier pour réaliser une plus-value, le second pour accroître l'assiette de l'amortissement.

L'investissement doit présenter du point de vue de l'intérêt général, particulièrement en matière d'emploi, un intérêt économique et social significatif.

Cette disposition est inspirée d'une clause similaire subordonnant l'agrément des investissements productifs réalisés dans les départements d'outre-mer (cf. article 217 decies du CGI). La loi de finances pour 1998 a notamment inclus une clause prévoyant que l'agrément peut être accordé s'il favorise le maintien ou la création d'emplois dans le département concerné.

Il s'agit d'un moyen de favoriser les biens fabriqués sur le territoire national ou les financements réalisés au profit d'un utilisateur français.

Il reste que l'intérêt économique et social pourra parfois être difficile à démontrer lorsqu'une entreprise est en phase de restructuration.

L'utilisateur du bien doit démontrer que le bien est nécessaire à son exploitation .

Cette clause semble destinée à éviter le simple " portage " des biens. Néanmoins, on peut penser qu'un tel objectif est déjà poursuivi par la condition précédente tendant à ce que l'utilisateur du bien soit susceptible d'en acquérir la propriété à titre permanent.

L'utilisateur du bien doit démontrer que les modalités de financement retenues sont déterminées par des préoccupations autres que fiscales ou comptables .

Cette condition ne figurait pas dans la version initiale du présent article. Elle a été substituée par les députés à la condition tendant à ce que l'utilisateur démontre qu'il n'est pas en mesure d'acquérir directement le bien sans compromettre l'équilibre financier de l'entreprise, à la suite de l'adjonction du paragraphe tendant à exonérer les plus-values de cession du bien en cas de cession anticipée à l'utilisateur.

On voit cependant difficilement comment l'utilisateur pourra prouver que les modalités de financement retenues sont déterminées par des préoccupations autres que fiscales dans la mesure où le présent dispositif a précisément pour objet d'encourager des investissements lourds grâce à un levier fiscal très incitatif.

Il sera plus facile en revanche à l'utilisateur de démontrer que les modalités de financement choisies ne visent pas à éviter de dégrader son bilan comptable. Le dispositif ne vise en effet pas à favoriser les entreprises qui, par souci d'affichage, financeraient leurs biens d'exploitation par l'intermédiaire d'une structure transparente afin de ne pas avoir à consolider les investissements ainsi opérés à leur bilan.

Les deux tiers au moins de l'avantage fiscal obtenu par les membres de la structure de financement doivent être rétrocédés à l'utilisateur sous forme de diminution du loyer ou de minoration du montant de l'option d'achat . Le montant de l'avantage qui doit être rétrocédé est déterminé lors de la délivrance de l'agrément.

Il convient de noter que cette rétrocession de l'avantage fiscal à l'utilisateur avait déjà lieu dans le cadre des anciens " GIE fiscaux " mais que la norme était de rétrocéder la moitié de l'avantage fiscal obtenu. Le présent dispositif est donc plus favorable à l'utilisateur.

Par ailleurs, la disposition tendant à ce que le montant de l'avantage fiscal et donc de la rétrocession envisagée soit fixé dès le dépôt du dossier de demande de l'agrément est de nature à poser des difficultés au regard d'une autre disposition du texte qui institue un plafond d'imputation des pertes . En effet, pour les acquisitions agréées, les déficits réalisés par la structure de financement ne seront déductibles chaque année qu'à hauteur du quart des bénéfices imposables de chaque associé, sachant que les associés s'engagent à conserver leurs parts jusqu'à l'expiration du contrat de location. Le gouvernement avait pour souci en instituant ce plafond d'empêcher que les associés de la structure de financement puissent échapper complètement à l'impôt sur les sociétés. Cette condition impose en outre que les participants à l'opération disposent de perspectives bénéficiaires suffisamment assurées pour en retirer tout son intérêt fiscal.

Or, cette dernière disposition rend le dispositif inapplicable car aucune société ne peut prévoir ses résultats financiers sur une durée de huit années et donc le montant de l'avantage fiscal global qu'elle retirera in fine de son investissement.

Au surplus, cette disposition semble inutile . Outre qu'elle n'aura aucun impact sur la dépense fiscale finalement consentie par l'Etat, les investissements étant agréés a priori sur le fondement des conditions précédemment recensées, et non en fonction des membres de la structure de financement 56( * ) , l'objectif qu'elle poursuit (éviter qu'une société puisse annuler totalement son impôt) sera rempli naturellement par l'application par les investisseurs du principe de précaution. Aucun investisseur ne prendra le risque de financer seul des investissements aussi lourds que ceux que le présent projet de texte tend à encourager.

Votre commission vous proposera en conséquence un amendement de suppression de cette disposition.

Les associés, copropriétaires ou membres s'engagent à conserver les parts qu'ils détiennent dans la structure de financement jusqu'à l'expiration du contrat de location ou de mise à disposition du bien .

Cette obligation de conservation du bien tend à éviter qu'un associé revende ses parts à une société déficitaire au moment où les résultats de la structure de financement deviendraient bénéficiaires. Une telle situation conduirait à optimiser l'avantage fiscal et à s'écarter du schéma agréé.

Pour la même raison, le texte impose que les biens soient conservés par la structure de financement jusqu'à l'expiration du contrat de location ou de mise à disposition.

Il convient de noter cependant que la durée du contrat de location ou de mise à disposition peut être légèrement supérieure à la durée de l'amortissement. Ainsi, dans le cas d'un bien amortissable sur 15 ans comme une rame de TGV, les investisseurs devraient conserver leurs parts pendant 16 ou 17 ans, ce qui peut sembler très long.

L'absence de respect de cette condition était, dans le texte initial, sanctionnée par la réintégration du montant de l'avantage fiscal afférent aux parts cédées dans les résultats de l'exercice duquel il avait été déduit. Toutefois, l'investisseur peu scrupuleux n'était pas sanctionné :

- s'il s'engageait à conserver ses parts pendant une durée minimale de huit ans et à ne les céder qu'à l'utilisateur effectif du bien,

- et s'il produisait des éléments de nature à établir la pérennité de l'exploitation du bien jusqu'au terme du contrat initial de location ou de mise à disposition.

Ce dispositif a disparu au profit d'un nouveau dispositif introduit par l'Assemblée nationale (cf. infra).

C. LES AUTRES CONDITIONS

Le texte prévoit que le prix d'acquisition du bien pris en compte pour le calcul de l'amortissement est égal au prix de cession compris dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu du constructeur . Il s'agit, semble-t-il, d'éviter de prendre en compte dans l'assiette de l'amortissement les frais accessoires nécessaires à la mise en état d'utilisation du bien, alors même que ces derniers sont compris dans les bases de l'amortissement (droits de douane, frais d'installation et de montage).

Il semble également, à la lecture du rapport de l'Assemblée nationale, qu'une telle disposition, qui pourrait apparaître comme redondante au regard de la condition imposant que le prix d'acquisition du bien corresponde au prix du marché, soit motivée par la volonté d'orienter le dispositif vers les biens construits en France, ce qui peut poser problème au regard du droit communautaire.

L'administration pourrait en effet choisir d'interpréter les termes " impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu du constructeur " comme excluant les biens acquis auprès de constructeurs qui ne seraient pas assujettis à l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés français. Votre rapporteur considère qu'une telle interprétation est trop restrictive et néglige l'existence d'impôts similaires à l'étranger. Il ne faudrait pas en effet que cette clause prive les entrepreneurs de la possibilité d'acquérir des biens à l'étranger, notamment dans les secteurs dont l'industrie française est absente (construction de porte-conteneurs, fabrication de certains avions spécialisés...).

Au demeurant, la condition tendant à réserver l'avantage fiscal aux investissements qui présentent " d'un intérêt économique et social significatif, notamment en matière d'emploi " devrait permettre d'écarter tout investissement effectué à l'étranger, lorsque l'acquisition aurait pu être effectuée dans les mêmes conditions en France.

Cette disposition suscite en outre trois types de difficultés :

- elle est inapplicable pour les navires d'occasion : si l'on devait en effet amortir ces derniers sur la base du prix de cession initial, on surévaluerait considérablement le prix du navire. Son application stricte engendrerait donc un coût non négligeable pour l'Etat.

- la pratique comptable constante veut que la base de l'amortissement d'un bien soit le prix de revient de ce bien (BIC-X-2600 s). En effet, il arrive que le prix de cession pris en compte dans l'assiette de l'impôt du constructeur résulte d'un arbitrage, conduisant à faire prendre en charge directement par l'armateur certains frais annexes. Il est difficilement envisageable de ne pas les intégrer, dès lors que ces frais seraient justifiés.

- le prix de cession compris dans l'assiette de l'impôt du constructeur peut être difficile à connaître , lorsque le constructeur est étranger et n'obéit pas aux mêmes règles comptables que les constructeurs français.

Votre commission vous proposera donc un amendement ayant pour objet de revenir à une définition simple de la base d'amortissement du bien, c'est-à-dire le prix de revient de ce bien, sans faire référence à l'assiette de l'impôt du constructeur.

D. L'AGRÉMENT PEUT PRÉVOIR UNE EXONÉRATION DES PLUS-VALUES EN CAS DE CESSION ANTICIPÉE DU BIEN À L'UTILISATEUR


L'Assemblée nationale a apporté une modification majeure au dispositif prévu par le gouvernement.

Elle a en effet introduit un dispositif d' exonération de la plus-value réalisée en cas de cession anticipée du bien ou des parts de la société de personnes à l'utilisateur du bien . Ce dispositif, réclamé de longue date par les armateurs, se substitue au mécanisme dérogatoire évoqué plus haut.

Tout contribuable qui souhaiterait en bénéficier devrait le requérir expressément au moment de la demande d'agrément, et devrait remplir les conditions suivantes :

Les deux tiers de la durée normale d'utilisation du bien sont écoulés.

La durée d'utilisation du bien correspond à la durée d'amortissement du bien. Elle est déterminée par les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation. En conséquence, pour un navire amortissable sur huit ans, les deux tiers de la durée normale d'utilisation correspondent à cinq ans un tiers. Pour un avion amortissable sur treize ans, les deux tiers de la durée normale d'utilisation correspondent à huit ans deux tiers.

L'utilisateur du bien démontre qu'il n'est pas en mesure de l'acquérir directement sans compromettre l'équilibre financier de l'entreprise .

Cette condition figurait initialement dans le premier volet de l'agrément. Elle est destinée à réserver l'avantage du dispositif aux entreprises les plus fragiles, qui exigent le plus d'être aidées.

Elle risque cependant de soulever des difficultés d'appréciation et de faire du présent dispositif un dispositif de subvention artificielle des plus mauvais risques.

Cet utilisateur est en mesure de garantir la pérennité de l'exploitation du bien jusqu'à la date prévue d'expiration du contrat initial de location ou de mise à disposition du bien .

Cette condition figurait également dans le texte initial parmi les conditions permettant aux investisseurs de céder leurs parts à l'issue d'une période de huit ans, à la différence près que c'est l'investisseur qui devait produire les éléments de nature à établir la pérennité de l'exploitation du bien jusqu'au terme du contrat initial de location ou de mise à disposition.

Le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale faisait très justement observer que cette proposition manquait singulièrement de réalisme. " On imagine assez mal , écrit le rapporteur général, M. Didier Migaud 57( * ) , comment le contribuable crédit-bailleur pourrait produire dès le dépôt de la demande d'agrément, des éléments de nature à établir la pérennité de l'exploitation du bien jusqu'au terme du contrat initial de location ou de mise à disposition, alors que cette exploitation n'a pas encore commencé ! Qui peut dire ce que sera l'état du marché pétrolier en 2006 ou celui du transport aérien en 2011 ? "

Ce nouveau levier fiscal appelle deux observations :

- En premier lieu, il a pour effet de multiplier par deux l'avantage fiscal résultant de la première partie du dispositif. En effet, selon les informations recueillies par votre rapporteur, en actualisant au taux de 6 % (qui est relativement élevé) l'économie d'impôt résultant de la possibilité de déduire les amortissements des biens donnés en location, on obtient un avantage de 85 pour mille soit 8,5 % de la valeur de l'investissement. L'exonération des plus-values de cession en cas de cession anticipée porte cet avantage à 15 %. Il semble utile de préciser que c'est cet avantage global qui doit être rétrocédé à hauteur de 2/3 à l'utilisateur du bien.

- En second lieu, il convient de souligner que la rédaction du nouveau dispositif n'impose pas à l'administration d'accorder l'exonération des plus-values du bien ou des parts cédés dans l'hypothèse où les conditions d'octroi de l'avantage seraient remplies. Le texte précise en effet que " la décision d'agrément peut prévoir que la cession anticipée du bien ou des parts (...) n'entraîne pas d'impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés " si les conditions sont remplies.

Cette rédaction est éminemment problématique . En effet, on ne voit pas pourquoi un avantage fiscal de cette ampleur dépendrait du bon vouloir de l'administration, dès lors qu'un certain nombre de conditions seraient remplies. Une telle rédaction est de nature à nourrir un contentieux abondant sur le fondement de la rupture de l'égalité devant l'impôt.

Si l'objectif du gouvernement consiste à réserver le bénéfice de ce deuxième levier fiscal aux seuls navires de commerce, en remplacement de la loi relative à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce supprimée par la loi de finances pour 1998, il conviendrait alors de le préciser dans le texte de la loi.

III. APPRÉCIATION DU DISPOSITIF

A. UNE MESURE DE BONNE GESTION POUR LES FINANCES PUBLIQUES MAIS UN RISQUE DE TARISSEMENT DES INVESTISSEMENTS DANS CERTAINS SECTEURS DE L'ÉCONOMIE


Il peut apparaître comme de saine gestion de cibler un dispositif fiscal très incitatif sur les biens économiques à vie longue pour lesquels les investisseurs ne disposent pas d'une visibilité suffisante pour investir. Il s'agit en gonflant artificiellement la rentabilité d'un investissement, d'encourager les opérateurs privés à investir dans des secteurs que les lois du marché les inciteraient naturellement à négliger.

Il est vraisemblable en outre que l'on accroît l'incitativité et l'efficience économique (résultats/coût) d'un dispositif qui était jusqu'à présent trop largement accessible et qui donnait probablement prise à certains excès, même si les services fiscaux sont dans l'impossibilité de fournir un chiffrage du coût de ce dispositif.

Néanmoins, le nouveau dispositif risque le tarir les sources de financement dans des secteurs dont la rentabilité est très précaire. Il convient de se demander s'il s'agit d'une stratégie adéquate dans un pays notablement en retard en termes d'investissements, par rapport à ses concurrents.

Il convient de remarquer, à cet égard, que c'est la troisième fois en trois ans que les gouvernements successifs écornent un levier fiscal résultant de la possibilité d'imputer des déficits, après ce que l'on a appelé la " tunnélisation " des déficits 58( * ) opérée dans le cadre de la loi de finances pour 1996, étendue aux investissements réalisés dans les DOM-TOM par la loi de finances pour 1998.

Au demeurant, l'appréciation portée sur le dispositif général initial par le rapporteur général du budget de la commission des finances de l'Assemblée nationale dans son rapport sur le présent projet de loi est pour le moins sévère. M. Didier Migaud écrit en effet 59( * ) :

" On peut s'interroger sur l'adéquation du paragraphe I à la réalité économique en ce que cette interdiction (de l'imputation fiscale des amortissements au delà du montant du loyer acquis diminué du montant des autres charges) méconnaît, pour des systèmes de financement de biens coûteux, la nécessité de prendre en compte la dépréciation effective des biens. Son effet probable sera la disparition des financements par " GIE fiscaux " ou le report de la charge sur l'utilisateur du bien, par la dégressivité des loyers. Cette mesure intervient alors que les taux d'intérêt sont très bas, et, malgré des demandes réitérées, votre Rapporteur général regrette que l'on n'ait pu lui indiquer quel montant de recettes fiscales supplémentaires elle pourrait permettre. "

B. LA PROCÉDURE D'AGRÉMENT LAISSE UNE TROP GRANDE MARGE D'APPRÉCIATION À L'ADMINISTRATION


Compte tenu du nombre de conditions subordonnant l'octroi de l'agrément ministériel nécessaire pour bénéficier des avantages fiscaux résultant du présent dispositif et de la large marge d'appréciation laissée à l'administration, il n'est pas inutile de rappeler les observations du rapport public du Conseil d'Etat de 1995.

Le Conseil d'Etat se demande en effet si " lorsqu'il subordonne à un agrément par le ministre des finances, l'octroi d'un avantage fiscal, le législateur ne viole pas l'obligation que lui fait la Constitution de déterminer les règles d'assiette, dans la mesure où le renvoi à un agrément revient en fait à subordonner le bénéfice de l'exonération - donc le champ d'application de la loi au niveau du contribuable - à l'appréciation des services fiscaux, voire à l'arbitraire d'un ministre ".

Or, rappelle le rapport du Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel a précisé dans une décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, que " l'exigence de l'agrément confère seulement au ministre [...] le pouvoir de s'assurer que [...] l'opération [...] satisfait aux conditions fixées par la loi ".

C. UNE MESURE MOINS FAVORABLE QUE LE PRÉCÉDENT DISPOSITIF QUIRATAIRE POUR LA FLOTTE DE COMMERCE

Les membres de copropriétés de navires bénéficiaient déjà de la possibilité d'imputer les déficits d'exploitation des navires sur leurs résultats puisque c'était le droit commun. Le premier volet du présent article ne leur apporte donc rien de plus, si ce n'est la possibilité de majorer d'un point le coefficient multiplicateur permettant de calculer l'amortissement dégressif.

Pour cette dernière raison, le dispositif initial ne recueillait pas l'assentiment des armateurs. En effet, alors que la loi " quirats " aboutissait à diminuer le coût d'achat d'un navire de près de 25 % sur 5 ans pour l'armateur et que le régime d'amortissement dégressif de 31,25 % sur 8 ans procurait un second avantage fiscal en permettant aux investisseurs assujettis à l'impôt sur les sociétés de dégager des déficits importants au cours des premiers exercices, l'administration chiffre à 6 ou 8 % de la valeur du navire l'avantage procuré par le premier volet du présent article.

Pour limiter cette pénalisation, les députés ont adjoint au dispositif initial une disposition visant à exonérer d'impôt les plus-values de cession du bien lorsque cette cession intervient au profit de l'utilisateur du bien . En outre, la durée minimale de détention du bien ou des parts de la société par l'investisseur initial a été ramenée par les députés à deux tiers de la durée normale d'utilisation du bien.

C'est cette dernière disposition qui doit être regardée comme venant en substitution de la loi n° 96-607 du 5 juillet 1996 tendant à encourager la souscription de parts de copropriété de navires supprimée par la loi de finances pour 1998, même si son champ d'application excède largement le cadre du financement des navires de commerce.

Elle a pour effet de porter à 15 % le montant de l'avantage fiscal total pour les investisseurs de la société translucide, avantage qui doit être rétrocédé à hauteur de deux tiers à l'armateur, soit 10 %. Cet avantage est légèrement inférieur à celui qu'ils retiraient du dispositif quirataire et qui s'élevait environ à 12 % de la valeur du navire (25 % partagé à égalité entre l'investisseur et l'utilisateur).

Le dispositif proposé se révèle donc moins ambitieux que la loi " quirats ".

L'objectif d'orienter l'épargne vers l'investissement maritime est abandonné.

Seules les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés pourront bénéficier du nouveau régime fiscal d'aide à l'investissement maritime : les personnes physiques et les personnes morales assujetties à l'impôt sur le revenu en seront exclues.


Or la loi du 5 juillet 1996 précitée autorisait les personnes physiques à déduire de leur revenu imposable les sommes investies dans les navires de commerce français , dans la limite annuelle d'un plafond de 500.000 francs pour une personne seule et 1 million de francs pour un couple marié.

L'article 163 unvicies du code général des impôts disposait que les personnes physiques pouvaient procéder à de telles opérations directement ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), d'une société à responsabilité limitée (SARL) ou d'un fonds de placement quirataire.

Les personnes morales étaient par ailleurs autorisées à déduire de leur bénéfice imposable l'intégralité des sommes investies (article 217 nonies du CGI).

En pratique, les armateurs ne pourront plus faire appel à des investisseurs extérieurs au milieu maritime, à l'exception des sociétés à capacité financière élevée, qui trouveront avantage à investir dans des projets de grande dimension.

Il est donc peu probable que des projets de faible coût (navires de valeur inférieure 50 millions de francs) soient développés grâce à ce mécanisme d'incitation fiscale.

Le dispositif proposé vise l'ensemble des investissements " lourds " (amortissables sur une durée au moins égale à huit ans) sans tenir compte des spécificités de la filière maritime.

Il est symptomatique de constater que la procédure d'agrément prévue par le présent article ne mentionne que l'agrément du ministre chargé du budget.

La procédure d'agrément prévue au deuxième alinéa de l'article 238 bis HN du CGI disposait que celui-ci était délivré par le ministre du budget après avis du ministre chargé de la marine marchande et du ministre chargé de l'équipement naval.

L'abandon de cette expertise technique du dossier pourrait conduire à la délivrance d'agréments sur des considérations plus budgétaires que relatives à l'intérêt de l'investissement pour la flotte de commerce française.

Par ailleurs, du fait du caractère général du dispositif proposé, les conditions relatives au maintien sous pavillon français du navire ont disparu .

Il serait légitime d'introduire, éventuellement par le biais de la procédure d'agrément, une condition relative au pavillon, sauf à renoncer à l'objectif de maintien et de croissance de la flotte de commerce française.

Cependant, la cession anticipée du bien, lorsque les deux tiers de la durée d'amortissement sont écoulés, permettrait de s'affranchir très rapidement des conditions posées dans l'agrément.

Le récent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques 60( * ) sur la politique maritime et littorale de la France évoquait, comme critique principale à la loi du 5 juillet 1996, les risques de dépavillonnement des navires (estimés à 30 %) qui, s'ils n'étaient pas contrecarrés, risquaient de transformer un avantage fiscal destiné à l'investissement maritime français en simple avantage de trésorerie pour les sociétés armatoriales.

Loin de régler ces questions, le présent article risque de les amplifier.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article ainsi amendé.

ARTICLE 46 bis (nouveau)

Institution d'une taxe communale sur les pylônes et antennes de téléphonie mobile

Commentaire : le présent article prévoit l'institution, au profit des communes , d'une taxe forfaitaire annuelle sur les installations de relais de téléphone mobile (de 6.670 francs pour les antennes et de 13.345 francs pour les pylônes) d'une hauteur supérieure à 12 mètres.

Cet article résulte d'un amendement de M. Michel Bouvard initialement adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement. Cette disposition a finalement été acceptée par le Gouvernement au terme de la seconde délibération dont le présent projet de loi a fait l'objet.

I - LES CARACTERISTIQUES DE LA NOUVELLE TAXE COMMUNALE

A. PRINCIPES ET TARIFS


Très largement inspiré dans son principe et pour ses tarifs de la taxe sur les pylônes électriques définie à l'article 1519 A du code général des impôts, ce nouvel article 1519 B du code général des impôts institue une imposition forfaitaire communale sur les " stations radioélectriques d'une hauteur supérieure à 12 mètres, implantées par les opérateurs de télécommunications " .

Les tarifs de cette imposition forfaitaire annuelle sont fixées par référence à ceux de la taxe sur les pylônes électriques , soit pour 1998, à 6.670 francs pour les antennes et à 13.345 francs pour les pylônes . Le montant de ces tarifs est revalorisé dans les mêmes conditions que ceux de la taxe sur les pylônes électriques, c'est à dire proportionnellement à la variation du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties constatée au niveau national.

B. L'ASSIETTE

L'assiette de cette imposition est déterminée à partir de celle qui est définie pour les redevances pour occupation du domaine public à l'article R. 20-52 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction résultant du décret n° 97-683 du 30 mai 1997 relatif aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes prévus par les articles L. 47 et L. 48 du code des postes et télécommunications, pris en application de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications (dite LRT).

Le 3° de l'article R. 20-52 du code des postes et télécommunications dispose en effet que " dans le cas d'installations de stations radioélectriques, la valeur maximale de la redevance exprimée en francs et par installation de plus de 12 mètres est de 1.000 pour des antennes et de 2.000 pour des pylônes ".

A cet égard, il convient de préciser que la hauteur de 12 mètres, retenue comme seuil pour l'application de cette taxation, résulte de la lecture combinée de deux dispositions du code de l'urbanisme dont il ressort que l'implantation de pylônes de plus de 12 mètres est soumise à une déclaration de travaux auprès du maire 61( * ) . Cette hauteur de 12 mètres ne correspond donc pas un seuil d'ordre technique, mais simplement à des exigences pratiques de recensement de l'assiette de cette imposition .

II. APPRÉCIATIONS SUR LE DISPOSITIF

A. UN PRODUIT ATTENDU D'UN MONTANT INCERTAIN


Cette disposition ayant été adoptée sans simulation préalable et eu égard aux incertitudes caractérisant la définition de l'assiette de ce prélèvement , il n'existe pas d'évaluation exacte du " rendement " de cette mesure. Cette évaluation est d'autant plus difficile à obtenir que les trois opérateurs qui seraient redevables de cette taxe se trouvent en situation de concurrence, et que les détails techniques de leurs réseaux respectifs sont couverts par le secret des affaires.

Cependant, d'après les informations recueillies à ce sujet par votre commission auprès du secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Christian Pierret, " le produit de cette taxe, selon les estimations a minima données par les seuls opérateurs de radiotéléphone (France Télécom Mobiles, SFR et Bouyges Télécom) serait d'un montant d'au moins 353 millions de francs . "

S'agissant de la ventilation de ce prélèvement annuel entre les trois opérateurs, les éléments d'évaluation fournis par les trois opérateurs concernés recoupent dans une très large mesure (bien que légèrement inférieures) , celles qui ont été communiquées par le secrétariat d'Etat à l'industrie. Ainsi, le plus gros contributeur serait SFR-Cégétel à hauteur de 154 millions de francs 62( * ) , viendrait ensuite France Télécom Mobiles pour un montant de 120 millions de francs au minimum, puis enfin Bouygues Télécom qui aurait à acquitter près de 60 millions de francs 63( * ) .

B. LA PORTÉE DE CETTE TAXATION

1. La situation des opérateurs


En dehors des impositions nationales et locales acquittées par ces opérateurs, il apparaît tout d'abord, que les montants précédemment évoqués au titre de cette imposition nouvelle se cumuleraient avec la redevance pour occupation du domaine public fixée par le décret du 30 mai 1997 . Cette redevance, qui possède la même assiette que la taxe proposée par le présent article, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, de 1.000 francs pour des antennes et de 2.000 francs pour des pylônes, sachant que ces tarifs s'appliquent automatiquement en l'absence d'une délibération de la collectivité territoriale concernée fixant des montants inférieurs.

Ensuite, il apparaît, notamment, que l'Etat perçoit, pour ce qui le concerne et en application du décret du 3 février 1993 modifié, des redevances de mise à disposition de fréquences radioélectriques et de gestion qui sont acquittées par les opérateurs de télécommunications 64( * ) .

Enfin, il convient de signaler l'annonce faite par Mme Dominique Voynet d'un projet de création d'une taxe sur le chiffre d'affaires des opérateurs de services de télécommunications destinée à abonder un fonds interministériel des technologies de l'information et de la communication.

2. L'impact environnemental

A la différence des lignes téléphoniques, les installations radioélectriques ne peuvent, par définition, être enterrées puisqu'il s'agit dans ce domaine de relayer des ondes. Le principe d'une taxation peut cependant avoir pour effet d'inciter au regroupement des relais et au partage des infrastructures par les opérateurs. Il pourrait en résulter une limitation du nombre de pylônes.

A l'inverse la détermination d'un seuil d'application fixé, pour les raisons précédemment évoquées, à plus de 12 mètres pourrait inciter les opérateurs à diminuer la taille des pylônes , ce qui induirait une augmentation de leur nombre, puisque l'importance de la zone couverte est directement fonction de la hauteur des installations.

3. Des conséquences ambiguës pour collectivités locales

a) Une ressource nouvelle pour les collectivités locales concernées

L'analyse des implications de cette taxation, conduit, de façon générale, à évoquer la problématique de la participation des collectivités locales aux prélèvements fiscaux assis sur les formes nouvelles de richesse qui se développent ou transitent par leurs territoires, eu égard au caractère souvent désuet des impositions dont elles perçoivent le produit.

En outre, cette réflexion soulève le débat de la valorisation de l'occupation du domaine public par les grands réseaux 65( * ) . Sur ce point, l'analyse faite par M. Robert Tiquet, président de l'association des ingénieurs des villes de France souligne les conséquences qui doivent être tirées du passage d'une époque marquée par un " service public, assuré en situation de quasi-monopole par un établissement public national (France Télécom, TDF ...) où on pouvait considérer que l'occupation était une contrepartie du service public, [à une époque caractérisée] par une logique de concurrence avec de multiples opérateurs , où on peut prétendre à juste titre que l'occupation du domaine public représente une valeur économique pour ces opérateurs . ".

b) Un risque pour l'aménagement du territoire


Malgré le bénéfice que cette taxe apporterait aux collectivités directement bénéficiaires de son produit, il convient de noter que cette imposition pourrait avoir un effet dissuasif sur la politique de couverture des " zones peu peuplées " à laquelle le législateur et, tout particulièrement, le Sénat a voulu inciter les opérateurs .

Le Sénat a en effet obtenu l'inscription dans la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 (à l'article L. 35-3 du code des postes et télécommunications) d'un lien entre l'exemption partielle du financement du service universel des opérateurs de téléphonie mobile soumis à des obligations de couverture nationale (fixées par la loi en pourcentage de la population ) et l'engagement de ceux-ci de contribuer au renforcement de la couverture des zones moins peuplées de notre territoire.

En application de cette disposition les opérateurs ont accepté de consacrer l'équivalent des sommes dont ils ont été exemptés à ce titre à l'extension géographique de leur zone de couverture.

A cet égard, il apparaît que cette taxe risque de constituer une mesure dissuasive pour l'implantation de relais de téléphonie mobile dans les portions du territoire à faible densité démographique et, par conséquent, de priver de nombreuses collectivités locales d'une couverture par un réseau de téléphonie mobile.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 47

Abaissement du seuil d'autorisation des cinémas " multiplexes "

Commentaire : le présent article tend à modifier l'article 36-1 de la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat de 1973 tel qu'il résulte de la loi du 5 juillet 1996, pour abaisser les seuils à partir desquels les projets de création ou d'extension de cinémas multiplexes sont soumis aux commissions départementales d'équipement cinématographique.

Le développement des multiplexes 66( * ) a affecté la rentabilité des salles traditionnelles, risquant, ainsi, de porter atteinte à la vitalité des centres villes.

C'est ce qui a conduit le précédent gouvernement à mettre en place en 1996, d'abord à titre provisoire puis définitif, une procédure d'autorisation des implantations nouvelles -ou des extensions des établissements importants- sur le modèle de celle applicable aux grandes surfaces, en matière d'urbanisme commercial.

Le système, mis en place de façon transitoire avec la loi n° 96-314 du 12 avril 1996, a été confirmé et adopté par la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.

Votre rapporteur n'entrera pas dans le détail de la procédure soumettant les implantations d'établissements de plus de 1.500 fauteuils (ou les extensions d'établissements ouverts depuis plus de cinq ans dépassant le seuil de 2.000 places) à l'accord des commissions départementales d'équipements cinématographiques sous le contrôle en appel d'une commission nationale.

En revanche, il parait intéressant de compléter l'information du Parlement en assortissant ce commentaire de la liste des multiplexes existants ou déjà autorisés.

Le présent article tend à abaisser les seuils de nombre de places au-dessus desquels les opérations doivent être autorisées par les commissions départementales d'équipement cinématographique : on passerait ainsi de 1.500 à 1.000 places pour les créations et de 2.000 à 1.500 pour les extensions d'établissements existant depuis plus de cinq ans.

Cet aménagement, envisagé depuis un certain temps déjà trouve sa justification dans la suppression d'un effet de seuil conduisant un certain nombre d'exploitants à tourner la loi en entreprenant des opérations d'un nombre de places juste inférieur aux seuils.

Très controversé par la profession au moment de sa mise en place, ce système ne semble plus soulever d'oppositions ouvertes ni dans son principe ni en ce qui concerne l'abaissement des seuils.

Votre rapporteur ne vous propose donc pas de modification du présent article -adopté par l'Assemblée nationale moyennant un amendement rédactionnel-, sous réserve que l'on n'en profitera pas pour appliquer une politique malthusienne susceptible de nuire au dynamisme du secteur : il s'agit d'organiser et de coordonner une activité dans un esprit d'aménagement du territoire, non d'entraver le développement d'un mode de consommation qui -les chiffres le prouvent- est approuvée par nos concitoyens et n'est pas sans lien avec l'augmentation de la fréquentation.

Les multiplexes ont représenté 17,3 % de la fréquentation et 18,4 % des recettes du cinéma français en 1997. Sur la base de l'implantation de 10 à 12 nouveaux établissements par an, la part de marché des multiplexes à la fin de l'an 2000 pourrait bien continuer de croître fortement pour s'établir aux alentours de 33 % avant de se stabiliser par suite de l'achèvement des équipements des grosses agglomérations.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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