ARTICLE 24
Taxe sur les services de télévision
Commentaire : le présent article tend à
adapter le régime juridique de la taxe sur les services de
télévision instituée par la loi n° 83-1179 du 29
décembre 1983. Les modifications, qui s'inscrivent dans une nouvelle
rédaction de l'ensemble du dispositif, tendent à :
- étendre la taxe de 5,5 %, actuellement payée par les
télévisions hertziennes et câblées sur leurs
recettes (redevance, publicité et abonnements) au titre du compte de
soutien à la production audiovisuelle, aux chaînes
thématiques diffusées par satellites ;
- clarifier pour les télévisions hertziennes l'assiette de la
taxe en précisant qu'elle s'applique aux recettes, commission de
régie comprise,
- transférer la charge de recouvrement à la direction
générale des impôts.
I - L'EXTENSION DE LA TAXE DU COSIP AUX CHAÎNES DIFFUSÉES PAR
SATELLITE
La mutation du paysage audiovisuel consécutive à
l'apparition des techniques de diffusion par satellite a
nécessité une adaptation du système français de
soutien à la production audiovisuelle.
On a vu se multiplier ces dernières années le nombre de
chaînes, notamment thématiques, diffusées par satellites.
La révision de la directive télévision sans
frontière, intervenue en juin 1997, a encore
accéléré le processus.
Désormais et le gouvernement français a dû en prendre
acte, il n'est plus possible d'appliquer l'article 34 de la loi du 30 septembre
1986 qui prévoit l'obligation pour les chaînes diffusées en
France et ne relevant pas de la compétence de l'État
français de conclure une convention avec le CSA. En effet, en
application de la directive révisée, c'est à l'État
d'établissement d'une chaîne de télévision, qu'il
incombe de veiller au respect des dispositions communautaires et non à
l'État de réception. La Commission européenne a
estimé que le droit français était à cet
égard non conforme et a adressé un avis motivé à la
France, la mettant en demeure de respecter le droit communautaire.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a dû en prendre acte. La
nouvelle loi sur l'audiovisuel, aujourd'hui en préparation, devrait en
tirer les conséquences législatives.
Dans ce contexte mouvant, il est apparu, avant même que la commission
intervienne pour exiger l'application de la libre diffusion des images dans
l'espace audiovisuel européen, d'adapter le système d'aide
à la production audiovisuelle.
Le présent article , reprenant d'ailleurs des dispositions identiques
du texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
déposées par le précédent gouvernement au printemps
dernier, propose d'étendre la taxe de 5,5 % qui alimente le compte de
soutien de l'audiovisuel aux chaînes diffusées par voie de
satellite.
On peut rappeler que le compte de soutien à l'industrie
cinématographique et audiovisuelle est un compte spécial du
trésor, alimenté par trois contributions fiscales assises
respectivement sur le chiffre d'affaires des chaînes de
télévision, les billets de cinéma et sur le chiffre
d'affaires des éditeurs de cassettes vidéo.
La contribution des chaînes de télévision, qui approche en
1997, 1,7 milliard de francs, correspond à l'application d'une taxe
de 5,5 % sur leurs recettes qu'il s'agisse, de la redevance, des recettes
publicitaires et des recettes d'abonnement.
Les nouvelles chaînes thématiques diffusées par satellite
ou par câble seront soumises à un régime spécifique.
Il s'agit de tenir compte à la fois des caractères propres
à l'exercice de leur activité et à leur équilibre
d'exploitation encore fragile du fait de leur création relativement
récente.
Dans le texte déposé par le Gouvernement, il n'était
prévu d'assujettir à la taxe que les chaînes dont le
chiffre d'affaires était supérieur à 12 millions de
francs, un barème progressif étant aménagé
jusqu'à un chiffre d'affaires de 60 millions de francs.
Les recettes de publicité, contrairement au régime
général applicable aux chaînes hertziennes, ne doivent pas
être comprises dans l'assiette de la taxe. Cette exclusion se
justifierait pour deux raisons : d'une part, les recettes de publicité
de ces chaînes sont encore relativement peu importantes, à peu
près 5 % de leur chiffre d'affaires ; d'autre part, le calcul du montant
des recettes à prendre en compte pourrait se révéler
délicat dans le cas de chaînes à diffusion multinationale.
En outre, afin de ne pas affecter le développement de ce type de
chaîne dans les départements d'outre-mer, le texte prévoit
que les services de télévision établis dans ces
départements bénéficieront d'un tarif particulier
fixé à 50 % du taux normal.
On note que cette taxe porte sur les chaînes, donc sur les diffuseurs,
et non sur les opérateurs techniques, qu'il s'agisse des entreprises
gérant les bouquets satellites ou les câblo-opérateurs.
Ainsi, les câblo-opérateurs qui, soumis à la taxe en
application du régime initialement mis en place, avaient
bénéficié d'une exonération provisoire jusqu'au 31
décembre 1997, se trouvent-ils définitivement sortis du champ
d'application de la taxe.
Il est important de souligner qu'un autre facteur qui détermine le
champ d'application de la taxe, est le fait pour ces chaînes de diffuser
des émissions éligibles au compte de soutien,
c'est-à-dire, de nature à bénéficier de l'aide. En
l'occurrence, il s'agit essentiellement d'émissions de fiction, de
documentaire, de dessins animés et bien sûr de films de
cinéma. Une telle définition exclut ce qu'il est convenu
d'appeler des programmes de flux, c'est-à-dire des retransmissions
sportives, des émissions de variété, où des
magazines d'information, qui, en principe, ne sont pas rediffusables.
De même, une autre condition
sine qua non
d'accès au
compte de soutien est la diffusion de programmes en langue française. A
contrario, cela exclut du champ d'application de la taxe, les chaînes
diffusées en langues étrangères.
Pour tenir compte du caractère spécifique du mode d'exploitation
de ces chaînes satellites, le Centre national du cinéma,
gestionnaire du compte, doit réformer les modalités
d'accès à l'aide :
- un bonus de soutien sera accordé, aux fictions, aux documentaires et
aux dessins animés commandés par les chaînes
thématiques ;
- des enveloppes de crédits spécifiques seront prévues
pour soutenir la production d'émissions consacrées aux spectacles
vivants et aux magazines. Ces mesures techniques ont été
conçues afin que les producteurs travaillant pour les chaînes
thématiques perçoivent un volume d'aide sensiblement
supérieur au montant de la taxe payée par ces chaînes.
Ces adaptations étaient indispensables dans la mesure où les
règles actuelles, conçues pour les chaînes hertziennes
généralistes ne concernaient
de facto
que des productions
d'une importance et d'un coût de réalisation hors de proportion
avec les productions que peuvent engager des chaînes thématiques,
encore en phase de démarrage commercial.
II - LA CLARIFICATION DE L'ASSIETTE DE LA TAXE POUR LES CHAINES
HERTZIENNES
Dans son rapport de 1993, la Cour des comptes avait souligné que
"
l'assiette de taxe sur les recettes des chaînes de
télévision n'est pas clairement définie par la loi de
finances de 1985 qui l'a créée. Celle-ci prévoit, en
effet, sans plus de précision, que la taxe s'applique aux recettes
publicitaires des chaînes. Or, le développement intervenu depuis,
du rôle des régies qui gèrent pour le compte des
chaînes leurs espaces publicitaires, introduit une incertitude quant
à l'application du texte. Le CNC et les ministères de tutelle
ont, depuis la création de la taxe, considéré que les
sociétés de télévision étaient redevables de
celle-ci sur les recettes de publicité qu'elles avaient effectivement
perçues et non sue les recettes brutes encaissées par leur
régie, la différence entre les eux étant la commission de
régie. Ces commissions, qui sont proportionnellement de plus en plus
importantes, réduisent d'autant l'assiette de la taxe. La
définition restrictive jusqu'à présent donnée de
celle-ci peut donc inciter les chaînes à transférer une
partie de leurs recettes publicitaires sur leurs régies afin de diminuer
leur contribution."
De fait, le texte en vigueur ne vise que "le produit des messages
publicitaires par les chaînes de télévision", ce qui avait
conduit à exclure de l'assiette de la taxe les commissions de
régie. Dans le texte proposé, il est prévu d'inclure
explicitement les frais de régie. Ceux-ci se sont élevés
en 1996 à 516 millions de francs pour TF1 et à 230 millions
de francs pour France Télévision.
III - LE TRANSFERT DE LA CHARGE DE RECOUVREMENT À LA DIRECTION
GÉNÉRALE DES IMPÔTS
Le Centre national du cinéma se charge actuellement du recouvrement de
la taxe en application du décret n° 84-1001 du 7 novembre 1984.
Le présent article tend à conférer cette
compétence de recouvrement à la Direction générale
des impôts en alignant les procédures sur celles applicable
à la taxe sur la valeur ajoutée. La DGI, qui est aussi
compétente pour le recouvrement de la taxe sur la publicité
télévisée de l'article 302bis Ka du code
général des impôts, ainsi que de la taxe forfaitaire
annuelle sur les services de communication audiovisuelle article 302 bis L du
code général des impôts, verra ainsi sa compétence
renforcée, ce qui ne peut qu'accroître l'efficacité du
recouvrement.
On note que ce transfert devrait faciliter la récupération des
arriérés - un certain nombre de chaînes du câble font
des difficultés pour s'acquitter de la taxe et introduisent des
procédures judiciaires - dans la mesure où la DGI
bénéficie, à la différence du CNC, des
privilèges d'exécution d'office en matière de perception
des recettes fiscales.
En contrepartie de ce transfert, l'État percevra 1,5 % du produit de la
taxe pour frais d'assiette et de recouvrement.
IV - MODIFICATIONS APPORTEES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Pour satisfaire certaines demandes exprimées par les
députés, le Gouvernement a fait adopter deux amendements,
modifiant sensiblement l'économie du dispositif initial :
1°/ un nouveau barème a été défini à
l'article 302 bis KC faisant d'une part, passer le seuil de
déclenchement de la taxe de 12 à 24 millions de francs et d'autre
part, prévoyant 6 tranches cumulatives jusqu'à l'application
pleine de la taxe de 5,5 % au-dessus de 72 millions de francs ;
2°/ un abattement de 4 % a été prévu pour tenir
compte des frais de régie. Cela devrait assurer la neutralité de
la taxe, quelle que soit la façon dont sont gérés les
frais de publicité. En effet, l'inclusion des frais de régie a
paru excessivement rigoureuse, légitimant leur prise en
considération pour une valeur forfaitaire.
V - OBSERVATIONS DE LA COMMISSION
Le nouveau régime juridique de la contribution de chaînes de
télévisions au Compte de soutien, qui résulte du
présent texte, n'est sans doute qu'une phase de transition.
A court terme, des incertitudes demeurent. D'une part, l'assiette de la taxe
devra encore être précisée. Certes, la forfaitisation des
commissions de régie va sans doute réduire les disparités
résultant des différences d'imputation de certains frais
liés aux recettes publicitaires. Mais des zones floues persistent
notamment en ce qui concerne les dépenses de parrainage, dont on ne voit
pas toujours ce qui les distingue de la publicité proprement dite. Il y
a là des marges de manoeuvre, qui, non seulement pourraient diminuer le
rendement de la taxe, mais surtout être utilisées de façon
différente par les redevables. Dans la même perspective, il faut
reconnaître que la présence au sein du même ensemble de
chaînes assujetties et non assujetties, offrent des possibilités
de transferts de charges ou de recettes également de nature à
réduire le produit de la taxe. A cet égard, il est évident
que le transfert de la charge du recouvrement à la DGI est susceptible
d'aboutir à la définition à des règles comptables
homogènes, par des équipes expérimentées, capables
de fixer les règles d'imputation des dépenses et des charges
à chaque type d'activité..
A ce sujet, il faut noter que l'existence de chaînes soumises à
la taxe et de chaînes non soumises à la taxe en fonction de la
nature, éligible ou non éligible, des émissions
diffusées par la chaîne, n'est pas exempt d'arbitraire, même
si l'on en comprend la logique générale : sont hors du champ
d'application de la taxe, les programmes dits de flux, c'est à dire
essentiellement les variétés, les retransmissions sportives et
les journaux télévisés, par opposition aux programmes dits
de stocks, tels les fictions, les documentaires ou les animations, qui
constituent les créations originales d'expression française que
l'on veut précisément aider. Juridiquement, on pourrait
même se demander s'il est tout à fait conforme à l'article
34 de la Constitution, de se contenter, pour déterminer les services de
télévision assujettis à la taxe, de prendre en compte le
fait de diffuser des oeuvres " éligibles " au Compte de
soutien, notion, dont la définition n'existe qu'au niveau du
décret. Seule l'analyse du décret N° 95-110 du 2
février 1995 permet de fixer véritablement le champ d'application
du présent dispositif. Ce point méritait d'être noté
même s'il peut se justifier par le souci de garantir une souplesse
à l'intervention de l'État.
A moyen et long termes, il faut être conscient de ce que, dans un espace
audiovisuel européen sans frontières, il faudra faire preuve de
détermination pour résister à la pression des forces du
marché, qui se mobilisent déjà pour battre en
brèche la volonté française de maintenir une
" exception culturelle
". Le présent dispositif
pourrait bien donner lieu à des actions au niveau communautaire. Le
dossier reste solide dans la mesure où, ont accès au
mécanisme d'aide, les productions d'expression française et que
des chaînes européennes diffusant en langue française
peuvent a priori en bénéficier sans discrimination. Maintenant,
il n'est pas impossible qu'il faille, à terme, le
réaménager, notamment s'il se révélait une
contrainte excessive pour nos opérateurs nationaux dans une
compétition désormais mondiale.
*
* *
En définitive, Il a paru à votre rapporteur
général nécessaire de tenir compte du fait que cette taxe
concerne des entreprises encore relativement jeunes, donc fragiles. Et, c'est
pourquoi il vous est proposé, plutôt que de relever le seuil, ce
qui était une solution mais qui pouvait encore réduire le produit
attendu de l'extension de la taxe aux chaînes du câble,
d'introduire une décote
, naturellement favorable aux nouvelles
chaînes thématiques à petit chiffre d'affaires. Tel est
l'objet de l'amendement que vous propose votre commission.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé.