4. Conditions de procédure (articles 14 à 22)
Le chapitre IV de la présente convention vise à
établir les grandes lignes d'une procédure d'adoption
internationale qui protégera les intérêts à la fois
de l'enfant, des parents biologiques et des adoptants, sans compliquer à
l'excès les conditions requises en vue d'une adoption.
Les règles fixées par les articles 14 à 22 peuvent, le cas
échéant, être complétées par des accords
entre Etats contractants, à la conclusion desquels se
réfère l'article 39-2.
a) Responsabilités de l'Etat d'accueil et démarches préliminaires
.
L'
article 14
invite les candidats à une
adoption à
s'adresser à l'Autorité centrale de leur
pays de résidence
. Malgré le souci de certains Etats
(Etats-Unis, Japon) de permettre aux adoptants d'entamer les démarches
directement auprès de l'Autorité centrale de l'Etat d'origine de
l'enfant, il a été considéré qu'une
procédure plus formelle
garantirait de manière plus
efficace la
prévention des abus
constatés dans certains
pays, du fait de contacts personnels entre les candidats à une adoption
et les autorités de l'Etat d'origine. Dans cet esprit,
l'intermédiaire de l'Autorité centrale de l'Etat de
résidence des adoptants permettait de mieux assurer le
respect des
droits des enfants
.
.
L'
article
15
rappelle les responsabilités de
l'Autorité centrale de l'Etat de résidence des adoptants : il
s'agit de vérifier si ceux-ci satisfont aux conditions juridiques et
socio-psychologiques requises. Un
rapport est ainsi établi sur les
adoptants
et transmis à l'Autorité centrale à l'Etat
d'origine de l'enfant. Sur ce rapport figurent des renseignements sur
l'identité des adoptants, leur situation familiale et médicale,
leur milieu social, leurs motifs et leur aptitude à assumer une adoption
internationale.
Ce rapport devrait mentionner des informations sur les enfants que les
adoptants seraient aptes à prendre en charge : cette stipulation permet
de s'assurer des préférences de futurs parents adoptifs à
l'égard de l'âge, du sexe, voire du nombre d'enfants susceptibles
d'être accueillis dans ce foyer. Notons que le Saint-Siège avait
souligné l'importance des éléments d'information d'ordre
religieux, tant en ce qui concerne les adoptants que s'agissant de l'enfant,
même si la liste de renseignements établie par l'article 15 ne se
réfère pas à la religion des adoptants.
.
L'
article
31
exclut que les informations
rassemblées sur les parents adoptifs soient utilisées à
d'autres fins que pour la réalisation d'un projet d'adoption. Cette
stipulation vaut aussi pour les renseignements relatifs à l'enfant,
évoqués par l'article 16 de la présente convention.
b) Responsabilités de l'Etat d'origine et décision de placement de l'enfant
.
L'
article
16
invite l'Autorité
d'accueil de l'Etat d'origine de l'enfant à établir un
rapport
le concernant, et mentionnant son identité, son
adoptabilité, son milieu social, son passé médical et
celui de sa famille, son origine ethnique, religieuse et culturelle, ainsi que,
le cas échéant , ses besoins particuliers. L'Autorité
centrale de l'Etat d'origine a également le devoir de s'assurer que les
consentements visés à l'article 4 ont été obtenus.
Elle doit aussi s'assurer que le " placement envisagé ", et
non pas le processus d'adoption lui-même, est conforme à
l'intérêt supérieur de l'enfant. La
décision de
placement
intervient en vertu du
choix, parmi les différents
candidats à une adoption, des parents paraissant le plus à
même de s'occuper de l'enfant pour le plus grand intérêt de
celui-ci.
Notons que la nécessité d'
assortir
au
mieux l'enfant à sa famille adoptive
(exprimé par le terme de
" matching ", traduit en français par le terme
d'
apparentement
) a été soulignée fréquemment
au cours des négociations.
Sont donc transmis à l'Autorité centrale de l'Etat de
résidence des adoptants le rapport sur l'enfant, ainsi que la preuve des
consentements requis. L'article 16 précise en outre que
l'identité des parents biologiques n'est révélée
que si la législation de l'Etat d'origine de l'enfant le permet.
L'information relative à l'identité des parents biologiques doit
être conservée par les Etats d'origine, avec les données
relatives au passé médical de l'enfant et de sa famille, selon
l'article 30 de la présente convention. Cet article fait
également obligation aux Etats d'origine d'assurer l'accès de
l'enfant à ces informations, dans la mesure où la loi le permet.
.
Alors que les articles 14 à 16 peuvent, le cas
échéant, être interprétés différemment
dans le cadre des conventions bilatérales auxquelles se
réfère l'article 39, l'
article 17
ne saurait faire l'objet
d'aucune exception. Cet article subordonne la décision de confier un
enfant à des conditions minimum, devant être respectées par
tous les Etats-Parties :
- existence d'un accord des futurs parents adoptifs, vérifiée par
l'autorité centrale de l'Etat de résidence de ceux-ci,
- existence d'un accord entre les deux Autorités centrales des Etats
concernés sur le projet d'adoption,
- vérification de l'aptitude et de la qualification juridique des
candidats à l'adoption, et de l'attribution à l'enfant d'un visa
d'entrée sur le territoire de son pays d'accueil ainsi que d'un titre de
séjour adapté.
.
L'
article 18
invite les Autorités centrales des deux
pays (d'origine et d'accueil de l'enfant) à prendre leurs dispositions
pour que l'enfant reçoive l'autorisation de sortie de l'Etat d'origine
et l'autorisation d'entrée et de séjour dans l'Etat d'accueil. Il
est néanmoins clair que l'article 18 ne saurait être
invoqué quand de telles formalités ne sont pas
nécessaires, comme par exemple entre Etats de l'Union européenne
(les Etats de l'Union européenne ne figurent cependant pas parmi les
Etats d'origine les plus fréquemment cités). Selon l'article 35
de la présente convention, ces formalités, comme d'ailleurs
toutes les démarches relatives à une adoption internationale,
doivent être accomplies avec rapidité.
.
L'
article 19
concerne le voyage de l'enfant vers le pays de ses
parents adoptifs. Ce déplacement ne peut avoir lieu en pratique qu'une
fois réunies les autorisations de circulation requises (sortie du
territoire de l'Etat d'origine, entrée et séjour dans l'Etat
d'accueil). Il appartient aux autorités centrales de veiller à ce
que le voyage s'effectue " en toute sécurité " et, si
possible, en compagnie des parents adoptifs. A cet égard, des
difficultés d'ordre pratique peuvent s'opposer à ce que les
parents adoptifs ramènent l'enfant vers son nouvel Etat de
résidence -notamment quand des considérations de coût
interviennent. Notons aussi que le déplacement de l'enfant vers son Etat
d'accueil peut avoir lieu avant l'achèvement de la procédure
d'adoption. L'article 28 permet toutefois que l'adoption ait lieu dans l'Etat
d'origine, lorsque la législation de cet Etat s'oppose au placement de
l'enfant dans l'Etat d'accueil avant son adoption.
.
L'
article 20
invite les Autorités centrales à se
tenir informées de la procédure d'adoption en vigueur dans les
différents Etats : rappelons que la convention a pour objet d'instaurer
un système de coopération entre les Etats contractants et
d'harmoniser les conditions posées par les Parties. Les informations
auxquelles se réfère l'article 20 concernent notamment le
déroulement de la
période probatoire
, pendant laquelle
l'enfant est " placé " auprès des candidats à
l'adoption, avant l'intervention de la décision d'adoption. Pendant
cette période probatoire est contrôlée l'adaptation et
l'intégration de l'enfant auprès de ses parents adoptifs.
.
L'
article 21
prend en compte l'éventualité de
l'
échec
d'un placement
-quelle qu'en soit la raison-, et
la nécessité, dans ce cas, de retirer l'enfant aux personnes qui
désiraient l'adopter. L'Autorité centrale de l'Etat d'accueil
veille alors, en accord avec l'Autorité centrale de l'Etat d'origine,
à tenter un nouveau placement de l'enfant, ou à assurer
" une prise en charge alternative " (situation où l'enfant
ne
peut pas être placé en vue d'une nouvelle adoption, ni retourner
dans son pays d'origine, mais doit faire l'objet, par exemple, d'un traitement
ou de soins particuliers), voire, si l'intérêt de l'enfant
l'exige, à assurer le retour de l'enfant dans son pays d'origine.
Par ailleurs, en conformité avec l'article 4-d de la présente
convention, et de l'article 12 de la convention de l'ONU sur les droits de
l'enfant, relatif à la liberté d'opinion de l'enfant
" capable de discernement ", l'article 21 se réfère
à la nécessité, en cas d'échec du premier
placement, de consulter l'enfant, et de recueillir son consentement à
toute solution envisagée, lorsque son âge et sa maturité le
permettent.
c) Le cas des adoptions indépendantes
L'
article 22
concerne les
adoptions dites
privées
, ou
indépendantes
, susceptibles d'être
effectuées à partir de l'intervention d'
organismes non
agréés
. Les Etats-Unis ont, en effet, insisté pour que
figure dans la présente convention l'intervention d'organismes
privés et indépendants dans les procédure d'adoption
internationale. Ce souci tient à la compétence dévolue aux
avocats
dans le système américain à l'égard
de l'adoption d'enfants nés à l'étranger.
Le texte de cet article permet donc aux organismes non agréés
d'intervenir dans des projets d'adoption internationale en s'acquittant des
missions dévolues aux Autorités centrales, à condition
qu'ils remplissent certaines conditions minimales (de moralité, de
compétence professionnelle, de formation et d'expérience dans le
domaine de l'adoption internationale). L'article 22
permet néanmoins
aux Parties de s'opposer à l'intervention de tels organismes dans des
projets d'adoption concernant leurs ressortissants
. La France, par exemple,
ne reconnaît pas les compétences de tels organismes dans sa
procédure d'adoption.
On remarque que les conditions définies en vue de l'intervention
d'organismes non agréés ne mentionnent pas l'interdiction de
tirer un gain financier ou un avantage indu de leurs activités
liées à l'adoption internationale. On peut toutefois estimer que
cette précaution élémentaire est satisfaite par
l'alinéa b) de l'article 22, relatif à l'intégrité
morale exigée des organismes non agréés, et par l'article
32 de la présente convention. Celui-ci stipule, en effet, que " nul
ne peut tirer un gain matériel indu en raison d'une intervention
à l'occasion d'un adoption internationale ", et que les
administrateurs et employés des " organismes intervenant dans une
adoption ne peuvent recevoir une rémunération
disproportionnée par rapport aux services rendus ".
Il n'en demeure pas moins que la présente convention ne fixe pas des
règles identiques pour les organismes agréés et pour les
organismes non agréés.
Il est très éclairant de constater que les stipulations relatives
aux organismes non agréés ne tiennent pas compte d'une
proposition faite par la France au cours des négociations, et tendant
à souligner que, en matière d'adoption internationale, le
concours des Autorités centrales est la règle, l'intervention
d'organismes non agréés, en vue de l'accomplissement d'adoptions
" indépendantes " ou " privées ",
constituant l'exception.