RAPPORT n° 151 - PROJET DE LOI AUTORISANT L'APPROBATION DE LA CONVENTION SUR LA PROTECTION DES ENFANTS ET LA COOPERATION EN MATIERE D'ADOPTION INTERNATIONALE
Mme Monique CERISIER-BEN-GUIGA
Commission des Affaires étrangères de la Défense et des forces armées - Rapport n° 151 - 1997-1998
Table des matières
-
I. UN TEXTE SOUCIEUX DE GARANTIR LES INTÉRÊTS ET LES DROITS DES ENFANTS
- A. STIPULATIONS TENDANT À ASSURER LE CONTRÔLE DES PROJETS D'ADOPTION
- B. STIPULATIONS ASSURANT LA COHÉRENCE INTERNATIONALE DU STATUT DE L'ADOPTÉ (Articles 23 à 27)
-
II. LA FRANCE DIRECTEMENT CONCERNÉE PAR LA CONVENTION DE LA HAYE
- A. L'ADOPTION INTERNATIONALE, UN PHÉNOMÈNE RÉCENT ET COMPLEXE
-
B. CONSÉQUENCES DE L'ADHÉSION FRANÇAISE À LA CONVENTION DE LA HAYE
- 1. Spécificités du dispositif : le rôle paradoxalement limité des " oeuvres d'adoption " par rapport aux adoptions individuelles
- 2. L'adaptation du système français aux prescriptions de la convention de La Haye
- 3. Les limites de la convention : le cas des pays ne reconnaissant pas le principe de l'adoption
- CONCLUSION DU RAPPORTEUR
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT 1010 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N° 151
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 1997.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ,
Par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Xavier de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean
Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques
Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre
Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre
Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André
Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure,
Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry,
Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune,
Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry,
MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait,
Régis Ploton, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
365
(1996-1997).
Traités et conventions.
Mesdames, Messieurs,
C'est au sein de la Conférence de La Haye de droit international
privé qu'est née l'idée, en janvier 1988,
d'élaborer un instrument juridique international en vue d'encourager la
coopération internationale en matière d'adoption
interétatique.
La prise de conscience de la nécessité d'élaborer un texte
adapté est liée à l'
augmentation
récente
du nombre d'enfants adoptés en vertu de procédures
transfrontières
. La France est tout particulièrement
concernée. En effet, le désir d'enfant est, dans notre pays,
fréquemment contrarié par la stérilité liée
à l'élévation de l'âge à la première
maternité. Par ailleurs, peu d'enfants sont abandonnés et
adoptables en France. De 1 000 enfants environ en 1979, le nombre d'enfants
étrangers adoptés par des Français est, en effet,
passé à 3 600 environ en 1996, le nombre de pays d'origine des
enfants étant désormais supérieur à 65 (10 en
1980).
L'adoption internationale est donc devenue un
phénomène
mondial
, caractérisé par le déplacement d'enfants sur
de très longues distances, et par l'intégration des enfants
adoptés à un
environnement culturel souvent très
différent de leur milieu d'origine
. Il s'agit, dans la plupart des
cas, d'enfants originaires de pays défavorisés accueillis par des
familles résidant dans des pays dits riches.
L'existence de problèmes humains indiscutables découlant de ces
pratiques, joints à des difficultés juridiques nombreuses, a
conduit à constater l'insuffisance des instruments internationaux
élaborés à une époque où l'adoption
internationale ne connaissait pas la même ampleur qu'aujourd'hui, et
à engager une
nouvelle approche multilatérale du
phénomène.
Les négociations entreprises au sein de la Conférence de La Haye
ont, dès le départ, associé des pays qui n'appartenaient
pas à cette conférence mais dont sont originaires de nombreux
enfants adoptés par des parents étrangers, de même que des
organisations intergouvernementales engagées dans les procédures
de l'adoption internationale (Service social international, Association
internationale de droit de la famille, ONU, Haut commissariat des Nations unies
pour les réfugiés, Fédération internationale Terre
des Hommes, Défense des enfants-International ...).
La convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération
en matière d'adoption internationale du 29 mai 1993 s'inscrit dans la
filiation de la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant
du 20 novembre 1989
. Rappelons que l'article 21 de la convention de l'ONU
subordonne l'adoption à " l'intérêt supérieur
de l'enfant " et, dans cet esprit, engage les Parties à veiller
notamment à ce que le placement de l'enfant ne soit pas effectué
de manière mercantile.
Ratifiée à ce jour par 16 Etats, signée par 30, la
convention de La Haye vise deux objectifs. D'une part, la convention
prévoit un dispositif de
contrôle des procédures
d'adoption internationale,
afin de garantir que les adoptions
internationales aient lieu dans l'
intérêt supérieur de
l'enfant
, ainsi que pour prévenir l'enlèvement, la vente ou
la traite d'enfants. Dans cet esprit, la convention prescrit que les adoptions
soient effectuées par des organismes spécialement
agréés, satisfaisant à certaines exigences minimales (de
compétence, de moralité), et exclut la réalisation de
profits indus à l'occasion d'une adoption internationale. D'autre part,
la convention tend à assurer la
cohérence internationale du
statut des personnes adoptées
.
Votre rapporteur envisagera, de manière très classique, une
présentation d'ensemble de la convention de La Haye de 1993, avant
d'évoquer les spécificités et les difficultés de
l'adoption internationale, et d'envisager les conséquences, pour la
France, de la ratification de la présente convention.
I. UN TEXTE SOUCIEUX DE GARANTIR LES INTÉRÊTS ET LES DROITS DES ENFANTS
Dès son préambule, la convention de La Haye se réfère à l'" épanouissement harmonieux " de la personnalité de l'enfant, qui passe par le " climat de bonheur, d'amour et de compréhension " suscité par le " milieu familial ". A cet effet, la convention a pour objet de garantir que les adoptions internationales s'effectuent dans le " respect des droits fondamentaux " reconnus à l'enfant par le droit international 1( * ) (article 1er a). La coopération à laquelle les Etats parties sont invités en matière d'adoption (article 1er b) doit prévenir l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants, à une époque où des filières mercantiles interviennent parfois de manière frauduleuse dans des processus d'adoption alors très contestables.
A. STIPULATIONS TENDANT À ASSURER LE CONTRÔLE DES PROJETS D'ADOPTION
Les chapitres II à IV de la présente convention définissent les responsabilités de l'Etat d'origine et de l'Etat d'accueil de l'enfant adopté, les structures chargées d'exercer le contrôle des projets d'adoption, et encadrent les procédures d'adoption par des règles communes à tous les Etats-Parties.
1. Responsabilités de l'Etat d'origine (article 4)
Aucune adoption ne peut avoir lieu si les autorités
compétentes de l'Etat d'origine ne se sont pas assurées :
- de l'
adoptabilité
de l'enfant ;
- de l'obtention des
consentements nécessaires
d'autres personnes
que l'enfant ;
- de l'expression de
souhaits éventuels de l'enfant
;
- du fait que le
consentement de la mère,
si celui-ci est requis
par la législation de l'Etat d'origine, a été donné
après la naissance de l'enfant
(le délai dans lequel le
consentement de la mère peut être révoqué
relève de la loi locale) ;
- que les
consentements n'ont pas été achetés
:
rappelons que le préambule de la présente convention se
référe à l'objectif de prévenir la vente ou la
traite d'enfants ;
- que les personnes dont le consentement est requis ont été
informées des conséquences de leur décision
,
notamment sur l'éventualité d'une rupture des liens entre
l'enfant et sa famille biologique (telle est, par exemple, la
conséquence des
adoptions plénières
) que
n'admettent pas tous les pays (ainsi au Rwanda les liens avec la famille
d'origine sont-ils maintenus même en cas d'adoption ; la Chine non plus
ne reconnaît pas les conséquences de l'adoption
plénière) ;
- et que l'adoption internationale intervient
après épuisement
des solutions de placement de l'enfant dans son Etat d'origine
.
Cette dernière condition est particulièrement importante. En
effet, la présente convention s'appuie sur le
principe de
subsidiarité
, selon lequel, dans l'intérêt de l'enfant,
l'adoption internationale ne constitue pas une fin en soi, mais doit
suppléer à la défaillance ou à l'inexistence des
solutions de placement susceptibles d'exister dans le pays d'origine de
l'enfant.
Notons aussi que les contacts personnels entre les adoptants et la famille
biologique de l'enfant sont proscrits par l'article 29 de la présente
convention tant que les consentements requis n'ont pas été
donnés, ce qui vise également à prévenir les
adoptions mercantiles.
Rappelons que l'adoptabilité de l'enfant est déterminée
par les autorités compétentes de l'Etat d'origine en fonction de
la loi locale applicable. A cet égard, par exemple, la loi
péruvienne exige une déclaration d'abandon pour que l'enfant soit
déclaré " adoptable ".
Ces diverses conditions sont définies comme des garanties minimum,
l'Etat où l'adoption a lieu pouvant poser des conditions
supplémentaires.
2. Responsabilités de l'Etat d'accueil (article 5)
Les obligations de l'Etat d'accueil consistent à
s'assurer que :
- les
adoptants
sont
qualifiés
, c'est-à-dire
remplissent toutes les
conditions juridiques
de l'adoption
(définies par la législation de leur Etat), et
aptes
à adopter, c'est-à-dire possèdent les
qualités
socio-psychologiques nécessaires
;
- les parents adoptifs ont été entourés des
conseils
nécessaires
(cette stipulation peut être rapprochée de
l'article 9-c, qui prescrit aux autorités centrales des Etats
contractants de prendre, directement ou avec le concours d'autorités
publiques ou d'organismes agréés, toutes les mesures
appropriées pour " promouvoir dans leurs Etats le
développement de services de conseils pour l'adoption et pour le suivi
de l'adoption " : les conséquences, pour l'enfant, d'une adoption
internationale peuvent être importantes, et donner lieu à des
difficultés d'adaptation
dont les adoptants doivent avoir
conscience ;
- l'enfant sera
autorisé à entrer et à séjourner
de façon permanente dans l'Etat d'accueil
. Cette dernière
stipulation est complétée par l'article 18, qui prescrit aux
Autorités centrales des deux Etats de prendre toutes mesures utiles pour
que l'enfant reçoive l'autorisation de sortie de l'Etat d'origine, ainsi
que l'autorisation d'entrée et de séjour permanent dans l'Etat
d'accueil.
Comme celles que définit l'article 4, les conditions posées par
l'article 5 constituent des
garanties minimales
, l'Etat d'origine de
l'enfant pouvant exiger que des conditions supplémentaires soient
remplies par rapport à celles que prévoit la législation
de l'Etat de résidence des adoptants. Ainsi la Pologne a-t-elle
défini une priorité en faveur des adoptants mariés, et
exclut-elle que des concubins puissent adopter un enfant polonais
2(
*
)
.
Comme l'article 4, l'article 5 peut être rapproché de l'article
29, qui proscrit tout contact avec les parents biologiques, tant que n'ont pas
été constatées les aptitudes et qualifications des parents
adoptifs par les autorités de l'Etat d'accueil.
3. Structures chargées d'exercer le contrôle des projets d'adoption (articles 6 à 13)
La solution administrative retenue par la présente
convention consiste à imposer aux Parties l'
obligation de
désigner une Autorité centrale
chargée de coordonner
la coopération entre les autorités judiciaires et administratives
des Etats d'origine et des Etats d'accueil.
Notons que la grande majorité des Etats disposent d'un organisme
gouvernemental jouant un rôle comparable à celui que confie la
présente convention à l'Autorité centrale :
l'adhésion à cette convention ne se traduit donc pas, dans la
plupart des cas, par une modification profonde des structures administratives
de l'adoption.
a) Rôle des Autorités centrales (article 3)
.
Les Autorités centrales ont pour mission de
coopérer entre elles et de " promouvoir une collaboration entre les
autorités compétentes de leurs Etats pour assurer la protection
des enfants " (article 7-1).
Elles doivent s'assurer de la circulation des
informations sur la
législation
de leurs Etats en matière d'adoption, ainsi que
d'autres renseignements, d'ordre statistique par exemple. Les Autorités
centrales ont également pour rôle de
s'informer entre elles du
fonctionnement de la convention
et, le cas échéant, de
lever les obstacles à son application
(article 7-2).
.
L'article 8 engage les Autorités centrales à prendre
toutes les mesures appropriées pour
prévenir les gains
matériels indus
à l'occasion d'une adoption. Cette
stipulation se rapproche de l'article 32, qui exclut la possibilité de
tirer un gain matériel indu d'une adoption internationale. En revanche,
l'article 8 ne proscrit pas les
donations
faites traditionnellement par
certains adoptants aux centres d'adoption des pays d'origine. C'est, de
manière générale, aux Parties de déterminer
à partir de quand une pratique peut être considérée
comme " contraire aux objectifs de la convention " au
sens de
l'article 8.
.
L'article 9 définit plus précisément les
modalités de l'intervention des Autorités centrales dans les
projets d'adoption. Les responsabilités définies par l'article 9
peuvent être exercées soit par les Autorités centrales
elles-mêmes, soit avec le concours d'
organismes agréés.
C'est à chaque Etat contractant qu'il revient de décider
comment les Autorités centrales doivent s'acquitter de leurs missions :
la présente convention repose donc sur une certaine
souplesse
d'organisation
. Les Autorités centrales ne sont pas, en effet, les
seuls exécutants de la convention, les législations des Etats
contractants pouvant autoriser une certaine déconcentration des
compétences.
Les responsabilités définies par l'article 9 peuvent relever, en
fonction des Etats, d'autorités judiciaires et administratives :
- il s'agit tout d'abord de
rassembler et d'échanger des informations
relatives aux projets d'adoption en cours
(situation de l'enfant et des
futurs parents adoptifs) ;
- la mission des Autorités centrales est également de
faciliter les procédures d'adoption
: cette obligation est
également stipulée aux articles 18, 19-1, 20 et 35 de la
présente convention ;
- l'article 9 se réfère aussi au " développement de
services de conseils
pour l'adoption et pour le suivi de
l'adoption " : cette stipulation, qui complète les articles 4-c et
d, et 5-b, confirme l'importance donnée par la présente
convention aux prestations de conseils, tant aux adoptants qu'aux familles
biologiques. La mention du suivi de l'adoption répond au souci,
exprimé notamment par les Philippines et par le Vietnam, de faire en
sorte que l'enfant s'adapte à son nouveau foyer et à son nouveau
milieu, condition de la réussite de l'adoption ;
- de manière classique, l'article 9 renvoie également aux
échanges de rapports entre Autorités centrales en vue de
l'
évaluation
des expériences en matière
d'adoption internationale ;
- enfin, le dernier alinéa de l'article 9 prescrit aux Autorités
centrales de " répondre à toute demande d'informations sur
une situation particulière d'adoption " émanant d'autres
Autorités centrales. Cette stipulation renvoie au problème
posé, lors des négociations, par de nombreux Etats d'origine,
soucieux d'assurer le maintien d'un lien entre l'Etat d'origine de l'enfant
adopté et son Etat d'accueil. Le principe de la souveraineté de
l'Etat d'accueil s'opposant toutefois à l'existence d'un réel
suivi des adoptions internationales, la fourniture de renseignements
après une opération d'adoption ne saurait exister que sur une
base volontaire.
b) Problèmes posés par l'existence d'organismes agréés (articles 10 à 12)
La convention de La Haye autorise les Autorités
centrales à assumer leurs responsabilités avec le concours
d'autorités publiques ou d'organismes dûment agréés.
Ces agréments sont néanmoins encadrés par les articles 10
et 11.
De manière très éclairante, l'éventualité de
délégations de compétences et de responsabilités
par les Autorités centrales ne peuvent concerner que des
" organismes ", à l'exclusion des personnes physiques.
.
L'
article
10
limite la délivrance
d'agréments aux " organismes qui démontrent leur
aptitude
à remplir correctement les missions qui pourraient leur
être confiées ". Cette précaution s'explique par le
fait que la plupart des abus constatés en matière d'adoption
internationale sont imputables à l'intervention d'intermédiaires
à la déontologie très limitée. D'où la
réticence de certains Etats contractants à admettre toute
délégation de responsabilités des Autorités
centrales à des organismes agréés. Notons que
l'agrément visé par l'article 10 n'est pas nécessairement
global, mais peut concerner la délégation de certaines
tâches concourant à la mise en oeuvre de projets d'adoption aux
organismes agréés.
.
L'
article 11
énumère donc les
exigences
minimum
devant être respectées par les organismes
agréés, chaque Etat étant en droit d'ajouter des
conditions supplémentaires :
- obligation de poursuivre des
buts non lucratifs
: l'alinéa a)
laisse cependant sur ce point une grande latitude à la
réglementation qui pourra être adoptée par les Etats, dans
les limites fixées par la convention ;
- nécessité de sélectionner, pour diriger les organismes
agréés, des
" personnes qualifiées par leur
intégrité morale et leur formation ou expérience
pour
agir dans le domaine de l'adoption internationale ;
- l'article 11 pose également le principe d'une
surveillance des
autorités compétentes de chaque Etat sur la composition, le
fonctionnement et la situation financière des organismes
agréés.
De manière générale, l'obligation de poursuivre des buts
non lucratifs est détaillée par l'article 32, qui exclut
" tout gain matériel indu " à l'occasion des adoptions
internationales. Celles-ci peuvent néanmoins induire certaines
dépenses, notamment les honoraires des personnes (avocats,
médecins ...) susceptibles d'intervenir dans une adoption. Ces
honoraires doivent être, selon l'article 32,
" raisonnables ".
Dans le même esprit, la rémunération des personnels des
organismes intervenant dans les adoptions internationales ne saurait être
" disproportionnée par rapport aux services rendus ".
.
L'
article 12
subordonne la possibilité, pour un
organisme agréé, d'intervenir dans un autre Etat en vue d'une
adoption internationale, à une
autorisation expresse des
autorités compétentes des deux Etats contractants
. Cet
article reconnaît donc à chaque Etat le
droit d'admettre ou de
refuser que des organismes agréés puissent agir sur son
territoire
. Certains Etats, en effet, sont opposés à
l'intervention d'organismes privés dans le domaine de l'adoption
internationale. Il était donc important que la présente
convention pose le principe de la
liberté, pour chaque Etat, de
déterminer quelles personnes et autorités sont habilitées
à intervenir sur son territoire en matière d'adoption
.
.
Enfin, l'
article 13
invite les Etats à désigner
les Autorités centrales, à préciser l'étendue de
leurs fonctions et à communiquer les coordonnées d'organismes
agréés au Bureau permanent de la Conférence de La Haye,
qui pourra ainsi diffuser ces données parmi les Etats
intéressés.
4. Conditions de procédure (articles 14 à 22)
Le chapitre IV de la présente convention vise à
établir les grandes lignes d'une procédure d'adoption
internationale qui protégera les intérêts à la fois
de l'enfant, des parents biologiques et des adoptants, sans compliquer à
l'excès les conditions requises en vue d'une adoption.
Les règles fixées par les articles 14 à 22 peuvent, le cas
échéant, être complétées par des accords
entre Etats contractants, à la conclusion desquels se
réfère l'article 39-2.
a) Responsabilités de l'Etat d'accueil et démarches préliminaires
.
L'
article 14
invite les candidats à une
adoption à
s'adresser à l'Autorité centrale de leur
pays de résidence
. Malgré le souci de certains Etats
(Etats-Unis, Japon) de permettre aux adoptants d'entamer les démarches
directement auprès de l'Autorité centrale de l'Etat d'origine de
l'enfant, il a été considéré qu'une
procédure plus formelle
garantirait de manière plus
efficace la
prévention des abus
constatés dans certains
pays, du fait de contacts personnels entre les candidats à une adoption
et les autorités de l'Etat d'origine. Dans cet esprit,
l'intermédiaire de l'Autorité centrale de l'Etat de
résidence des adoptants permettait de mieux assurer le
respect des
droits des enfants
.
.
L'
article
15
rappelle les responsabilités de
l'Autorité centrale de l'Etat de résidence des adoptants : il
s'agit de vérifier si ceux-ci satisfont aux conditions juridiques et
socio-psychologiques requises. Un
rapport est ainsi établi sur les
adoptants
et transmis à l'Autorité centrale à l'Etat
d'origine de l'enfant. Sur ce rapport figurent des renseignements sur
l'identité des adoptants, leur situation familiale et médicale,
leur milieu social, leurs motifs et leur aptitude à assumer une adoption
internationale.
Ce rapport devrait mentionner des informations sur les enfants que les
adoptants seraient aptes à prendre en charge : cette stipulation permet
de s'assurer des préférences de futurs parents adoptifs à
l'égard de l'âge, du sexe, voire du nombre d'enfants susceptibles
d'être accueillis dans ce foyer. Notons que le Saint-Siège avait
souligné l'importance des éléments d'information d'ordre
religieux, tant en ce qui concerne les adoptants que s'agissant de l'enfant,
même si la liste de renseignements établie par l'article 15 ne se
réfère pas à la religion des adoptants.
.
L'
article
31
exclut que les informations
rassemblées sur les parents adoptifs soient utilisées à
d'autres fins que pour la réalisation d'un projet d'adoption. Cette
stipulation vaut aussi pour les renseignements relatifs à l'enfant,
évoqués par l'article 16 de la présente convention.
b) Responsabilités de l'Etat d'origine et décision de placement de l'enfant
.
L'
article
16
invite l'Autorité
d'accueil de l'Etat d'origine de l'enfant à établir un
rapport
le concernant, et mentionnant son identité, son
adoptabilité, son milieu social, son passé médical et
celui de sa famille, son origine ethnique, religieuse et culturelle, ainsi que,
le cas échéant , ses besoins particuliers. L'Autorité
centrale de l'Etat d'origine a également le devoir de s'assurer que les
consentements visés à l'article 4 ont été obtenus.
Elle doit aussi s'assurer que le " placement envisagé ", et
non pas le processus d'adoption lui-même, est conforme à
l'intérêt supérieur de l'enfant. La
décision de
placement
intervient en vertu du
choix, parmi les différents
candidats à une adoption, des parents paraissant le plus à
même de s'occuper de l'enfant pour le plus grand intérêt de
celui-ci.
Notons que la nécessité d'
assortir
au
mieux l'enfant à sa famille adoptive
(exprimé par le terme de
" matching ", traduit en français par le terme
d'
apparentement
) a été soulignée fréquemment
au cours des négociations.
Sont donc transmis à l'Autorité centrale de l'Etat de
résidence des adoptants le rapport sur l'enfant, ainsi que la preuve des
consentements requis. L'article 16 précise en outre que
l'identité des parents biologiques n'est révélée
que si la législation de l'Etat d'origine de l'enfant le permet.
L'information relative à l'identité des parents biologiques doit
être conservée par les Etats d'origine, avec les données
relatives au passé médical de l'enfant et de sa famille, selon
l'article 30 de la présente convention. Cet article fait
également obligation aux Etats d'origine d'assurer l'accès de
l'enfant à ces informations, dans la mesure où la loi le permet.
.
Alors que les articles 14 à 16 peuvent, le cas
échéant, être interprétés différemment
dans le cadre des conventions bilatérales auxquelles se
réfère l'article 39, l'
article 17
ne saurait faire l'objet
d'aucune exception. Cet article subordonne la décision de confier un
enfant à des conditions minimum, devant être respectées par
tous les Etats-Parties :
- existence d'un accord des futurs parents adoptifs, vérifiée par
l'autorité centrale de l'Etat de résidence de ceux-ci,
- existence d'un accord entre les deux Autorités centrales des Etats
concernés sur le projet d'adoption,
- vérification de l'aptitude et de la qualification juridique des
candidats à l'adoption, et de l'attribution à l'enfant d'un visa
d'entrée sur le territoire de son pays d'accueil ainsi que d'un titre de
séjour adapté.
.
L'
article 18
invite les Autorités centrales des deux
pays (d'origine et d'accueil de l'enfant) à prendre leurs dispositions
pour que l'enfant reçoive l'autorisation de sortie de l'Etat d'origine
et l'autorisation d'entrée et de séjour dans l'Etat d'accueil. Il
est néanmoins clair que l'article 18 ne saurait être
invoqué quand de telles formalités ne sont pas
nécessaires, comme par exemple entre Etats de l'Union européenne
(les Etats de l'Union européenne ne figurent cependant pas parmi les
Etats d'origine les plus fréquemment cités). Selon l'article 35
de la présente convention, ces formalités, comme d'ailleurs
toutes les démarches relatives à une adoption internationale,
doivent être accomplies avec rapidité.
.
L'
article 19
concerne le voyage de l'enfant vers le pays de ses
parents adoptifs. Ce déplacement ne peut avoir lieu en pratique qu'une
fois réunies les autorisations de circulation requises (sortie du
territoire de l'Etat d'origine, entrée et séjour dans l'Etat
d'accueil). Il appartient aux autorités centrales de veiller à ce
que le voyage s'effectue " en toute sécurité " et, si
possible, en compagnie des parents adoptifs. A cet égard, des
difficultés d'ordre pratique peuvent s'opposer à ce que les
parents adoptifs ramènent l'enfant vers son nouvel Etat de
résidence -notamment quand des considérations de coût
interviennent. Notons aussi que le déplacement de l'enfant vers son Etat
d'accueil peut avoir lieu avant l'achèvement de la procédure
d'adoption. L'article 28 permet toutefois que l'adoption ait lieu dans l'Etat
d'origine, lorsque la législation de cet Etat s'oppose au placement de
l'enfant dans l'Etat d'accueil avant son adoption.
.
L'
article 20
invite les Autorités centrales à se
tenir informées de la procédure d'adoption en vigueur dans les
différents Etats : rappelons que la convention a pour objet d'instaurer
un système de coopération entre les Etats contractants et
d'harmoniser les conditions posées par les Parties. Les informations
auxquelles se réfère l'article 20 concernent notamment le
déroulement de la
période probatoire
, pendant laquelle
l'enfant est " placé " auprès des candidats à
l'adoption, avant l'intervention de la décision d'adoption. Pendant
cette période probatoire est contrôlée l'adaptation et
l'intégration de l'enfant auprès de ses parents adoptifs.
.
L'
article 21
prend en compte l'éventualité de
l'
échec
d'un placement
-quelle qu'en soit la raison-, et
la nécessité, dans ce cas, de retirer l'enfant aux personnes qui
désiraient l'adopter. L'Autorité centrale de l'Etat d'accueil
veille alors, en accord avec l'Autorité centrale de l'Etat d'origine,
à tenter un nouveau placement de l'enfant, ou à assurer
" une prise en charge alternative " (situation où l'enfant
ne
peut pas être placé en vue d'une nouvelle adoption, ni retourner
dans son pays d'origine, mais doit faire l'objet, par exemple, d'un traitement
ou de soins particuliers), voire, si l'intérêt de l'enfant
l'exige, à assurer le retour de l'enfant dans son pays d'origine.
Par ailleurs, en conformité avec l'article 4-d de la présente
convention, et de l'article 12 de la convention de l'ONU sur les droits de
l'enfant, relatif à la liberté d'opinion de l'enfant
" capable de discernement ", l'article 21 se réfère
à la nécessité, en cas d'échec du premier
placement, de consulter l'enfant, et de recueillir son consentement à
toute solution envisagée, lorsque son âge et sa maturité le
permettent.
c) Le cas des adoptions indépendantes
L'
article 22
concerne les
adoptions dites
privées
, ou
indépendantes
, susceptibles d'être
effectuées à partir de l'intervention d'
organismes non
agréés
. Les Etats-Unis ont, en effet, insisté pour que
figure dans la présente convention l'intervention d'organismes
privés et indépendants dans les procédure d'adoption
internationale. Ce souci tient à la compétence dévolue aux
avocats
dans le système américain à l'égard
de l'adoption d'enfants nés à l'étranger.
Le texte de cet article permet donc aux organismes non agréés
d'intervenir dans des projets d'adoption internationale en s'acquittant des
missions dévolues aux Autorités centrales, à condition
qu'ils remplissent certaines conditions minimales (de moralité, de
compétence professionnelle, de formation et d'expérience dans le
domaine de l'adoption internationale). L'article 22
permet néanmoins
aux Parties de s'opposer à l'intervention de tels organismes dans des
projets d'adoption concernant leurs ressortissants
. La France, par exemple,
ne reconnaît pas les compétences de tels organismes dans sa
procédure d'adoption.
On remarque que les conditions définies en vue de l'intervention
d'organismes non agréés ne mentionnent pas l'interdiction de
tirer un gain financier ou un avantage indu de leurs activités
liées à l'adoption internationale. On peut toutefois estimer que
cette précaution élémentaire est satisfaite par
l'alinéa b) de l'article 22, relatif à l'intégrité
morale exigée des organismes non agréés, et par l'article
32 de la présente convention. Celui-ci stipule, en effet, que " nul
ne peut tirer un gain matériel indu en raison d'une intervention
à l'occasion d'un adoption internationale ", et que les
administrateurs et employés des " organismes intervenant dans une
adoption ne peuvent recevoir une rémunération
disproportionnée par rapport aux services rendus ".
Il n'en demeure pas moins que la présente convention ne fixe pas des
règles identiques pour les organismes agréés et pour les
organismes non agréés.
Il est très éclairant de constater que les stipulations relatives
aux organismes non agréés ne tiennent pas compte d'une
proposition faite par la France au cours des négociations, et tendant
à souligner que, en matière d'adoption internationale, le
concours des Autorités centrales est la règle, l'intervention
d'organismes non agréés, en vue de l'accomplissement d'adoptions
" indépendantes " ou " privées ",
constituant l'exception.
B. STIPULATIONS ASSURANT LA COHÉRENCE INTERNATIONALE DU STATUT DE L'ADOPTÉ (Articles 23 à 27)
1. Reconnaissance des décisions d'adoption certifiées conformes à la présente convention
.
L'
article 23
institue le principe de la
reconnaissance de plein droit
(c'est-à-dire de manière
automatique), dans tous les Etats contractants, des adoptions
réalisées conformément à la convention, et pour
lesquelles a été délivré un
certificat de
conformité
. Celui-ci est établi par l'Etat sur le territoire
duquel a eu lieu l'adoption (cet Etat peut être, selon les cas, l'Etat
d'origine de l'enfant ou son Etat d'accueil). Aucune procédure de
reconnaissance, d'exécution ou d'enregistrement n'est nécessaire
pour obtenir la validation de la décision d'adoption dans un autre Etat.
.
La reconnaissance d'une adoption peut être refusée par un
Etat si l'adoption est
contraire à son ordre public et à
l'intérêt de l'enfant
(article 24), s'il était
établi, par exemple, que les consentements ont été
donnés sous la contrainte, ou que l'adoption relève de
l'enlèvement d'enfant.
On peut espérer que des situations aussi exceptionnelles se produisent
rarement. Les Etats ont également la possibilité, en vertu de
l'article 25, de ne pas reconnaître une adoption qui aurait
été effectuée sur la base d'un accord conclu entre deux
Parties, conformément à l'article 39-2. Cette stipulation est
étonnante, puisque ces accords sont conçus comme un moyen de
" favoriser l'application de la convention " : on peut donc
en
conclure que les adoptions prononcées sur la base de ces accords
bilatéraux seront conformes à la convention. Pourquoi, dès
lors, autoriser des Etats à ne pas reconnaître ces
décisions d'adoption ?
2. Conséquences de la reconnaissance de l'adoption sur les liens de filiation
Les articles 26 et 27 définissent les
conséquences d'une adoption sur les
liens de filiation entre l'enfant
et ses parents adoptifs, et entre l'enfant et ses parents biologiques
. En
effet, tous les systèmes juridiques ne reconnaissent pas, comme la loi
française, la possibilité d'une rupture des liens de filiation
entre l'enfant adopté et ses parents biologiques, à travers les
adoptions dites plénières
.
.
L'
article 26
établit une distinction entre les
différents types d'adoption, celles qui reviennent à abolir tout
lien de filiation entre l'enfant et ses parents biologiques (adoptions
plénières) et celles qui ne mettent pas fin à ce lien
(adoptions simples ou limitées).
- L'article 26 définit les
effets minimum
des adoptions faites
conformément à la convention. L'enfant dont l'adoption est
reconnue est donc considéré en droit comme l'
enfant
des
parents adoptifs
. Rappelons que la convention ne concerne, selon l'article
2, que les adoptions établissant un lien de filiation, et ne vise donc
pas la kafala en vigueur dans les pays musulmans. L'enfant adopté
conformément à la présente convention est placé
sous la
" responsabilité " de ses parents adoptifs
:
ce
terme a été retenu de préférence à celui
d'" autorité ", afin d'insister sur les
devoirs qui
incombent aux parents adoptifs
, à qui ne sont pas dévolus que
des droits. Enfin, le premier paragraphe de l'article 26 reconnaît la
possibilité d'une rupture des liens de filiation entre l'enfant
adopté et ses parents biologiques : la convention s'applique, en effet,
à différentes sortes d'adoptions qui, tout en établissant
un lien de filiation entre l'enfant et ses parents adoptifs, peuvent
reconnaître ou non la persistance d'un lien entre l'enfant adopté
et ses parents biologiques.
- L'article 26 n'apporte pas de réponse à toutes les questions
posées par les effets de l'adoption. Il pose néanmoins le
principe selon lequel l'enfant adopté conformément à la
présente convention, et en vertu d'une procédure d'adoption
mettant fin à ses liens de filiation avec ses parents adoptifs, jouira
dans l'Etat d'accueil -ou dans tout autre Etat reconnaissant l'adoption- des
droits liés à l'adoption plénière
. L'enfant
doit donc jouir des effets d'une adoption plénière dans tous les
Etats reconnaissant ce type d'adoption.
. L'article 27
vise le cas d'adoptions effectuées dans l'Etat
d'origine, et
n'ayant pas pour effet de rompre le lien préexistant de
filiation
. Afin que cette adoption soit considérée comme une
adoption plénière dans l'Etat d'accueil, une
conversion
peut être effectuée entre l'Etat d'origine et l'Etat d'accueil.
II. LA FRANCE DIRECTEMENT CONCERNÉE PAR LA CONVENTION DE LA HAYE
Ce commentaire de la convention de La Haye était
nécessaire pour apprécier l'incidence de ce texte sur le
phénomène de l'adoption internationale, dont le
développement récent appelait une certaine clarification
juridique, dans l'intérêt tant des enfants que des adoptants.
Compte tenu de la part importante qu'occupent les adoptions internationales en
France, notre pays est concerné au premier chef par la présente
convention. Celle-ci permettra d'adapter certaines caractéristiques de
notre dispositif administratif et juridique aux spécificité que
présente l'adoption internationale, en dépit des limites d'une
convention qui ne s'applique pas à tous les cas d'adoption
internationale en France.
A. L'ADOPTION INTERNATIONALE, UN PHÉNOMÈNE RÉCENT ET COMPLEXE
Apparue dans les années 1960, l'adoption internationale a pris une importance qui suscite désormais certaines réticences de la part des pays d'origine, et qui nécessite une information spécifique des parents adoptifs, en raison de la complexité des liens créés par l'adoption entre l'" enfant venu d'ailleurs " et sa nouvelle famille.
1. L'expansion des adoptions d'enfants nés à l'étranger depuis les années 1960
Divers facteurs ont conduit les adoptants français
à se tourner de plus en plus couramment vers l'adoption internationale.
La baisse de la natalité en France et la diminution du nombre de
grossesses non désirées ont contribué, avec une attitude
plus ouverte de la société à l'égard des
mères célibataires, à limiter la pratique de l'abandon
d'enfants. A ces motifs d'opportunité -trouver un enfant adoptable
à l'étranger devenait plus facile qu'en France- s'ajoutait,
à l'origine, un
esprit humanitaire
, l'adoption internationale
visant initialement à aider les enfants en détresse dans leur
pays (Algérie, Colombie, Vietnam), quand celui-ci n'offrait aucune
possibilité de sauvetage en raison des guerres, des
épidémies et des famines qui ont proliféré dans le
monde depuis les années soixante.
Le but des adoptants français consistait aussi parfois, à cette
époque pionnière, comme le rappelle le professeur
Jean-François Mattei dans son rapport "
Enfant d'ici, enfant
d'ailleurs - L'adoption sans frontières
3(
*
)
,
à accueillir un enfant pour une
hospitalisation ou une intervention chirurgicale. Ces adoptions concernaient
des enfants métissés, handicapés, malades, orphelins ou
abandonnés auxquels leur pays n'offrait aucun avenir. L'esprit qui
dominait ces premières adoptions internationales était avant tout
de
" trouver une famille pour un enfant malheureux, et non pas
un
enfant pour une famille malheureuse "
4(
*
)
.
Devenue une alternative à l'adoption d'enfants nés en France, du
fait de la réduction rapide du nombre d'enfants adoptables dans notre
pays, l'adoption internationale a connu un important développement :
elle représente aujourd'hui
deux tiers des adoptions non familiales
en France.
Ce phénomène s'est traduit par un
indéniable changement de nature.
L'adoption internationale est,
en effet, vécue par certains comme la quête parfois très
passionnelle et douloureuse d'un enfant : on s'éloigne alors de la
" démarche qui consiste à rechercher une famille pour un
enfant qui en est dépourvu, puisque c'est l'enfant qui est
recherché " (2).
La France est désormais le deuxième pays d'accueil d'enfants
adoptés à l'étranger (plus de 3 500 enfants ont
été adoptés ainsi en 1996), après les Etats-Unis
où sont réalisées chaque année environ 10 000
adoptions de ce type.
Entre 1979 et 1996, plus de 40 000 enfants nés
à l'étranger ont été adoptés en France
.
Ce phénomène concerne également, outre la France,
l'Italie, l'Espagne, le Canada et les pays scandinaves. Il demeure marginal en
Allemagne.
2. La question de l'attitude des pays d'origine
.
La géographie de l'adoption internationale
fait apparaître une
diversification progressive des pays d'origine
: de 7 en 1975, ce nombre est passé à 65 en 1996. La part de
l'Afrique a augmenté assez régulièrement depuis 1987, de
même que celle de l'Asie. Le nombre d'enfants adoptés originaires
d'Europe a connu un certain pic en 1990-1991, probablement lié aux
événements de Roumanie et à l'ouverture de la Pologne et
de l'ex-URSS, mais ce mouvement paraît régresser, de même
que diminue le nombre d'adoptions d'enfants originaires d'Amérique. La
part de l'
Asie
connaît, en revanche, une expansion importante.
En 1996, les adoptions internationales effectuées par des adoptants
français étaient ainsi réparties entre les régions
d'origine des enfants :
- Asie : 45,06 % ;
- Amérique : 22,04 % ;
- Afrique : 16,86 % ;
- Europe : 16,04 %.
.
L'
opinion publique des pays d'origine
perçoit de
manière contrastée le développement des adoptions
internationales. Certains considèrent ce phénomène comme
une forme de
néocolonialisme,
et l'assimilent à un
appauvrissement au profit des pays riches
. Certains pays, comme le
Sri-Lanka, se sont fermés à l'adoption internationale
après avoir découvert d'importants trafics d'enfants. En
Colombie, l'opinion s'est émue de l'inculpation pour mauvais traitements
à enfants d'un couple français qui avait adopté un
bébé colombien. Des témoignages d'adoptants
français font état de gestes d'hostilité de la part de
Vietnamiens, à la vue d'occidentaux en compagnie d'enfants vietnamiens
5(
*
)
.
3. Un phénomène complexe, dont les conséquences doivent être mesurées par les adoptants
Si l'adoption d'enfants français peut, le cas
échéant, reposer sur la fiction de la ressemblance entre l'enfant
adopté et ses parents adoptifs, qui pourrait tenir lieu de filiation
biologique, cette filiation disparaît, dans la plupart des cas, avec
l'adoption internationale. L'enfant adopté à l'étranger
est, en effet, souvent confronté à des difficultés
identitaires liées à la différence physique avec ses
parents adoptifs. Selon certains psychologues, la découverte par
l'enfant adopté de la différence entre son visage et celui de ses
parents peut produire un sentiment de honte et de confusion, susceptible
d'être à l'origine de troubles psychologiques graves
6(
*
)
. De manière générale, les enfants
et adolescents nés à l'étranger qui évoquent le
moment de l'adoption se rappellent un profond sentiment de
désorientation, de détresse et d'angoisse, à l'origine
d'une tendance à la passivité, imputée par certains
thérapeutes
7(
*
)
à l'obligation,
pour l'enfant, lors de son arrivée dans son nouveau pays, de
s'intégrer à tout prix à son nouveau milieu, cette
intégration passant par une tendance très nette à se
décharger sur une personne, généralement la mère
adoptive, de toute initiative.
Il est donc clair que la sensibilisation des adoptants à l'effort
qu'implique une adoption internationale est primordiale pour la réussite
de l'accueil de l'enfant. Comme le souligne le rapport Mattei, " les
différences physiques, linguistiques et culturelles peuvent
entraîner des problèmes et susciter des dysfonctionnements dans
les relations entre l'enfant et les parents. Chaque famille doit savoir que les
enfants, quel que soit leur âge, ont souffert, et que quelquefois cette
souffrance a laissé des traces très profondes ". Ainsi
importe-t-il d'accompagner les adoptants en leur prodiguant conseils,
informations et soutien psychologique.
En France, ce rôle est généralement tenu par des
associations de parents adoptifs. Parmi les gestes à entreprendre
vis-à-vis de l'enfant, à la nécessité desquels
doivent être sensibilisés les adoptants, figure l'acquisition de
connaissances du pays d'origine de l'enfant, devant conduire à un voyage
de découverte, qui permet à l'enfant de découvrir ses
attaches. L'écueil à éviter est néanmoins de
compromettre l'intégration et l'épanouissement de l'enfant dans
son pays d'accueil, en développant de manière
exagérée ses particularismes culturels.
B. CONSÉQUENCES DE L'ADHÉSION FRANÇAISE À LA CONVENTION DE LA HAYE
Les règles de procédure en vigueur en France et le cadre institutionnel de l'adoption internationale devront être adaptées aux stipulations de la convention de La Haye, sans pour autant que celle-ci apporte une solution à toutes les difficultés liées, en France, aux adoptions à l'étranger.
1. Spécificités du dispositif : le rôle paradoxalement limité des " oeuvres d'adoption " par rapport aux adoptions individuelles
.
Le développement en France de l'adoption
internationale a conduit à constater l'insuffisance de l'initiative
privée dans le processus de l'adoption internationale, et à
créer, en 1987, une structure interministérielle, la
Mission
de l'adoption internationale,
rattachée à la Direction des
Français à l'étranger du ministère des Affaires
étrangères. Cet
organisme de contrôle
n'est pas un
intermédiaire de l'adoption ; il ne confie donc pas d'enfants aux
adoptants français. Ses fonctions concernent :
- la délivrance de visas aux enfants adoptés,
- la participation à l'élaboration de la réglementation
interne,
- la centralisation et la diffusion de l'information sur l'adoption
internationale,
- le dialogue avec les administrations des pays d'origine,
- l'habilitation des
oeuvres autorisées à intervenir dans le
domaine de l'adoption internationale
8(
*
)
.
.
Notons, sur ce dernier point, que l'une des particularités du
système français tient à un
nombre important
d'" oeuvres d'adoption "
habilitées pour l'adoption
internationale, puisqu'il en existe 52. Ces oeuvres disposent d'une
expérience diversifiée dans le domaine de l'adoption à
l'étranger. Elles peuvent apporter aux adoptants un soutien très
précieux, compte tenu de la complexité des procédures
à entreprendre.
Les moyens dispersés, voire dans certains cas artisanaux, dont disposent
ces oeuvres, dont l'action repose sur la contribution de
bénévoles,
ne leur permettent d'assurer qu'
un tiers des
adoptions d'enfants nés à l'étranger
. Il existe
néanmoins une fédération des oeuvres d'adoption, mais
celle-ci ne regroupe que quinze oeuvres, et ne repose pas sur la mise en commun
de moyens, qui serait pourtant le seul moyen de développer et de
renforcer leur action. La plupart des oeuvres ne réalisent donc que
moins de dix adoptions par an.
.
Les défaillances présentées par le système
des oeuvres d'adoption a pour corollaire l'importance de l'adoption
" par démarche individuelle
", également
dénommée directe ou indépendante. Dans ce cas, les
adoptants s'adressent directement aux organismes compétents du pays
choisi, sans s'adresser à une oeuvre d'adoption.
Deux tiers des
adoptions d'enfants nés à l'étranger
procèdent,
en France, d'adoptions individuelles.
Parfois considérée comme suspecte, ouverte à tous les
trafics qui ternissent l'image de l'adoption internationale, l'adoption
indépendante ne s'effectue cependant pas en marge de la
légalité. Les adoptants doivent, en effet, obtenir un
agrément du responsable départemental de l'Aide sociale à
l'enfance pour obtenir le visa d'entrée en France de leur enfant (telle
est, en effet, la condition posée par la Mission de l'adoption
internationale).
Le succès de l'adoption directe est lié aux complexités du
cursus classique proposé par les oeuvres, qui découragent souvent
les candidats à une adoption.
Notons que le recours à la filière des adoptions individuelles
est particulièrement développé en Italie, en Espagne et en
France, les adoptants originaires des pays de l'Europe du Nord
privilégiant le recours à des
agences très
structurées
, dont le personnel est rémunéré, et
qui sont des intermédiaires obligatoires dans les procédures
d'adoption.
2. L'adaptation du système français aux prescriptions de la convention de La Haye
.
L'article 14 de la convention de La Haye interdit
l'adoption par démarche individuelle, faisant obligation aux adoptants
de s'adresser à l'Autorité centrale de leur Etat de
résidence avant tout contact avec les organismes du pays d'origine de
l'enfant. C'est à l'Autorité centrale du pays de résidence
qu'il revient, rappelons-le, de s'assurer de la qualification et de l'aptitude
des parents à adopter, et d'adresser un rapport sur les adoptants
à l'Autorité centrale du pays d'origine de l'enfant.
. Les oeuvres d'adoption devront donc s'adapter à la charge de
travail accrue qui devrait mécaniquement résulter de la
disparition des filières privées
d'adoption internationale,
et à la
mission de service public
dont elles seront investies du
fait de l'adhésion au dispositif de La Haye. La convention de La Haye
induira donc un
changement radical de cap
-sur les plans tant qualitatif
que quantitatif-
dans les missions des oeuvres d'adoption
, changement
auquel celles-ci paraissent
insuffisamment préparées
.
Selon le rapport Mattei, il convient ainsi de
" promouvoir le
regroupement structurel des oeuvres françaises actuellement
habilitées par le ministère des Affaires
étrangères, dont les activités sont dispersées,
afin qu'elles soient en mesure d'assumer les tâches qui peuvent leur
être déléguées "
sur le fondement de la
convention de La Haye (articles 8, 9 et 22). Le rapport Mattei propose donc la
mise en place d'une
confédération des oeuvres
, qui devront
être dénommées, dans la logique de la convention de La
Haye,
" organismes agréés pour l'adoption "
.
Peut-être un dispositif de subventions serait-il de surcroît
opportun, compte tenu des
difficultés en termes d'échelle
liées à l'emploi de bénévoles
.
- Sur le plan institutionnel doit enfin être mise en place
l'
Autorité centrale française
, dont la création est
d'ailleurs prévue par l'article 56 de la
loi n° 96-604 du 5
juillet 1996 relative à l'adoption.
Chargée d'orienter et de
coordonner l'action des administrations et des autorités
compétentes en matière d'adoption internationale, cette
autorité sera composée de représentants des trois
ministères concernés au premier chef (Affaires sociales, Affaires
étrangères et Justice) et des conseils généraux.
Selon l'étude d'impact jointe au présent projet de loi,
l'Autorité centrale sera une
structure administrative
légère
, dont l'intervention dans les projets d'adoption
internationale devrait être un gage de
simplification et de
transparence des procédures,
et de
sécurité pour
les adoptants
.
Le dispositif institutionnel qui sera mis en place en conséquence de la
ratification de la convention de La Haye est donc inspiré des
propositions exprimées par le rapport Mattei, qui suggérait
d'éviter que le système mis en place ne devienne trop lourd, ne
constitue un véritable goulot d'étranglement, et ne laisse des
enfants en situation très difficile en attente de leur nouvelle famille,
alors que l'article 35 de la convention énonce que
" les
autorités compétentes des Etats contractants agissent rapidement
dans les procédures d'adoption ".
Ainsi l'Autorité centrale devrait-elle
s'appuyer sur les
structures
existantes,
qui ont démontré leur
compétence dans le domaine de l'adoption internationale : la
Mission
de l'adoption internationale agirait donc par délégation de
l'Autorité centrale
pour mettre en oeuvre et coordonner les
différentes étapes de l'adoption internationale. La Mission de
l'adoption internationale continuera à habiliter les oeuvres d'adoption,
et à délivrer les visas de long séjour aux enfants
adoptés à l'étranger.
La charge de travail de la Mission de l'adoption internationale devrait
augmenter, non seulement du fait des perspectives de développement de
l'adoption internationale face à une demande croissante des adoptants
français, mais aussi en raison de la clarification des règles de
compétence et de procédure induites par la ratification de la
convention de La Haye, et également du fait des
problèmes
posés par les pays restés en dehors du dispositif de La Haye
,
situés pour l'essentiel sur le continent africain, et dont sont
originaires de nombreux enfants confiés à des parents
français (voir notamment infra, 3).
Pour ces diverses raisons, il importe de
renforcer les moyens en personnel
dont dispose la Mission de l'adoption internationale
, actuellement
limités à treize personnes en tout. Plus particulièrement,
s'il est nécessaire de renforcer la structure interministérielle
de cet organisme, auquel participent les ministères des Affaires
sociales, de la Justice et des Affaires étrangères, il est urgent
de mettre à disposition de la Mission un
effectif accru de personnels
mis à disposition par les ministères des Affaires sociales et de
la Justice
. Un effectif total de vingt personnes paraîtrait
susceptible de permettre à la Mission de faire face à
l'
accroissement de ses responsabilités
.
3. Les limites de la convention : le cas des pays ne reconnaissant pas le principe de l'adoption
La convention de La Haye, en dépit de l'indubitable
amélioration que constituera la moralisation de l'adoption
internationale, se heurte à des limites naturelles que sont les
conflits de loi liés à la non-reconnaissance du principe de
l'adoption par certains pays
.
Il s'agit, pour l'essentiel, de pays de
droit musulman
comme le Maroc et
l'Algérie. Notons que la Tunisie est le seul pays du Maghreb à
autoriser l'adoption (depuis une loi du 4 mars 1958), dans des modalités
comparables à celles de l'adoption plénière
française. Cette adoption reste néanmoins réservée
aux adoptants musulmans.
La non-reconnaissance de l'adoption en droit musulman s'inspire du Coran
(
" De vos enfants adoptifs, (Allah) n'a point fait vos
fils "
). Une institution comparable existe néanmoins dans ces
pays, la " Kafala " ou recueil légal, qui consiste en une
simple prise en charge d'un enfant abandonné, avec obligation de
l'élever, de l'éduquer et de l'entretenir. La Kafala ne produit
cependant aucune conséquence en matière de filiation. Elle est de
surcroît réservée aux musulmans.
Or de nombreux enfants sont abandonnés dans ces pays, essentiellement
des enfants sans père, condamnés
de facto
à n'avoir
aucune place dans ces sociétés, où n'est pas reconnu le
lien de filiation par les femmes. Ces enfants sont donc confiés à
des orphelinats, où leurs conditions de vie sont tellement difficiles
qu'une association, émue de leur dénuement, s'est
constituée en Algérie en 1984 pour trouver des familles d'accueil
pour ces enfants. Depuis plus de dix ans, des familles françaises
recueillent donc des enfants originaires du Maroc et d'Algérie, sans
qu'aucun lien de filiation puisse être établi par le juge entre
ces enfants et leur famille d'accueil. En effet, le ministère de la
Justice proscrit l'adoption d'un enfant originaire d'un Etat qui ne
reconnaît pas le principe de l'adoption, car il est impossible, dans ce
cas, d'
apprécier la régularité ou la portée du
consentement des représentants légaux
de l'enfant. Selon
certains jugements se référant à la tradition marocaine,
la mère biologique de l'enfant ne confie celui-ci qu'en vue d'une prise
en charge destinée à l'entretien et l'éducation de
l'enfant. De plus, selon les autorités marocaines et algériennes,
l'enfant adopté par des Français ne perdrait ni sa
nationalité d'origine, ni sa religion musulmane.
Rappelons toutefois qu'un enfant originaire d'Algérie ou du Maroc peut
aussi être adopté en France (cas d'une mère
algérienne ou marocaine venant accoucher en France), et que dans ce cas
il peut accéder à la nationalité française. Le
conflit de loi se pose réellement dans le cas d'enfants originaires de
ces pays et recueillis dans leur pays d'origine. Dans ce cas, la famille
d'accueil peut obtenir délégation de l'autorité parentale,
ou une tutelle de droit commun, à l'exclusion de tout lien de filiation.
L'enfant ainsi recueilli ne peut porter le nom de ses
" parents ",
n'acquiert pas leur nationalité, et, sur son acte de naissance, la
mention " néant " figure aux rubriques
" père " et " mère ". Cet enfant
demeure de
surcroît, en France, soumis à la législation relative au
séjour des étrangers.
Les conséquences de cette impasse juridique sont donc
particulièrement douloureuses. Elles doivent dissuader les familles
d'adopter à tout prix des enfants ressortissants d'un pays qui prohibe
l'adoption. L'arrêt de la cour de cassation du 10 mai 1995 a
créé une jurisprudence favorable en la matière, en
prononçant l'adoption plénière d'un enfant marocain, dont
le représentant légal avait accepté en l'absence de
législation nationale relative à l'adoption, la rupture de la
filiation d'origine. Mais il convient d'éviter des situations où
un enfant aurait simultanément deux états-civils, l'un dans son
pays d'origine, l'autre dans son pays d'adoption. Et d'autre part, la
convention de La Haye stipule clairement que c'est à l'Etat d'origine de
l'enfant que revient la détermination de l'adoptabilité de
l'enfant (article 4).
CONCLUSION DU RAPPORTEUR
En dépit des difficultés -pour l'essentiel
d'ordre budgétaire- que suscitera l'adaptation de l'organisation
française de l'adoption internationale aux prescriptions de la
convention de La Haye, l'adhésion à celle-ci contribuera
très certainement à améliorer l'adoption internationale
dans un sens favorable à l'intérêt supérieur des
enfants concernés. Rencontre de deux souffrances -la
stérilité des parents adoptifs et l'abandon d'un enfant-
l'adoption internationale ne doit pas se limiter à la quête
passionnelle d'un enfant par des personnes que découragent les
procédures et les délais de droit commun.
L'adoption d'un enfant né à l'étranger crée, pour
les parents adoptifs, des devoirs de compréhension qui soulignent la
spécificité de ce type d'adoption, dans laquelle il est exclu de
s'engager à la légère. La clarification des
responsabilités respectives de l'Etat d'accueil et de l'Etat d'origine,
que permettra la convention de La Haye, contribuera probablement à une
meilleure transparence des adoptions internationales.
Votre rapporteur conclut donc favorablement à l'adoption du
présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
Votre commission des Affaires étrangères, de la
Défense et des Forces armées a examiné le présent
projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 1997.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, Mme Paulette Brisepierre est
revenue, avec Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, rapporteur, sur les
conséquences de la " Kafala " en matière de liens de
filiation, relevant que l'adoption est autorisée, notamment en Tunisie,
quand les adoptants sont musulmans. Le rapporteur a fait observer que, en
dépit de la non-reconnaissance du principe de l'adoption par
l'Algérie et le Maroc, certains adoptants français ont recueilli
des enfants originaires de ces pays, sans être conscients du fait que
l'adoption ainsi effectuée n'induisait aucune conséquence en
termes de filiation, et que les enfants recueillis en vertu d'une
" Kafala " ne pourraient jamais être leurs héritiers.
Mme Paulette Brisepierre a souligné la complexité des
démarches devant être effectuées par les candidats
français à une adoption. Elle a souhaité connaître
l'incidence de la ratification de la convention de La Haye sur les structures
administratives françaises de l'adoption internationale, se
prononçant pour des procédures rapides et pour une administration
légère.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga a estimé que, si les procédures de
l'adoption internationale devaient garantir, dans l'intérêt des
enfants, un placement rapide dans les familles d'adoption, en revanche, en ce
qui concerne les adoptants, les délais exigés par la
complexité des procédures d'agrément en France devraient
permettre aux candidats à une adoption de mûrir leur projet.
M. Jacques Habert est alors revenu sur les difficultés d'adaptation
auxquelles peuvent être confrontés les enfants nés à
l'étranger. En réponse à M. Jacques Habert,
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga a rappelé que le choix de plus en
plus répandu de l'adoption internationale par des adoptants
français était dû au très faible nombre d'enfants
adoptables en France. Puis M. Jacques Habert a souligné l'importance des
certificats médicaux délivrés par le pays d'origine lors
d'une adoption, évoquant les nombreux cas d'enfants ayant fait l'objet
d'un certificat incomplet, voire de complaisance. Il a également
rappelé que l'intervention des avocats dans les procédures
d'adoption mises en oeuvre par des adoptants américains induisaient pour
ces derniers des frais importants, sans que l'on puisse toutefois assimiler les
honoraires versés aux avocats à l'achat d'un enfant.
M. Jacques Habert a insisté sur les difficultés juridiques
susceptibles de résulter, en cas d'adoption plénière
prononcée en France, de la méconnaissance par certains pays
d'origine -et, notamment, par le Vietnam- des conséquences de ce type
d'adoption sur la rupture des liens avec la famille biologique de l'enfant. Il
a estimé que la surreprésentation du Vietnam parmi les pays
d'origine des enfants adoptés par des Français pourrait de ce
fait, à terme, poser d'importants problèmes.
A cet égard, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga a jugé que les cas
d'adoptions d'enfants vietnamiens atteints de maladies graves interdisaient
d'avoir une vision trop optimiste de l'adoption internationale.
M. André Boyer a alors, comme le rapporteur, relevé le rôle
positif parfois joué par les nombreuses démarches exigées
en France des candidats à une adoption. Avec Mme Monique
Cerisier-Ben Guiga, il a évoqué l'obligation faite par la
convention de La Haye aux Etats d'origine de conserver le dossier de chaque
enfant adopté par des parents étrangers. Mme Monique
Cerisier-Ben Guiga s'est déclarée favorable à ce
système, qui permet notamment aux adoptés de connaître
leurs antécédents médicaux.
Puis Mme Monique Cerisier-Ben-Guiga a, avec M. Xavier de Villepin,
président, évoqué l'adhésion à la convention
de La Haye de pays jouant un rôle important dans l'adoption
internationale en tant que pays d'origine, parmi lesquels le Brésil, la
Colombie, le Pérou, le Burkina Faso, le Mexique, la Roumanie et
l'Equateur.
Le rapporteur a estimé que les nombreux pays d'origine restant à
l'écart de la convention de La Haye pourraient encourager la persistance
de pratiques d'adoption douteuses, voire de trafics d'enfants. Mme Monique
Cerisier-Ben Guiga a également rappelé que les pays musulmans qui
ne reconnaissaient pas le principe de l'adoption n'étaient pas parties
à cette convention.
La commission a alors, suivant l'avis du rapporteur,
approuvé
le
présent projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte présenté par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale faite à La Haye, le 29 mai 1993, et signée par la France, le 5 avril 1995, dont le texte est annexé à la présente loi 9( * ) .
ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT 10(
*
)
. Avantages attendus :
Le phénomène de l'adoption internationale a pris une grande
ampleur ces dernières années, particulièrement en France.
Notre pays vient au deuxième rang dans le monde, après les
Etats-Unis, dans l'adoption d'enfants à l'étranger.
De moins de 1 000 en 1980, ces adoptions ont franchi la barre de 3 000 en
1994 (3 028 en 1995).
La France a également la particularité d'" adopter "
dans un très grand nombre d'Etats (plus d'une soixantaine).
Dans ce contexte les objectifs de la convention de La Haye, issus directement
de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant (prohibition de
la recherche de profits indus, souci de l'intérêt supérieur
de l'enfant etc...), la concernent au premier chef.
La ratification de la convention par la France renforcera la coopération
avec les Etats d'origine des enfants et garantira la
" qualité " des adoptions réalisées.
. Impact sur l'emploi :
La constitution de l'Autorité centrale devrait entraîner la
création de postes nouveaux tant au niveau de l'administration
qu'à celui des départements (cf. incidences financières).
. Impact sur d'autres intérêts généraux :
Au delà de l'adoption
stricto sensu,
c'est tout le domaine de la
" protection de l'enfance " qui est intéressé,
implicitement, par la convention.
Les autorités centrales mises en place, par leurs contacts directs
pourront s'échanger des informations générales et
progresser dans le règlement des dossiers liés à l'enfance
en détresse.
.
Incidences financières :
Si elles peuvent être considérées comme relativement
modestes à l'échelle nationale, les incidences financières
seront en revanche lourdes pour l'autorité chargée de faire
appliquer concrètement la convention.
La loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption a
prévu à l'article 56 l'institution auprès du Premier
ministre d'une autorité centrale pour l'adoption chargée
d'orienter et de coordonner l'action des administrations et des
autorités compétentes en matière d'adoption
internationale. Cette autorité sera composée de
représentants de l'Etat et des Conseils généraux et un
décret en Conseil d'Etat doit en préciser les conditions de
fonctionnement.
Sans préjuger du contenu précis de ce futur décret on peut
d'ores et déjà prévoir, à la lumière des
échanges de vues effectués à ce jour, que
l'autorité centrale en titre sera une structure légère
composée des représentants des administrations concernées
se réunissant périodiquement.
La constitution de cette autorité centrale ne devrait pas avoir (ou
très peu) d'incidence financière.
Par contre la Mission de l'adoption internationale aura besoin de moyens
matériels et humains supplémentaires importants.
Le ministère des Affaires étrangères au sein duquel se
trouve la Mission de l'adoption internationale souligne que la ratification de
la convention suppose que cette question primordiale des moyens soit
préalablement réglée.
. Impact en termes de formalités administratives :
La convention fait obligation aux adoptants de passer par leur autorité
centrale lorsqu'ils désirent adopter un enfant dont la résidence
habituelle est située dans un autre Etat contractant (art. 14).
Cette obligation constitue une garantie de simplification et de
sécurité pour les " usagers " qui seront guidés
dans leurs démarches.
Pour l'autorité centrale, la constitution du dossier à
transmettre à l'autorité centrale du pays d'origine (art. 15)
composé principalement de l'agrément délivré par
les services de l'aide sociale à l'enfance, ne devrait pas poser de
difficultés particulières.
. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement
juridique :
Les dispositions de la Convention ne viennent pas compliquer notre
ordonnancement juridique.
Bien au contraire, en instituant, au chapitre V, le principe de reconnaissance
de plein droit et quasi-inconditionnelle des décisions d'adoption dans
tous les Etats contractants, cet instrument est un facteur de simplification.
1
La convention de l'ONU de 1989 se
réfère ainsi au droit à la vie, à la santé,
à l'éducation, au droit de vivre avec ses parents et de maintenir
des contacts avec eux, au droit à la réunification familiale, au
droit d'exprimer son opinion, au droit à l'information, et au droit
à la protection, en ce qui concerne les enfants privés de leur
milieu familial ...
2
Fascicule Pologne établi par la Mission de l'Adoption
internationale du ministère des Affaires étrangères.
3
Rapport à Monsieur le Premier ministre sur l'adoption - 31
janvier 1995.
4
J. F. Mattei, op. cit
5
Voir par exemple Seren Guttmann,
Journal d'une adoption - Une
filière à Hanoi
,
l'Harmattan, 1997.
6
Cas d'un adolescent d'origine coréenne
étudié dans Maurice Berger,
L'enfant et la souffrance de la
séparation,
Dunod, 1997.
7
H. et J.P. Waber, " Histoires singulières - Histoires
plurielles ", in
Etude et rapports de la recherche appliquée,
Suisse, 1994.
8 La Mission de l'adoption internationale permet d'assurer la cohérence de la politique française en matière d'adoption internationale, de faciliter les relations avec les administrations étrangères, et d'offrir un interlocuteur unique aux différents intervenants - adoptants, associations et administrations. La Mission rassemble une information considérable, à la disposition des adoptants, sur les procédures en vigueur dans les pays d'origine, et sur les organismes privés ou publics jouant un rôle dans le domaine de l'adoption internationale. La Mission délivre les visas aux enfants adoptés, après s'être assurée que la procédure en vigueur dans le pays concerné a été respectée, et que les parents sont habilités à adopter.
9
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 365.
10
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.