II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le jeudi 16 octobre 1997, sous la
présidence de M. Claude Huriet, vice-président
, au cours
d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi,
M.
Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis,
a procédé à
l'examen des crédits de l'outre-mer pour 1998
.
Après avoir souligné la progression notable des crédits de
l'outre-mer,
M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis,
a estimé
que celle-ci ne devait pas faire illusion : l'essentiel de la hausse des
crédits résulte de l'intégration dans le chapitre
consacré au FEDOM des dotations affectées au financement des
emplois-jeunes.
Il a indiqué que, si on retranchait les 300 millions de francs
consacrés aux emplois jeunes, les crédits du FEDOM étaient
plutôt en régression puisque ses dotations s'élèvent
à 1,400 milliard de francs de crédits hors emplois-jeunes
pour 1998 contre 1,486 milliard de francs en 1997 et qu'à
l'intérieur du FEDOM, certaines mesures enregistraient un recul de leurs
crédits comme les contrats emplois-solidarité (429 millions de
francs contre 665 millions de francs en 1997) et les contrats de retour
à l'emploi (10 millions de francs contre 25 millions de francs
en 1997).
Il a donc constaté que le Gouvernement avait surtout opéré
un redéploiement des crédits entre les différentes mesures
" emploi " et que l'affectation de 300 millions de francs
pour les
emplois-jeunes masquait une réduction des crédits du FEDOM
affectés aux contrats préexistants.
Il a indiqué que ces préoccupations étaient d'autant plus
vives que la situation du chômage en outre-mer s'aggravait d'année
en année : entre le 31 décembre 1994 et le 30 juin
1997, le nombre de demandeurs d'emplois inscrits à l'agence nationale
pour l'emploi (ANPE) a crû de 11,6 %, passant de 179.445 à
200.226, alors que pour la même période ce nombre n'a
augmenté que de 2 % en métropole.
Il a précisé que le chômage avait ainsi augmenté de
38,6 % en Guyane, 18,4 % en Guadeloupe, 11,4 % à la
Réunion, seule, la Martinique enregistrant une stabilité du
nombre de chômeurs, et que le taux de chômage par rapport à
la population active avoisinait ainsi 40 % à la Réunion et
variait entre 25 % et 30 % dans les autres départements.
Il a souligné que les jeunes étaient bien évidemment parmi
les plus touchés avec un fait aggravant pour l'outre-mer : le niveau de
formation y reste beaucoup moins élevé puisque le pourcentage des
jeunes de niveau VI, qui n'est plus que de 10 % en métropole,
représente 20 % -soit le double- en outre-mer.
De plus, il a estimé que le FEDOM qui a été mis en place
par la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion
et les activités économiques dans les départements
d'outre-mer et les collectivités territoriales (dite loi Perben) n'avait
pas rempli tout à fait sa mission ; il a rappelé qu'en 1997, un
crédit de 1,48 milliard de francs avait été inscrit
en loi de finances initiale et qu'une mesure de régulation
budgétaire avait ramené ces dotations à 1,38 milliard
de francs.
Il a relevé par ailleurs que le nombre de CES prévus en 1997
était en recul par rapport à 1996, en méconnaissance des
besoins exprimés notamment par la Réunion et qu'une nouvelle
répartition avait dû être décidée en juillet
dernier (le nombre total de CES a été porté à
31.000 contrats au lieu des 25.000 initialement prévus, mais
parallèlement, le nombre de contrats d'accès à l'emploi a
été ramené de 15.000 à 12.600).
Il a cependant souligné quelques mesures plus satisfaisantes pour
l'emploi comme la forte augmentation des dotations affectées à la
formation et à la promotion des travailleurs d'outre-mer ; les dotations
globales du SMA qui atteignent 440 millions de francs soit 8 % du budget
de l'outre-mer et la prise en compte accrue de l'impact sur l'emploi des aides
fiscales à l'investissement.
Pour conclure cette partie sur l'emploi, il a évoqué les
problèmes de l'insertion en outre-mer rappelant qu'en 1997, les
crédits des agences d'insertion avaient progressé de plus de
8 % et que depuis août 1993, on constatait une reprise de la
croissance du nombre de bénéficiaires du RMI.
Il a souligné qu'au cours des six derniers mois, le nombre
d'allocataires avait augmenté de 2,6 % : on comptait ainsi environ
245.000 Rmistes, soit 16 % de la population des départements
d'outre-mer (DOM).
Par ailleurs, il a estimé à 22.000 le nombre de
bénéficiaires du RMI entrés dans une des mesures pour
l'emploi en 1996 (CES, contrats d'insertion par l'activité (CIA), CAE ou
stage), sur le premier trimestre 1997 ce chiffre étant d'environ 10.000.
S'agissant du logement, il a constaté que l'effort était maintenu
mais sans élan nouveau puisque la LBU qui regroupe les dotations
consacrées au financement du logement social passait de 1,150 milliard
de francs en autorisations de programme et de 463 millions de francs en
crédits de paiement à, respectivement, 1,096 milliard de
francs et 568,54 millions de francs en 1998. Il a résumé la
situation en indiquant que la LBU gagnait en crédits de paiement ce
qu'elle perdait en autorisations de programme.
Il a estimé que les orientations du ministère en matière
de logement vont certes dans le bon sens tout en soulignant les
difficultés à l'amélioration de l'habitat
en
outre-mer, en raison de l'ampleur des besoins : pour le seul département
de la Réunion, les besoins en logements neufs sont évalués
à 12.000 par an sur dix ans, et en réhabilitation ou
amélioration à 5.000 par an.
Il a rappelé les conclusions de la récente étude du
Conseil économique et social de la Réunion sur le logement social
aux termes de laquelle la construction de nouveaux logements sociaux atteint
à peine la moitié des besoins recensés, les logements
construits sont trop chers et ne sont plus accessibles à la population
concernée et les dysfonctionnements et la discontinuité
constatés dans l'éventail des produits offerts paralysent la
mobilité résidentielle des ménages.
Il a estimé que l'amélioration du système de financement,
tant au niveau des aides à la pierre (et des produits) que des
conditions d'intervention de l'aide à la personne, était
impérative pour recréer des parcours résidentiels
cohérents : la réforme des produits permettrait d'offrir un parc
locatif conséquent, de bonne qualité et de recalibrer le mode de
financement de l'accession à la propriété à
destination des catégories moyennes.
En conclusion, il a rappelé le bilan de l'action du
précédent Gouvernement, notamment pour la mise en oeuvre de
l'égalité sociale dans les DOM. De fait, il a confirmé que
depuis le 1er janvier 1996, pratiquement toutes les prestations sociales
des DOM avaient été alignées sur celles de la
métropole à l'exception de trois prestations spécifiques :
l'allocation au premier enfant, le complément familial de 3 à 5
ans, la prestation spécifique de restauration scolaire.
Il a souhaité le maintien de ces spécificités qui sont
adaptées à la structure et aux besoins des familles des DOM et
s'est interrogé sur la portée pour les DOM des mesures de mise
sous condition de ressources des allocations familiales.
En conclusion, il a toutefois donné acte au Gouvernement de la
progression non négligeable des crédits consacrés à
l'outre-mer dans un contexte budgétaire difficile et des objectifs qu'il
s'est fixés en matière d'emplois et de logement.
Il a donc proposé à la commission d'émettre un
avis de
sagesse sur les crédits de l'outre-mer pour 1998 ; la commission a
approuvé cette proposition
.