2. Une coopération mieux adaptée
Chaque année le thème de la réforme de notre dispositif de coopération revient avec une telle constance que votre rapporteur se fait quelque scrupule d'évoquer de nouveau cette question à l'occasion de la présentation du projet de budget. Cependant, la réorganisation revêt une actualité particulière cette année car le Conseil des ministres devrait présenter les grandes lignes d'une réforme avant la fin du mois de novembre. L'attention accordée aux questions institutionnelles ne doit toutefois pas détourner la réflexion des objectifs de notre coopération et de leur éventuelle adaptation.
a) La nécessité d'une direction politique
La dispersion des moyens dévolus à l'aide
publique au développement n'est que le reflet de l'éclatement des
centres de décision dans ce domaine. Le secrétariat d'Etat
à la coopération maîtrise moins de 14 % des ressources
totales destinées à l'aide.
Chaque ministère tend à conduire sa propre politique au risque
d'une perte de cohérence et de transparence.
Répartition de l'aide publique au
développement de la France
(TOM inclus)
Années 1995-1996
Versements nets en MF
1995 |
1996 |
|||
Montant |
% |
Montant |
% |
|
Ministère de l'Economie et des Finances |
18 719,15 |
44,42 |
15 420,87 |
40,45 |
. Aide multilatérale |
9 493,09 |
7 935,74 |
||
. Prêts du trésor |
2 261,28 |
1 659,94 |
||
. Dons associés aux prêts du trésor |
512,86 |
546,93 |
||
. Consolidation de dettes |
118,65 |
156,15 |
||
. Annulations de dettes |
5 366,86 |
4 985,60 |
||
. Garanties diverses |
147,65 |
197,72 |
||
. Bonifications La Baule 5 % |
171,98 |
114,95 |
||
. Dons projets dons et à l'ajustement structurel |
646,78 |
136,14 |
||
Ministère Coopération et Développement |
4 985,54 |
11,83 |
5 264,90 |
13,81 |
. Coopération technique |
2 456,37 |
2 376,70 |
||
. Fonds d'aide et de coopération |
1 302,40 |
1 187,70 |
||
. Concours budgétaires |
139,12 |
302,40 |
||
. Dons projets dons et à l'ajustement structurel |
853,75 |
1 169,54 |
||
. Transport d'aide alimentaire |
94,00 |
85,95 |
||
. Autres dons |
139,90 |
142,61 |
||
Ministère des Affaires étrangères |
3 176,42 |
7,54 |
3 312,31 |
8,69 |
Coopération technique |
2 544,02 |
2 483,54 |
||
. Aide d'urgence |
70,85 |
82,78 |
||
. Nations unies |
561,55 |
745,99 |
||
Caisse française de développement |
2 885,91 |
6,85 |
1 897,02 |
4,98 |
. Prêts du premier guichet |
1 019,64 |
777,91 |
||
. Prêts d'ajustement |
1 866,27 |
1 119,11 |
||
Ministère de la Recherche et de la Technologie |
2 811,86 |
6,67 |
2 705,54 |
7,10 |
. Recherche |
2 811,86 |
2 705,54 |
||
Ministère de l'Education nationale |
1 625,03 |
3,86 |
1 982,48 |
5,20 |
. Ecolage |
1 625,03 |
1 982,48 |
||
Autres ministères |
1 484,42 |
3,52 |
1 299,29 |
3,41 |
. Aide alimentaire |
218,57 |
272,38 |
||
. Aide aux réfugiés |
620,00 |
400,00 |
||
. Autres |
645,85 |
626,91 |
||
TOM |
4 873,70 |
11,57 |
4 685,75 |
12,29 |
Coûts administratifs |
1 577,14 |
3,74 |
1 551,05 |
4,07 |
TOTAL |
42 139,17 |
100,00 |
38 119,21 |
100,00 |
La multiplicité des centres de décision
politique soulève des difficultés particulières pour
l'exercice d'une tutelle partagée entre les ministères des
finances, des affaires étrangères et le secrétariat d'Etat
à la coopération, sur un organe d'exécution comme la
Caisse française de développement. Faute d'orientation politique,
cet organisme, dont le rôle est crucial pour l'aide française, est
souvent conduit à définir lui-même ses priorités.
Certes, le gouvernement précédent avait entrepris de renforcer la
coordination de la politique de coopération grâce à la mise
en place d'un comité interministériel de l'aide au
développement -le CIAD- (et ses relais sur le terrain, les
comités locaux d'aide au développement). Cependant le CIAD s'est
réuni une fois seulement depuis sa création et ne paraît
pas s'être affranchi d'un certain formalisme.
Plutôt que de céder à cette tentation bien française
de créer de nouvelles structures chaque fois qu'une institution
existante ne donne pas satisfaction, il convient de s'attacher à
quelques objectifs simples et clairs. Votre rapporteur en distinguera trois :
-
la politique africaine et la coopération font partie
intégrante de notre diplomatie
: dans ces domaines, la direction
politique doit appartenir, sous l'autorité du Président de la
République et du Premier ministre, au ministre des affaires
étrangères ;
-
l'identité de la politique africaine doit être
préservée
et nos partenaires africains ont besoin d'un
interlocuteur spécifique : à cet égard le maintien au sein
du gouvernement (sous la forme d'un ministre délégué ou
d'un secrétaire d'Etat) d'un responsable politique en charge de la
coopération apparaît indispensable ;
-
sur le terrain, les " métiers " doivent être mieux
distingués
: aux missions de coopération les missions de
conseil et d'assistance technique, aux agences de la Caisse française de
développement la responsabilité opérationnelle des projets
en particulier pour les infrastructures même dans des domaines comme
l'éducation ou la santé qui relèvent traditionnellement
des missions de coopération.
b) Pour une coopération rénovée
La coopération française change peu à peu
de visage. Trois inflexions en particulier attirent l'attention car elles
éclairent peut-être les grandes orientations de l'avenir :
.
Un effort prioritaire pour le développement de proximité
Le développement de proximité apparaît désormais
comme une priorité. Il requiert des moyens financiers plus
limités, il n'expose pas aux déconvenues associées trop
souvent aux grands projets d'infrastructure dont les coûts de
fonctionnement peuvent s'avérer prohibitifs, enfin il
bénéficie directement aux populations concernées et
contribuent ainsi à terme à limiter les flux d'immigration non
maîtrisés. Les exemples pourraient être multipliés.
Votre rapporteur se bornera à citer la réanimation des circuits
de crédits pour remédier aux insuffisances du système
bancaire, à travers l'aide apportée par la coopération
française en Côte d'Ivoire au réseau des
coopératives rurales d'épargne et des coopératives
d'épargne et de crédit. Ce réseau créé en
1976 mais fragilisé par les défaillances successives de l'office
national de la promotion rurale et de la Banque nationale de
développement agricole, constituait souvent pour une population aux
moyens très modestes le seul recours pour obtenir un crédit.
L'appui des bailleurs de fonds a permis d'assainir le système qui, pour
les 95 caisses de Côte d'Ivoire, réunit aujourd'hui 77 500
adhérents et 4,7 milliards de francs CFA.
Les CREP-COOPEC offrent quatre lignes de crédit : investissement,
campagne, consommation, scolaire. Dans un pays où le système de
sécurité sociale présente nombre de déficiences,
elles permettent par exemple d'octroyer des avances représentant 70 %
des dépenses liées aux ordonnances médicales. A terme, les
bailleurs de fonds cherchent à assurer l'autofinancement des caisses et
à garantir ainsi la pérennité du dispositif en place.
.
La recherche de partenariats
La coopération doit s'inscrire dans le cadre d'un véritable
partenariat. Les procédures choisies doivent permettre de
responsabiliser les autorités locales et fixer des engagements
réciproques pour la mise en oeuvre d'un projet. A cet égard la
formule de
" contrats de partenariat et de
développement "
étudiée par le secrétariat
d'Etat à la coopération sur le modèle des contrats de plan
français ouvre une piste intéressante.
.
Une meilleure synergie avec les autres bailleurs de fonds
Enfin l'aide française doit savoir mieux utiliser les synergies avec les
autres bailleurs de fonds tout en valorisant sa part d'initiative mais aussi sa
participation financière (qui représente le quart des ressources
du Fonds européen de développement par exemple) au sein de ces
instances.
Au chapitre des expériences prometteuses, le programme de
développement de la région de Kayes au Mali devait permettre de
fédérer les efforts de la France (responsable de la modernisation
du chemin de fer, de la construction de 100 km de routes goudronnées,
des travaux d'électrification et d'assainissement) et de l'Union
européenne (chargée de financer une route Bamako-Dakar). Le
désenclavement de la région déshéritée de
Kayes ne constitue pas seulement un facteur important du développement
du Mali, il présente aussi des enjeux pour la France : 95 % des
immigrés maliens installés dans notre pays, soit au total 37 000
personnes selon les chiffres officiels, mais plus vraisemblablement une
centaine de milliers, sont originaires de la région de Kayes.
De façon générale, il faut, dans notre coopération,
privilégier
la rapidité d'exécution qui constitue le
meilleur gage de l'efficacité.