EXAMEN PAR LA COMMISSION
Au cours d'une réunion tenue sous la présidence
de M. Jean Huchon, vice-président, la commission a examiné le
rapport pour avis de Mme Odette Terrade sur les crédits
consacrés à la consommation et à la concurrence dans le
projet de loi de finances pour 1998.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a indiqué que les
crédits consacrés à la concurrence et à la
consommation s'élevaient à 981,7 millions de francs, en
stagnation (- 0,14 %) par rapport à 1997, après une
baisse de 1,7 % entre 1996 et 1997.
Elle a précisé que les dépenses ordinaires, qui
représentaient la quasi-totalité, soit 99 %, de l'ensemble,
augmentaient faiblement, de 0,4 %. Ces dépenses recouvraient,
a-t-elle indiqué, les moyens de la direction générale de
la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
(DGCCRF), ceux des services déconcentrés de cette administration,
ainsi que les subventions accordées à 19 associations de
consommateurs et à l'institut national de la consommation (INC).
Elle a indiqué que 10 emplois étaient supprimés
à la DGCCRF, contre 31 dans la loi de finances pour 1997, mais que
cette baisse était en partie compensée par une requalification,
puisque 9 emplois de catégorie A remplaçaient
19 emplois de catégorie B et C.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a précisé que
les dépenses en capital diminuaient, quant à elles, de 35 %
environ en crédits de paiement, du fait de l'achèvement des
programmes de réfection des laboratoires et du regroupement des services
de la DGCCRF.
Elle a jugé que ce budget 1998 était marqué du souci de
préserver les moyens de la consommation, qui avait fortement pâti
ces dernières années d'une politique budgétaire
restrictive.
Elle a fait valoir qu'il était mis fin au désengagement de
l'Etat, après cinq années de réduction des moyens des
associations de consommateurs, qui avaient vu, entre 1996 et 1997, leurs
subventions baisser de 28 %. Depuis 1992, a-t-elle
précisé, cette baisse avait atteint 43 %.
Soulignant que le projet de loi de finances pour 1998 proposait une
stabilisation des moyens accordés aux associations, à
40 millions de francs,
Mme Odette Terrade, rapporteur pour
avis,
a rappelé le rôle fondamental de ces associations, qui
disposaient de 4.000 permanences locales à travers tout le pays,
tenaient 500.000 heures de permanence par an, effectuaient plus de
150.000 heures de représentation dans plus de 100 organismes
et étaient saisies de plus d'un million de litiges par an. Elle a
considéré que L'Etat ne pouvait pas, tout en donnant moins de
moyens, continuer à demander toujours plus aux associations, surtout en
ce qui concernait leur présence dans des instances aussi importantes que
la commission de la sécurité des consommateurs, la commission des
clauses abusives, les organismes de certification, les commissions de
surendettement, les commissions d'équipement commercial et de nombreux
autres organismes où leur présence était requise.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a souligné que la
dotation de l'État à l'institut national de la consommation
était également stabilisée, à 25 millions de
francs, ce qui témoignait de la volonté de mettre fin à
l'hémorragie des crédits consacrés à cet
établissement public, en diminution de moitié depuis 1992,
contribuant ainsi à aggraver la crise financière aiguë de
cet organisme, confronté à la baisse des ressources
attribuées par l'État en même temps qu'à une chute
des recettes tirées de la vente de ses publications, parmi lesquelles la
revue " 60 millions de consommateurs ".
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a indiqué qu'elle avait
rencontré la ministre en charge de la consommation, Mme Marylise
Lebranchu, ainsi que le directeur et le président du conseil
d'administration de l'INC et que ces contacts avaient fait apparaître
l'urgente nécessité de redéfinir au plus vite les missions
de l'établissement, qui était aujourd'hui à la fois un
centre d'essais comparatifs, un organe de presse, un soutien technique aux
associations de consommateurs et qui se trouvait confronté à une
forte montée de la concurrence pour ses activités de presse et de
centre d'essai. Une réflexion d'ensemble s'imposait, à son sens,
car les différents plans de redressement des années
passées n'avaient pas empêché la situation
financière de cet organisme de s'aggraver. Le rapporteur pour avis a
estimé qu'il était impératif de redéfinir les
missions de l'INC, par exemple au moyen de la signature d'un contrat d'objectif
avec l'Etat et de donner ensuite à cet organisme les moyens de les mener
à bien, afin de le tirer de l'impasse actuelle,
caractérisée par une une perte de 4 millions de francs en
1997 et de 7 millions prévus pour 1998.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a ensuite insisté sur
deux aspects de la politique de la consommation, révélateurs
à son sens d'une montée de la précarité : le
surendettement des ménages et l'apparition de circuits de consommation
spécifiquement réservés aux plus démunis.
Sur le premier point, elle a indiqué que les études montraient
-comme M. Louis Minetti l'avait déjà souligné
dans son rapport pour avis de l'année précédente- un
changement de nature et d'échelle du surendettement depuis la mise en
place de la loi Neiertz en 1989. Elle a précisé que la vive
croissance du nombre de dossiers déposés - 94.000 en 1996,
contre 70.000 en 1995 et 68.000 en 1994-
s'accompagnait d'une augmentation plus que proportionnelle du surendettement
dit " passif ", c'est-à-dire lié à une
incapacité durable à faire face aux dépenses de la vie
courante, à la suite d'un licenciement, d'un divorce ou d'une maladie,
par opposition au surendettement dit " actif ", lié à
des achats inconsidérés.
Le rapporteur pour avis a indiqué que cette fragilité accrue des
personnes surendettées entraînait une augmentation du nombre des
" cas désespérés ", caractérisés
par l'absence totale de capacité de remboursement. Une enquête de
la Banque de France portant sur le département du Maine-et-Loire avait
montré, a-t-elle souligné, que la proportion de dossiers
révélant une capacité nulle de remboursement était
passée de 9 % en 1992 à 24 % en 1996. Elle a
relevé que certains dossiers faisaient apparaître un endettement
principalement non bancaire, lié aux factures d'eau,
d'électricité, de téléphone ainsi qu'au loyer.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a jugé que la
réglementation n'apportait pas de réponse à ces situations
et qu'une pratique de moratoires successifs se généralisait.
Rappelant l'annonce récente par le Gouvernement d'un projet de loi
adaptant la loi Neiertz à cette nouvelle donne, le rapporteur pour avis
a évoqué la suggestion d'étendre le système de la
faillite civile, qui existe en Alsace-Moselle, au reste du pays, mais elle
s'est rangée aux propositions du groupe de travail du Sénat sur
le surendettement, présidé par M. Jean-Jacques Hyest et Paul
Loridant, dont le rapport, remis le 28 octobre dernier, écartait cette
solution et formulait de très nombreuses propositions, parmi lesquelles
l'instauration d'une procédure de secours pour les cas les plus
désespérés.
Evoquant le développement récent de circuits de distribution
exclusivement consacrés aux plus démunis,
Mme Odette Terrade,
rapporteur pour avis,
a rappelé l'implantation en novembre 1996 en
région parisienne d'une enseigne proposant l'accès à la
propriété de biens de consommation durables à des
personnes aux faibles revenus, sous forme d'une location avec option d'achat,
c'est-à-dire par le versement régulier de loyers pour un bien
(téléviseur, réfrigérateur), dont le consommateur
disposait immédiatement mais dont la propriété ne lui
était transférée qu'à l'issue d'une période
de trois ans.
Convenant que ce système était tout à fait légal,
le rapporteur pour avis s'est déclaré néanmoins
choqué par le fait que, conçu pour des populations
défavorisées, il ait pourtant un coût final égal en
moyenne à deux fois le prix de l'achat au comptant. Elle s'est
insurgée contre le fait que, de la sorte, ce soient les plus pauvres qui
paient le plus cher. Elle a rappelé que M. Jean-Jacques Robert
avait été nommé rapporteur de deux propositions de loi,
l'une dont il était le coauteur et l'autre déposée par
M. Louis Minetti et plusieurs de ses collègues, visant toutes deux
à moraliser ces pratiques.
Dressant un bref bilan de la politique française de la concurrence,
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a indiqué que :
- l'année passée, la DGCCRF a mené
1.430 enquêtes de lutte contre la contrefaçon -qui porte un
préjudice très grave aux entreprises françaises-
débouchant sur 264 procès-verbaux et permettant de retirer
300.000 produits du marché français, concernant surtout
l'habillement et la parfumerie ;
- 245 enquêtes ont été menées dans le
cadre de la lutte contre les ententes et les abus de position dominante. Le
Conseil de la Concurrence a été saisi à
36 reprises ;
- les pratiques restrictives de concurrence ont donné lieu à
plusieurs condamnations par le juge ;
- le suivi des marchés publics par la DGCCRF a conduit à la
détection d'ententes : le ministre des finances a saisi le Conseil de la
Concurrence à dix reprises pour pratiques anticoncurrentielles dans les
marchés publics ;
- plus de 240.000 enquêtes concernant la qualité des
produits ont été menées, conduisant à
17.000 avertissements et 6.900 procès verbaux ;
- 158.000 contrôles de la sécurité des produits
ont été effectués, conduisant parfois à des mises
en garde ou à des retraits du marché. Une opération
spécifique anti-arnaques à la consommation a en outre
été menée au cours de l'été.
Prenant acte du souci de préservation des moyens de la concurrence et de
la consommation, dont faisait preuve, à son sens, ce projet de budget,
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a précisé
qu'elle voterait, à titre personnel, pour son adoption mais qu'elle s'en
remettait toutefois à la sagesse de ses collègues quant à
l'avis de la commission.
Félicitant le rapporteur pour la qualité de son exposé,
M. Georges Gruillot
lui a demandé d'insister en
séance publique sur la situation parfois dramatique des consommateurs
les plus défavorisés, souvent séduits par des
opérations publicitaires qui les amènent à engager de trop
lourdes dépenses. Il a considéré en outre que l'incitation
aux jeux d'argent posait un problème moral en ce qui concerne les
populations disposant des plus faibles revenus.
Au cours d'un échange de vues,
Mme Jeanine Bardou
a fait observer
que la nécessaire liberté laissée à chacun de
disposer de son revenu devait néanmoins être prise en compte
M. Louis Minetti
a jugé que le rapport pour avis sur les
crédits de la concurrence et de la consommation était, avec
Mme Odette Terrade comme rapporteur, " en de bonnes
mains ".
Corroborant le point de vue de M. Georges Gruillot,
M. Louis
Minetti
a comparé le rôle de la télévision et
des médias dans notre société à celui des lampes
auxquelles viennent se brûler les insectes. Il a jugé qu'un
problème moral se posait pour les comportements de consommation
précédemment décrits des personnes les plus
défavorisées, mais que le droit ne pouvait toutefois tout
réglementer.
M. Jean Huchon, président,
a estimé qu'en matière
de fruits et légumes, le contrôle étroit exercé par
l'administration sur la production devait être appliqué de la
même façon à la présentation de ces produits par la
grande distribution.
M. Hilaire Flandre
a considéré que les associations de
consommateurs devaient s'abstenir de diffuser de fausses informations, comme
cela avait été le cas dernièrement au sujet de la teneur
en nitrate de certaines pluies.
Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis,
la commission s'en est
ensuite remis à la sagesse du Sénat pour l'adoption des
crédits consacrés à la concurrence et à la
consommation dans le projet de loi de finances pour 1998
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