Avis 87 tome 9 - Projet de loi de finances pour 1998 - Consommation et concurrence
Mme Odette TERRADE, Sénateur
Commission des Affaires économiques et du Plan - Avis N°87 - 1997/1998
Table des matières
- CHAPITRE IER -LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES
-
CHAPITRE II -
LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS- I. LES INSTANCES DU MOUVEMENT CONSUMÉRISTE
- II. LE SURENDETTEMENT CROISSANT DES MÉNAGES LES PLUS FRAGILES
- III. L'APPARITION DE CIRCUITS DE CONSOMMATION DESTINÉS AUX PLUS DÉMUNIS
- IV. L'ÉVOLUTION DU DROIT DE LA CONSOMMATION
-
CHAPITRE III -
LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE - EXAMEN PAR LA COMMISSION
N° 87
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME IX
CONSOMMATION ET CONCURRENCE
Par Mme Odette TERRADE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Jean
François-Poncet,
président
; Philippe François,
Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis
Minetti,
vice-présidents
; Georges Berchet, William Chervy,
Jean-Paul Émin, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard
Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer,
Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat,
Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere,
Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe
Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard
Dussaut
,
Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert
Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis
Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson,
Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond
Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber
Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni,
Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger
Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan,
Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
10
)
(1997-1998).
Lois de finances. |
Mesdames, Messieurs,
La compétence en matière de concurrence et de consommation a
été transférée du Ministère
délégué aux Finances de l'ancien Gouvernement au
secrétariat d'Etat aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce et
à l'Artisanat de l'actuel Gouvernement.
Cette modification s'accompagne d'un changement de cap budgétaire,
puisqu'il est mis fin à la tendance de désengagement de l'Etat
vis-à-vis du mouvement consumériste. Pour autant, les
crédits de la concurrence et de la consommation n'augmentent pas et
respectent ainsi l'impératif de maîtrise de la dépense
publique.
Au total, les dotations demandées s'élèvent à
981,7 millions de francs, en stagnation (- 0,14 %) par rapport
à la loi de finances initiale pour 1997, alors que la baisse avait
été de 1,7 % l'année passée.
Au-delà de la simple analyse des variations budgétaires et du
bilan de la politique menée en France et en Europe dans les secteurs de
la concurrence et de la consommation, votre commission souhaite se concentrer
plus particulièrement sur deux problèmes d'actualité : le
surendettement croissant des plus fragiles de nos concitoyens et le
développement récent d'une nouvelle forme de location avec option
d'achat destinée aux plus démunis.
CHAPITRE IER -LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES
Les dotations budgétaires de la concurrence et de la consommation sont à la fois modestes et peu " lisibles ", car noyées dans le fascicule budgétaire " Economie, finances et industrie " dont elles ne représentent qu'un faible montant.
I. DES CRÉDITS PEU " VISIBLES "
Conséquence budgétaire de l'inexistence -souvent
dénoncée par les associations de consommateurs- d'un portefeuille
ministériel qui leur soit exclusivement consacré, la concurrence
et la consommation n'ont pas, pour leurs crédits, de fascicule
budgétaire qui leur soit propre. Ces derniers sont regroupés avec
les autres " services financiers " dont ils ne représentent
que 2,1 % et qui sont : l'administration générale et les
dotations communes du ministère de l'Economie ; la Cour des Comptes et
les Chambres régionales des comptes ; le Trésor public ; la
Direction générale des Impôts ; la Direction
générale des Douanes et des droits indirects ; l'INSEE ; les
services de l'Expansion économique à l'étranger.
Bien plus, cette année, en raison des changements de structures
gouvernementales, les " services financiers " sont eux-mêmes
présentés dans un fascicule budgétaire qui regroupe de
très nombreux crédits du ministère de l'Economie,
relatifs, outre les services financiers, à l'Industrie, aux petites et
moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Symboliquement, sur les 274 pages de ce fascicule budgétaire,
seulement 4 sont exclusivement consacrées à la concurrence et
à la consommation : il s'agit de l'agrégat n° 8,
intitulé " Direction générale de la concurrence, de
la consommation et de la répression des fraudes " (DGCCRF).
Cet agrégat regroupe :
- les crédits de la DGCCRF et des services
déconcentrés ;
- les crédits d'intervention? au sein desquels se trouvent la
subvention versée à l'Institut national de la Consommation et les
aides au mouvement consumériste ;
- les crédits d'équipement, principalement dévolus
à la modernisation et aux travaux des laboratoires de la DGCCRF.
II. UN BUDGET MODESTE, QUI SE MAINTIENT
Les crédits demandés s'élèvent au total à 981,7 millions de francs , contre 983,1 millions en loi de finances initiale pour 1997 et 1 milliard en 1996.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR TITRE
(en millions de francs)
CRÉDITS VOTÉS POUR 1997 |
CRÉDITS DEMANDÉS POUR 1998 |
ÉVOLUTION |
|
Dépenses ordinaires (DO) |
967,7 |
971,7 |
+ 0,4 % |
- dont : moyens des services |
927,7 |
931,7 |
+ 0,4 % |
- dont : interventions publiques |
40,0 |
40,0 |
0 |
Dépenses en capital
|
15,4 |
10,0 |
- 34,9 % |
TOTAL (DO + CP) |
983,1 |
981,7 |
- 0,14 % |
Autorisations de programme |
21,5 |
10,0 |
- 53,5 % |
Si les crédits stagnent globalement, le contraste est
fort entre les dépenses ordinaires qui se maintiennent et les
dépenses en capital qui diminuent significativement.
Les dépenses ordinaires
représentent 971,7 millions
de francs, soit la quasi totalité (98,9 %) du budget
consacré à la concurrence et à la consommation. Cette part
était de 98,4 % l'année passée.
Les moyens des services
, pour 931,7 millions de francs, (soit
95 % du total), sont en augmentation de 0,4 %. Ces dotations couvrent
les dépenses de personnel (731,7 millions) et de fonctionnement
(207 millions au total) de la DGCCRF, des services
déconcentrés et de la commission de la sécurité des
consommateurs, ainsi que la subvention de fonctionnement de l'Institut national
de la consommation (INC), pour 25 millions de francs et les frais de
justice et de réparation civile.
Dans la loi de finances initiale pour 1997,
31 emplois avaient
été supprimés à la DGCCRF
dont l'effectif
budgétaire était ainsi passé de 3.746 postes au
1er janvier 1996 à 3.715 au 1er janvier 1997,
permettant l'emploi, compte tenu des temps partiels, de 3.835 agents.
Le projet de loi de finances pour 1998 propose
la suppression de
10 nouveaux emplois
puisque le nombre de postes budgétaires
prévus pour la DGCCRF est de 3.705. dix-neuf emplois des
catégories B et C sont supprimés et 9 emplois de catégorie
A sont créés, pour renforcer le contrôle des marchés
publics.
Les " interventions publiques "
regroupent en fait
le soutien
aux organisations de consommateurs (chapitre budgétaire 44-81). Le
montant demandé est de
40 millions de francs, en stagnation
par rapport à la loi de finances initiale pour 1997
. Rappelons
que les années précédentes avaient vu une baisse de cet
effort de 28 % en 1997 par rapport à 1996, et de 6,7 % en 1996
par rapport à 1995.
Les dépenses en capital
diminuent
. Les crédits de
paiement du chapitre 57-90 passent de 15,4 à 10 millions de
francs, soit une baisse de plus d'un tiers. Les autorisations de programme
passent de 21,5 à 10 millions de francs, soit une baisse de la
moitié. Ce chapitre supporte l'intégralité des
dépenses d'investissement de la DGCCRF : construction de nouveaux
locaux, achat de matériel et réfection des laboratoires.
L'administration des finances justifie les baisses de crédits par
l'achèvement des plans de regroupement des services locaux et de remise
à niveau des laboratoires.
CHAPITRE II -
LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS
I. LES INSTANCES DU MOUVEMENT CONSUMÉRISTE
LE MOUVEMENT CONSOMMATEUR EN CHIFFRES
4.000 permanences locales à travers tout le pays.
500.000 heures de permanence par an.
150000 heures de représentation dans 27000 réunions des instances
nationales et locales
Plus de 100 essais comparatifs par an.
Plus d'un million de litiges et mécontentements par an.
Emissions télévisées : deux fois par semaine sur France 2
et France 3 : " Consomag ", plus de 10 millions de
téléspectateurs chaque semaine, et
" Décodages ", émissions régionales (5 millions
de téléspectateurs chaque semaine).
Magazine " 60 millions de consommateurs " et
" Que Choisir
? "
A. LES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE CONSOMMATEURS
1. Leur statut et leurs missions
Les associations de consommateurs sont constituées
d'après la loi de 1901.
Les articles L. 421-1 et suivants du code de la consommation et le
décret du 6 mai 1988 définissent
les règles
d'agrément
de ces associations : elles doivent justifier d'une
année d'existence, d'une activité effective et publique dans le
domaine de la consommation, ainsi que de 10.000 adhérents. Elles
doivent être indépendantes de toute forme d'activité
professionnelle. L'agrément permet, notamment, d'exercer en justice les
droits reconnus à la partie civile dans les affaires où un
préjudice est porté à l'intérêt des
consommateurs.
19 organisations nationales de consommateurs sont actuellement
agréées. Cette diversité est liée à leurs
différences d'origine, d'histoire et de culture. Il convient par
ailleurs de noter que certaines organisations, plus généralistes,
mais ayant un rôle et une activité de défense de
consommateurs, ont été contraintes de se constituer en
association, afin d'obtenir une reconnaissance institutionnelle et une
subvention leur permettant de répondre à leurs missions.
Votre commission a parfois souligné le caractère
éclaté du mouvement consumériste français. Votre
rapporteur pour avis, loin d'y voir un éparpillement des actions, note
que cette diversité peut constituer une richesse et une diversité
intéressante des approches. Ce sentiment est renforcé par
l'étroite et la fructueuse collaboration dont font preuve les
associations sur de nombreux sujets.
Votre rapporteur pour avis souhaite également noter que les associations
consuméristes agréées ont une charge de travail
considérable. Leurs représentants siègent dans des
instances multiples, tant au niveau national qu'au niveau départemental.
A ce titre, elles souhaiteraient que ce rôle soit reconnu par un
" statut " d'élu social qui leur permettrait d'exercer ces
différentes représentations dans de meilleures conditions.
LES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE
CONSOMMATEURS
ADEIC-FEN
|
Association
d'Education et
d'Information du Consommateur de
l'Education nationale
|
Les associations de consommateurs ont principalement deux
missions :
-
l'aide au consommateur individuel
, par l'accueil, l'information,
le règlement des litiges. Toutes les associations tiennent des
permanences, elles participent aux procès où
l'intérêt des consommateurs est en jeu ;
-
la représentation des consommateurs
, auprès des
pouvoirs publics ou des professionnels. Cette concertation est notamment
institutionnalisée au sein du Conseil National de la Consommation.
Mais les associations agréées participent également
à de multiples instances nationales (environ 100) telles que la
Commission de la Sécurité des Consommateurs, la Commission des
clauses abusives, le Conseil national du crédit. Elles interviennent
dans la certification des produits industriels et des services, dans la lutte
contre le surendettement et dans la promotion de la qualité (notamment
par la normalisation et la labellisation). Elles sont
représentées à la Commission nationale d'équipement
commercial, au Comité national de l'euro et dans de nombreuses autres
instances.
Au niveau local, les associations agréées sont
représentées dans une vingtaine d'instances
départementales telles que la Commission de surendettement, la
Commission départementale d'équipement commercial, la Commission
de conciliation des loyers, etc...
2. Un financement public qui se stabilise
Avec une dotation stabilisée à 40 millions dans le projet de budget pour 1998, le soutien de l'Etat aux associations de consommateurs stagne, après une réduction longue de cinq années . Après avoir doublé de 1988 à 1991, les aides aux organisations consuméristes n'ont en effet cessé de décroître, comme l'illustre le graphique suivant, qui retrace l'évolution des crédits adoptés en loi de finances initiale depuis 1982 :
Pour 1998 : crédits demandés dans le projet
de loi de finances
Votre rapporteur pour avis note avec une relative satisfaction qu'il semble
être mis fin à des baisses brutales telle que celle qui a
été observée en 1997 (- 28 %). Il ne s'agit
toutefois là que d'un bien maigre bilan...
...D'autant que les Gouvernements ont coutume de réduire, au cours de
l'exécution budgétaire, le soutien qu'ils s'étaient
pourtant engagés à fournir aux associations au moment du vote de
la loi de finances initiale, reprenant ainsi d'une main ce qu'ils
s'étaient engagés, auprès de la représentation
nationale, à donner de l'autre.
En effet, les régulations budgétaires ont eu
un effet
largement amplificateur
de l'effondrement des crédits de subvention
aux associations, comme le montre le graphique suivant :
Ainsi en 1997, au lieu des 40 millions de soutien
annoncés par le Gouvernement et votés par le Parlement, les
associations n'ont-elles en réalité pu disposer que de
38 millions de francs
. La régulation a donc amputé de
5 % les crédits de ce chapitre budgétaire.
Mais comme en 1996 la régulation avait été encore plus
importante (portant sur 14 % des crédits), la baisse
" réelle ", en exécution, entre 1996 et 1997 a
été de 19,4 % -et non de 28 %, chiffre qui
représente l'écart des crédits votés entre les lois
de finances initiales-.
La régulation budgétaire n'a pas cessé, depuis quelques
années, d'amputer les crédits destinés au mouvement
consommateur, même dans les périodes (1994 à 1996
notamment) où la stagnation des crédits votés pouvait
donner l'impression d'une stabilité du soutien de l'Etat.
Votre commission dénonce de telles pratiques qui enlèvent
largement de sa portée au vote du budget par la représentation
nationale.
3. La répartition inégale du financement public
Les subventions accordées aux différentes
associations se répartissent de la façon suivante :
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
|
ADEIC-FEN
|
909.370
|
500.652
|
374.013
|
331.700
|
300.029
|
256.608
|
324.547
|
Source : Ministère de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie
Les associations qui ont reçu en 1997 les subventions les plus
importantes sont, dans l'ordre décroissant l'
UFC
(2,5 millions de francs),
Familles rurales
(1,2 million), la
Confédération syndicale du cadre de
vie
(1,2 million),
Familles de France
(1 million).
En revanche, ni l'UNAF ni la FNAUT n'ont, contrairement aux années
précédentes, reçu de soutien du Ministère
délégué aux finances en 1997. En effet, une concentration
accrue des subventions a été décidée. Notons que ce
changement s'est opéré, concernant l'UNAF, avec l'accord de cette
association.
B. L'INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION
L'Institut national de la consommation (INC) est un
établissement public à caractère industriel et commercial
qui, en plus de sa mission générale d'information du
consommateur, dispose d'une fonction d'expertise technique et de centre d'essai.
Votre commission avait souligné, lors des années
précédentes, la
gravité de la situation
financière de l'INC
, qui avait conduit à la mise en place
d'un plan de redressement, adopté en octobre 1994 par le Conseil
d'administration de l'Etablissement.
Pourtant, le problème n'est
toujours pas résolu et la survie de cette institution est plus que
jamais menacée par les graves difficultés qu'il rencontre.
Le creusement inéluctable du déficit de cet organisme est
lié à la conjonction de l'amoindrissement des recettes
tirées de la vente des publications et de la baisse de la subvention de
l'Etat.
1. Le tarissement progressif des sources de financement de l'organisme
L'INC a dû faire face à la baisse de la subvention accordée par l'Etat : de 50 millions en 1992, elle est passée à 33 millions en 1994, pour atteindre seulement 25 millions en 1997 et dans le projet de loi de finances pour 1998. Ces évolutions sont retracées ci-dessous :
Depuis 1992, le montant de la subvention a
été divisé par deux
. En conséquence, elle ne
représente plus que 28 % des ressources de l'organisme en 1997,
contre 50 % il y a 15 ans.
Les recettes tirées de la vente des publications
n'ont pas
permis de compenser la baisse du soutien de l'Etat. Bien au contraire, les
ventes de la revue, confrontée à la concurrence et à
l'absence de promotion publicitaire, ont considérablement diminué
depuis cinq ans, comme le montre ce tableau :
VENTES DES PUBLICATIONS DE L'INC
(EN MILLIERS)
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
initial 97 |
modif 97 |
|
Mensuel
|
91
|
102
|
87
|
104
|
169
|
142
|
88
|
54
|
52
|
55
|
39
|
TOTAL |
390 |
383 |
488 |
540 |
577 |
495 |
316 |
221 |
219 |
229 |
193 |
En conséquence, le chiffre d'affaires réalisé a lui aussi beaucoup baissé depuis 1992, comme l'illustre le graphique ci-dessous :
L'INC ne tirera plus en 1997 que 49,7 millions de francs de la vente de ses publications, alors que ce chiffre était de 129 millions, soit 2,6 fois plus, en 1992.
2. La nécessité d'un redressement
Un plan de redressement a été adopté an
1994, qui s'est accompagné de la mise en uvre d'un plan social en 1995.
En 1996, M. Jean-Pierre PEINOIT, nouveau président du conseil
d'administration, a fait adopter de nouvelles orientations stratégiques.
Mais ces mesures n'ont pas permis de redresser significativement la situation.
En 1995
,
l'amélioration de la gestion
avait permis une
baisse des charges de 20 % par rapport à 1994, qui résultait
pour la moitié d'économies " volontaires " :
renégociation des contrats d'abonnement et de production
télévisée, affranchissement, téléphone,
compression de nombreux autres postes, réduction des charges de
personnel. Les fonctionnaires en détachement à l'INC avaient
été réintégrés dans leurs administrations.
L'Etat a accompagné l'organisme dans son effort de restructuration,
puisque la subvention initiale pour 1995 de 33,5 millions de francs a
été versée en une seule fois en début
d'année et que
10 millions de francs ont été
ajoutés à cette somme, à titre de
subvention
exceptionnelle
. Ce concours financier a évité que
l'établissement ne se trouve en cessation de paiement.
La perte pour 1995 s'est toutefois élevée à
7,5 millions de francs
, à comparer à des fonds
propres de 7,3 millions de francs.
En 1996
, le chiffre d'affaires net de l'organisme s'est redressé
(+ 9,3 %) et la baisse des charges (- 15,2 %) a continué,
ce qui a permis de dégager un
faible excédent de
611.275 francs
.
Mais le
redressement des ventes de la revue
constaté en 1996
était essentiellement dû aux numéros thématiques
(hors série, + 11 % de ventes en 1996, numéros pratiques +
8 %), les ventes du mensuel étant quant à elles en
régression (- 4 % par rapport à 1995), avec un
vieillissement très net du parc d'abonnés, qui se renouvelle peu.
1997 a montré la fragilité du redressement de 1996
puisque les ventes ont recommencé à baisser et que les
recettes tirées des produits de presse sont en régression par
rapport aux prévisions budgétaires. Cette situation a d'ailleurs
justifié une enquête de la Cour des comptes sur la santé
financière de cet organisme.
L'exercice 1997 sera certainement déficitaire, d'environ 4 millions
de francs,
ce qui devrait amener la tutelle à consentir une
contribution exceptionnelle pour passer ce cap difficile.
Les prévisions pour l'exercice 1998 sont encore plus pessimistes.
Certains font état d'un déficit prévisible de l'ordre
de 7 millions de francs.
Votre commission juge cette situation extrêmement préoccupante.
Elle engage vivement le Gouvernement à mener à terme enfin
l'indispensable réforme de l'établissement et à prendre
les mesures qui s'imposent pour le tirer de l'impasse actuelle.
Elle estime que les missions et les financements de l'INC doivent être
clairement redéfinis. La signature d'un contrat d'objectif avec l'Etat
pourrait être envisagée.
Il apparaît nécessaire en outre d'apaiser le climat interne,
parfois tendu, de l'établissement. Une plus grande visibilité
pour l'avenir et une meilleure sécurité dans le financement
contribueraient certainement à atteindre cet objectif .
II. LE SURENDETTEMENT CROISSANT DES MÉNAGES LES PLUS FRAGILES
Votre commission soulignait déjà, l'année
passée
1(
*
)
, l'aggravation
préoccupante du problème du surendettement des ménages et
surtout son changement de nature, avec une précarisation très
nette des publics concernés, qui " plongent " dans le
surendettement à la suite d'une perte de revenu ou d'un divorce et non
d'achats inconsidérés. Il s'agit bien souvent d'une
incapacité durable à faire face aux dépenses de la vie
courante.
Votre Haute Assemblée est restée attentive à la dramatique
amplification d'un phénomène révélateur des
difficultés croissantes de certains de nos concitoyens. Elle a
contribué à enrichir le débat public par la constitution
d'un groupe de travail sur ce thème, qui a récemment remis ses
conclusions
2(
*
)
et formulé de nombreuses
et intéressantes propositions, au moment où le Gouvernement
propose de réformer le dispositif du traitement du surendettement.
Un groupe de travail sur ce sujet a, par ailleurs, été mis en
place en septembre dernier au Conseil national de la consommation.
A. L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE CAS DE SURENDETTEMENT " PASSIF "
Une forte croissance du nombre de dossiers
déposés
On observe
une croissance très forte ces dernières
années
du nombre de dossiers déposés devant les
commissions de surendettement, comme le montre le tableau suivant :
NOMBRE DE DÉPÔTS ANNUELS DE DOSSIERS DE SURENDETTEMENT
1990* |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
90 174 |
68 075 |
68 830 |
68 863 |
68 608 |
70 112 |
93 942 |
* Entrée en application de la loi Neiertz
Des profils multiples
Le centre de recherche sur l'épargne (CREP) a effectué,
d'octobre 1994 à janvier 1995, une enquête auprès
de trois échantillons de " surendettés ", qui a permis
de déterminer qu'il s'agissait d'une population plutôt jeune,
faisant une grande place aux employés et ouvriers ainsi qu'aux
chômeurs, et constituée aux 3/4 par des personnes ayant au moins
une personne à charge (familles, personnes mariées ou en instance
de divorce). On retrouve souvent des personnes propriétaires d'un
logement ainsi que des titulaires de revenus sociaux. Cette étude
affirme, en outre, que les situations de surendettement résultent
pratiquement toutes du multi-endettement (crédit à la
consommation, crédit immobilier...).
Le groupe de travail présidé par nos collègues
MM. Jean-Jacques Hyest et Paul Loridant analyse, dans son rapport
précité, le processus infernal qui conduit au
surendettement :
"
les ménages confrontés
à un problème de surendettement semblent être
des
personnes déjà fragilisées par leur situation
économique. La survenance d'événements
extérieurs
(chômage, divorce, dégradation de la
situation financière, nécessité de changer de
véhicule), les pousse à s'endetter davantage et à aggraver
ainsi leurs difficultés, alors même que ce recours au
découvert bancaire et aux crédits de trésorerie
constituait une tentative pour desserrer une contrainte de budget devenue
insupportable
"
.
La montée en puissance du surendettement " passif "
Votre commission avait, l'année passée, décelé un
changement de nature du surendettement. Cette analyse a été
confirmée depuis par plusieurs rapports.
3(
*
)
Ainsi le rapport de l'ODAS
4(
*
)
précité souligne-t-il que, dans le département de la
Savoie, un de ceux que cet organisme a particulièrement
étudiés, on a pu assister à partir de 1993 à
une très nette montée en puissance du surendettement passif. Le
nombre de cas d'excès d'endettement à ressources
inchangées (surendettement actif), a diminué proportionnellement
pour n'atteindre plus qu' 1 cas sur 6 en 1995.
Toutefois, le rapport précité du groupe de travail du
Sénat sur le surendettement indique que la réalité est
plus contrastée et que les deux composantes sont bien souvent
mêlées.
Votre commission juge quant à elle fort préoccupante la
croissance du nombre de dossiers de surendettement
" passif ", qui
révèle la fragilité de certains de nos concitoyens face au
chômage et aux accidents de la vie (divorce, maladie...). On rencontre en
effet une proportion croissante de situations désespérées
caractérisées par l'absence totale de capacité de
remboursement.
B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE HAUTE ASSEMBLÉE POUR RÉFORMER LE DISPOSITIF ACTUEL DE TRAITEMENT DE SURENDETTEMENT
Prenant acte des limites du dispositif actuel de lutte contre le surendettement, jugé par ailleurs globalement satisfaisant, le groupe de travail précité de notre Haute Assemblée a formulé de nombreuses propositions pour mieux faire face à ce grave problème, comme cela est résumé dans l'encadré ci-dessous :
LES PROPOSITIONS DU RAPPORT HYEST-LORIDANT : " LE SURENDETTEMENT, PRÉVENIR ET GUÉRIR "
I. Les propositions ponctuelles :
1. Mettre en place des outils statistiques permettant une analyse quantitative
et qualitative périodique de l'évolution du
phénomène du surendettement :
2. Mettre à la disposition des commissions de surendettement, d'une part
les instruments permettant d'optimiser la gestion des dossiers et d'harmoniser
les méthodes de travail, d'autre part les outils d'évaluation de
nature à faciliter l'élaboration des plans amiables et des
mesures recommandées (systèmes experts, méthodes de
" score " comparables à celles utilisées par les
organismes de crédit) ;
3. Inscrire le débiteur surendetté au fichier des incidents de
paiement (FICP) dès le dépôt du dossier au
secrétariat de la succursale de la Banque de France ;
4. Interdire à un débiteur qui a déjà saisi la
commission de surendettement mais qui a refusé le plan proposé de
pouvoir redéposer un dossier, sauf changement significatif de sa
situation ;
5. Prévoir la présence d'un travailleur social siégeant
aux réunions de la commission de surendettement avec voix
consultative ;
6. Harmoniser la procédure de traitement du surendettement et la
procédure de saisie immobilière en clarifiant les
compétences respectives du juge de l'exécution et du juge de la
saisie immobilière en matière de suspension des procédures
d'exécution : ouvrir à la commission de surendettement la
faculté de demander la remise de l'adjudication pour causes graves et
dûment justifiées ;
7. Préciser le libellé de l'article L.331-5 du code de la
consommation afin qu'en cas d'échec de la procédure amiable, la
suspsension des poursuites soit prolongée dès que le
débiteur demande à la commission de surendettement de faire des
recommandations, et non à partir du moment où ces recommandations
sont effectivement prescrites ;
8. Modifier le libellé de l'article L.331-7 du code de la
consommation afin, en cas de vente forcée ou amiable du logement
principal du débiteur surendetté, de proroger la
possibilité offerte à la commission de surendettement de
recommander la réduction du montant de la fraction des prêts
immobiliers restant due après la vente jusqu'à l'expiration d'un
délai de deux mois à compter de l'exercice de leurs droits par
les organismes de crédit ;
9. Introduire dans le code de la consommation une disposition prévoyant
que les gérants dont la société a été mise
en liquidation judiciaire (alors que celle-ci n'est pas clôturée)
ne peuvent prétendre au bénéfice de la procédure
sur le surendettement des ménages tant que la première
instruction n'est pas terminée.
10. Afin d'éviter que la caution ne soit tenue plus
sévèrement que le débiteur principal, introduire dans le
code de la consommation un article disposant que la caution puisse se
prévaloir des mesures consenties par le créancier dans le plan
conventionnel de règlement .
11. Imposer que les mentions légales obligatoires devant figurer dans
l'offre de crédit à la consommation soient également
inscrites dans les documents publicitaires et, dans chaque cas, soient bien
mises en évidence.
II - Les orientations préconisées par le groupe de travail
1. Enrichir la liste des mentions figurant au FICP pour
généraliser le recensement des impayés au-delà des
seuls incidents de paiement constatés par les organismes de
crédit ;
2. Afin d'éviter un engorgement des commissions de surendettement
risquant de compromettre leur efficacité reconnue par l'ensemble des
acteurs, compléter le dispositif en vigueur en prévoyant une
procédure spécifique applicable aux cas les plus
désespérés ;
3. Développer une coopération plus étroite entre les
secrétariats des commissions de surendettement et l'ensemble des acteurs
sociaux dans la phase d'instruction des dossiers de surendettement ;
4. Instaurer un mécanisme contractuel de suivi de la mise en oeuvre des
plans confié à un conseiller en économie sociale et
familiale ;
5. Développer des campagnes de sensibilisation sur le coût des
crédits à la consommation associant les services sociaux et les
associations de consommateurs et lancer des campagnes nationales d'information
sur les droits des consommateurs et les réglementations en vigueur
concernant le crédit ;
6. Encourager une réflexion au sein de la profession bancaire sur
l'adoption de règles déontologiques applicables à l'octroi
du crédit ;
7. Étendre la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 sur le
redressement et la liquidation judiciaire des entreprises aux professions
libérales.
III - Les mesures tendant à sécuriser l'accession à la
propriété
1. Encourager la souscription, par les emprunteurs accédants, de la
garantie perte d'emploi en recourant à la technique de la pollicitation,
qui consiste à diffuser simultanément plusieurs garanties se
rapportant au même objet (ex : proposer systématiquement la
garantie perte d'emploi en même temps que les garanties
décès-invalidité qui ont déjà un taux de
diffusion élevée) ;
2. Supprimer la distorsion entre le neuf et l'ancien en étendant le
prêt zéro aux achats de logements anciens, en réduisant les
taux des droits de mutation à titre onéreux et en tenant plus
compte du caractère neuf ou non du logement dans l'octroi des aides
personnelles ;
3. Mettre en place un système de sécurisation du prêt
à taux zéro, financé par l'Etat, et qui pourrait s'appuyer
sur les entreprises d'assurance et les organismes d'HLM ;
4. Engager une réflexion sur le remboursement anticipé des
emprunts immobiliers, de façon à ne pas pénaliser les
ménages contraints par les difficultés de la vie à
effectuer un remboursement anticipé ;
5. Renforcer la couverture du territoire national par les ADIL en créant
les 58 agences manquantes (une agence par département).
Rappelons en outre qu'une proposition de loi renforçant la protection
des personnes surendettées en cas de saisie immobilière est en
cours d'examen au Parlement (en instance en 2ème lecture au
Sénat).
Ce texte, rapporté par notre collège M. Jean-Jacques Hyest,
traduit le souci d'assurer la vente à un meilleur prix du
logement
principal du débiteur surendetté.
A titre strictement personnel, votre rapporteur souhaite que le débat
sur la réforme annoncée du traitement du surendettement permette
d'avancer dans le sens de l'effacement de la dette du débiteur face
à ses créanciers, sous certaines conditions, comme cela peut
être le cas pour les entreprises. Cette mesure contribuerait à
redonner aux plus démunis de nos concitoyens de meilleures perspectives
d'avenir ; sans cette " issue de secours ", leur situation
ne
pourrait être réglée dans des délais raisonnables.
A ce sujet, on peut noter que les associations de consommateurs et les
différents acteurs ont des avis différents. Le débat
existe sur le bien-fondé de l'extension du système de
" faillite civile " existant en Alsace-Moselle, qui permet
aux
personnes placées en situation d'insolvabilité notoire de
bénéficier des procédures collectives de redressement et
de liquidation judiciaire des entreprises. Votre rapporteur, pour sa part,
partage les réserves du groupe de travail sur le surendettement
animé par nos collèges MM. Jean-Jacques Hyest et Paul
Loridant sur l'application de ce système au reste de notre pays.
III. L'APPARITION DE CIRCUITS DE CONSOMMATION DESTINÉS AUX PLUS DÉMUNIS
L'ouverture le 9 novembre 1996 à Bobigny d'un
magasin " Crazy George's " a mis en lumière une tendance de
notre économie à mettre en place des magasins
spécifiquement destinés aux plus démunis. Rapprochant ce
phénomène du succès des enseignes de " maxi
discompte ", certains commentateurs y ont vu l'émergence d'une
" économie de la misère ".
Votre Commission ne souhaite pas vilipender telle ou telle enseigne, surtout
lorsque le système mis en place répond à un besoin et
permet d'éviter tout risque de surendettement, ce qui est le cas de la
location avec option d'achat. Néanmoins, elle estime que le
développement de ces pratiques résulte de l'échec de notre
société face à la pauvreté, ce qui est
inacceptable.
En outre, les conditions d'exercice de ces activités -et notamment les
prix pratiqués- ne sont pas toujours à l'abri de la critique.
Rappelons que le magasin " Crazy George's ", par exemple,
permet
l'accès à la propriété de biens de consommation
durables à des personnes aux faibles revenus qui ne peuvent souvent
bénéficier des réseaux traditionnels d'achat, au moyen
d'un système de location avec option d'achat, mais
pour un coût
total égal au double du prix de l'achat comptant.
En effet, le régime juridique de la location avec option d'achat
n'impose pas -contrairement à celui du crédit à la
consommation- de plafonnement du coût total pour le consommateur.
Les principales caractéristiques de ce nouveau système sont
détaillées ci-dessous :
Une formule anglo-saxonne
Les magasins de location avec option d'achat récemment ouverts en France
par le groupe américain Thorn sont la réplique de formules mises
en oeuvre au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. On y trouve des biens
électroménagers, " hifi ", et d'ameublement. Le
consommateur peut y acheter ces biens soit au comptant, (ce qui
représente une part infime des ventes), soit en location avec option
d'achat, c'est-à-dire
par le versement réguliers de loyers
pour un bien dont le client dispose immédiatement, mais dont la
propriété ne lui sera transférée qu'à
l'issue d'une période de trois années.
La location avec option d'achat n'est en effet pas un crédit à la
consommation, mais bien un contrat de location, au terme duquel la
propriété du bien est transférée au locataire. Elle
est utilisée à 80 % pour le financement de véhicules
automobiles.
S'il s'inscrit dans un cadre juridique relativement ancien celui de la location
avec option d'achat apparue dès les années 60, ce nouveau
type de magasins présente à bien des égards des
spécificités.
Une clientèle défavorisée
Les personnes visées sont celles qui ne peuvent avoir accès
à de tels biens par les voies plus classiques que sont l'achat au
comptant (car elles n'ont pas les liquidités suffisantes) et l'achat
à crédit (nombre d'entre elles n'ont pas accès au
crédit).
Il s'agit donc d'une clientèle à bas
revenus
. En effet, il n'est exigé ni versement initial, ni
dépôt de garantie et le contrat se caractérise par la
modicité des loyers mensuels (même si le coût total reste
très élevé).
Les défavorisés constituent le " coeur de cible " de
telles enseignes, qu'il s'agisse des personnes titulaires de salaires peu
élevés ou de bénéficiaires de prestations sociales.
D'ailleurs, d'après un récent sondage
5(
*
)
, un
tiers environ de la clientèle de Crazy
George 's ne dispose même pas d'un salaire par foyer.
Pour la conclusion d'un contrat, il est requis :
- une pièce d'identité ;
- une facture d'EDF ou de France Télécom ;
- un justificatif de domicile (quittance de loyer) ;
- un justificatif de revenu.
Les revenus
" sociaux ", comme
les indemnisations de l'ASSEDIC, par exemple, sont acceptés comme
justificatifs de revenus ;
- les noms, adresses et numéro de téléphone de cinq
personnes adultes dont deux membres de sa famille, qui sont
systématiquement contactées afin de vérifier l'exactitude
des informations fournies.
L'entreprise vérifie en outre auprès de la Banque de France que
les candidats ne sont pas en situation de surendettement.
En outre, ce type de magasins instaure une relation si proche avec sa
clientèle -qui par ailleurs est particulièrement fragile-
qu'on serait tenté de qualifier cette dernière de
" captive ".
En effet, pour pouvoir conclure un contrat
de
location avec option d'achat, il faut habiter dans un rayon
de cinq
kilomètres autour du lieu d'implantation du magasin
, ce qui est une
caractéristique propre à ce type d'établissement.
De plus, les services offerts à la clientèle sont
réalisés par les vendeurs du magasin, de l'installation et de la
mise en service de l'appareil au domicile de l'acheteur, au service
après-vente pendant les trois ans de durée du contrat.
Le
versement des loyers a lieu au magasin
, chaque semaine ou chaque mois. Les
vendeurs connaissent donc la situation personnelle de leurs clients.
Ces méthodes commerciales -tout à fait légales- ne
rendent-elles pas illusoire la " liberté "
conférée par la location avec option d'achat, qui permet de
résilier à tout moment le contrat, sans frais ni
pénalités ?
A. UN PROBLÈME MORAL
Le développement de ce que certains ont appelé " L'économie de la misère " pose plusieurs problèmes d'ordre moral.
1. La nécessaire information du consommateur
En vertu de la loi, le consommateur doit être pleinement
informé des conditions, notamment tarifaires, pratiquées par de
telles enseignes. Ce principe doit être d'autant plus fermement
appliqué qu'il s'adresse aux plus pauvres de nos concitoyens.
Pour ce qui est du magasin Crazy George's de Bobigny, la DGCCRF a pu constater
qu'il ne satisfaisait pas, à son ouverture, aux exigences du code de
la consommation relatives à l'information du consommateur.
Il
était
notamment reproché au magasin de ne pas assez faire
apparaître le coût total de l'opération. Ce dernier avait
dû fermer quelques jours pour modifier la signalisation de ses produits,
désormais conforme aux exigences légales et
réglementaires,
comme l'ont affirmé aussi bien la DGCCRF que
le Conseil national de la consommation, dont l'avis a été
sollicité sur ce point précis.
2. Un coût total deux fois plus élevé qu'un achat au comptant
Contrairement au crédit à la consommation, dont
le taux ne peut dépasser, sous peine de sanctions, les taux usuraires
définis par la puissance publique, la location avec option d'achat ne
voit pas son coût total plafonné.
Dans le cas du magasin précité, le coût final pour
l'acheteur atteint plus du double du prix de ce bien acheté au comptant.
Par exemple, un téléviseur d'un prix de 2.747 francs,
acheté sur trois ans par le versement de loyers hebdomadaires de
39 francs, reviendra au total à 6.084 francs, soit
2,21 fois plus cher !
Cette différence importante de prix suivant le régime
d'acquisition utilisé est choquante car on arrive de fait au paradoxe
suivant, que votre rapporteur pour avis dénonce avec force : ce
sont les plus démunis qui paient le plus cher !
B. LA NÉCESSAIRE POURSUITE D'UN DÉBAT PUBLIC ÉQUILIBRÉ
La Haute Assemblée n'est pas restée insensible
au développement de ces nouvelles formes d'achat, qui résultent
largement de l'exclusion croissante des démunis. Si le problème
de fond reste bien celui de la pauvreté, qui doit être
traité en tant que tel, une moralisation de ces nouvelles pratiques
commerciales peut toutefois être envisagée.
Deux propositions de loi ont été déposées
dans ce but par des membres du Sénat qui, si elles sont
différentes dans le dispositif qu'elles proposent, sont semblables dans
leur volonté de protéger le consommateur.
Il s'agit de la proposition de loi n° 145 relative à la
protection des consommateurs en matière de location avec option d'achat
de nos collègues Philippe Marini, Robert Calmejane et Jean-Jacques
Robert, ainsi que de la proposition de loi n° 330 tendant à
réprimer l'utilisation abusive de la location avec option d'achat et
à relancer la consommation populaire, présentée par
M. Louis Minetti et nos collègues du groupe communiste,
républicain et citoyen.
Notre collègue M. Jean-Jacques Robert a d'ailleurs
été nommé rapporteur de ces deux propositions de loi.
Votre commission reste extrêmement attentive à ce
problème, tout en étant consciente -en ce qui concerne la
location avec option d'achat- de la nécessité de ne pas
déstabiliser, par une législation trop brutale, ce secteur, qui
permet le financement annuel de 120.000 véhicules automobiles et
représente plusieurs milliers d'emplois.
IV. L'ÉVOLUTION DU DROIT DE LA CONSOMMATION
A. LES DIRECTIVES EUROPÉENNES
Le droit européen de la consommation a depuis fort
longtemps exercé une emprise forte sur le cadre juridique national de
protection du consommateur. Aussi plusieurs directives ont-elles
déjà été intégrées au droit
français, relatives aux secteurs des cosmétiques et du textile,
portant sur la protection des intérêts des consommateurs
(crédit à la consommation, clauses abusives) ou sur leur
sécurité.
Ce mouvement s'est poursuivi au cours de l'année écoulée,
par
l'adoption définitive de trois textes qui devront être
intégrés en droit français
. D'autres projets de textes
sont par ailleurs toujours en discussion au niveau communautaire.
1. Trois directives à intégrer dans le droit national avant la fin du siècle
a) La directive sur la publicité comparative appelle une adaptation de la loi du 18 janvier 1992
Au terme de cinq années de discussion, et dans le cadre
d'une procédure de codécision du Conseil et du Parlement
européen, la directive sur la publicité comparative a
été adoptée le 16 septembre dernier
6(
*
)
.
Cette directive définit, pour tous les pays européens, les
conditions d'autorisation de la publicité comparative.
PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE SUR LA PUBLICITÉ COMPARATIVE
La directive vise à autoriser la publicité
comparative dans les 15 Etats membres.
Ce type de publicité est défini comme une publicité se
reportant implicitement ou explicitement à un concurrent ou à des
biens et services offerts par un concurrent.
Elle est autorisée à condition :
- de ne pas être trompeuse,
- de prendre en compte des biens et services " objectivement
comparables ",
- de n'engendrer aucune confusion sur le marché,
- de ne pas entraîner le discrédit ou le dénigrement
d'un concurrent,
- de ne pas porter sur des reproductions ou des invitations de marques ou
noms commerciaux protégés.
En outre, elle ne doit porter que sur des biens ou services répondant
aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, ainsi que sur les
caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et
représentatives.
Lors de la négociation de ce texte, la représentation
française a obtenu satisfaction sur plusieurs points. D'abord, afin de
préserver l'image de certaines productions françaises, il est
acquis que pour les produits bénéficiant d'une appellation
d'origine contrôlée, la comparaison n'est autorisée
qu'entre produits bénéficiant chacun de la même
appellation, comme c'est déjà le cas en droit national
(article L. 211-9 du code de la consommation). Ensuite, à la
demande des professionnels, la France a obtenu que les règles relatives
à la contrefaçon des marques soient reprises dans un
considérant (à défaut de pouvoir l'inclure dans le corps
même de la directive) qui spécifie qu'aucune comparaison ne peut
présenter des produits ou services comme l'imitation ou la reproduction
des produits ou services portant sur une marque ou un nom déposé.
La France a enfin obtenu que soit supprimé le considérant
prévoyant que les essais comparatifs pouvaient servir de base utilisable
pour une publicité comparative, au motif de l'insécurité
juridique découlant de l'inexistence d'une définition
européenne harmonisée de l'essai comparatif.
L'adoption de ce texte communautaire devrait entraîner dans les
années qui viennent (la transposition de la directive doit intervenir
dans les 30 mois qui suivent son entrée en vigueur) une
modification du cadre législatif français.
En effet, la loi du
18 janvier 1992 qui autorise la publicité comparative et
définit ses conditions d'exercice est plus restrictive que la directive
adoptée.
LA PUBLICITÉ COMPARATIVE EN FRANCE
(LOI DU
18 JANVIER 1992)
Art. L. 121-8 du code de la consommation
: La
publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit
la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce
ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la
raison sociale ou de la dénomination sociale, du nom commercial ou de
l'enseigne d'autrui n'est autorisée que si elle est loyale,
véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le
consommateur. Elle doit être limitée à une comparaison
objective qui ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles,
significatives, pertinentes et vérifiables de biens ou services de
même nature et disponibles sur le marché. Lorsque la comparaison
porte sur les prix, elle doit concerner des produits identiques vendus dans les
mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont
maintenus les prix mentionnés comme siens par l'annonceur. La
publicité comparative ne peut pas s'appuyer sur des opinions ou des
appréciations individuelles ou collectives.
Les dispositifs français et européens diffèrent surtout
sur trois points :
-
la comparaison de prix
: les dispositions françaises
fixent des conditions d'autorisation très strictes de la comparaison des
prix (la publicité doit concerner des produits identiques vendus dans
les mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont
maintenus les prix mentionnés). Dans la directive, le prix est
considéré comme une caractéristique comme une autre du
bien ou du service ; la comparaison des prix n'est donc pas assortie de
conditions particulières ;
- le droit français pose
l'obligation pour un annonceur
d'informer son concurrent
préalablement
à un projet de
publicité comparative, dans un délai au moins égal
à celui exigé pour l'annulation d'un ordre de publicité
(article L121-12 du code de la consommation). Cette disposition
française a été considérée par la grande
majorité des Etats membres comme une contrainte contraire à la
liberté commerciale et n'a donc pas été
intégrée à la directive européenne. Au demeurant,
elle est dépourvue de sanction dans le dispositif français ;
-
le champ d'application de la directive
est plus large que le
droit français : en droit communautaire, peuvent être
comparés des biens et services ayant le même objectif et
répondant au même besoin ce qui permet des comparaisons
très larges, et non seulement des biens de même nature comme c'est
le cas en droit français.
Sur ces trois sujets, l'adoption de la directive européenne
entraînera sans doute une modification du code de la consommation.
b) La directive sur les contrats à distance
La directive sur les contrats à distance, que la France
a largement inspirée, a été adoptée
définitivement le 20 mai 1997. Elle devra être
transposée par les Etats membres avant le 20 mai 2000.
Ce texte s'applique à
toutes les ventes à distance
, sauf
celles qui concernent les services financiers et les services touristiques avec
réservation. Elle sera donc un cadre déterminant, notamment, pour
le développement futur du commerce électronique.
Elle comporte plusieurs dispositions protectrices pour l'acheteur :
-
une obligation d'information préalable du consommateur
et
de confirmation écrite de cette information. Ainsi, le consommateur
bénéficiera d'une information détaillée concernant
: la qualité, le prix des produits et des services, l'identité du
fournisseur, la garantie et le service après vente, ainsi que les
délais et coûts de livraison ;
-
un droit de rétractation
. Un délai minimum de
7 jours est accordé au consommateur pour exercer ce droit et
être remboursé, le cas échéant, des sommes
avancées en paiement, sans aucune pénalité ;
- des droits particuliers et une interdiction :
. un
droit d'opposition
à toute sollicitation effectuée
dans le cadre d'un démarchage par automate d'appel
téléphonique ou par fax ;
. un
droit de contestation
d'un paiement effectué après
communication d'un numéro de carte bancaire. Limité à
l'utilisation frauduleuse du numéro de carte bancaire, ce droit permet
au consommateur d'obtenir la recréditation des sommes
prélevées ;
. l'interdiction de fournir, contre demande de paiement, un bien ou un service
à un consommateur
sans commande préalable
de celui-ci ;
. un droit d'accès aux tribunaux nationaux pour les
associations
de
consommateurs
, qui se double d'un droit de saisine des
juridictions administratives.
Le Gouvernement envisagerait
7(
*
)
de transposer
cette directive dans le code de la consommation dès 1998.
c) La directive sur les virements transfrontaliers
Cette directive a été définitivement
adoptée le 27 janvier 1997 et devra être
transposée avant le 14 août 1999. Elle a pour objet de
permettre aux particuliers et aux PME d'effectuer des virements rapides,
fiables et peu coûteux dans la Communauté européenne.
Elle prévoit :
-
le
délai
de virement qui, en l'absence d'un
engagement contractuel de la banque du donneur d'ordre est fixé à
5 jours pour l'établissement du donneur d'ordre et un jour pour
l'établissement du bénéficiaire ;
- l'interdiction du double prélèvement ;
- le
remboursement
des virements non aboutis au donneur d'ordre,
majorés d'intérêts et des frais prélevés ;
- les conditions de transparence de l'opération (recours,
délais, coûts).
En cas de non respect de ces obligations, de délai notamment, des
intérêts seront dus par la banque.
La directive s'applique aux virements inférieurs à
50.000 écus (environ 335.000 francs), sauf pour le
remboursement direct des virements non aboutis, limité à
12.500 écus (environ 83.750 francs).
2. D'autres textes sont en préparation
La directive sur l'indication du prix et du prix à
l'unité de mesure
Cette proposition de directive a fait l'objet d'une position commune du Conseil
le 27 septembre 1996. Elle est actuellement dans le champ de la
codécision entre le Conseil et le Parlement.
Elle prévoit l'indication du prix et du prix à l'unité de
mesure (choisie comme étant le kilogramme, le litre, le mètre
carré ou le mètre cube ou un multiple, ou une autre unité
de mesure dès lors qu'elle relève d'un usage commercial national)
pour tous les produits offerts au consommateur. Cette obligation qui existe
déjà en France devrait donc être étendue à
l'ensemble des pays européens afin d'accroître la qualité
de l'information fournie au consommateur.
La possibilité d'exonérer certains petits commerces de cette
obligation est prévue par la directive, à condition que
l'exemption résulte de critères tels que le nombre de produits
offerts, la surface et la disposition des lieux de vente, la forme de la vente
(kiosque, commerce ambulant).
La directive sur l'action en cessation
Cette proposition de directive a fait l'objet d'un accord politique du Conseil
européen le 10 avril 1997 et devra être inscrite en
position commune d'un prochain Conseil. Elle a fait l'objet d'une
résolution de l'Assemblée nationale du 5 avril dernier.
Elle vise à
permettre l'action en cessation des pratiques
commerciales portant atteinte aux intérêts collectifs des
consommateurs
et illicites au regard du droit communautaire et des
dispositions nationales allant au delà de ce droit.
Elle prévoit que cette action en cessation peut être
exercée dans le cas d'infractions produisant leurs effets dans d'autres
Etats membres. Cette action aura pour effet de faire cesser l'infraction,
d'obtenir le cas échéant des mesures telles que la publication de
la décision et le paiement d'astreintes.
Ce texte pose le principe de reconnaissance mutuelle des entités
qualifiées pour exercer cette action, qui devront figurer sur une liste
établie au plan national par chaque Etat membre, communiquée
à la Commission et publiée au Journal Officiel de la
Communauté européenne.
La directive sur le crédit à la consommation (Taux annuel
effectif global)
Cette proposition de directive a fait l'objet d'une position commune du Conseil
le 10 avril 1997. La procédure de co-décision
débutera donc prochainement.
Elle vise à harmoniser les réglementations européennes
en imposant une formule de calcul uniforme du taux annuel effectif global
(TAEG), pour tous les Etats membres.
La France a demandé une harmonisation européenne de l'assiette du
taux annuel effectif global. Elle a obtenu satisfaction, puisque, lors du
Conseil " Consommation " du 10 avril 1997, à
l'appui
d'un considérant, qui engage la Commission à étudier sans
délai la nécessité d'harmoniser davantage les composantes
du coût du crédit à la consommation pour permettre au
consommateur européen de mieux comparer les TAEG proposés par les
établissements des différents Etats membres, une
déclaration de la Commission et du Conseil prévoit de
réunir un groupe d'experts le plus rapidement possible.
Une autre directive
est en préparation sur la vente et les
garanties des biens de consommation
8(
*
)
.
En outre, la commission a fixé, pour fin 1997 et 1998, un programme de
travail incluant :
- une directive instaurant un mécanisme de transparence pour les
services de la société de l'information ;
- une directive sur la vente à distance des services financiers.
Par ailleurs
, la France a proposé une directive sur les articles
de puériculture, déjà réglementés
sévèrement dans notre pays afin que la circulation de ces
produits dans l'Union européenne permette d'atteindre partout un tel
niveau de sécurité.
B. LES DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS DU DROIT FRANÇAIS DE LA CONSOMMATION
La préoccupation que le rapport pour avis de votre
commission exprimait l'année dernière de voir mieux garantir la
qualité et la sécurité des produits alimentaires
est en partie apaisée par l'adoption en cours des dispositions,
enrichies par les propositions de notre collègue M. Gérard
César, de la
proposition de loi relative au renforcement de la veille
sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des
produits destinés à l'homme
, présentée par nos
collègues MM. Charles Descours et Claude Huriet, adoptée au
Sénat en première lecture le 25 septembre dernier.
Enfin, votre commission se félicite de la parution -tardive, il est
vrai, quatre ans après la codification de la partie législative-
de la
partie réglementaire du code de la consommation
, au Journal
Officiel du 3 avril 1997, qui entraînera une plus grande
facilité d'accès à ce droit, non seulement pour les
spécialistes, mais aussi pour l'ensemble de nos concitoyens, qui seront
ainsi mieux à même de faire valoir leurs droits.
S'il est en effet un droit qui se doit d'être accessible, c'est bien
celui de la consommation, conçu pour protéger, guider et
éclairer les consommateurs dans leurs actes économiques les plus
courants.
CHAPITRE III -
LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE
En vertu notamment des articles 85 et suivants du Traité de Rome, la commission européenne dispose de pouvoirs importants en matière de contrôle des pratiques concurrentielles, des concentrations et des aides d'Etat.
I. LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE LA CONCURRENCE
A. LA RÉVISION DU RÈGLEMENT EUROPÉEN SUR LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS
Comme le rapport pour avis de votre commission sur le projet
de budget pour 1997 le laissait prévoir, le premier règlement
européen relatif au contrôle des concentrations, publié en
1989, a été révisé par un nouveau règlement
publié au Journal officiel de la Communauté européenne le
9 juillet dernier.
En effet, en six ans de pratique du contrôle communautaire des
concentrations, le règlement de 1989 a montré que nombre
d'opérations, ayant pourtant des effets transfrontaliers importants
entre différents Etats membres de l'Union européenne,
n'atteignaient pas les seuils fixés par ledit règlement
9(
*
)
, et n'étaient donc pas notifiées
à la Commission européenne mais, le cas échéant,
aux instances nationales en charge du droit de la concurrence. Aussi des
saisines nationales multiples pouvaient-elles coexister pour une même
opération de concentration.
Le premier considérant du nouveau règlement indique d'ailleurs
que "
des concentrations ayant un impact significatif dans
plusieurs
Etats membres qui n'atteignent pas les seuils visés au règlement
(...) du 21 décembre 1989 (...) peuvent remplir les conditions
d'examen (...) des systèmes nationaux de contrôle des
concentrations (...). La notification multiple d'une même transaction
augmente
l'insécurité juridique, les efforts et les
coûts pour les entreprises et peut conduire à des
appréciations contradictoires
"
d'une même
opération de concentration.
Face à cette situation, la commission européenne a lancé
une consultation publique : la publication d'un " Livre
vert " sur ce
sujet a permis de recueillir les réactions des professionnels et des
Etats membres.
Une proposition de nouveau règlement a été transmise par
la commission au Conseil, au Parlement européen et au Conseil
économique et social en septembre 1996. Le texte a
été définitivement adopté en juillet 1997. Le
principal changement est un
élargissement des critères retenus
pour la mise en oeuvre d'un contrôle européen des
concentrations
.
NOUVEAU RÈGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS :
PRINCIPALES DISPOSITIONS
Les principaux changements quant au fait
générateur de la mise en oeuvre d'un contrôle communautaire
des concentrations sont les suivants :
Pour les établissements de crédits
et les
établissements financiers, le produit bancaire a été
retenu pour calculer le chiffre d'affaires, contre une proportion des actifs
dans le calcul antérieur.
De nouvelles conditions de mise en oeuvre
d'un contrôle
européen sont ajoutées : la commission est compétente
quand les niveaux de seuils précédemment définis sont
atteints
ou quand les conditions suivantes sont cumulativement
réunies :
- chiffre d'affaire total mondial de l'ensemble des entreprises
concernées supérieur à 2,5 milliards d'écus ;
- chiffre d'affaire des entreprises concernées dans chacun d'au
moins trois Etats membres supérieur à 100 millions
d'écus ;
- au moins deux des entreprises concernées réalisant un
chiffre d'affaire communautaire supérieur à 100 millions
d'écus ;
- sauf si chaque entreprise concernée réalise plus des deux
tiers de son chiffre d'affaire communautaire dans un seul Etat membre.
Le texte vise donc à accroître le champ du contrôle
communautaire par rapport à celui d'un contrôle national, afin de
faire bénéficier un plus grand nombre d'opérations de
concentrations du système du " guichet unique "
communautaire.
La commission européenne souhaitait initialement atteindre cet objectif
par un abaissement pur et simple des seuils au-delà desquels le
contrôle communautaire est automatique. La représentation
française ne partageait pas cette volonté. C'est finalement
l'ajout aux seuils initiaux d'un faisceau de critères nouveaux qui a
été retenu pour accroître le champ d'examen communautaire.
B. LA POURSUITE DE L'OUVERTURE DES MONOPOLES PUBLICS
Dans son dernier rapport public
10(
*
)
sur la politique de concurrence, la Commission
européenne estime que
" la libéralisation des secteurs
traditionnellement monopolisés constitue une étape fondamentale
pour l'établissement d'un véritable marché
intérieur au bénéfice des consommateurs ".
Cette
citation résume bien l'esprit des mesures qu'elle a prises ces
dernières années pour ouvrir à la concurrence les services
publics européens.
A titre strictement personnel, votre rapporteur pour avis ne partage pas
cette philosophie, qui conduit à une politique de réduction des
monopoles portant atteinte, à son sens, aux principes français du
service public.
Votre commission s'est, quant à elle, toujours montrée soucieuse
d'adopter une démarche équilibrée, qui permette de
préparer les opérateurs nationaux à la concurrence.
Comme elle a eu l'occasion de le rappeler, tant dans sa communication du
11 septembre 1996 sur les services d'intérêt
général en Europe, que par la voix du commissaire M. Karel
Van Miert, lors de son audition par votre commission
11(
*
)
, la Commission européenne n'estime pas
incompatibles le respect du service public et la libéralisation des
monopoles nationaux.
C'est ainsi qu'elle a été à l'origine de la
libéralisation déjà intervenue des transports
aériens, de celle, programmée pour le 1
er
janvier
1998, des télécommunications et de celle, en cours, de trois
nouveaux secteurs :
L'électricité
La directive du 19 décembre 1996 concernant les règles
communes pour le marché de l'électricité prévoit
une ouverture progressive, sur 6 ans, de ce marché à la
concurrence.
La première étape, qui devra être réalisée
d'ici le début de 1999 au plus tard, prévoit que dans chaque Etat
membre le marché sera ouvert dans une proportion correspondant à
la part de la consommation communautaire représentée par les
clients qui consomment plus de 40 gigawatts par heure (par site) en 1997,
seuil qui devrait être progressivement abaissé en 6 ans,
jusqu'à celui de 9 gigawatts par heure. Des producteurs
indépendants pourront donc contracter librement avec les plus gros
consommateurs.
Le Sénat a marqué son retrait par rapport à certains
aspects de cette libéralisation, notamment par l'adoption de la
résolution n° 188 sur la proposition de directive, le
30 juin 1994, qui engageait le Gouvernement à, notamment,
" refuser toute forme d'accès des tiers au réseau,
tant dans le secteur de l'électricité que dans celui du
gaz ".
Le gaz
Votre commission suit avec une attention qui ne s'est pas démentie
l'élaboration de la directive concernant les règles communes pour
le marché intérieur du gaz. Le Sénat a en effet
adopté à ce jour trois résolutions sur la proposition de
directive, la dernière
12(
*
)
,
examinée en Commission des Affaires économiques le
mardi 14 octobre dernier, ayant formulé notamment, pour
la poursuite des négociations, les souhaits suivants :
3ème RÉSOLUTION DU SÉNAT SUR LA DIRECTIVE " GAZ "
Le Sénat,
(...)
- se félicite de la prise en compte des
missions de service
public
et, en particulier, de la sécurité d'approvisionnement
dans la proposition de directive ;
(...)
- demande, en outre, au Gouvernement, compte tenu de l'évolution
des négociations :
de veiller à ce que l'adoption de la directive conduise à
une
ouverture maîtrisée et progressive du marché
français du gaz à la concurrence et de s'opposer en
conséquence aux propositions formulées par la présidence
de l'Union européenne
à l'article 18 de son projet de
compromis ; (...)
d'informer les organes compétents du Sénat de l'évolution
des négociations sur ce sujet et, en particulier, des résultats
des deux Conseils des ministres de l'énergie qui se dérouleront
d'ici à la fin de l'année.
En outre, votre rapporteur pour avis se félicite d'un récent
arrêt
13(
*
)
de la Cour de Justice des
Communautés européennes relatif au monopole d'importation et
d'exportation du gaz et de l'électricité détenu par GDF et
EDF, qui n'a pas jugé que ce dernier entraînait, contrairement
à ce que soutenait la Commission, de répercussions
négatives sur les échanges communautaires.
Votre commission soutient le Gouvernement dans la politique de
fermeté, manifestée le 27 octobre dernier au Conseil
européen de Luxembourg, face à certains pays plus libéraux
qui souhaitent ouvrir davantage à la concurrence le marché du
gaz.
Votre Commission, consciente des nombreux enjeux qui s'attachent à la
politique énergétique de la France, a d'ailleurs adopté,
lors de sa réunion du 5 novembre dernier, la proposition de
résolution de MM . Blin, de Raincourt, de Rohan, Valade et Revol,
tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir
des éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la
politique énergétique de la France et aux conséquences
économiques, sociales et financières des choix effectués.
Les services postaux
La Commission européenne a publié un livre vert postal en 1992.
Le 13 juin 1995, elle présentait une proposition de directive
visant à libéraliser partiellement les services postaux et
à réduire le champ du monopole à certains services dits
" réservés ".
Ce texte est actuellement en cours d'adoption : l'accord du Conseil
extraordinaire de l'Union européenne du
18 décembre 1996, dit " compromis de Dublin " a
fait
l'objet d'une position commune du Conseil le 29 avril dernier. Le
Parlement européen a adopté ce texte en seconde lecture le
16 septembre. La directive pourrait donc être adoptée
définitivement d'ici la fin de l'année, après l'accord du
Conseil des ministres. Si l'adoption de la directive intervient fin 1997, la
transposition en droit national devra être achevée à la fin
de l'année 1998.
La proposition de directive avait, à l'origine, une orientation
très libérale et c'est grâce à l'accord
franco-allemand de Dublin de décembre 1996 que la position commune
adoptée par le Conseil est revenue à des principes plus conformes
à l'intérêt de notre opérateur national ; ainsi la
libéralisation immédiate et automatique du publipostage et du
courrier transfrontalier a-t-elle été pu être
évitée de justesse.
Le récent rapport d'information de notre collègue Gérard
Larcher sur l'avenir de La Poste
14(
*
)
a
remarquablement détaillé les enjeux qui s'attachent à
l'adoption de cette directive ainsi que les différentes étapes de
la négociation.
Rappelons que la directive organise
une ouverture progressive du
marché postal européen
autour des principes suivants :
- la directive garantit l'existence d'un
service universel
commun
à tous les pays de l'Union européenne , fondé sur la
qualité et l'accessibilité du service (points de contacts, nombre
de jours de distribution, tarifs abordables) ainsi que sur une garantie d'offre
de produits minimale (lettres jusqu'à 2 kilos, colis jusqu'à
10 kilogrammes, envois recommandés) ;
- la directive retient l'existence des
services réservés
à l'opérateur en charge du service universel
pour compenser
les charges qui en résultent et garantir son équilibre financier
et sa pérennité. Ces services réservés
délimitent le périmètre maximal du monopole de
l'opérateur postal en charge du service universel.
La concurrence
s'exercera sur les autres services postaux
.
Les principales modifications par rapport à la situation actuelle sont
résumées dans le tableau suivant :
DROIT FRANÇAIS ACTUEL |
DIRECTIVE |
|
Monopole, services " réservables " |
Lettres quel que soit leurs poids, non express |
Envois de correspondance d'un poids inférieur à 350 grammes et d'un prix inférieur à 5 fois le tarif de base, y compris le publipostage et le courrier transfrontalier |
Concurrence |
Autres prestations |
Autres prestations |
Mais le cadre réglementaire européen fixé
par la directive en cours d'adoption est susceptible d'évoluer à
l'avenir
et il est à craindre que la perspective d'une plus large
libéralisation, qui a pu être écartée jusqu'à
présent, ne devienne dans les cinq ans à venir une
réalité.
La France a obtenu que le Parlement européen participe aux
éventuelles phases futures de libéralisation accrue du
marché postal. Toute décision sur une éventuelle poursuite
de la libéralisation devra entrer donc dans le cadre de ce processus de
révision et faire l'objet d'une nouvelle décision du Conseil et
du Parlement avant le 31 décembre 2000,
une nouvelle
étape de libéralisation ne pouvant entrer en vigueur avant le
1er janvier 2003.
D'ici 5 ans, la libéralisation pourrait donc se poursuivre. Aussi votre
commission engage-t-elle vivement le Gouvernement à préparer au
mieux La Poste à ce choc concurrentiel à venir. La
négociation actuelle du futur contrat de plan doit, en particulier,
permettre de mieux résoudre les problèmes du financement des
retraites des postiers et de la juste compensation de son rôle social et
d'aménagement du territoire.
II. BREF BILAN DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE LA CONCURRENCE
Le dernier rapport annuel 15( * ) de la DGCCRF dresse le bilan suivant de l'action de cette direction :
L'ACTION DE LA DGCRF
La lutte contre les ententes et les abus de position
dominante
Les services de la DGCCRF ont établi 309 indices de pratiques
anticoncurrentielles, entrepris 242 enquêtes et rédigé
185 rapports, y compris ceux répondant à une demande du
Conseil de la concurrence. Le ministre de l'économie a saisi le Conseil
à 36 reprises. Comme en 1995, une part importante de ces saisines a
concerné des concertations illicites dans le domaine des marchés
publics et des cas d'abus de position dominante, y compris ceux dont sont
susceptibles de s'être rendues responsables des entreprises
détentrices de monopoles légaux.
Le contrôle des concentrations
Comme en 1995, l'activité en matière de fusions et acquisitions a
été atypique en France par rapport au contexte international :
moins d'opérations que l'année précédente y ont
été recensées. Certains secteurs confirment et
accélèrent leur réorganisation, comme celui de la
communication, de la distribution et des services ; d'autres, comme l'industrie
manufacturière, à l'exception du secteur de l'agro-alimentaire,
connaissent en revanche un ralentissement.
Une tendance se confirme : la volonté de ne pas imposer des
formalités et des délais inutiles aux entreprises, en donnant
immédiatement un accord à une opération lorsqu'une
instruction administrative approfondie permet de conclure que celle-ci ne porte
pas atteinte au fonctionnement concurrentiel des marchés. En
conséquence, le nombre des saisines du Conseil de la concurrence est
demeuré stable : six en 1996, comme en 1995.
Les pratiques restrictives de concurrence
La moralisation des pratiques commerciales s'est poursuivie en 1996 devant les
juridictions civiles et commerciales et a donné lieu à des
condamnations exemplaires, notamment l'affaire Inter Marchandises France
(Tribunal de commerce de Paris - Jugement du 25 novembre 1996) ;
l'affaire Cora (Tribunal de grande instance de Colma - Jugement du
5 février 1997) ; l'affaire Auchan-Soviba (Tribunal de
commerce de Versailles - Jugement du 7 mars 1997)...
Le suivi des marchés publics
Les directions départementales de la DGCCRF jouent, en la
matière, un rôle essentiel : participation aux commissions
d'ouverture des plis et aux commissions d'appel d'offres, rôle de conseil
aux préfets pour l'exercice du contrôle de la
légalité des marchés et des délégations,
contribution à la détection des indices de favoritisme (une
centaine de marchés ont été examinés sous cet angle
en 1996), détection des ententes (10 saisines du Conseil de la
concurrence par le ministre pour des pratiques anticoncurrentielles dans les
marchés publics).
La lutte contre les contrefaçons
En 1996, l'activité de la DGCCRF en matière de contrefaçon
a augmenté de 18 % (1.430 enquêtes). Comme en 1995, on
peut évaluer à 300.000 environ le nombre de produits de
contrefaçon retirés du marché français.
264 procès-verbaux ont été dressés. L'essentiel des
affaires de contrefaçon concerne toujours les secteurs de l'habillement
et des chaussures (près de 35 % des dossiers), ainsi que la
parfumerie (25 % des dossiers), la maroquinerie représente 7 %
des affaires, contre 3 % en 1995.
Source : rapport annuel de la DGCCRF
Votre rapporteur pour avis sur le budget de 1997, M. Louis
Minetti, évoquait l'année dernière la perspective d'une
réforme du code des marchés publics
, programmée par
l'ancien ministre M. Yves Galland.
L'actuel Premier ministre a d'ailleurs souligné, dans son discours de
politique générale toute l'importance qui s'attache à la
transparence et à l'efficacité de l'action publique. Lors de son
audition devant votre commission le 5 novembre dernier sur les crédits
de son ministère, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux
PME, au commerce et à l'artisanat, s'est elle-même
déclarée favorable à l'instauration d'un système d'
" alottissement " des marchés publics afin de permettre
à davantage de PME d'y avoir accès.
*
* *
Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, qui a toutefois indiqué qu'il voterait, à titre personnel, pour l'adoption de ces crédits, votre commission s'en est remis à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne l'adoption des crédits consacrés à la concurrence et la consommation dans le projet de loi de finances pour 1998.
EXAMEN PAR LA COMMISSION
Au cours d'une réunion tenue sous la présidence
de M. Jean Huchon, vice-président, la commission a examiné le
rapport pour avis de Mme Odette Terrade sur les crédits
consacrés à la consommation et à la concurrence dans le
projet de loi de finances pour 1998.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a indiqué que les
crédits consacrés à la concurrence et à la
consommation s'élevaient à 981,7 millions de francs, en
stagnation (- 0,14 %) par rapport à 1997, après une
baisse de 1,7 % entre 1996 et 1997.
Elle a précisé que les dépenses ordinaires, qui
représentaient la quasi-totalité, soit 99 %, de l'ensemble,
augmentaient faiblement, de 0,4 %. Ces dépenses recouvraient,
a-t-elle indiqué, les moyens de la direction générale de
la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
(DGCCRF), ceux des services déconcentrés de cette administration,
ainsi que les subventions accordées à 19 associations de
consommateurs et à l'institut national de la consommation (INC).
Elle a indiqué que 10 emplois étaient supprimés
à la DGCCRF, contre 31 dans la loi de finances pour 1997, mais que
cette baisse était en partie compensée par une requalification,
puisque 9 emplois de catégorie A remplaçaient
19 emplois de catégorie B et C.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a précisé que
les dépenses en capital diminuaient, quant à elles, de 35 %
environ en crédits de paiement, du fait de l'achèvement des
programmes de réfection des laboratoires et du regroupement des services
de la DGCCRF.
Elle a jugé que ce budget 1998 était marqué du souci de
préserver les moyens de la consommation, qui avait fortement pâti
ces dernières années d'une politique budgétaire
restrictive.
Elle a fait valoir qu'il était mis fin au désengagement de
l'Etat, après cinq années de réduction des moyens des
associations de consommateurs, qui avaient vu, entre 1996 et 1997, leurs
subventions baisser de 28 %. Depuis 1992, a-t-elle
précisé, cette baisse avait atteint 43 %.
Soulignant que le projet de loi de finances pour 1998 proposait une
stabilisation des moyens accordés aux associations, à
40 millions de francs,
Mme Odette Terrade, rapporteur pour
avis,
a rappelé le rôle fondamental de ces associations, qui
disposaient de 4.000 permanences locales à travers tout le pays,
tenaient 500.000 heures de permanence par an, effectuaient plus de
150.000 heures de représentation dans plus de 100 organismes
et étaient saisies de plus d'un million de litiges par an. Elle a
considéré que L'Etat ne pouvait pas, tout en donnant moins de
moyens, continuer à demander toujours plus aux associations, surtout en
ce qui concernait leur présence dans des instances aussi importantes que
la commission de la sécurité des consommateurs, la commission des
clauses abusives, les organismes de certification, les commissions de
surendettement, les commissions d'équipement commercial et de nombreux
autres organismes où leur présence était requise.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a souligné que la
dotation de l'État à l'institut national de la consommation
était également stabilisée, à 25 millions de
francs, ce qui témoignait de la volonté de mettre fin à
l'hémorragie des crédits consacrés à cet
établissement public, en diminution de moitié depuis 1992,
contribuant ainsi à aggraver la crise financière aiguë de
cet organisme, confronté à la baisse des ressources
attribuées par l'État en même temps qu'à une chute
des recettes tirées de la vente de ses publications, parmi lesquelles la
revue " 60 millions de consommateurs ".
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a indiqué qu'elle avait
rencontré la ministre en charge de la consommation, Mme Marylise
Lebranchu, ainsi que le directeur et le président du conseil
d'administration de l'INC et que ces contacts avaient fait apparaître
l'urgente nécessité de redéfinir au plus vite les missions
de l'établissement, qui était aujourd'hui à la fois un
centre d'essais comparatifs, un organe de presse, un soutien technique aux
associations de consommateurs et qui se trouvait confronté à une
forte montée de la concurrence pour ses activités de presse et de
centre d'essai. Une réflexion d'ensemble s'imposait, à son sens,
car les différents plans de redressement des années
passées n'avaient pas empêché la situation
financière de cet organisme de s'aggraver. Le rapporteur pour avis a
estimé qu'il était impératif de redéfinir les
missions de l'INC, par exemple au moyen de la signature d'un contrat d'objectif
avec l'Etat et de donner ensuite à cet organisme les moyens de les mener
à bien, afin de le tirer de l'impasse actuelle,
caractérisée par une une perte de 4 millions de francs en
1997 et de 7 millions prévus pour 1998.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a ensuite insisté sur
deux aspects de la politique de la consommation, révélateurs
à son sens d'une montée de la précarité : le
surendettement des ménages et l'apparition de circuits de consommation
spécifiquement réservés aux plus démunis.
Sur le premier point, elle a indiqué que les études montraient
-comme M. Louis Minetti l'avait déjà souligné
dans son rapport pour avis de l'année précédente- un
changement de nature et d'échelle du surendettement depuis la mise en
place de la loi Neiertz en 1989. Elle a précisé que la vive
croissance du nombre de dossiers déposés - 94.000 en 1996,
contre 70.000 en 1995 et 68.000 en 1994-
s'accompagnait d'une augmentation plus que proportionnelle du surendettement
dit " passif ", c'est-à-dire lié à une
incapacité durable à faire face aux dépenses de la vie
courante, à la suite d'un licenciement, d'un divorce ou d'une maladie,
par opposition au surendettement dit " actif ", lié à
des achats inconsidérés.
Le rapporteur pour avis a indiqué que cette fragilité accrue des
personnes surendettées entraînait une augmentation du nombre des
" cas désespérés ", caractérisés
par l'absence totale de capacité de remboursement. Une enquête de
la Banque de France portant sur le département du Maine-et-Loire avait
montré, a-t-elle souligné, que la proportion de dossiers
révélant une capacité nulle de remboursement était
passée de 9 % en 1992 à 24 % en 1996. Elle a
relevé que certains dossiers faisaient apparaître un endettement
principalement non bancaire, lié aux factures d'eau,
d'électricité, de téléphone ainsi qu'au loyer.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a jugé que la
réglementation n'apportait pas de réponse à ces situations
et qu'une pratique de moratoires successifs se généralisait.
Rappelant l'annonce récente par le Gouvernement d'un projet de loi
adaptant la loi Neiertz à cette nouvelle donne, le rapporteur pour avis
a évoqué la suggestion d'étendre le système de la
faillite civile, qui existe en Alsace-Moselle, au reste du pays, mais elle
s'est rangée aux propositions du groupe de travail du Sénat sur
le surendettement, présidé par M. Jean-Jacques Hyest et Paul
Loridant, dont le rapport, remis le 28 octobre dernier, écartait cette
solution et formulait de très nombreuses propositions, parmi lesquelles
l'instauration d'une procédure de secours pour les cas les plus
désespérés.
Evoquant le développement récent de circuits de distribution
exclusivement consacrés aux plus démunis,
Mme Odette Terrade,
rapporteur pour avis,
a rappelé l'implantation en novembre 1996 en
région parisienne d'une enseigne proposant l'accès à la
propriété de biens de consommation durables à des
personnes aux faibles revenus, sous forme d'une location avec option d'achat,
c'est-à-dire par le versement régulier de loyers pour un bien
(téléviseur, réfrigérateur), dont le consommateur
disposait immédiatement mais dont la propriété ne lui
était transférée qu'à l'issue d'une période
de trois ans.
Convenant que ce système était tout à fait légal,
le rapporteur pour avis s'est déclaré néanmoins
choqué par le fait que, conçu pour des populations
défavorisées, il ait pourtant un coût final égal en
moyenne à deux fois le prix de l'achat au comptant. Elle s'est
insurgée contre le fait que, de la sorte, ce soient les plus pauvres qui
paient le plus cher. Elle a rappelé que M. Jean-Jacques Robert
avait été nommé rapporteur de deux propositions de loi,
l'une dont il était le coauteur et l'autre déposée par
M. Louis Minetti et plusieurs de ses collègues, visant toutes deux
à moraliser ces pratiques.
Dressant un bref bilan de la politique française de la concurrence,
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a indiqué que :
- l'année passée, la DGCCRF a mené
1.430 enquêtes de lutte contre la contrefaçon -qui porte un
préjudice très grave aux entreprises françaises-
débouchant sur 264 procès-verbaux et permettant de retirer
300.000 produits du marché français, concernant surtout
l'habillement et la parfumerie ;
- 245 enquêtes ont été menées dans le
cadre de la lutte contre les ententes et les abus de position dominante. Le
Conseil de la Concurrence a été saisi à
36 reprises ;
- les pratiques restrictives de concurrence ont donné lieu à
plusieurs condamnations par le juge ;
- le suivi des marchés publics par la DGCCRF a conduit à la
détection d'ententes : le ministre des finances a saisi le Conseil de la
Concurrence à dix reprises pour pratiques anticoncurrentielles dans les
marchés publics ;
- plus de 240.000 enquêtes concernant la qualité des
produits ont été menées, conduisant à
17.000 avertissements et 6.900 procès verbaux ;
- 158.000 contrôles de la sécurité des produits
ont été effectués, conduisant parfois à des mises
en garde ou à des retraits du marché. Une opération
spécifique anti-arnaques à la consommation a en outre
été menée au cours de l'été.
Prenant acte du souci de préservation des moyens de la concurrence et de
la consommation, dont faisait preuve, à son sens, ce projet de budget,
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis,
a précisé
qu'elle voterait, à titre personnel, pour son adoption mais qu'elle s'en
remettait toutefois à la sagesse de ses collègues quant à
l'avis de la commission.
Félicitant le rapporteur pour la qualité de son exposé,
M. Georges Gruillot
lui a demandé d'insister en
séance publique sur la situation parfois dramatique des consommateurs
les plus défavorisés, souvent séduits par des
opérations publicitaires qui les amènent à engager de trop
lourdes dépenses. Il a considéré en outre que l'incitation
aux jeux d'argent posait un problème moral en ce qui concerne les
populations disposant des plus faibles revenus.
Au cours d'un échange de vues,
Mme Jeanine Bardou
a fait observer
que la nécessaire liberté laissée à chacun de
disposer de son revenu devait néanmoins être prise en compte
M. Louis Minetti
a jugé que le rapport pour avis sur les
crédits de la concurrence et de la consommation était, avec
Mme Odette Terrade comme rapporteur, " en de bonnes
mains ".
Corroborant le point de vue de M. Georges Gruillot,
M. Louis
Minetti
a comparé le rôle de la télévision et
des médias dans notre société à celui des lampes
auxquelles viennent se brûler les insectes. Il a jugé qu'un
problème moral se posait pour les comportements de consommation
précédemment décrits des personnes les plus
défavorisées, mais que le droit ne pouvait toutefois tout
réglementer.
M. Jean Huchon, président,
a estimé qu'en matière
de fruits et légumes, le contrôle étroit exercé par
l'administration sur la production devait être appliqué de la
même façon à la présentation de ces produits par la
grande distribution.
M. Hilaire Flandre
a considéré que les associations de
consommateurs devaient s'abstenir de diffuser de fausses informations, comme
cela avait été le cas dernièrement au sujet de la teneur
en nitrate de certaines pluies.
Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis,
la commission s'en est
ensuite remis à la sagesse du Sénat pour l'adoption des
crédits consacrés à la concurrence et à la
consommation dans le projet de loi de finances pour 1998
.
1
Voir le rapport pour accès de M.
Louis Minetti, au nom de la commission des affaires économiques, sur le
projet de loi de finances pour 1997, n° 88, Tome IX.
2
Groupe de travial commun à la commisison des lois et
à la commission des finances. Rapport de M. Jean-Jacques Hyest et
Paul Loridant : " surendettement, prévenir et
guérir ".
3
Notamment celui de l'Observatoire national de l'action sociale
décentralisée (ODAS), " Travail social et
surendettement " publié en 1996, et le rapport
précité du Sénat " Surendettement prévenir et
guérir ", novembre 1997.
4
Ibid.
5
Sondage de l'institut CSA portant sur un échantillon
représentatif de 157 clients, réalisé pour Crazy
George's en octobre 1997.
6
Directive 97155/CE du Parlement européen et du Conseil du
6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la
publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative.
7
Voir question écrite n° 1966 du 31
juillet 1997 de M. le Sénateur Bernard Plasait, réponse au
JO du 9 octobre 1997.
8
Voir la proposition de résolution n° 3460,
Assemblée nationale, 19 mars 1997.
9
5 milliards d'écus de chiffre d'affaire mondial et
250 millions d'écus de chiffre d'affaire communautaire.
10
26ème rapport sur la politique de concurrence pour
1996, Commission européenne 434 pages, 1997.
11
Le mercredi 28 mai dernier.
12
Résolution n° 47, adoptée par la
commission des affaires économiques, annexe au procès verbal du
22 octobre 1997.
13
Arrêt rendu le 23 octobre 1997.
14
" Sauver La Poste : devoir politique, impératif
économique " présenté par M. Gérard Larcher.
15
relatif à l'année 1996.