IV. L'ÉVOLUTION DU DROIT DE LA CONSOMMATION
A. LES DIRECTIVES EUROPÉENNES
Le droit européen de la consommation a depuis fort
longtemps exercé une emprise forte sur le cadre juridique national de
protection du consommateur. Aussi plusieurs directives ont-elles
déjà été intégrées au droit
français, relatives aux secteurs des cosmétiques et du textile,
portant sur la protection des intérêts des consommateurs
(crédit à la consommation, clauses abusives) ou sur leur
sécurité.
Ce mouvement s'est poursuivi au cours de l'année écoulée,
par
l'adoption définitive de trois textes qui devront être
intégrés en droit français
. D'autres projets de textes
sont par ailleurs toujours en discussion au niveau communautaire.
1. Trois directives à intégrer dans le droit national avant la fin du siècle
a) La directive sur la publicité comparative appelle une adaptation de la loi du 18 janvier 1992
Au terme de cinq années de discussion, et dans le cadre
d'une procédure de codécision du Conseil et du Parlement
européen, la directive sur la publicité comparative a
été adoptée le 16 septembre dernier
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*
)
.
Cette directive définit, pour tous les pays européens, les
conditions d'autorisation de la publicité comparative.
PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE SUR LA PUBLICITÉ COMPARATIVE
La directive vise à autoriser la publicité
comparative dans les 15 Etats membres.
Ce type de publicité est défini comme une publicité se
reportant implicitement ou explicitement à un concurrent ou à des
biens et services offerts par un concurrent.
Elle est autorisée à condition :
- de ne pas être trompeuse,
- de prendre en compte des biens et services " objectivement
comparables ",
- de n'engendrer aucune confusion sur le marché,
- de ne pas entraîner le discrédit ou le dénigrement
d'un concurrent,
- de ne pas porter sur des reproductions ou des invitations de marques ou
noms commerciaux protégés.
En outre, elle ne doit porter que sur des biens ou services répondant
aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, ainsi que sur les
caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et
représentatives.
Lors de la négociation de ce texte, la représentation
française a obtenu satisfaction sur plusieurs points. D'abord, afin de
préserver l'image de certaines productions françaises, il est
acquis que pour les produits bénéficiant d'une appellation
d'origine contrôlée, la comparaison n'est autorisée
qu'entre produits bénéficiant chacun de la même
appellation, comme c'est déjà le cas en droit national
(article L. 211-9 du code de la consommation). Ensuite, à la
demande des professionnels, la France a obtenu que les règles relatives
à la contrefaçon des marques soient reprises dans un
considérant (à défaut de pouvoir l'inclure dans le corps
même de la directive) qui spécifie qu'aucune comparaison ne peut
présenter des produits ou services comme l'imitation ou la reproduction
des produits ou services portant sur une marque ou un nom déposé.
La France a enfin obtenu que soit supprimé le considérant
prévoyant que les essais comparatifs pouvaient servir de base utilisable
pour une publicité comparative, au motif de l'insécurité
juridique découlant de l'inexistence d'une définition
européenne harmonisée de l'essai comparatif.
L'adoption de ce texte communautaire devrait entraîner dans les
années qui viennent (la transposition de la directive doit intervenir
dans les 30 mois qui suivent son entrée en vigueur) une
modification du cadre législatif français.
En effet, la loi du
18 janvier 1992 qui autorise la publicité comparative et
définit ses conditions d'exercice est plus restrictive que la directive
adoptée.
LA PUBLICITÉ COMPARATIVE EN FRANCE
(LOI DU
18 JANVIER 1992)
Art. L. 121-8 du code de la consommation
: La
publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit
la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce
ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la
raison sociale ou de la dénomination sociale, du nom commercial ou de
l'enseigne d'autrui n'est autorisée que si elle est loyale,
véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le
consommateur. Elle doit être limitée à une comparaison
objective qui ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles,
significatives, pertinentes et vérifiables de biens ou services de
même nature et disponibles sur le marché. Lorsque la comparaison
porte sur les prix, elle doit concerner des produits identiques vendus dans les
mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont
maintenus les prix mentionnés comme siens par l'annonceur. La
publicité comparative ne peut pas s'appuyer sur des opinions ou des
appréciations individuelles ou collectives.
Les dispositifs français et européens diffèrent surtout
sur trois points :
-
la comparaison de prix
: les dispositions françaises
fixent des conditions d'autorisation très strictes de la comparaison des
prix (la publicité doit concerner des produits identiques vendus dans
les mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont
maintenus les prix mentionnés). Dans la directive, le prix est
considéré comme une caractéristique comme une autre du
bien ou du service ; la comparaison des prix n'est donc pas assortie de
conditions particulières ;
- le droit français pose
l'obligation pour un annonceur
d'informer son concurrent
préalablement
à un projet de
publicité comparative, dans un délai au moins égal
à celui exigé pour l'annulation d'un ordre de publicité
(article L121-12 du code de la consommation). Cette disposition
française a été considérée par la grande
majorité des Etats membres comme une contrainte contraire à la
liberté commerciale et n'a donc pas été
intégrée à la directive européenne. Au demeurant,
elle est dépourvue de sanction dans le dispositif français ;
-
le champ d'application de la directive
est plus large que le
droit français : en droit communautaire, peuvent être
comparés des biens et services ayant le même objectif et
répondant au même besoin ce qui permet des comparaisons
très larges, et non seulement des biens de même nature comme c'est
le cas en droit français.
Sur ces trois sujets, l'adoption de la directive européenne
entraînera sans doute une modification du code de la consommation.
b) La directive sur les contrats à distance
La directive sur les contrats à distance, que la France
a largement inspirée, a été adoptée
définitivement le 20 mai 1997. Elle devra être
transposée par les Etats membres avant le 20 mai 2000.
Ce texte s'applique à
toutes les ventes à distance
, sauf
celles qui concernent les services financiers et les services touristiques avec
réservation. Elle sera donc un cadre déterminant, notamment, pour
le développement futur du commerce électronique.
Elle comporte plusieurs dispositions protectrices pour l'acheteur :
-
une obligation d'information préalable du consommateur
et
de confirmation écrite de cette information. Ainsi, le consommateur
bénéficiera d'une information détaillée concernant
: la qualité, le prix des produits et des services, l'identité du
fournisseur, la garantie et le service après vente, ainsi que les
délais et coûts de livraison ;
-
un droit de rétractation
. Un délai minimum de
7 jours est accordé au consommateur pour exercer ce droit et
être remboursé, le cas échéant, des sommes
avancées en paiement, sans aucune pénalité ;
- des droits particuliers et une interdiction :
. un
droit d'opposition
à toute sollicitation effectuée
dans le cadre d'un démarchage par automate d'appel
téléphonique ou par fax ;
. un
droit de contestation
d'un paiement effectué après
communication d'un numéro de carte bancaire. Limité à
l'utilisation frauduleuse du numéro de carte bancaire, ce droit permet
au consommateur d'obtenir la recréditation des sommes
prélevées ;
. l'interdiction de fournir, contre demande de paiement, un bien ou un service
à un consommateur
sans commande préalable
de celui-ci ;
. un droit d'accès aux tribunaux nationaux pour les
associations
de
consommateurs
, qui se double d'un droit de saisine des
juridictions administratives.
Le Gouvernement envisagerait
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)
de transposer cette directive dans le code de la consommation dès 1998.
c) La directive sur les virements transfrontaliers
Cette directive a été définitivement
adoptée le 27 janvier 1997 et devra être
transposée avant le 14 août 1999. Elle a pour objet de
permettre aux particuliers et aux PME d'effectuer des virements rapides,
fiables et peu coûteux dans la Communauté européenne.
Elle prévoit :
-
le
délai
de virement qui, en l'absence d'un
engagement contractuel de la banque du donneur d'ordre est fixé à
5 jours pour l'établissement du donneur d'ordre et un jour pour
l'établissement du bénéficiaire ;
- l'interdiction du double prélèvement ;
- le
remboursement
des virements non aboutis au donneur d'ordre,
majorés d'intérêts et des frais prélevés ;
- les conditions de transparence de l'opération (recours,
délais, coûts).
En cas de non respect de ces obligations, de délai notamment, des
intérêts seront dus par la banque.
La directive s'applique aux virements inférieurs à
50.000 écus (environ 335.000 francs), sauf pour le
remboursement direct des virements non aboutis, limité à
12.500 écus (environ 83.750 francs).
2. D'autres textes sont en préparation
La directive sur l'indication du prix et du prix à
l'unité de mesure
Cette proposition de directive a fait l'objet d'une position commune du Conseil
le 27 septembre 1996. Elle est actuellement dans le champ de la
codécision entre le Conseil et le Parlement.
Elle prévoit l'indication du prix et du prix à l'unité de
mesure (choisie comme étant le kilogramme, le litre, le mètre
carré ou le mètre cube ou un multiple, ou une autre unité
de mesure dès lors qu'elle relève d'un usage commercial national)
pour tous les produits offerts au consommateur. Cette obligation qui existe
déjà en France devrait donc être étendue à
l'ensemble des pays européens afin d'accroître la qualité
de l'information fournie au consommateur.
La possibilité d'exonérer certains petits commerces de cette
obligation est prévue par la directive, à condition que
l'exemption résulte de critères tels que le nombre de produits
offerts, la surface et la disposition des lieux de vente, la forme de la vente
(kiosque, commerce ambulant).
La directive sur l'action en cessation
Cette proposition de directive a fait l'objet d'un accord politique du Conseil
européen le 10 avril 1997 et devra être inscrite en
position commune d'un prochain Conseil. Elle a fait l'objet d'une
résolution de l'Assemblée nationale du 5 avril dernier.
Elle vise à
permettre l'action en cessation des pratiques
commerciales portant atteinte aux intérêts collectifs des
consommateurs
et illicites au regard du droit communautaire et des
dispositions nationales allant au delà de ce droit.
Elle prévoit que cette action en cessation peut être
exercée dans le cas d'infractions produisant leurs effets dans d'autres
Etats membres. Cette action aura pour effet de faire cesser l'infraction,
d'obtenir le cas échéant des mesures telles que la publication de
la décision et le paiement d'astreintes.
Ce texte pose le principe de reconnaissance mutuelle des entités
qualifiées pour exercer cette action, qui devront figurer sur une liste
établie au plan national par chaque Etat membre, communiquée
à la Commission et publiée au Journal Officiel de la
Communauté européenne.
La directive sur le crédit à la consommation (Taux annuel
effectif global)
Cette proposition de directive a fait l'objet d'une position commune du Conseil
le 10 avril 1997. La procédure de co-décision
débutera donc prochainement.
Elle vise à harmoniser les réglementations européennes
en imposant une formule de calcul uniforme du taux annuel effectif global
(TAEG), pour tous les Etats membres.
La France a demandé une harmonisation européenne de l'assiette du
taux annuel effectif global. Elle a obtenu satisfaction, puisque, lors du
Conseil " Consommation " du 10 avril 1997, à
l'appui
d'un considérant, qui engage la Commission à étudier sans
délai la nécessité d'harmoniser davantage les composantes
du coût du crédit à la consommation pour permettre au
consommateur européen de mieux comparer les TAEG proposés par les
établissements des différents Etats membres, une
déclaration de la Commission et du Conseil prévoit de
réunir un groupe d'experts le plus rapidement possible.
Une autre directive
est en préparation sur la vente et les
garanties des biens de consommation
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)
.
En outre, la commission a fixé, pour fin 1997 et 1998, un programme de
travail incluant :
- une directive instaurant un mécanisme de transparence pour les
services de la société de l'information ;
- une directive sur la vente à distance des services financiers.
Par ailleurs
, la France a proposé une directive sur les articles
de puériculture, déjà réglementés
sévèrement dans notre pays afin que la circulation de ces
produits dans l'Union européenne permette d'atteindre partout un tel
niveau de sécurité.
B. LES DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS DU DROIT FRANÇAIS DE LA CONSOMMATION
La préoccupation que le rapport pour avis de votre
commission exprimait l'année dernière de voir mieux garantir la
qualité et la sécurité des produits alimentaires
est en partie apaisée par l'adoption en cours des dispositions,
enrichies par les propositions de notre collègue M. Gérard
César, de la
proposition de loi relative au renforcement de la veille
sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des
produits destinés à l'homme
, présentée par nos
collègues MM. Charles Descours et Claude Huriet, adoptée au
Sénat en première lecture le 25 septembre dernier.
Enfin, votre commission se félicite de la parution -tardive, il est
vrai, quatre ans après la codification de la partie législative-
de la
partie réglementaire du code de la consommation
, au Journal
Officiel du 3 avril 1997, qui entraînera une plus grande
facilité d'accès à ce droit, non seulement pour les
spécialistes, mais aussi pour l'ensemble de nos concitoyens, qui seront
ainsi mieux à même de faire valoir leurs droits.
S'il est en effet un droit qui se doit d'être accessible, c'est bien
celui de la consommation, conçu pour protéger, guider et
éclairer les consommateurs dans leurs actes économiques les plus
courants.