C. TROISIÈME PRIORITÉ : POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ET CONNAISSANCES SUR LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
Lors de la prochaine conférence de Kyoto qui se
réunira du 1er au 12 décembre prochains, sera signé
un
nouveau protocole de réduction des émissions de dioxyde de
carbone
(CO
2
).
Celui-ci s'inscrit dans la réflexion plus vaste, conduite depuis
près d'un quart de siècle par les Nations Unies, sur le concept
de " développement durable " qui fut popularisé
à la suite du rapport de la commission mondiale pour l'environnement et
le développement, plus connu sous le nom de " rapport
Bruntland ".
On notera que dès 1984, un colloque international sur le dioxyde de
carbone atmosphérique et sur les changements de climat réunissait
des opérateurs énergétiques et scientifiques à
Sophia-Antipolis.
En ce domaine, la négociation internationale a connu trois
étapes :
- la première a été celle de la conférence de Rio
au cours de laquelle a été signée la convention-cadre par
laquelle les pays développés s'étaient engagés,
d'une part, à ramener, en l'an 2000, leurs émissions de gaz
à effet de serre au niveau atteint en 1990 et, d'autre part, à
aider les pays en développement à prendre part aux efforts de
lutte contre les changements climatiques. Les pays partie à cette
convention sont essentiellement les pays de l'OCDE ;
- une conférence de suivi s'est réunie à Berlin en avril
1995, au cours de laquelle il a été reconnu que les mesures
envisagées à Rio étaient inadaptées pour stabiliser
les concentrations de gaz à effet de serre sur le long terme. Un groupe
de travail a donc été chargé de préparer un nouveau
protocole de réduction d'émissions, au-delà de
l'an 2000, pour les pays qui avaient signé la convention-cadre de
Rio ;
- le protocole devrait être signé, lors de la Conférence de
Kyoto, prévue pour la fin de l'année 1997. Il devrait indiquer
les objectifs quantifiés et préciser les échéances
envisagées ainsi que les politiques et mesures à mettre en oeuvre
pour les atteindre.
·
Un enjeu économique considérable
Il semble aujourd'hui n'exister aucune position commune aux Etats parties
à la négociation. Plusieurs doctrines se dégagent :
- Les pays en développement comme les pays producteurs de combustibles
fossiles refusent de souscrire à des engagements qui se traduiraient par
des contraintes susceptibles d'entraver leur croissance.
- Les Etats-Unis, le Canada et l'Australie ont une position originale
parmi les pays développés. Ils se prononcent en faveur d'une
stabilisation des émissions de gaz carbonique à leur niveau de
1990 entre 2008 et 2012 et sont favorables au principe d'engagements
volontaires de la part des secteurs ou des entreprises. Ils privilégient
deux démarches : la mise en oeuvre de crédits
d'émission ou celle d'un marché de droits d'émissions avec
possibilité de mise en réserve et d'emprunts.
- La position de l'Union européenne revêt une importance
déterminante pour la France. En effet, lors de la Conférence de
Rio, l'Union européenne a été considérée
comme participant à part entière, assimilé à un
Etat souverain. Sa position prévaudra donc sur les revendications
françaises. Le Conseil a adopté une position reposant sur un
engagement des parties à réduire de 15 % leurs
émissions de gaz à effet de serre d'ici l'an 2010
par
rapport à l'année de référence 1990. Or,
le
choix de 1990 comme année de référence s'avère
très défavorable pour la France
. En effet, à la
différence de certains autres Etats membres, la France, avait, à
cette date, déjà effectué un effort considérable de
réductions de ses émissions de gaz à effet de serre.
La France est un des Etats où le taux d'émission de dioxyde de
carbone par habitant est le plus bas. Une rapide comparaison avec l'Allemagne
est de ce point de vue frappante : un ressortissant allemand émet,
en moyenne annuelle 10,8 tonnes de dioxyde de carbone ; un
français en émet, pour sa part, 6,1 tonnes. La comparaison
avec les Etats-Unis est encore plus intéressante puisqu'un ressortissant
américain émet près de 20 tonnes de dioxyde de
carbone par an.
Cette situation originale de la France résulte du recours massif
à des sources énergétiques peu polluantes qui s'est
traduit par une diminution sensible du taux national des émissions de
gaz à effet de serre tout au long des années 1980
(- 26,5 %), limitant d'autant les marges de manoeuvre pour parvenir
à de nouvelles réductions. Entre 1990 et 1994, la France a
réduit ses émissions de 4,4 %.
La position de la commission qui consiste à créer un engagement
uniforme pour l'ensemble des Etats membres quel que soit leur niveau
d'émission s'avère peu équitable pour la France qui
grâce à son programme nucléaire a déjà
accompli des efforts considérables.
Les réductions des émissions devraient donc en priorité
porter sur les pays dont le taux d'émission est supérieur
à celui de la France.
·
Un effort nécessaire de recherche
La négociation sur l'effet de serre engage donc l'avenir
économique de la France. Elle a une
influence déterminante sur
les politiques industrielles et énergétiques que devra conduire
le Gouvernement
.
Il paraît évident que la priorité absolue est la diminution
de l'emploi des combustibles fossiles. En pratique, cela veut dire
économies d'énergie, énergies renouvelables
(dont
la biomasse)
et énergie nucléaire
.
A ce titre, elle doit reposer sur des
fondements scientifiques
incontestables.
En ce qui concerne l'énergie nucléaire, son acceptation
généralisée suppose un progrès dans la gestion des
déchets radioactifs. A cet égard, la décision prise
concernant Superphénix parait fort peu écologique car
Phénix est vieillissante et ne peut apporter de solution en tant que
centre de recherche et d'expérimentation, pour assurer à terme la
destruction des transuranides.
Les conclusions du rapport Curien restent valables ; même si le
" surrégénérateur " n'a pas été
conçu pour être un appareil industriel consommateur de
transuranides, il permettait d'étudier les caractéristiques
scientifiques dans des situations à haut flux.
Par ailleurs, des études sur les changements de climats dus aux effets
de serre, basées sur des statistiques géologiques qui
démontreraient sans doute que le climat tempéré de vastes
surfaces de la planète constitue une anomalie du quaternaire
récent, permettrait sans doute de mieux cerner l'amplitude des effets
économiques induits par l'effet de serre.
Un renforcement des recherches en matière d'usage de la biomasse et en
matière d'énergie est également nécessaire.
Il serait également souhaitable d'examiner les conditions
d'amélioration de tout ce qui, dans l'habitat,
l'électroménager, les transports, consomme de l'énergie.
Car d'ici peu chacun comprendra que le développement durable est une
priorité incontournable.