AVIS n° 86 Tome VIII - PROJET DE LOI DE FINANCES 1998 - Recherche scientifique et technique
M. Pierre LAFFITTE, Sénateur
Commission des Affaires culturelles - Avis n° 86 Tome VIII - 1997/1998
Table des matières
- I. PRÉSENTATION DU BUDGET DE LA RECHERCHE POUR 1998
- II. DES PROPOSITIONS POUR MIEUX ORIENTER LA POLITIQUE DE LA RECHERCHE
-
III. UN IMPÉRATIF ESSENTIEL : AMÉLIORER ENCORE LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE
VERS LES ENTREPRISES INNOVANTES
- A. UN IMPÉRATIF : COORDONNER LES INITIATIVES EN MATIÈRE DE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE
- B. CRÉER LES CONDITIONS NÉCESSAIRES AU FINANCEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES
- C. ORIENTER LES FINANCEMENTS EUROPÉENS VERS LES PME-PMI
-
IV. LA DIFFUSION DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
- A. LE RAPPROCHEMENT DE LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE ET DE LA SOCIÉTÉ, CONDITION ESSENTIELLE POUR UNE VALORISATION EFFICACE DE LA RECHERCHE
-
B. L'ÉGAL ACCÈS DE TOUS À LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
- 1. La concentration des moyens en région parisienne
- 2. La nécessité d'ancrer la culture scientifique et technique dans les régions
- 3. Les possibilités offertes par les nouvelles technologies
- 4. Promouvoir la culture scientifique et technologique et la compréhension des avancées que le progrès peut apporter
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 86
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VIII
RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Par M. Pierre LAFFITTE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Adrien
Gouteyron,
président
; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James
Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar,
vice-présidents
; André Egu, Alain Dufaut, André
Maman, Mme Danièle Pourtaud,
secrétaires
;
MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard,
Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean
Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller,
Gérard Fayolle, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun,
Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton,
Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein,
Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin
,
Philippe
Nachbar, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy
Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert,
Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé,
Jacques Valade, Marcel Vidal.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
16
)
(1997-1998).
Lois de finances
.
Mesdames, Messieurs,
Le budget civil de recherche et de développement (BCRD) pour 1998
s'élève à 53,054 milliards de francs en
dépenses ordinaires et crédits de paiement, en progression de
1,4 % par rapport à la loi de finances pour 1997. Cette
progression, à structure constante, doit être ramenée
à 1,13 %.
Cette année encore, laissant à la commission des finances le soin
d'analyser en détail la répartition des crédits inscrits
au projet de loi de finances, votre rapporteur s'attachera surtout à
apprécier l'opportunité des choix que traduit le projet de budget
pour 1998.
La politique publique de recherche et de développement doit constituer
un élément déterminant de la croissance économique
de notre pays. C'est d'une certaine façon un élément de ce
qu'il est convenu d'appeler l'action régalienne de l'Etat. La situation
budgétaire impose qu'elle fasse, au regard de cet impératif,
l'objet d'une lecture critique exigeante, à partir d'un certain nombre
de constats :
·
Premier constat
: la recherche publique reste
insuffisamment orientée vers la préparation de l'entrée de
la France dans la société de l'information. En ce domaine, il
s'agit d'intensifier les recherches :
- en amont de la recherche en micro-électronique industrielle ;
- en informatique et télécommunications , y compris
spatiales ;
- et en sciences humaines et sociales liées à l'utilisation des
nouvelles technologies de l'information et de la communication.
La société de l'information constitue une nouvelle
révolution économique dont les effets sur l'emploi, les
structures sociales, la culture et l'identité nationale seront plus
importants que ceux de la révolution industrielle.
Elle s'accompagne d'une compétition internationale qui s'appuie sur un
processus constant et accéléré d'innovation technologique.
Un effort comparable à celui engagé par la France en faveur de
l'énergie nucléaire à partir des années 50
s'impose.
Or, dans ce domaine, le grand centre de compétence qu'était le
centre national d'études en télécommunications, dont
l'activité venait s'ajouter au financement par France
Télécom de recherches externes d'un montant de l'ordre de
4 milliards de francs par an, disparaît pour une grande part.
Votre rapporteur constate qu'à l'heure actuelle il n'est pas
institué de structure spécifique permanente, telle qu'une agence.
Le risque est grand de voir ce pôle majeur et prioritaire de recherche
créative et dynamique s'étioler au lieu de recevoir une impulsion
forte. Il demande fermement au ministre responsable de prendre en compte cette
nécessité dans le cadre des actions en cours.
·
Deuxième constat
: il ne peut y avoir croissance
économique sans développement durable. La conférence de
Kyoto devrait conduire à la signature d'une nouvelle convention de
réduction des émissions de gaz à effet de serre. La France
jouit en ce domaine d'une avance considérable qu'il importe de valoriser
notamment grâce à l'utilisation massive de l'énergie
nucléaire. Certes, les problèmes de stockage des déchets
à durée de vie longue sont complexes. La décision brutale
d'arrêter le programme avalisé par la commission Curien pour
Superphénix inquiète à cet égard, surtout quand on
connaît l'âge du réacteur Phénix et l'absence de
programmes ultérieurs. Dans cette perspective, il nous faut
acquérir de nouvelles technologies, disposer de fondements scientifiques
incontestables et de travaux pluridisciplinaires qui, pour l'heure, demeurent
insuffisamment développés.
·
Troisième constat
: l'année 1998 est une
année décisive pour la recherche. C'est, en effet, l'année
prochaine qu'aboutiront les négociations sur le cinquième
"
programme - cadre de la Communauté européenne pour des
actions de recherche, de développement technologique et de
démonstration
" qui concernera les années 1998-2002. La
France, qui apporte une contribution financière décisive à
la politique européenne de recherche (17,8 %), doit à
l'occasion de ces négociations affirmer la nécessité de
favoriser le transfert de l'innovation technologique vers les entreprises
innovantes.
Les procédures lourdes et bureaucratiques consécutives aux
systématiques appels d'offres sur les thèmes définis par
la commission de Bruxelles, qui s'opposent à la souplesse des
procédures Eurêka, constituent à cet égard un sujet
de préoccupation grave.
En effet, à l'heure actuelle, seules les PME qui ont su trouver
auprès de Bruxelles des formules de
lobbying
appropriées
peuvent espérer bénéficier d'un retour sur les
dépenses que représente pour elles la présentation d'un
dossier de réponse à l'appel d'offres.
·
Quatrième constat
: dans le projet de loi de
finances pour 1998, figurent des mesures qui peuvent accroître de
manière déterminante le potentiel scientifique français
dans le secteur privé. C'est le cas, en particulier, de la mise en place
des " stock-options " pour les créations d'entreprises.
·
Cinquième constat
: on ne peut en revanche
considérer comme positive, l'augmentation des effectifs permanents des
organismes de recherche publique dont la faible mobilité vers
l'industrie est unanimement reconnue. Ceci peut constituer un handicap pour la
souplesse et l'adaptabilité de ces organismes et pour l'adaptation de
notre appareil industriel. Elle se traduira, en outre, par une
dégradation des conditions de travail des chercheurs : en effet,
les dépenses d'investissement et de fonctionnement par chercheur dans
les établissements publics à caractère scientifique et
technologique diminuent.
Le rapporteur souhaite qu'un nombre important des postes créés
serve de support à des postes d'accueil temporaires à contrats
à durée déterminée pour des chercheurs
étrangers ou des personnalités issues du secteur industriel d'une
part et de personnels issus du CNET d'autre part.
ETABLISSEMENTS PUBLICS À VOCATION SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE
MONTANT DES CRÉDITS DE PAIEMENT PAR CHERCHEUR
Montant des crédits de
paiement
|
|
Montant des crédits de
paiement par chercheur
|
|
1996 |
4 188,5 |
16 726 |
250 418 |
1997 |
4 020,92 |
16 703 |
240 700 |
1998 |
4 072,03 |
17 080 |
238 400 |
Ces chiffres font apparaître en 1998 une
diminution
du montant des crédits de paiement par chercheur
de
0,95 % par rapport à 1997 et de 4,79 % par rapport à
1996
.
Enfin, la politique de recherche doit servir les principes de la
démocratie. La diffusion de la culture scientifique et technique
constitue un enjeu considérable pour un Etat moderne. Votre rapporteur
souhaite qu'en ce domaine soient engagées des actions plus ambitieuses
que celles menées jusqu'à aujourd'hui. En effet, un égal
accès de tous à la connaissance des progrès de la science
permettra d'éviter que s'accroissent les phénomènes
d'exclusion. Par ailleurs, une adhésion plus large des citoyens à
la politique scientifique permettra d'accroître sa
légitimité.
La Constitution ne permet pas au législateur de modifier les
priorités ministérielles que traduit le projet de loi de
finances. Si cela avait été possible, votre rapporteur aurait
suggéré de remplacer une part notable des créations de
postes dans les établissements publics de recherche qui
démontrent une mobilité du personnel faible par des postes
d'accueil d'universitaires, de chercheurs étrangers et d'industriels qui
ne porteraient que sur des contrats à durée
déterminée. Il aurait doté une " Agence de recherche
en télécommunications " de crédits d'investissements
à la mesure des moyens nécessaires et en particulier de ce qui
est imposé par la loi aux opérateurs de France
Télécom et augmenté les subventions d'investissements des
grands établissements de recherche pour leur permettre d'attirer des
savants de haut niveau des pays étrangers et développer chez nous
de nouvelles compétences.
Il doit malheureusement se contenter d'analyser le projet de budget tel qu'il
nous est présenté.
I. PRÉSENTATION DU BUDGET DE LA RECHERCHE POUR 1998
A. UN EFFORT QUI DEMEURE MODESTE
Le budget civil de recherche et de développement
(BCRD) s'élève, pour 1998, à 53.054 millions de
francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une
progression de
1,4 %
par rapport à la loi de finances
initiale pour 1997, et à 22.262 millions de francs en autorisations
de programme, soit une progression de 1,9 %. Néanmoins, il faut
souligner qu'
à structure constante
, l'augmentation effective du
BCRD n'est que de 594 millions de francs, soit
une croissance de
1,13 %.
Il est, à noter que l'année 1997 servant de base aux comparaisons
avait été marquée par le recul de 1,37 % du BCRD, en
dépit de reports de crédits de l'année 1996
(2.000 millions de francs) et de ressources exceptionnelles.
La recherche et le développement technologique constituant
désormais des éléments déterminants de la
croissance économique des pays, il est essentiel d'examiner quelles sont
les priorités effectivement prévues dans le projet de budget et
leur adéquation à la situation de la recherche publique et
privée en France.
BUDGET CIVIL DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT
(dépenses ordinaires et crédits de paiement en millions de
francs)
Année (Loi de finances initiale)
B. DES PRIORITÉS QUI SE TRADUISENT DE MANIÈRE CONTRASTÉE DANS LES CHIFFRES
1. L'augmentation des effectifs des personnels de recherche
a) Les créations d'emplois dans le secteur public
Le BCRD prévoit la création de 600 emplois dans
les établissements publics à caractère scientifique et
technologique (EPST). Sont prévues d'une part, 400 créations
d'emplois de chercheurs dont 121 dès la rentrée 1997 et, d'autre
part, 200 emplois d'ITA (ingénieurs, techniciens et administratifs). S'y
ajoutent les créations d'emplois dans l'enseignement supérieur
examinées par ailleurs. En effet, il convient de rappeler que
1.800 créations de postes d'enseignants-chercheurs sont
également inscrites au budget de l'enseignement supérieur.
Ces créations d'emplois ne bénéficient pas
également à tous les établissements publics scientifiques
et technologiques. Les deux principaux bénéficiaires sont le CNRS
et l'INSERM qui se voient attribuer, respectivement, 297 et 50 emplois de
chercheurs et 128 et 40 emplois d'ITA.
RÉPARTITION DES CRÉATIONS D'EMPLOIS DANS LES
ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE EN 1998
EPST |
Créations d'emplois de chercheurs en 1998 |
Effectifs totaux 1998 |
Augmentation 1998/1997 (%) |
INRA | 14 | 1 784 | 0,8 |
CEMAGREF | 2 | 75 | 2,7 |
INRETS | 2 | 152 | 1,3 |
INRIA | 14 | 341 | 4,28 |
CNRS | 297 | 11 683 | 2,6 |
INSERM | 50 | 2 165 | 2,36 |
ORSTOM | - | 823 | - |
INED | - | 57 | - |
Cette politique de création d'emplois appelle, de la
part de votre rapporteur, trois remarques :
- cet effort est censé contribuer au développement de la
mobilité entre EPST et universités, d'une part, et recherche
publique et entreprises, d'autre part.
Encourager la mobilité correspond, en effet, à une
nécessité. En ce qui concerne l'ensemble des EPST, le taux de
mobilité des chercheurs demeure très insuffisant : il
s'établit, en effet, en moyenne à 1,4 % si l'on exclut les
retours dans l'enseignement supérieur des enseignants-chercheurs.
Une telle situation présente deux inconvénients. D'une part, les
entreprises ne bénéficient que très peu du haut niveau de
qualification des équipes de la recherche publique. D'autre part, le
renouvellement des personnels des laboratoires n'est pas favorisé et sa
moyenne d'âge augmente.
Mais la solution consistant à créer des emplois nouveaux et
à les affecter en priorité aux organismes ou la mobilité
est très faible n'est pas satisfaisante, surtout en période de
quasi-stabilité budgétaire.
Or, on constate que les EPST qui bénéficient le plus des
créations d'emplois ne sont pas ceux qui se distinguent par des taux de
mobilité satisfaisants
. C'est le cas en particulier du CNRS. Sur les
dix dernières années, 700 chercheurs ont quitté le CNRS
vers l'industrie, dont 7 seulement en 1997, ce qui constitue
indéniablement un échec de la politique conduite par l'Etat en
faveur de la mobilité des chercheurs.
- l'accroissement des effectifs des EPST se traduit mécaniquement par un
alourdissement des dépenses de fonctionnement incompressibles
.
Dans un contexte marqué par la rigueur financière , ceci se
traduit par une réduction de leur souplesse de gestion. Rappelons qu'en
1997, les dépenses de personnel représentaient 73 % des
ressources des EPST, cette proportion étant plus élevée
pour le CNRS.
- Enfin, il convient de souligner que, pour l'année 1998,
la
croissance des effectifs ne s'accompagne pas d'une augmentation suffisante des
crédits d'investissement des EPST
.
Le montant des crédits de paiement rapporté au nombre de
chercheurs par EPST diminue en francs courants de près de 1 % entre
1997 et 1998 et de près de 5 % entre 1996 et 1998, alors que la
sophistication croissante des moyens de recherche demanderait une augmentation
en francs constants des investissements et frais de fonctionnement hors
salaires qui avait été évaluée à environ
3 % par an. Votre rapporteur s'interroge sur le bien-fondé d'une
politique visant à augmenter le nombre de chercheurs sans leur donner
les moyens nécessaires pour mener à bien leurs travaux. Il
suggère fortement que ces postes soient réservés pour
l'essentiel à des
postes d'accueil
, notamment pour des
scientifiques étrangers ou venant de l'industrie, et que d'autre part
certains servent à l'accueil de spécialistes issus du CNET afin
de créer des équipes de recherche dans le secteur hautement
prioritaire des techniques de l'information et de la técommunication.
b) Des mesures destinées à augmenter le nombre de docteurs
Le nombre des allocations de recherche est augmenté
afin de permettre le recrutement de 3.700 allocataires à la
rentrée 1997-1998 et de 3.800 allocataires à la
rentrée 1998-1999.
Il s'agit là de la poursuite de l'effort engagé en 1996,
année où le nombre d'allocataires de recherche avait
été porté à 3.400, soit une augmentation de
près de 10 % par rapport à l'année
précédente.
Les mesures destinées à augmenter le nombre de docteurs sont
légitimes. En effet, l'impératif de compétitivité
exige que les entreprises puissent bénéficier de
compétences scientifiques de haut niveau. Votre rapporteur se
félicite de cette initiative.
c) Des dispositions favorisant le recrutement des chercheurs par les entreprises
100 nouvelles bourses de conventions industrielles de
formation par la recherche (CIFRE) sont offertes, ce qui porte leur nombre
à 800 en 1998. Ceci tient compte des excellents résultats de
cette procédure à la fois en termes de formation doctorale et en
termes d'embauches effectives en entreprises.
Par ailleurs, une incitation au développement des stages en entreprises
pour la préparation du diplôme de recherche technologique (DRT)
est mise en place, avec le financement de 100 diplômes en 1998.
Enfin, une provision de 50 millions de francs est prévue afin de
financer un dispositif d'accueil des post-doctorants en entreprises et dans les
établissements publics à caractère scientifique et
technologique. Les modalités pratiques de mise en oeuvre de ce
dispositif sont en cours d'élaboration.
Ces mesures répondent à une nécessité. Elles ont
vocation à remédier à l'insuffisance des recrutements de
docteurs par les entreprises, situation propre à la France et dont les
inconvénients sont doubles : d'une part, elle ne permet pas aux
entreprises de bénéficier des connaissances acquises par le
personnel scientifique ; d'autre part, elle constitue une des causes de la
mauvaise insertion professionnelle des post-doctorants. Nous verrons par
ailleurs que le projet de budget comporte des incitations à la
création d'entreprises par les chercheurs, ce qui indiscutablement est
une nécessité mais qui implique des actions d'accompagnement
vigoureuses dans le secteur du financement des entreprises à croissance
rapide, dans la ligne de ce qui avait été très
heureusement lancé en 1997 (création des fonds commun de
placement dans l'innovation appuyée fortement par le Sénat,
notamment par le rapporteur spécial du budget de la recherche, M.
René Trégouët, et par votre rapporteur). De même, les
interventions de la société de bourse le Nouveau marché
ont permis de développer, dans un nombre encore trop limité de
sociétés, l'emploi de chercheurs.
L'étude des débouchés réalisée pour
l'année 1996 par l'observatoire des flux et des débouchés
de la Direction générale de la recherche et de la technologie
montre que seul un docteur sur deux occupe un emploi stable un an après
sa soutenance de thèse, l'insertion professionnelle définitive
n'intervenant, le plus souvent dans la fonction publique, qu'après un
délai dont la durée tend désormais à
dépasser les deux années suivant l'accession au doctorat.
2. Le soutien au développement technologique réaffirmé
Malgré l'affirmation de cette priorité, celle-ci
ne trouve pas dans le budget 1998 une traduction significative. Certes, le
budget civil de recherche et de développement marque une rupture par
rapport à la dégradation enregistrée au cours des
années antérieures mais il ne constitue qu'une première
étape vers une réelle impulsion donnée au
développement technologique.
Les crédits de soutien au développement technologique (hors
aéronautique) stagnent. Si on prend en compte les crédits
traditionnellement compris sous le vocable " aide à la recherche
industrielle ", les crédits de paiement correspondants passent de
3.415 millions de francs à 3.420 millions de francs, soit une
augmentation de 0,15 % et les autorisations de programme de
3.357 millions de francs à 3.384 millions de francs soit une
croissance de 0,8 %.
Votre rapporteur se félicite néanmoins que soit poursuivi le plan
de redressement du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT)
engagé à partir de 1994. Ce plan était en effet
indispensable pour rétablir un équilibre satisfaisant des
autorisations de programme et des crédits de paiement. A structure
constante, la dotation du FRT s'élève donc à
412 millions de francs en autorisations de programme (+ 1,2 %)
et à 726 millions de francs en crédits de paiement
(+ 23 %). Ce nouvel excédent devrait permettre, s'il est
reconduit en 1999, de restaurer les capacités d'incitation du fonds.
Votre rapporteur avait dès 1996 insisté pour qu'un changement
d'échelle dans le volume des crédits au FRT intervienne. Le
projet de budget pour 1998, s'il n'accomplit pas un progrès significatif
en ce sens, traduit un souci louable de recentrer l'action du FRT sur les
petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries. En
effet, jusqu'ici, les moyens du FRT étaient pour l'essentiel
répartis entre les grands programmes fédérateurs qui
bénéficiaient essentiellement aux grandes entreprises.
Le ministre a, par ailleurs, annoncé que serait mis en place, entre les
services des ministères chargés de la recherche et de
l'industrie, un comité de gestion conjoint afin d'articuler la
programmation des grands instruments publics de soutien au développement
technologique.
3. Une volonté dite de " rationalisation du dispositif de recherche "
Au-delà de la priorité accordée à
l'emploi scientifique et de l'effort accompli en faveur des moyens de base de
la recherche, deux mesures sont destinées à " rationaliser
le dispositif français de recherche ".
- En premier lieu, le projet de budget prévoit que 42 emplois sur
les 600 emplois créés ne sont pas affectés à
des organismes lors de l'adoption du projet de loi de finances pour 1998. Ce
" volant " d'emplois sera destiné à soutenir les
efforts de regroupement thématique et d'allégement des
procédures. Il accompagnera la politique de redéfinition des
missions des organismes de recherche. Votre rapporteur, s'il est favorable
à la souplesse d'intervention que ceci introduit, en permettant en
particulier d'apporter un soutien à tel ou tel centre d'excellence,
espère qu'il ne s'agit pas d'une opération liée par
exemple à une volonté de diminuer de façon artificielle le
nombre d'organismes de recherche au profit d'une structure unique impossible
à gérer ou à piloter de façon souple.
- En second lieu, cette volonté se traduit par une mesure
d'économie d'un montant de 300 millions de francs sur les
" très grands équipements ". Il faut souligner ici que
ces derniers -souvent d'un intérêt scientifique
considérable- sont d'une grande diversité. Il s'insèrent
dans une politique de coopération internationale et de
contractualisation avec les collectivités locales. Leurs
retombées pour l'industrie, et notamment les petites et moyennes
industries innovantes sont importantes. En conséquence, votre rapporteur
déplore que ces décisions aient été prises un peu
rapidement et avec fort peu de concertation. Les orientations à long
terme, prises antérieurement ne doivent certes pas toujours rester
intangibles et votre rapporteur a souvent insisté sur les excès
néfastes de certains projets très lourds. Mais il faut rester
prudent lorsqu'on y touche.
II. DES PROPOSITIONS POUR MIEUX ORIENTER LA POLITIQUE DE LA RECHERCHE
Votre rapporteur considère que les orientations données au BCRD par le projet de loi de finances pour 1998 ne permettent pas de répondre de manière claire aux priorités essentielles qui s'imposent aujourd'hui à la recherche.
A. PREMIÈRE PRIORITÉ : L'ENTRÉE DE LA FRANCE COMME LEADER DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
L'année dernière, votre rapporteur soulignait
que "
tant qu'il n'y aura pas des programmes d'une ampleur
comparable
au programme nucléaire et au programme spatial, programme
intégrant la sensibilisation des usagers et le financement massif des
expérimentations, la France ne pourra prendre le leadership auquel la
pratique du Minitel lui permet de prétendre
". Le
succès de l'entrée de la France
dans la
société de l'information constitue la clé de la
croissance économique des années à venir
. Rappelons,
en effet, que le marché mondial des technologies de l'information et de
la communication croît de 10 % par an.
L'exemple américain est, en ce domaine, particulièrement
éclairant. Les États-Unis connaissent en effet une période
de croissance soutenue qui semble être durable et dont tous les analystes
situent la principale origine dans l'essor des technologies de l'information et
de la communication, qui sont à l'origine du tiers des nouveaux emplois
créés de façon directe et sans doute d'une part notable
des autres emplois. Les entreprises, de taille variable, qui se
développent dans ce secteur, ont un point commun : elles
entretiennent des liens étroits avec les laboratoires publics de
recherche. L'effet multiplicateur de la dépense publique
consacrée aux technologies de l'information et de la communication a
été très bien compris par le gouvernement
fédéral : la recherche publique bénéficie dans
ce domaine d'une augmentation de ses crédits de l'ordre de 10 %
dans le projet de budget fédéral pour 1998.
Malgré des progrès importants notamment en matière d'usage
de la télématique dans les écoles, lycées et
collèges, les moyens mis en oeuvre pour préparer la France
à entrer dans la société de l'information restent
aujourd'hui disséminés et insuffisants.
·
La recherche en électronique
La recherche en micro-électrique présente un caractère
stratégique évident. Elle reste déterminée
essentiellement par les besoins des industries du secteur, ce qui explique que
la recherche industrielle occupe en ce domaine une place prédominante.
Le secteur industriel national est dominé par les groupes SGS/Thomson,
Alcatel, SAGEM et Matra... Philips et Siemens au niveau européen, NEC,
Hitachi et autres japonais, Intel, Motorola et autres américains au
niveau international sont des concurrents puissants.
Un effort important a été engagé afin de combler
l'écart avec les principaux compétiteurs que sont les
États-Unis et le Japon.
Le financement de la recherche dans ce secteur est à la fois national et
européen.
Les crédits nationaux sont principalement inscrits au budget du
ministère de l'industrie et, pour l'essentiel, consacrés à
des contrats pluriannuels de recherche et développement. Ces contrats
sont suivis par des comités interministériels
1(
*
)
.
Le financement total est de l'ordre de 1,3 milliard de francs en 1997. Les
études (en forte diminution) passées par le ministère de
la défense ne sont pas incluses dans ce chiffre.
Les crédits européens proviennent surtout des programmes
Eurêka, en particulier dans le cadre du programme MEDEA. A ce titre, il
importe de noter que Eurêka a compris l'enjeu que représentent les
nouvelles technologies de l'information. En effet, avec 10 projets, soit
plus du quart des nouveaux projets à participation française
annoncés à la conférence ministérielle de Londres
du 19 juin 1997, elles arrivent largement en tête des secteurs
soutenus. Si on ajoute les trois projets relevant de la communication, qui font
appel à des technologies de même nature, ce domaine est le plus
dynamique tant en nombre de projets qu'en montant investi en recherche et
développement.
La recherche publique passe pour une grande partie par le Commissariat à
l'énergie atomique (CEA) et France Télécom (CNET).
Pour
1998, la situation n'est pas claire. Le budget de la recherche -qui est aussi
celui de la technologie- est assez peu explicite
. Le CNET, qui
dépensait 2,7 milliards en recherche, ne poursuivra pas son soutien
à l'industrie des composants et des équipements, et se
concentrera sur les logiciels et les services. Quant au CEA, ses moyens lui
permettront-ils de suivre ?
Le CNRS dispose d'équipes de qualité. Ainsi, le centre
d'hétéro-épitaxie (CREAH) de Sophia-Antipolis
développe des recherches innovantes dans les semi-conducteurs à
large bande dont les applications pourront être spectaculaires à
condition qu'une industrialisation suive.
·
La recherche en informatique
Parmi les organismes qui concourent à la recherche dans ce secteur, il
importe de souligner le rôle déterminant joué par
l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA).
Les moyens de fonctionnement de cet organisme s'établissent pour 1998
à 321,57 millions de francs, en progression de 4,41 %. Les
subventions d'investissement s'élèvent en crédits de
paiement à 158,69 millions de francs, soit + 0,54 % et en
autorisations de programme à 163,46 millions de francs, soit
+ 5,5 %. Au sein des subventions d'équipement,
80,36 millions de francs sont prévus au titre des soutiens de
programme.
La qualité des activités de recherche de l'INRIA
est
internationalement reconnue. Ainsi l'INRIA - Sophia-Antipolis - a
été choisie par l'Internet Society pour constituer le pôle
du vieux continent en matière de prospective et de gestion de l'avenir
d'Internet. Pour les Amériques, le pendant est le Massachussets
Institute of Technology (MIT).
Au-delà de ses activités de recherche,
l'INRIA joue un
rôle déterminant dans l'aide au transfert de technologie, en
particulier vers les petites et moyennes entreprises du secteur des
technologies de l'information
et de la communication
. Dans ce
secteur, qui connaît une croissance remarquable, la création
d'entreprises apparaît comme le meilleur moyen d'expérimenter les
technologies et de faire naître de nouveaux marchés. Aux
États-Unis, à côté des grands industriels, les
"
start up
", petites entreprises à croissance
souvent
très rapide, développent une dynamique extraordinaire, notamment
dans les zones où se forment des communautés réactives,
les
" smart communities ".
En France comme en
Europe, quelques
grands partenaires -parfois leaders mondiaux- dominent le marché. Les
difficultés qu'ont les petites et moyennes entreprises à
croître aussi vite sont préoccupantes. L'INRIA a mené une
politique réussie d'essaimage, en soutenant et en accompagnant la
création de 25 sociétés de technologie (dont 20 sont
toujours en activité) qui représentent plus de 850 emplois et un
chiffre d'affaires de 600 millions de francs.
Cette démarche apparaît à votre rapporteur
particulièrement adaptée car elle allie activité de
recherche et essaimage, qui apparaissent comme les deux conditions
nécessaires au succès d'une action incitative de l'Etat en ce
domaine.
Il serait souhaitable que tous les organismes de recherche, et en particulier
le CNRS, suivent cette démarche. Une filiale du CNRS d'appui à la
création d'entreprise serait la bienvenue dès 1998.
C'est sans doute le seul moyen efficace -et tout compte fait peu
onéreux- de développer l'emploi scientifique et la
création de richesses.
·
La recherche en télécommunications et leurs
applications
Dans ses précédents rapports et dans ses relations avec les
ministres successifs chargés des télécommunications et de
l'espace, votre rapporteur s'était inquiété de l'avenir du
Centre national d'études en télécommunications (CNET).
Compte tenu de l'évolution des télécommunications dans le
monde, les recherches effectuées au sein de l'opérateur
historique s'orienteront vers la seule satisfaction des besoins propres de
France Télécom.
Il estime nécessaire la création d'une agence chargée
d'orienter la recherche fondamentale en télécommunications, de
coordonner les actions menées en ce domaine par les différents
partenaires que sont les établissements publics, les écoles
d'ingénieurs, les universités et les écoles
spécialisées dans l'enseignement des
télécommunications et d'assurer le financement de ces
activités de recherche par des moyens budgétaires ou
contractuels. Cette structure légère pourrait assurer une veille
scientifique et socio-économique afin de faciliter l'identification des
priorités, qui comportent des aspects scientifiques et techniques mais
intéressent aussi les domaines des sciences humaines et sociales.
Le rapport intitulé " La recherche et développement,
clé d'un nouvel essor des télécommunications en
France " rédigé par M. Lombard, directeur
général des stratégies industrielles et M. Kahn,
directeur scientifique de l'INRIA, s'appuyant sur une analyse comparable,
propose :
- de coordonner les différents pôles de compétence
nationaux de la recherche en télécommunications au sein du
Réseau national de recherche en télécommunications
(RNRT) ;
- et de créer pour cinq ans un comité d'orientation de la
recherche en télécommunications regroupant l'ensemble des acteurs
concernés.
Votre rapporteur s'interroge sur l'efficacité d'un comité pour
gérer effectivement une telle priorité. Il continue à
prôner la création d'une agence. La capacité d'un
comité (et d'un réseau aux contours et à la composition
difficile à cerner) pour piloter de façon continue une action qui
soit à la fois décisive, importante et efficace est difficile
à admettre. Il faut être présent et pugnace pour
récupérer les sommes immenses qui sont en jeu. La dilution des
responsabilités fait disparaître les
responsabilités ...
·
Les recherches connexes en sciences humaines et sociales
Le ministère chargé de la recherche ne peut dans le domaine des
nouvelles technologies de l'information et de la communication se contenter
d'une action limitée au seul secteur des
télécommunications, de l'informatique et de la
micro-électrique
.
En effet, doit être menée, en ce domaine, une action transversale
qui, en favorisant les réflexions interdisciplinaires aux
frontières des sciences de l'ingénieur et des sciences humaines,
soutienne l'action des ministères et des organismes qui oeuvrent au
développement des technologies de base et à leur transfert vers
le monde industriel. Le CNRS, les écoles d'ingénieurs et de
gestion ainsi que les universités doivent être incités
à développer des actions en la matière.
B. DEUXIÈME PRIORITÉ : AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ SPATIALE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE
Le Centre national d'études spatiales (CNES) a connu au
cours des dernières années des difficultés
financières importantes. A la fin de l'année 1995, le CNES
enregistrait une dette à l'Agence spatiale européenne de
1.734 millions de francs ainsi qu'un résultat négatif de la
section de fonctionnement (-208 millions de francs) et de la section en
capital (- 141 millions de francs).
Les dotations du CNES pour 1998 diminuent de 7,6 % et son budget se
répartit comme suit :
- 915 millions de francs de dépenses ordinaires,
- 7.400 millions de francs d'autorisations de programme,
- 7.560 millions de francs de crédits de paiement.
Une telle évolution répond à la volonté du ministre
de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie de
procéder à une modification significative des orientations de la
politique spatiale nationale.
Le secteur spatial a connu, au cours des dernières années, des
mutations qui modifient profondément ses enjeux stratégiques.
Perçu à l'origine comme un mode d'expression de la puissance
stratégique et militaire, l'espace est devenu aujourd'hui un instrument
de domination économique.
L'élément déterminant
est sans conteste le recours
de plus en plus fréquent à l'espace pour les
télécommunications et l'audiovisuel
. En effet, les services
de télécommunications mobiles personnels et la
télédiffusion directe d'images numérisées viennent
s'ajouter aux services de télécommunications fixes et mobiles et
à la télédiffusion analogique.
Comme le souligne le rapport présenté en septembre 1997 par
M. Michel Carpentier au nom du Conseil économique et social sur
"
la politique spatiale de la France dans le contexte européen
et mondial
", "
les satellites et leurs relais
terrestres sont
désormais partie intégrante des autoroutes de
l'information
".
Les nouvelles applications de l'espace ont pour effet d'entraîner un
développement spectaculaire du marché spatial. On prévoit
pour les dix ans à venir un volume de ventes cumulées de l'ordre
de 80 milliards de dollars pour le segment spatial (fabrication et
lancement de satellites, revenus des exploitants), de 100 milliards de
dollars pour le segment sol (stations sol, équipements et terminaux) et
un montant compris entre 200 et 450 milliards de dollars pour les services
applicatifs. Les études réalisées sur le marché
mondial des satellites de plus de 100 kilos constituent également
un indicateur laissant espérer un développement
considérable de ce secteur à forte valeur ajoutée et
créateur d'emplois.
ÉVOLUTION DU MARCHÉ MONDIAL (HORS CEI ET
CHINE) DES
SATELLITES DE PLUS DE 100 KILOS
SUR LES PÉRIODES
1990-1994 ET 1995-1999
Type de satellite
|
Périodes |
Evolution
|
|
1990-1994 |
1995-1999 |
||
Navigation | 21 | 14 | - 33 |
Sciences et technologies | 40 | 42 | + 5 |
Observation et météo | 31 | 59 | + 90,5 |
Communication | 83 | 236 | + 184,3 |
Total | 175 | 352 | + 101 |
dont - civil | 114 | 282 | + 147 |
- militaire | 61 | 70 | + 15 |
(Source : Euroconsult)
Ces chiffres indiquent que l'essor du marché international des
satellites se situera essentiellement dans le domaine des
télécommunications.
Les nouvelles utilisations de l'espace qui apparaissent, par ailleurs, comme
les plus susceptibles de se développer conduisent à une
multiplication des acteurs du développement spatial et exigent qu'aux
côtés des agences spatiales étroitement liées aux
Etats souverains, se développent, d'une part, des grands groupes
industriels capables d'affronter la concurrence internationale et, d'autre
part, un réseau de PME-PMI innovantes et dynamiques.
Les États-Unis ont acquis en ce domaine une avance considérable
et disposent d'un secteur spatial capable de jouer un rôle
déterminant dans le développement de la société de
l'information. Les actions entreprises au niveau fédéral lui ont,
en effet, permis de bénéficier d'une forte
compétitivité sur les marchés extérieurs et d'un
niveau satisfaisant de rentabilité des investissements
réalisés.
L'Europe, et en particulier la France, bénéficient d'atouts
considérables. Leur engagement ancien dans le secteur spatial leur
permet de bénéficier d'infrastructures scientifiques et
techniques performantes, d'opérateurs de satellites compétitifs
et d'une industrie de dimension mondiale. Rappelons que l'Europe maîtrise
60 % du marché mondial du lancement grâce au succès du
programme Ariane.
Néanmoins, l'
effort d'adaptation à la nouvelle donne spatiale
reste insuffisant
.
La France, qui possède 40 % de la capacité industrielle
européenne, et qui contribue à hauteur de 30,7 % au budget
de l'Agence spatiale européenne, est en position de jouer un rôle
déterminant dans cette restructuration.
Le contexte de rigueur budgétaire constitue un argument
supplémentaire pour que soient définies des priorités
susceptibles d'améliorer en ce domaine la
compétitivité
et l'indépendance nationales.
Votre rapporteur souhaite donc que deux secteurs de la politique spatiale, dont
les enjeux lui semblent décisifs pour l'avenir, fassent l'objet d'un
effort particulier. Il s'agit, d'une part, des systèmes de lancement et,
d'autre part, des satellites de télécommunications.
·
Les systèmes de lancement
La réussite d'Ariane a donné à l'Europe un accès
privilégié à l'espace. Le programme
Ariane 5-Evolution permet d'adapter le lanceur européen aux
exigences engendrées par l'évolution du marché.
Le succès du vol 502 le 30 octobre 1997 ouvre en ce domaine des
perspectives intéressantes.
En effet, ce programme porte la performance du lanceur à 7,4 tonnes
pour un lancement double en orbite géostationnaire, ce qui lui permet de
répondre à la concurrence des lanceurs américains Atlas
2 AR et Delta 3 qui visent 3,8 tonnes en lancement simple. Par
ailleurs, le potentiel d'Ariane 5 est susceptible d'être
exploité en vue du développement du marché des
constellations de satellites (programme Versatile) et des lancements doubles en
orbite héliosynchrone.
Enfin, il convient, au-delà du succès d'Ariane, d'élargir
la gamme des lanceurs européens. Cette politique se réduit
aujourd'hui à la commercialisation des lanceurs moyens Soyouz dans le
cadre de la coopération franco-russe.
La concurrence internationale est d'ores et déjà très
vive. Les premiers satellites Iridium de Motorola ont été
lancés à partir des lanceurs russe Proton, chinois Longue Marche
et américain Delta. Ceux de Globalstar de Loral seront portés par
des Delta.
La poursuite de l'effort s'avère nécessaire pour
garantir la
compétitivité du lanceur européen
.
·
Les satellites de télécommunications
Les services offerts par les satellites de télécommunications se
multiplient : au-delà des systèmes de messagerie et de
téléphonie mobile personnelle à vocation mondiale, est
envisagé le développement des services offrant des
capacités de communication à très large bande compatibles
avec des applications multimédia qui devraient se développer dans
des domaines diversifiés dans les années à venir
(télémédecine, télé-éducation,
télétravail, Internet haut débit,
visioconférence...).
Les États-Unis possèdent, en ce domaine, une avance
décisive
. En effet, beaucoup d'initiatives en ce domaine sont venues
des États-Unis sous l'impulsion des concepts de NII (National
information infrastructure) puis de GIS (Global infrastructure system). Ces
initiatives font appel à de nouvelles constellations de satellites, soit
géostationnaires, soit en orbite basse. Elles bénéficient
des soutiens indirects importants qu'assurent à l'industrie
américaine les contrats de recherche et de développement et les
grands programmes fédéraux. C'est le cas, en particulier, du
projet américain Teledesic, initié notamment par M. Bill
Gates, président de Microsoft.
Au niveau européen et national, plusieurs initiatives concurrentes sont
proposées par des grands maîtres d'oeuvre : Skybridge par
Alcatel associé à l'Aérospatiale, West par Matra Marconi
Space, Globalstar (groupe FT), Euroskyway par Alenia Spazio. Il importe de
mettre en évidence l'intérêt du projet Skybridge et de
mobiliser des partenaires de poids non seulement européens mais aussi
américains et japonais. La constellation Skybridge s'appuiera sur
74 satellites. Si le nombre est moins élevé que le
système Teledesic, il semble essentiel qu'il se mette en place
rapidement.
Néanmoins, l'effort consenti dans le domaine des
télécommunications est appelé à se renforcer pour
soutenir les développements nationaux et européens face à
l'offensive américaine. La volonté de préserver
l'indépendance nationale et européenne doit tenir lieu de
priorité dans ce domaine caractérisé par
l'évolution rapide des technologies et des besoins du marché dans
un environnement très concurrentiel.
Le programme technologique en télécommunications STENTOR
fédère les efforts de la délégation
générale à l'armement, de
France Télécom, du CNES et des industriels maîtres
d'oeuvre. Engagé à la fin de l'année 1995, il est
destiné à améliorer la compétitivité des
industriels français. Il comprend des activités de recherche et
développement, des développements au sol, un satellite et
l'insertion de technologies nouvelles à application industrielle.
L'échéancier du programme prévoit le lancement du
satellite au premier semestre 2000 et une phase d'expérimentation en vol
des technologies nouvelles pendant au moins les deux premières
années de la vie du satellite (qui sera de 9 ans).
Au delà de cette première étape, l'effort doit être
intensifié afin de
renforcer la position de la France dont la part
sur le marché international des satellites de
télécommunications ne s'élève aujourd'hui
qu'à 15 %
.
Parallèlement à l'effort de recherche et
d'expérimentation, il apparaît indispensable que la France puisse
ainsi que ses partenaires,
bénéficier de fréquences
suffisantes pour lancer les nouveaux systèmes satellitaires
placés en moyenne ou basse orbite. Ceux-ci exigent, en effet, des
fréquences plus nombreuses que les satellites géostationnaires,
compte tenu du nombre important de satellites nécessaires à leur
fonctionnement. Il convient donc de rechercher des alliances avec d'autres pays
demandeurs et de mener une concertation poussée avec les Etats membres
de l'Union européenne pour, d'une part, obtenir plus facilement les
orbites et fréquences nécessaires aux systèmes de
satellites de télécommunications construits par les industriels
européens ou positionnés sur des réseaux exploités
par des sociétés européennes et, d'autre part, pour
négocier une révision des méthodes et procédures
actuellement en vigueur au sein de l'UIT, agence spécialisée des
Nations Unies chargée de gérer la répartition des
fréquences. En effet, celle-ci est aujourd'hui sous l'influence quelque
peu hégémonique des Etats-Unis comme l'ont montré les
récentes conférences mondiales des
radio-télécommunications organisées dans son cadre. Cette
préoccupation géopolitique doit guider tous les responsables
politiques, français ou européens.
C. TROISIÈME PRIORITÉ : POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ET CONNAISSANCES SUR LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
Lors de la prochaine conférence de Kyoto qui se
réunira du 1er au 12 décembre prochains, sera signé
un
nouveau protocole de réduction des émissions de dioxyde de
carbone
(CO
2
).
Celui-ci s'inscrit dans la réflexion plus vaste, conduite depuis
près d'un quart de siècle par les Nations Unies, sur le concept
de " développement durable " qui fut popularisé
à la suite du rapport de la commission mondiale pour l'environnement et
le développement, plus connu sous le nom de " rapport
Bruntland ".
On notera que dès 1984, un colloque international sur le dioxyde de
carbone atmosphérique et sur les changements de climat réunissait
des opérateurs énergétiques et scientifiques à
Sophia-Antipolis.
En ce domaine, la négociation internationale a connu trois
étapes :
- la première a été celle de la conférence de Rio
au cours de laquelle a été signée la convention-cadre par
laquelle les pays développés s'étaient engagés,
d'une part, à ramener, en l'an 2000, leurs émissions de gaz
à effet de serre au niveau atteint en 1990 et, d'autre part, à
aider les pays en développement à prendre part aux efforts de
lutte contre les changements climatiques. Les pays partie à cette
convention sont essentiellement les pays de l'OCDE ;
- une conférence de suivi s'est réunie à Berlin en avril
1995, au cours de laquelle il a été reconnu que les mesures
envisagées à Rio étaient inadaptées pour stabiliser
les concentrations de gaz à effet de serre sur le long terme. Un groupe
de travail a donc été chargé de préparer un nouveau
protocole de réduction d'émissions, au-delà de
l'an 2000, pour les pays qui avaient signé la convention-cadre de
Rio ;
- le protocole devrait être signé, lors de la Conférence de
Kyoto, prévue pour la fin de l'année 1997. Il devrait indiquer
les objectifs quantifiés et préciser les échéances
envisagées ainsi que les politiques et mesures à mettre en oeuvre
pour les atteindre.
·
Un enjeu économique considérable
Il semble aujourd'hui n'exister aucune position commune aux Etats parties
à la négociation. Plusieurs doctrines se dégagent :
- Les pays en développement comme les pays producteurs de combustibles
fossiles refusent de souscrire à des engagements qui se traduiraient par
des contraintes susceptibles d'entraver leur croissance.
- Les Etats-Unis, le Canada et l'Australie ont une position originale
parmi les pays développés. Ils se prononcent en faveur d'une
stabilisation des émissions de gaz carbonique à leur niveau de
1990 entre 2008 et 2012 et sont favorables au principe d'engagements
volontaires de la part des secteurs ou des entreprises. Ils privilégient
deux démarches : la mise en oeuvre de crédits
d'émission ou celle d'un marché de droits d'émissions avec
possibilité de mise en réserve et d'emprunts.
- La position de l'Union européenne revêt une importance
déterminante pour la France. En effet, lors de la Conférence de
Rio, l'Union européenne a été considérée
comme participant à part entière, assimilé à un
Etat souverain. Sa position prévaudra donc sur les revendications
françaises. Le Conseil a adopté une position reposant sur un
engagement des parties à réduire de 15 % leurs
émissions de gaz à effet de serre d'ici l'an 2010
par
rapport à l'année de référence 1990. Or,
le
choix de 1990 comme année de référence s'avère
très défavorable pour la France
. En effet, à la
différence de certains autres Etats membres, la France, avait, à
cette date, déjà effectué un effort considérable de
réductions de ses émissions de gaz à effet de serre.
La France est un des Etats où le taux d'émission de dioxyde de
carbone par habitant est le plus bas. Une rapide comparaison avec l'Allemagne
est de ce point de vue frappante : un ressortissant allemand émet,
en moyenne annuelle 10,8 tonnes de dioxyde de carbone ; un
français en émet, pour sa part, 6,1 tonnes. La comparaison
avec les Etats-Unis est encore plus intéressante puisqu'un ressortissant
américain émet près de 20 tonnes de dioxyde de
carbone par an.
Cette situation originale de la France résulte du recours massif
à des sources énergétiques peu polluantes qui s'est
traduit par une diminution sensible du taux national des émissions de
gaz à effet de serre tout au long des années 1980
(- 26,5 %), limitant d'autant les marges de manoeuvre pour parvenir
à de nouvelles réductions. Entre 1990 et 1994, la France a
réduit ses émissions de 4,4 %.
La position de la commission qui consiste à créer un engagement
uniforme pour l'ensemble des Etats membres quel que soit leur niveau
d'émission s'avère peu équitable pour la France qui
grâce à son programme nucléaire a déjà
accompli des efforts considérables.
Les réductions des émissions devraient donc en priorité
porter sur les pays dont le taux d'émission est supérieur
à celui de la France.
·
Un effort nécessaire de recherche
La négociation sur l'effet de serre engage donc l'avenir
économique de la France. Elle a une
influence déterminante sur
les politiques industrielles et énergétiques que devra conduire
le Gouvernement
.
Il paraît évident que la priorité absolue est la diminution
de l'emploi des combustibles fossiles. En pratique, cela veut dire
économies d'énergie, énergies renouvelables
(dont
la biomasse)
et énergie nucléaire
.
A ce titre, elle doit reposer sur des
fondements scientifiques
incontestables.
En ce qui concerne l'énergie nucléaire, son acceptation
généralisée suppose un progrès dans la gestion des
déchets radioactifs. A cet égard, la décision prise
concernant Superphénix parait fort peu écologique car
Phénix est vieillissante et ne peut apporter de solution en tant que
centre de recherche et d'expérimentation, pour assurer à terme la
destruction des transuranides.
Les conclusions du rapport Curien restent valables ; même si le
" surrégénérateur " n'a pas été
conçu pour être un appareil industriel consommateur de
transuranides, il permettait d'étudier les caractéristiques
scientifiques dans des situations à haut flux.
Par ailleurs, des études sur les changements de climats dus aux effets
de serre, basées sur des statistiques géologiques qui
démontreraient sans doute que le climat tempéré de vastes
surfaces de la planète constitue une anomalie du quaternaire
récent, permettrait sans doute de mieux cerner l'amplitude des effets
économiques induits par l'effet de serre.
Un renforcement des recherches en matière d'usage de la biomasse et en
matière d'énergie est également nécessaire.
Il serait également souhaitable d'examiner les conditions
d'amélioration de tout ce qui, dans l'habitat,
l'électroménager, les transports, consomme de l'énergie.
Car d'ici peu chacun comprendra que le développement durable est une
priorité incontournable.
III. UN IMPÉRATIF ESSENTIEL : AMÉLIORER ENCORE LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE VERS LES ENTREPRISES INNOVANTES
Rappelons en premier lieu que si la France figure au 4e rang
des pays industrialisés pour son effort en recherche et
développement technologiques, elle n'occupe que le 22e rang quand
on se réfère à sa réussite en termes de mise sur le
marché de produits ou de prise de brevets d'innovation.
Si l'on veut citer des exemples français de ces " poules aux oeufs
d'or " de l'économie que sont les entreprises dont la croissance
annuelle dépasse pendant dix ans les 30 % par an, comme Gemplus ou
Business Object, on est vite limité à quelques
sociétés, alors qu'elles se comptent par centaines dans le seul
Etat de Californie.
Ces entreprises se caractérisent pas un taux de croissance
particulièrement élevé (15 % à 20 % par
an), et des besoins de financement très supérieurs à ceux
des PME traditionnelles.
Il s'avère en outre que désormais l'innovation technologique
intéresse non seulement les entreprises de haute technologie mais
l'ensemble des entreprises. En effet, celles-ci sont confrontées
à un double défi : celui de la mondialisation des marchés
et celui de la réactivité qui s'impose désormais face
à l'accélération de la mise sur le marché de
produits nouveaux. L'appropriation la plus rapide de l'innovation technologique
apparaît alors comme la seule solution susceptible de garantir la
rentabilité financière des entreprises et plus
généralement la compétitivité nationale.
Il importe donc de créer les conditions d'une valorisation satisfaisante
de l'innovation technologique. Votre rapporteur s'y attache avec une constance
qui ne s'est pas démentie depuis plus de dix ans. C'est en effet la
seule manière stable de relancer l'emploi de nos compétences sur
notre territoire.
L'effort doit, en ce domaine, s'orienter dans trois directions :
- coordonner les initiatives en matière de transfert de
technologies ;
- orienter l'épargne vers les entreprises innovantes ;
- favoriser l'attribution des fonds nationaux et européens aux PME
innovantes.
A. UN IMPÉRATIF : COORDONNER LES INITIATIVES EN MATIÈRE DE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE
A la différence des grandes entreprises dont la demande
d'innovation répond généralement à un besoin
clairement identifié, celle des PME-PMI reste le plus souvent
imprécise, diffuse et mal formulée. C'est la raison pour laquelle
le transfert de technologie vers les petites entreprises s'effectue le plus
souvent par l'intermédiaire d'une structure d'aide dont la
compétence s'étend du diagnostic à la formulation de la
demande, de la recherche de la technologie au choix d'une ingénierie
financière adaptée.
Il existe en France un potentiel très important capable de fournir
aux PME les partenaires dont elles ont besoin.
Des structures de valorisation nombreuses, dans les laboratoires de la
recherche publique, dans les universités, les écoles
d'ingénieurs, les Instituts universitaires et technologiques, les
lycées techniques et les organismes de recherche se sont mises en place.
D'autres structures se sont spécialisées dans la diffusion de
l'information technique ou dans le transfert de technologie. Celles-ci sont
d'autant plus nombreuses que les efforts accomplis par l'Etat ont
été relayés par les collectivités locales.
Le résultat de cette multiplicité de partenaires s'est traduit
par un foisonnement de l'offre.
L'agence nationale de valorisation de la recherche
(ANVAR) continue
à occuper un rôle central. La politique de l'Agence est
principalement axée sur l'aide aux projets innovants ,
l'accompagnement des créations d'entreprises innovantes, l'augmentation
du potentiel de ressources des PME-PMI par l'aide au recrutement de cadres de
recherche, le soutien des transferts de technologies, le développement
du partenariat européen et régional et la sensibilisation des
jeunes à l'innovation. Son rôle a été
réaffirmé par le décret n° 97-682 du 31 mai 1997
relatif à l'aide à l'innovation. La mission d'évaluation
du dispositif français en faveur de l'innovation industrielle et du
développement technologique confiée à M. Henri
Guillaume sera l'occasion de renforcer ses moyens.
L'ANVAR a une bonne pratique du travail en réseau -qu'il soit
intrarégional (réseau de diffusion technologique, Directions
régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement,
collectivités locales...) ou international (Eurêka, réseau
européen des agences).
En outre, les délégations larges accordées aux
délégués régionaux lui permettent une
rapidité d'action très rare pour un organisme dépendant de
l'Etat.
Quelques chiffres permettent de prendre la mesure de son action auprès
des petites et moyennes entreprises innovantes.
En ce qui concerne l'aide à l'innovation, sur les 1800 PME-PMI dont
l'effort de recherche-développement a été soutenu en 1996
à hauteur de 1,207 milliard, 55% ont fait appel à l'ANVAR
pour la première fois. Ce taux s'élève à 66% si on
considère celles qui n'avaient pas eu de contacts avec l'Agence depuis
au moins quatre ans. Près de la moitié de ces PME-PMI (45,3%)
sont des entreprises jeunes, de moins d'un an d'existence, en croissance ou
présentant un potentiel de croissance, avec une progression du chiffre
d'affaires d'au moins 25% sur les deux derniers exercices.
En 1996, l'ANVAR a soutenu 86 transferts de technologies pour un montant de 88
millions de francs, auxquels il convient d'ajouter 13 recours à des
conseils destinés à préparer des transferts pour un
montant de 1 million de francs.
L'ANVAR a aidé en 1996 à la création de 398 jeunes
entreprises pour un montant total de 179 millions de francs. Ces PME nouvelles
représentent 19,3% des projets d'innovation, 27,6% des recrutements de
cadres de recherche et de développement et 27% des acquisitions de
technologies aidés par l'ANVAR. Il faut, par ailleurs, souligner que 44%
des projets soutenus concernent les secteurs de haute technologie.
A ses côtés, sont apparus de nombreux partenaires qui, sous des
statuts divers proposent aux PME une offre très
hétérogène
. On peut citer, outre les agences
régionales d'information scientifique et technique (ARIST), les centres
régionaux d'innovation et de transfert de technologie (CRITT). Sous des
formes juridiques variées (le plus souvent il s'agit d'associations type
loi de 1901 ), les CRITT permettent une mise en commun des compétences
d'organismes publics ou privés existant dans les régions en
matière de recherche, de formation et de technologie (Centres de
recherche, Universités, écoles d'ingénieurs, IUT,
lycées techniques). Ils peuvent connaître la demande industrielle
représentée par les chambres de commerce et d'industrie, les
syndicats professionnels et les groupements d'industriels, de financiers. Ils
sont au nombre de 130 environ répartis sur l'ensemble du territoire.
Mais, outre les CRITT, existent bien d'autres organisations . On peut
citer les centres techniques, les centres technologiques qui regroupent des
compétences parfois très ciblées, les
sociétés spécialisées de recherche sur contrat, les
consultants privés ou encore les conseillers technologiques.
L'analyse des différentes structures d'aide au transfert fait
apparaître un
ensemble assez hétérogène.
Cette hétérogénéité soulève plusieurs
difficultés. Les PME-PMI ont souvent du mal à identifier
l'interlocuteur ou le prestataire dont elles ont besoin, la confusion naissant
entre une mission de service public (conseiller l'entreprise et déceler
ses vrais besoins) et une activité de consultant (vendre des services de
conseil, éventuellement pour partie financés par des aides de
l'Etat).
Les pouvoirs publics ont tenté de définir un concept de
Centres de ressources technologiques
(CRT), structure capable de
réaliser des prestations technologiques sur mesure pour des PME dans les
conditions professionnelles du monde industriel. Annoncée dans le cadre
des contrats de plan Etat-régions (1994-1998), leur mise en place est
encore en cours.
La qualification des CRT, précisée par un label national, se
définit à partir de critères qui ont varié, mais
qui pour l'essentiel se résument ainsi :
- le
professionnalisme
dans l'exécution des prestations,
notamment en termes de résultat, de coût, de délai et de
confidentialité ;
- le
partenariat
par la constitution, le cas échéant,
d'une équipe mixte avec une PME sur un projet innovant de
l'entreprise ;
- la
compétence
qui implique souvent l'adossement à un ou
plusieurs laboratoires de recherche.
Aujourd'hui, 21 centres de ressources technologiques,
sélectionnés parmi 43 dossiers examinés, ont
été labellisés par la " commission nationale des
CRT ". Une première sélection avait été
préalablement effectuée par les comités de pilotage en
région (constitués dans chaque région par le
délégué régional à la recherche et à
la technologie, le directeur régional de l'industrie, de la recherche et
de l'environnement, le délégué de l'ANVAR et le
représentant du Conseil régional) parmi les 120 demandes
recensées dans les 14 régions qui avaient
déposé des dossiers.
Une augmentation des moyens des CRT labellisés est prévue pour
couvrir le surcoût occasionné par l'activité de prestataire
technologique des PME (20 millions de francs en 1997 de
délégation de crédits en région).
Une évaluation des CRT et de leur labellisation est en cours avec les
divers partenaires (CRT, PME, comité de pilotage en région,
évaluateurs et ministères de tutelle).
Elle portera notamment sur les conséquences économiques de
l'action des CRT dans les entreprises clientes en termes d'emplois, de chiffre
d'affaires, d'exportation et de création d'entreprises.
Une autre initiative intéressante peut être citée . Il
s'agit de la "
route des hautes technologies
",
organisme
chargé de coordonner et d'impulser l'ensemble du dispositif de transfert
qui a été lancée en région
Provence-Alpes-Côte d'Azur. Elle a pour mission d'améliorer la
cohérence et la lisibilité du dispositif d'aide au transfert, de
mener des actions ciblées ou transversales de nature à rendre
plus efficaces et plus proches des préoccupations des entreprises les
structures de transfert de technologie, de faciliter la création de
clubs d'entreprises analogues, de diffuser les expériences
étrangères, de mettre en réseau les compétences, de
faciliter l'implantation de structures de financement.
B. CRÉER LES CONDITIONS NÉCESSAIRES AU FINANCEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES
En France, le financement du développement des
entreprises innovantes se heurte à deux handicaps :
une
faiblesse relative de l'épargne longue, aggravée par son
insuffisante orientation vers les fonds communs de placement innovation, les
sociétés de capital risque, les banques d'investissement et le
marché boursier spécialisé (le Nouveau marché)
.
La rareté de l'épargne longue disponible s'explique pour une
large part par l'absence de fonds de pension d'une surface suffisante pour
qu'une part des sommes qui y sont investies soient consacrées au
capital-risque. Par ailleurs, les sommes dégagées par l'assurance
vie, qui représentent un volume significatif, restent insuffisamment
orientées vers des placements dans l'industrie. La principale raison de
la désaffection des épargnants à l'égard de
l'investissement dans les entreprises innovantes résidait jusqu'à
présent dans son caractère insuffisamment liquide.
1. L'investissement de " semence " des organismes
Votre rapporteur avait évoqué l'intérêt de mettre en place dans les établissements de recherche les moyens d'assurer un investissement de semence. C'est ainsi qu'il se félicite que l'INRIA puisse désormais par le canal de ses structures filiales (INRIA source et INRIA transfert) assurer un appui tant financier que moral vis-à-vis du système bancaire aux créateurs d'entreprises issus de son sein. Il souhaite que, très vite, d'autres organismes, et en particulier le CNRS et les universités, utilisent un système analogue par le moyen d'un fonds d'investissement de semence géré par une filiale spécialisée.
2. Des dispositifs fiscaux perfectibles
a) L'orientation de l'épargne vers la création d'entreprises innovantes
Depuis près de dix ans votre rapporteur insiste pour
que les entreprises innovantes puissent draîner de l'épargne
privée avec une incitation fiscale spécifique.
Force est de constater que l'Etat assure la majeure partie du financement de
l'innovation avec quelques 3 milliards de francs accordés au titre
de l'ANVAR et du crédit d'impôt recherche alors que les capitaux
privés n'apportent que 400 millions de francs alors qu'il s'agit
d'un secteur fortement créateur d'emplois.
- Les fonds communs de placement dans l'innovation
L'article 102 de la loi de finances pour 1997 a enfin mis en place un
système nouveau : les fonds communs de placement dans l'innovation
(FCPI), afin d'orienter l'épargne des particuliers vers le financement
d'entreprises innovantes.
Ceci doit être spécialement salué par votre commission qui,
depuis plus de dix ans, propose des formules analogues toujours
récusées par le service de législation fiscale, " le
redoutable SLF ".
Un FPCI est une variété de fonds communs de placements à
risques (FCPR) qui a vocation à investir 60 % de ses fonds dans des
entreprises innovantes non cotées, comptant moins de
500 salariés, dont le capital est détenu majoritairement par
des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des
personnes physiques et qui remplissent l'une des conditions suivantes :
- avoir réalisé, au cours des trois exercices
précédents, des dépenses cumulées de recherche,
d'un montant égal au tiers du chiffre d'affaires le plus
élevé réalisé au cours de ces trois exercices ;
- justifier d'une activité dont le caractère innovant a
été reconnu par l'ANVAR pour une durée de trois ans
renouvelable.
Ils permettent aux personnes physiques qui souscrivent aux FCPI de
bénéficier d'une réduction d'impôt de 25 % du
montant investi plafonné à 150.000 francs.
Les FCPI devaient, d'une part, remédier à l'insuffisante
participation des organismes de crédits au financement des entreprises
innovantes et, d'autre part, permettre une mobilisation de l'épargne de
proximité qui joue souvent un rôle déterminant dans la
création de ces entreprises.
Grâce à cette mesure, il a été prévu de
pouvoir mobiliser 500 millions de francs. Ceci devrait avoir un important
effet de levier sur l'emploi puisqu'il est constaté que 0,4 million
de francs d'aide à l'innovation permet de créer un emploi dans
une PME.
A ce jour, le Groupe Banques Populaires vient de lancer le premier FCPI sur le
marché, après agrément de la Commission des
opérations de bourses en date du 3 juin 1997.
D'autres FCPI devraient être créés d'ici la fin de
l'année 1997, en particulier Innovafrance.
Votre rapporteur regrette que l'incitation fiscale consentie en faveur des
souscripteurs de parts de FCPI ne soit pas supérieure à celle que
prévoit plus généralement l'article 199 terdecies OA
du Code général des impôts au bénéfice des
particuliers investissant dans les sociétés non cotées sur
le marché financier. Une incitation supplémentaire permettrait
peut-être d'accélérer le rythme de création des
FCPI. Par ailleurs, il note que les délais très courts
imposés par les textes réglementaires à l'investissement
de 60 % du capital collecté par les FCPI dans les
sociétés innovantes en création entravent dans les faits,
par suite du volume insuffisant des investissements par rapport aux frais de
gestion, la constitution de FCPI régionaux, ce qui est susceptible
d'accroître une concentration non souhaitée des PME innovantes en
région parisienne. Il souhaite que le décret qui impose ce
délai court puisse être revu par les ministres concernés.
-
les produits d'assurance-vie
Par ailleurs, il est à noter que le projet de loi de finances pour 1998
apporte à ce dispositif une amélioration de nature à
orienter plus largement l'épargne vers le capital-risque et les
sociétés innovantes.
Jusqu'à présent, les fonds investis dans les produits
d'assurance-vie profitaient peu aux PME-PMI et s'orientaient vers des
placements financiers permettant d'optimiser le rendement à court terme
du capital investi.
Afin de tenter de corriger cette situation, l'article 17 du projet de loi
de finances aménage le régime fiscal des produits des contrats
d'assurance-vie et des bons de capitalisation. Il prévoit, en effet, que
les souscripteurs de contrats d'assurance-vie investis à plus de
50 % dans des sociétés financières d'innovation, des
fonds communs de placement à risques, des fonds communs de placement
dans l'innovation, des actions de sociétés de capital risque ou
directement dans des titres de sociétés par actions non
cotées ou cotées au Nouveau marché
bénéficieront d'une exonération d'impôt sur le
revenu.
Cette mesure sera d'autant plus susceptible d'avoir un impact sur l'orientation
de l'épargne que le projet de loi de finances réduit
parallèlement les avantages fiscaux qui étaient jusqu'ici
attachés aux produits des contrats d'assurance-vie.
b) Des mesures destinées à faciliter la création des petites et moyennes entreprises
Votre rapporteur souligne depuis de nombreuses années
la nécessité d'encourager les vocations d'entrepreneurs dans le
secteur des PME-PMI innovantes. A ce titre, il se félicite que le projet
de loi de finances adapte le
système des bons de souscription
plus connus sous le nom de stock-options
aux spécificités
qu'elles présentent.
L'article 50 du projet de loi de finances pour 1998 rend possible la
création de
bons de souscription de parts de créateurs
d'entreprises
. Un amendement rédactionnel sera
présenté à titre personnel par votre rapporteur pour
éviter des interprétations possibles qui limiteraient par trop sa
portée.
Les entreprises innovantes à fort potentiel de croissance ne peuvent -du
moins dans leurs premières années d'existence- offrir des
salaires élevés à leurs dirigeants. Afin de leur permettre
d'attirer des cadres et des scientifiques de haut niveau, elles pourront en
compensation d'un manque à gagner immédiat, les intéresser
à leur croissance, en leur proposant des bons de souscription.
Ainsi, les dirigeants des entreprises innovantes disposeront de la
faculté de capitaliser leur investissement personnel et de compenser le
risque élevé que représente l'entreprise
créée en termes financiers.
Le dispositif prévoit que les petites et moyennes entreprises
créées depuis moins de cinq ans peuvent proposer à leur
personnel et à leurs dirigeants des bons de souscription de parts de
créateurs d'entreprise à un prix définitivement
fixé lors de leur attribution donnant le droit de souscrire une part du
capital de l'entreprise.
En cas de cession ultérieure des titres attachés à ces
bons, et sous réserve du respect de certaines conditions, le gain net
réalisé serait soumis à l'impôt sur le revenu au
taux forfaitaire de 30 % ou de 16 % si le bénéficiaire
exerce son activité depuis au moins deux ans dans la
société émettrice.
Ce dispositif concerne les sociétés par actions dont les titres
ne sont pas admis aux négociations sur un marché
réglementé et qui remplissent notamment deux conditions. En
premier lieu, il doit s'agir d'une véritable création
d'activité nouvelle, la société ne doit pas
résulter d'une concentration ou d'une restructuration.
L'amendement évoqué ci-dessus permet de considérer que la
reprise d'activités préexistantes avec d'autres objectifs de
marché et une structure indépendante de celle qui gérait
l'activité préexistante constitue une vraie création.
En second lieu, 75 % au moins du capital de la société doit
être détenu directement et de manière continue par des
personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des
personnes physiques, ce qui est de nature à circonscrire le champ de
l'avantage fiscal aux hypothèses d'entreprises contrôlées
par leurs créateurs. Néanmoins, afin de garantir la
cohérence d'ensemble du dispositif d'aides à la création
de PME-PMI innovantes, il est prévu que pour déterminer la part
du capital détenu par des personnes physiques, il n'est pas tenu compte
des participations des sociétés de capital risque, des
sociétés de développement régional et des
sociétés financières d'innovation ainsi que des FCPI et
FCPR.
Votre rapporteur approuve vivement cette disposition qui correspond à un
souhait qu'il avait exprimé à plusieurs reprises.
c) La nécessité de maintenir le crédit d'impôt recherche
Le
crédit d'impôt recherche
institué par l'article 67 de la loi n° 82-1126 du 29
décembre 1982 (article 244 quater du code général des
impôts) a été reconduit par l'article 73 de la loi de
finances pour 1996 jusqu'au 31 décembre 1998.
La question de son maintien au-delà de cette date se trouve donc
posée. Dans cette perspective,
il semble donc opportun à votre
rapporteur d'insister sur la nécessité de pérenniser ce
dispositif
.
En effet, le crédit d'impôt recherche est une mesure fiscale
générale qui contribue à promouvoir une recherche
compétitive et crée un environnement stable permettant le
développement de l'innovation technologique des entreprises. Il permet
aux entreprises de rester maîtresses de leur développement et de
l'intensité technologique de ce dernier.
Ce dispositif neutre du point de vue de la dépense engagée et
de l'activité de recherche envisagée correspond à la
volonté d'orienter la recherche française vers les secteurs les
plus profitables et les plus compétitifs sur le plan international
.
Il rompt avec la logique des aides sectorielles qui ont
révélé leurs limites. Il est particulièrement
éclairant de ce point de vue d'analyser les effets des modifications du
dispositif destinées à moduler le montant des dépenses
éligibles au titre du crédit d'impôt recherche en fonction
des préoccupations liées à l'aménagement du
territoire. Cette mesure introduite par la loi d'orientation pour
l'aménagement du territoire du 4 février 1995 n'a pas eu d'autre
impact qu'un effet d'aubaine et n'a pas permis de parvenir à une
meilleure répartition géographique de l'effort de recherche.
Il apparaît donc que la neutralité du dispositif et
l'automaticité de l'octroi de l'aide renforcée par le
décret du 16 mai 1997 contribuent de manière
déterminante à son succès. Il importe, par ailleurs, de
noter que depuis le 1er juin 1997, le crédit
d'impôt-recherche est déconcentré en région
auprès des DRRT afin de le rendre plus proche des PME. Votre rapporteur
souligne, à ce titre, qu'il serait souhaitable qu'un effort
supplémentaire d'information sur le crédit
d'impôt-recherche, et notamment sa modulation régionale, puisse
être accompli en direction des chambres de commerce, des petites et
moyennes entreprises et, plus particulièrement, de l'association
France-Technopoles.
Le crédit d'impôt recherche joue indiscutablement un rôle
important pour permettre aux entreprises les plus dynamiques de maintenir
malgré un contexte économique général difficile un
effort très significatif de recherche et de développement, ce qui
est indispensable pour renforcer l'emploi scientifique en milieu industriel et
éviter le départ des compétences, le
"
drainbrain "
, vers l'étranger.
3. L'amélioration de la prise en compte du capital compétence
La compétence et le savoir faire jouent un rôle essentiel dans le développement des entreprises innovantes.
a) Le report d'imposition des plus-values de cession de droits sociaux en cas de remploi dans les PME nouvelles
Le projet de loi de finances fait un premier pas dans le sens
d'une meilleure prise en compte du capital-compétence, en
prévoyant la possibilité pour des dirigeants de
sociétés de bénéficier d'un avantage fiscal
lorsqu'il vendent les parts de leurs sociétés et qu'ils en
réinvestissent le produit dans une PME créées depuis moins
de cinq ans.
L'article 51 du projet de loi de finances prévoit, en effet, le report
d'imposition des plus-values de cession de droits sociaux
réalisées par les dirigeants de sociétés qui
réinvestissent le produit de la vente de ces droits dans des
sociétés nouvelles créées depuis moins de cinq ans.
Le report d'imposition s'appliquerait jusqu'au moment où
s'opérerait la transmission, le rachat ou l'annulation des titres
reçus en contrepartie de l'apport.
Les nouvelles entreprises pourront, tout en bénéficiant de
ressources financières nouvelles, tirer profit des capacités
entrepreneuriales de leurs investisseurs.
Votre rapporteur souhaite qu'à partir de ce dispositif, puissent se
développer en France des vocations comparables à celles des
"
business angels
" américains. Néanmoins il
note pour le regretter, que le bénéfice de ce dispositif est
limité dans le temps puisqu'il ne s'applique qu'aux plus-values de
cession de droits sociaux réalisées au cours des deux prochaines
années.
b) Autoriser les fonctionnaires et notamment les chercheurs à créer des entreprises
Un projet de loi en ce sens avait été élaboré et le Conseil d'Etat lui avait donné un avis positif. Votre rapporteur n'a pas souhaité proposer en son nom personnel un amendement à la loi de finances qui aurait pu constituer un " cavalier " pour reprendre la formule consacrée. C'est pourquoi il a déposé une proposition de loi permettant à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises innovantes (n° 98, 1997-1998), reprenant l'essentiel du texte de ce projet, inspirée des dispositions des droits en vigueur dans d'autres pays et introduisant les règles déontologiques qui s'imposent.
c) Autoriser la création d'entreprises à partenariat évolutif
De nature patrimoniale, le droit commercial français ne
tient compte que très imparfaitement du capital compétence dans
la constitution des entreprises.
La comptabilisation des apports immatériels (droits d'inventions ou de
création, apports en industrie) demeure soumise à l'accord d'un
commissaire aux apports. Par ailleurs, ils sont évalués, une fois
pour toutes, lors de la création de l'entreprise.
Or, et cela semble une évidence, la valeur de ces apports dépend
du succès de l'exploitation industrielle à laquelle ils donnent
lieu. Il semble donc nécessaire que l'apport d'une innovation ou d'une
invention puisse être réévalué au cours de la vie de
l'entreprise. Ceci apparaît comme la condition d'un partenariat
équitable entre apporteurs de fonds et apporteurs de compétences.
A cette fin, votre rapporteur là encore n'a pas voulu présenter
un " cavalier " et a déposé une proposition de loi
tendant à autoriser la création d'entreprises à
partenariat évolutif.
Créés dans la perspective de la valorisation d'une invention, une
telle structure juridique serait susceptible -même si elle a vocation
à demeurer l'exception- de constituer une première étape
dans le développement de sociétés à croissance
rapide.
4. Le développement du nouveau marché
Constitué sous l'égide de la
Société des bourses françaises, un " nouveau
marché " financier fonctionne à Paris depuis le 1er mars
1996.
Votre rapporteur rappellera le rôle qu'a joué le groupe
d'études " Innovation et entreprise " qu'il préside
dans la genèse de ce nouveau marché boursier. Le 13 avril 1994,
ce groupe d'études avait, en effet, organisé au Sénat un
colloque sur le thème : " Les entreprises innovantes et
l'emploi : le problème des fonds propres ", qui avait conclu
à la nécessité de créer rapidement, à
l'échelle européenne, un marché équivalent au
Nasdaq américain.
Près d'un an et demi après son ouverture, il importe de faire un
premier bilan de son fonctionnement.
Les société cotées au Nouveau marché apparaissent
très diverses quant à leur taille et à leurs secteurs
d'activités.
En termes de secteur d'activité, les nouvelles technologies,
l'informatique et les biotechnologies, bien représentées
dès le démarrage du nouveau marché, se renforcent.
Depuis sa création la tenue des cours des titres cotés a connu
trois phases : dans un premier temps, le marché primaire a
rencontré un vif succès. Dans une deuxième période,
qui couvre l'été 1996, les investisseurs, en France, se sont
raréfiés. A cette même période, les fonds
anglo-saxons ont investi dans le capital de certaines sociétés du
nouveau marché, tirant ainsi parti de cours plus attractifs. Enfin,
depuis, novembre 1996, un regain de confiance est apparu de la part de
l'ensemble des intervenant du marché.
Le nouveau marché s'adresse à des investisseurs avertis,
particuliers ou institutionnels, sensibilisés à la notion de
risque lié au profil des sociétés cotées sur le
marché.
Il repose sur un système original d'organisation de marché qui
associe un carnet d'ordres centralisé et la présence de teneurs
de marché.
La répartition du volume de transactions (en capitaux
échangés) entre les deux systèmes est demeurée
stable depuis septembre 1996 : 60 % en fixage, 40 % en tenue de
marché. Cette complémentarité permet de satisfaire deux
types d'investisseurs dont les objectifs sont différents.
Les investisseurs institutionnels trouvent avec la tenue de marché une
parfaite liquidité dans la négociation de blocs tout en
bénéficiant d'une instantanéité des transactions.
Les investisseurs individuels trouvent dans le carnet d'ordres central une
facilité pour les échanges de petites quantités à
des cours jugés plus proches des cours d'équilibre.
Le nouveau marché se caractérise donc par la coexistence de deux
systèmes de cotation qui s'avèrent complémentaires, sans
prédominance de l'un sur l'autre mais dont la liquidité est bien
réelle.
Aujourd'hui, le nouveau marché compte 23 sociétés parmi
lesquelles 3 font l'objet d'une double cotation. Elles représentent
9,3 milliards de francs de capitalisation pour 1,82 milliards de
francs de capitaux levés.
Le nouveau marché a ainsi pu convaincre les entreprises, y compris les
entreprises étrangères, et a surtout su convaincre les
investisseurs, comme le montre le niveau de liquidité qu'il affiche.
Une des clés de son succès résidera dans la multiplication
de ce type de marché. Il existe désormais en Europe, depuis le
mois de mars de cette année, trois autres marchés de ce
type : en Belgique, à Francfort et aux Pays-Bas. Ils sont
organisés au sein d'un réseau : l'EURO NM
2(
*
)
. Celui-ci s'appuie sur les marchés nationaux en
respectant leurs particularités.
L'EURO. NM a pour objet de définir une politique coordonnée de
promotion du réseau européen auprès des émetteurs,
des membres potentiels et des investisseurs, ainsi qu'auprès d'autres
marchés européens souhaitant rejoindre l'EURO.NM.
Les principes fondateurs de l'EURO.NM sont :
- une harmonisation des règles communes d'admission,
d'introduction, de négociation et d'information ;
- une coopération avec les investisseurs et une démarche
conjointe de prospection des entreprises ;
- une intégration par un canal d'accès commun pour les
opérations de négociation.
Les nouveaux marchés belge, allemand et néerlandais se sont
créés au mois de mars 1997. Cette nouvelle force
européenne comptabilise 36 sociétés cotées
(dont 7 doubles cotations) et 19,3 milliards de francs de
capitalisation pour 2,9 milliards de francs de capitaux levés.
En comparaison, la structure concurrente l'EASDAQ, calqué sur le NASDAQ
américain avec un statut de droit belge semble davantage tarder à
trouver ses marques. En effet, si sa capitalisation boursière (environ
18 milliards de francs) et le montant des fonds appelés
(2,8 milliards de francs) sont comparables à ceux de l'EURO.NM,
l'EASDAQ ne compte actuellement que 12 sociétés (dont 3 provenant
du NASDAQ) sur les 50 prévues pour 1997.
Compte tenu de sa jeunesse, le nouveau marché européen ne
connaît pas encore l'ampleur du Nasdaq américain, ni ses
fluctuations. Les valeurs des entreprises cotées sur le Nasdaq du fait
des taux de croissance très rapides de leurs profits connaissent une
grande volatilité et, pour certaines, dans l'hypothèse de mauvais
résultats, connaissent des baisses très importantes.
Néanmoins, la diversité et le nombre des entreprises
cotées garantit globalement ce marché contre une trop grande
variabilité. Le Nasdaq est pour beaucoup dans la bonne santé de
l'économie américaine et son faible taux de chômage.
C. ORIENTER LES FINANCEMENTS EUROPÉENS VERS LES PME-PMI
Il s'avère que
la nécessité de
soutenir le développement des PME-PMI innovantes
, si elle est
désormais mieux admise en France,
reste insuffisamment prise en
compte au
niveau européen.
L'Union européenne doit se doter dans les prochains mois d'un
cinquième programme-cadre de recherche qui couvrira les années
1999-2002
.
Les négociations sont d'ores et déjà entamées et
devraient s'achever en 1998. A la différence du précédent
programme-cadre adopté à l'unanimité le cinquième
programme-cadre, en application du traité d'Amsterdam signé le
2 octobre 1997, serait adopté à la majorité
qualifiée. Une telle procédure permettrait d'éviter les
conséquences de l'unanimité dans le domaine de la recherche. En
effet, celle-ci s'est traduite par une dispersion des actions, résultant
de la volonté des Etats d'obtenir de faire financer leurs politiques
nationales de recherche par des fonds communautaires.
L'élaboration d'un cinquième programme-cadre recherche doit
être l'occasion de corriger les dysfonctionnements de la politique
européenne de recherche.
Votre rapporteur souhaite, en particulier que soient modifiées les
procédures d'attribution des fonds européens qui, jusqu'à
présent, privilégient essentiellement les grandes entreprises.
Cette situation découle des procédures suivies par la commission
européenne. Celle-ci procède, en effet, par appels d'offre.
Seules les grandes entreprises informées des mécanismes
européens et bénéficiant pour bon nombre d'entre elles
d'un réseau de consultants efficaces proches des fonctionnaires de la
commission, peuvent constituer des dossiers susceptibles d'être retenus
dans le délai fixé, délai qui s'avère souvent trop
court pour les PME-PMI.
On ne peut que déplorer cet état de fait. En effet, les PME-PMI
qui fournissent les 2/3 de l'emploi dans l'Union européenne et, en
particulier les PME-PMI innovantes qui sont le meilleur vecteur de l'esprit
d'entreprise et de la valorisation de l'innovation, doivent pouvoir
bénéficier d'un accès aisé aux technologies
avancées et aux possibilités offertes par les programmes de
recherche de l'Union.
Le ministre de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie
s'est ému de ce dysfonctionnement de la politique européenne de
recherche devant votre commission le 30 octobre 1997.
La commission européenne elle-même a exprimé le souhait
d'ouvrir plus largement les appels d'offre européens aux PME-PMI. Ainsi,
la proposition de cinquième programme-cadre, transmise au Sénat
dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, précise que
l'innovation et la participation des PME à la politique de recherche
européenne constitue un de ses objectifs scientifiques et technologiques.
Votre rapporteur, s'il se réjouit de cette prise de conscience, doute
que les PME-PMI puissent avoir un accès plus large aux fonds
européens tant que leurs modalités d'attribution demeureront
inchangées.
Des procédures inspirées de celles en vigueur dans le cadre
d'Eurêka permettraient sans doute de faire bénéficier plus
largement les PME-PMI des programmes européens car elles sont plus
adaptées à l'esprit d'initiative et la liberté
d'entreprendre qui caractérisent les PME-PMI. En effet, les programmes
Eurêka se différencient des programmes de recherche communautaire,
d'une part, parce qu'ils sont plus proches des mécanismes du
marché et, d'autre part, parce que la sélection des projets se
fait non pas grâce à des appels d'offre mais sur les dossiers
proposés directement par les entreprises et centres de recherche. En
effet, les PME représentent 45 % des 77 entreprises ou
institutions françaises coopérant au sein des 39 projets à
participation française retenus lors de la 14e conférence
ministérielle qui s'est tenue à Londres le 19 juin 1997.
IV. LA DIFFUSION DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
La diffusion de la culture scientifique et technique doit
être aujourd'hui au coeur des préoccupations d'un Etat moderne.
Elle s'avère indispensable pour préparer le citoyen à se
situer dans un monde où le rythme des évolutions technologiques
s'accélère. Seul un égal accès de tous à la
connaissance scientifique et technique permettra en effet d'éviter que
s'accroissent les phénomènes d'exclusion sociale.
Par ailleurs, la meilleure connaissance des progrès de la science rend
impossible une adhésion plus large du citoyen à la politique de
recherche, ce qui est susceptible d'en accroître la
légitimité. Enfin, l'ouverture à l'esprit de
découverte apparaît comme une condition nécessaire pour
assurer la valorisation de l'innovation dans le tissu industriel.
La diffusion de la culture scientifique et technique exige, d'une part, un
rapprochement entre la communauté scientifique et la
société, condition essentielle pour une valorisation efficace de
la recherche, d'autre part, une diffusion de la connaissance scientifique sur
l'ensemble du territoire et, enfin, une modification de la perception du
développement technologique par la société.
A. LE RAPPROCHEMENT DE LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE ET DE LA SOCIÉTÉ, CONDITION ESSENTIELLE POUR UNE VALORISATION EFFICACE DE LA RECHERCHE
La diffusion de l'innovation technologique dans le tissu
industriel, condition de la compétitivité nationale, passe par un
rapprochement de la communauté scientifique et de la
société.
Le personnel scientifique des établissements publics de recherche doit
donc, à ce titre, être incité à s'impliquer dans le
développement économique.
1. Accroître les recrutements en entreprises des jeunes docteurs
Le rapport sur les études doctorales établi pour
l'année 1996 par l'observatoire des flux et des débouchés
fait apparaître que 15 % seulement des docteurs sont recrutés
par des entreprises. Ces recrutements, s'ils marquent une certaine reprise
depuis 1995, n'atteignent pas encore le niveau souhaité.
Certes, et c'est assez normal pour qui connaît la vie et la culture dans
les laboratoires de recherche, que les jeunes doctorants privilégient
les débouchés dans les grands organismes de recherche au
détriment d'un recrutement en entreprises.
Il importe donc d'inciter les entreprises à recruter et de
préparer les futurs docteurs à s'orienter le plus tôt
possible vers un projet professionnel tourné vers le monde
économique, les emplois en entreprises ou la création
d'entreprises. Il s'agit là d'une condition nécessaire pour
garantir l'adaptation du tissu industriel national aux avancées
technologiques.
Des efforts ont été engagés en ce sens.
Afin d'améliorer la connaissance qu'ont des entreprises et des pratiques
industrielles les jeunes docteurs et les directeurs de thèse, a
été lancé depuis la rentrée 1996, à
l'attention des écoles doctorales, des centres d'initiation à
l'enseignement supérieur (CIES) et des établissements
universitaires, un appel à propositions pour l'organisation de
séminaires de sensibilisation et de formation des doctorants (les
" doctorales "). En 1997, 31 séminaires concernant
environ 2.300 auront été organisés. Le soutien du
ministère s'est élevé à 6 millions de francs.
Les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) visent
à assurer une formation à la recherche de haut niveau en
favorisant l'insertion professionnelle des jeunes docteurs dans les
entreprises. Le titulaire de la convention est embauché dès son
inscription en thèse par l'entreprise partenaire de la convention ;
il se trouve donc confronté très tôt aux
réalités de l'entreprise. Ce dispositif a permis à de
nombreux jeunes docteurs d'accéder à des responsabilités
industrielles.
Etant donné les excellents résultats auxquels elles ont
donné lieu, à la fois en termes de formation doctorale et en
termes d'embauches effectives dans les entreprises, les CIFRE, lancées
à titre expérimental en 1981, ont été
progressivement portées à 700 pour l'année 1997 et
à 800 pour l'année 1998.
Néanmoins, cette action volontariste se heurte à un plafonnement
des embauches industrielles. S'il se traduit aujourd'hui essentiellement par un
allongement de la période de recherche d'emploi à l'issue de la
thèse, il risque néanmoins d'hypothéquer la politique
volontariste d'augmentation du nombre des CIFRE. Un effort particulier de
sensibilisation doit donc être déployé pour relancer
l'intérêt des entreprises pour ce dispositif, notamment
auprès des petites et moyennes entreprises.
Votre rapporteur se félicite, par ailleurs, de la création
annoncée par M. Claude Allègre, ministre de
l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie d'un fonds
permettant de financer un dispositif d'accueil des post-doctorants en
entreprises et dans les établissements publics de recherche. Il souhaite
que le fonctionnement de ce dispositif privilégie l'insertion des jeunes
docteurs en entreprises.
Développer l'esprit d'initiative et la créativité des
jeunes chercheurs, leur insuffler une culture entrepreneuriale est essentiel, y
compris pour mieux assurer la mobilité des personnels des
établissements publics de recherche vers les entreprises. Celle-ci ne
précédera pas celle des jeunes. Elle peut éventuellement
la suivre.
2. Favoriser les créations d'entreprises par le personnel des établissements publics à caractère scientifique et technologique
Un rapport public particulier de la Cour des comptes a
été consacré en juin 1997 à la valorisation de la
recherche dans les établissements publics à caractère
scientifique et technologique.
Il fait apparaître un incontestable motif de satisfaction qui tient dans
"
l'indiscutable prise en considération de l'objectif de
valorisation par des organismes qui n'y étaient pas spontanément
portés par leur culture traditionnelle "
.
Néanmoins, et votre rapporteur y a été
particulièrement sensible, il note que "
quant à la
création d'entreprise par des personnels de recherche issus des
établissements publics à caractère scientifique et
technologique, l'état actuel de la réglementation place souvent
ces derniers devant la difficile alternative, soit de ne pas répondre
aux invitations de la loi
3(
*
)
, soit de risquer
de se mettre en infraction avec le droit existant
".
Le cadre juridique dans lequel s'inscrit la création d'une entreprise
pour les personnels des établissements publics à caractère
scientifique et technique est, en effet, particulièrement rigoureux. Le
respect des textes implique que la création d'entreprise par des
chercheurs n'est possible qu'à la condition que ces chercheurs rompent
toutes relations avec leur laboratoire d'origine, ce qui représente pour
eux une prise de risque considérable. Il apparaît donc qu'il
manque une position statutaire intermédiaire entre la mise à
disposition qui oblige le chercheur à quitter complètement son
laboratoire et la consultance qui limite son apport à l'entreprise en
création à quelques heures par semaine.
Malgré ces obstacles, plusieurs chercheurs issus des
établissements publics à vocation scientifique et technologique
ont créé des entreprises en quittant leur établissement,
après avoir été mis à disposition de celles-ci au
cours de leur première année d'existence. Selon le rapport de la
Cour des comptes, une vingtaine d'entreprises répondant à ce
schéma sont répertoriées par le CNRS, une vingtaine
également par l'INRIA, une demi-douzaine à l'INRA et à
l'INSERM, d'autres à partir des écoles d'ingénieurs. La
Cour des comptes aurait pu et peut-être aurait dû rapporter le
nombre de créations d'entreprises par rapport aux effectifs permanents
car 1 pour 1000 ou 20 pour 1000 n'est pas équivalent.
Par ailleurs, des chercheurs auraient pu également créer des
entreprises sans pour autant quitter leur laboratoire. Cette solution se heurte
à une contradiction. En effet, les règles de la fonction publique
interdisent à un chercheur de participer au capital d'une
société qu'il aurait contribué à fonder par ses
découvertes et qui serait liée par contrat à son
établissement. Elles ont été l'objet d'aménagements
de la part des établissements qui ont, dans certains cas relevés
par la Cour des comptes, donné lieu à des dérives.
Compte tenu de l'enjeu crucial que représente la création
d'entreprises valorisant les résultats de la recherche publique, il
importe en effet que soient élaborées des dispositions
statutaires spécifiques permettant aux chercheurs de créer des
entreprises dans des conditions juridiques satisfaisantes. Rappelons que votre
rapporteur a déposé une proposition de loi à cet effet.
L'ambiguïté des règles en vigueur ne peut, en effet,
qu'avoir un effet dissuasif.
B. L'ÉGAL ACCÈS DE TOUS À LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
L'égal accès de tous à la culture scientifique et technique exige sa diffusion sur l'ensemble du territoire.
1. La concentration des moyens en région parisienne
La France consacre depuis quelques années d'importants
moyens à la diffusion de la culture scientifique et technique. En
dépit de cet effort, ils ne peuvent prétendre à une
réelle influence sur l'ensemble de la société compte tenu
de leur concentration excessive en région parisienne.
En effet, les quatre grands organismes qui contribuent à la diffusion de
la culture scientifique et technique sont situés à Paris. Il
s'agit :
- du Muséum d'histoire naturelle créé par l'ancien
régime, auquel a été adjoint le Musée de l'homme,
dont l'avenir n'est pas encore totalement déterminé ;
- du Conservatoire national des arts et métiers, créé par
la Convention ;
- du Palais de la découverte, créé en 1936 ;
- et de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette,
créée en 1985.
La Cité des sciences et de l'industrie de la Villette
bénéficie, au titre du ministère de la culture, d'une
subvention de fonctionnement de 279,9 millions de francs et d'une
subvention d'investissement qui s'élève à
235 millions de francs dont 205 millions de francs en soutien de
programmes. D'autres souffrent d'un manque de moyens ou de projets d'ensemble.
C'est le cas du Palais de la découverte dont l'avenir pourrait
être débattu dans le cadre des travaux de restauration du Grand
Palais.
En dépit des projets de rénovation dont ils font l'objet, ces
organismes nationaux ne sont pas structurés pour remplir une fonction
nationale, c'est-à-dire être présents dans un certain
nombre de lieux en province. Certes, le ministère dispose de quelques
moyens pour aider les centres de culture scientifique et technique
régionaux, les associations ainsi que les fondations qui agissent dans
ce domaine. Mais 80 % des Français reçoivent moins de
10 % des crédits consacrés chaque année à ces
actions.
Ce déséquilibre Paris-province est, par ailleurs, accentué
par l'inégale répartition sur le territoire des activités
de recherche qui sont susceptibles de constituer des centres de rayonnement de
la culture scientifique et technique.
2. La nécessité d'ancrer la culture scientifique et technique dans les régions
Les interventions des grands organismes de diffusion de la
culture scientifique et technique ne peuvent prétendre à
l'efficacité que si leurs interventions s'inscrivent aussi en dehors de
la région parisienne.
Une part de leurs moyens devrait être systématiquement
déconcentrée, et une autre part utilisée pour diffuser
leurs expériences, leurs démonstrations, leurs expositions en
utilisant les réseaux large bande, les lignes spécialisées
Télécom, les canaux satellitaires numérisés, etc.
Les moyens déconcentrés dotés par exemple d'une antenne
réceptrice, d'une capacité de stockage sur une plate-forme
numérisée permettraient de privilégier l'accès du
plus grand nombre à la culture scientifique et technique, notamment par
des actions de proximité qui ne peuvent qu'être conçues
à l'échelon local. La sensibilisation du jeune public, en
particulier, impose une telle évolution. Des initiatives ont
été prises ; elles méritent d'être
intensifiées et généralisées. Un projet pilote
à Sophia-Antipolis doit être mis en place en liaison entre la
Cité des Sciences et La Cinquième et rediffuserait sur Nice et
l'arc méditerranéen.
Les centres de culture scientifique et technique (CCST), au nombre d'une
trentaine, touchent directement plus de 1,8 million de personnes. Ils ont
vocation à exercer un rôle de diffusion et à être des
lieux de débats. Les centres thématiques Nausicaa à
Boulogne-sur-Mer et Océanopolis à Brest, forts de leurs
succès, bénéficieront d'une extension tandis que sera
lancé le programme CESTAR sur l'agro-alimentaire à Arras et le
projet culturel du Pic du Midi sur l'astronomie.
Un programme d'aide à la rénovation des musées d'histoire
naturelle de région susceptible d'accroître leur
fréquentation permet un renouvellement des présentations et
apporte un soutien à l'informatisation des inventaires.
3. Les possibilités offertes par les nouvelles technologies
Les nouvelles technologies de l'information doivent
constituer
un outil privilégié de la diffusion de la culture scientifique et
technique.
Combinant l'écrit, l'image et le son, et mettant en oeuvre des
procédés d'interactivité qui en renforcent
l'efficacité pédagogique, elles sont susceptibles de contribuer
à la démocratisation du savoir. Néanmoins, l'accès
des citoyens à ces nouvelles technologies doit être garanti. Leur
appropriation inégale par telle ou telle catégorie de population
risquerait d'accroître les différences sociales traditionnelles
fondées sur la richesse et le savoir.
Ceci implique donc, d'une part, la mise en réseau des écoles et
des lieux publics et, d'autre part, une éducation permettant de
conférer aux utilisateurs la maîtrise des nouveaux outils afin que
ceux-ci ne soient pas réduits à un usage ludique mais deviennent
les vecteurs d'un nouvel appétit de savoir.
Le rôle de l'école apparaît primordial. Plusieurs rapports
de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques et du Sénat ont apporté des conclusions
très claires. Les expériences de terrain ont à juste titre
été privilégiées. Là encore, l'exemple
américain est éclairant. Sur le plan des écoles primaires,
l'effort accompli l'a été pour l'essentiel dans le cadre d'un
projet faisant coopérer collectivités locales,
mécénat industriel et volontariat individuel (projet netday
initié par John Gage).
Permettre à la France de rattraper son retard en matière de
nouvelles technologies de l'information est désormais une
nécessité reconnue et nous sommes sur la bonne voie.
En 1996, on comptait en France 246.000 foyers branchés sur
Internet, contre 635.000 en Angleterre et 1.105.000 en Allemagne ;
17 % des foyers français étaient équipés d'un
micro-ordinateur contre 43 % aux Etats-Unis.
Depuis lors, il semble que les choses s'améliorent et pour
l'éducation nationale, le ministre Claude Allègre a
annoncé un programme cohérent. Le financement prévu par le
budget devra sans doute être renforcé par les
mécènes, le bénévolat et les collectivités
locales. Beaucoup l'espèrent et y travaillent, notamment au Sénat.
4. Promouvoir la culture scientifique et technologique et la compréhension des avancées que le progrès peut apporter
Si l'opinion publique reste fascinée par la science,
elle doute souvent des progrès que ses avancées engendrent. Et
les milieux décisionnels, qu'ils soient politiques, sociaux,
économiques ou qu'ils aient pour métier d'informer comme les
journalistes, n'ont pas compris la nouvelle donne ainsi que les enjeux en
matière de compétitivité, d'emploi, de
développement durable.
Seule la santé échappe à cette méconnaissance et
relative indifférence manifestée par ceux qui devraient
être au courant. Il faut réagir.
En France, aujourd'hui, seuls les prix de la culture scientifique et technique
remis par l'académie des sciences visent à récompenser les
chercheurs qui s'attachent à sa diffusion.
Outre les actions évoquées ci-dessus, il convient de
créer un événement annuel à fort retentissement
social et médiatique symbolisant la rencontre entre la
société et la science
et faisant le point de l'état
des connaissances dans le monde et en France. Votre rapporteur, depuis des
années, estime que l'exemple suédois est particulièrement
digne d'intérêt et devrait être suivi.
Chaque année, l'académie des sciences de l'ingénieur
suédoise, à laquelle votre rapporteur a le grand honneur
d'appartenir, dresse un état des progrès de la science, des
techniques et de l'économie dans le monde en général, et
en Suède en particulier.
La réalisation du rapport qui mobilise les acteurs principaux de la
recherche, du développement, de l'industrie et des finances constitue
une première occasion de pratiquer le
transfert de technologie au
plus haut niveau décisionnel.
La remise du rapport s'effectue à l'occasion d'une
cérémonie présidée par le couple royal. Tous les
décideurs du Royaume : académiciens, présidents et
directeurs d'entreprises, banquiers, scientifiques, hommes politiques
influents, journalistes, se doivent d'être présents. Cet
événement permet de mettre en lumière les
évolutions scientifiques et techniques les plus récentes et leurs
implications économiques.
Tous les acteurs économiques et scientifiques du pays sont
associés à la préparation du rapport.
L'événement permet de médiatiser l'utilisation des
progrès de la science pour le bien-être de la population.
Il serait opportun que la France développe elle aussi un tel
événement.
Il devrait être organisé conjointement par le comité
d'application de l'académie des sciences (CADAS), embryon de
l'académie des sciences de l'ingénieur qui reste à
créer, l'ensemble de l'Institut et la communauté scientifique et
les représentants du monde économique (CNPF, Chambres de
commerce, syndicats). Le Président de la République, le
Gouvernement, le Parlement et les conseils régionaux y seraient
évidemment conviés, ainsi que les forces économiques,
sociales et morales du pays.
*
* *
En guise de conclusion, votre rapporteur regrettera tout
particulièrement l'obscurité qui persiste en matière de
recherche dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la
communication compte tenu de l'incertitude sur le financement des recherches en
amont par rapport à celles du centre de recherche de France
Télécom, l'ancien CNET.
Compte tenu de l'ensemble des remarques ci-dessus et en espérant que le
Gouvernement, comme le ministre s'y est engagé verbalement, en tiendra
compte, votre rapporteur soulignera la nécessité :
- d'introduire de la souplesse dans la gestion, ce qui implique de
réserver les postes budgétaires créés, pour
l'essentiel, à des postes d'accueil de chercheurs étrangers ou
d'universitaires et à titre temporaire (moins de 5 ans) à
des personnels du CNET ;
- de renforcer encore les mécanismes d'aide à la création
d'entreprise par tous les moyens juridiques, fiscaux et les incitations
personnalisées ;
- et de compléter le dispositif d'ancrage de la culture scientifique et
technique sur l'ensemble du territoire notamment en développant des
plateformes multimédia numérisées en réseau,
véritables bibliothèques de France en réseau.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné
le rapport pour avis de
M. Pierre Laffitte sur les crédits de la recherche
inscrits
dans le projet de loi de finances pour 1998 au cours d'une séance tenue
le mercredi 19 novembre 1997, sous la présidence de
M. Adrien Gouteyron.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Ivan Renar
, évoquant les mesures d'économie dont ont
fait l'objet les très grands équipements, a regretté que
le projet de laboratoire Soleil ait été arrêté. Il
s'est inquiété des difficultés rencontrées par les
thésards et les doctorants pour trouver des emplois. Approuvant les
propos du rapporteur sur la nécessité de renforcer la diffusion
de la culture scientifique et technique, il a évoqué les
problèmes auxquels sont confrontés les centres de culture
scientifique et technique implantés en province, notamment en raison de
la multiplicité de leurs sources de financement.
M. André Maman
, s'appuyant sur l'exemple des Etats Unis, a
plaidé pour une participation accrue des entreprises au financement de
la formation des chercheurs.
M. Albert Vecten
, rappelant l'importance de disposer d'activités
de recherche en province pour assurer le dynamisme de l'économie locale,
a souligné les difficultés rencontrées par les
collectivités territoriales pour attirer les chercheurs.
Le président Adrien Gouteyron
a souhaité obtenir des
précisions sur les obstacles juridiques à la création
d'entreprise par les personnels de la recherche publique, et a noté que
le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie ne semblait pas souhaiter que les collectivités
territoriales participent au financement de la recherche.
En réponse aux intervenants,
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour
avis
, a apporté les précisions suivantes :
- la recherche et la formation revêtent une importance primordiale ; les
Français n'ont pas encore suffisamment pris conscience de ce
phénomène et les médias ne contribuent que partiellement
à la diffusion des progrès de la science ;
- les dépenses des collectivités locales en faveur de la
recherche restent, à l'exception de celles des régions, encore
mal appréciées par le ministère de la recherche, ce qui
est peu admissible compte tenu de l'importance du montant de ce financement ;
- le ministre souhaite que les collectivités locales participent
à des fonds destinés à favoriser la création
d'entreprises, ce qui semble difficilement envisageable compte tenu de la
complexité de telles opérations qui ressortissent à la
compétence des institutions financières. Par ailleurs, les
établissements publics de recherche ne sont pas en mesure de refuser les
propositions de financement faites par les collectivités locales ;
- le financement de la recherche par l'industrie est traditionnellement faible
en France. Les PME-PMI françaises ne connaissent pas en effet un
développement comparable à celui des entreprises à
croissance rapide américaines qui financent une part importante de la
recherche ;
- des progrès ont été accomplis afin de mettre en place un
dispositif de financement des entreprises innovantes s'appuyant sur des
instruments diversifiés qui, pour certains, sont perfectibles. Des fonds
d'aide à la création d'entreprises ont été mis en
place dans certains établissements publics comme l'Institut national
pour la recherche en automatique et en informatique (INRIA). Le dispositif des
fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) a été
créé par la loi de finances pour 1997 . Son efficacité
pourrait être améliorée ; en effet, le plafonnement
à 150.000 francs par ménage de l'avantage fiscal qui y est
attaché en limite le caractère incitatif et les délais
imposés aux FCPI pour placer les sommes dont ils disposent dans des
sociétés innovantes se relèvent trop courts. Enfin, les
entreprises innovantes disposent d'un marché financier
spécifique, le Nouveau Marché créé en France en
1996 à l'image du Nasdaq américain. Néanmoins, subsistent
des obstacles liés notamment à l'insuffisante stabilité
des investissements dans les entreprises innovantes des sociétés
à capital risque ou des fonds de capital-risque ;
- il est nécessaire de développer chez les chercheurs publics
l'esprit d'entreprise, ce qui exige un assouplissement des règles
statutaires qui leur sont applicables : le rapporteur pour avis a
indiqué qu'il déposerait une proposition de loi en ce sens ;
- les chercheurs ne s'implantent volontiers en région que s'ils trouvent
un environnement universitaire et humain qui leur convient.
Approuvant ce propos,
M. Albert Vecten
a souligné qu'en
dépit d'efforts financiers considérables accomplis en ce sens,
les chercheurs n'étaient pas encore prêts à venir
s'installer en province. Par ailleurs, il s'est inquiété de
l'état d'esprit des jeunes chercheurs qui considèrent la
création d'entreprise comme un choix trop risqué.
M. Jean-Pierre Camoin
, confortant l'analyse de M. Albert Vecten, a
remarqué que les laboratoires installés en province recrutaient
plus aisément des chercheurs étrangers que des chercheurs
français.
A l'issue de ce débat, la commission, suivant la proposition de son
rapporteur pour avis, a décidé
de s'en remettre à la
sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits pour
1998 de la recherche
.
1
Groupe de suivi interministériel
MEDEA, groupe de travail interministériel Composant, groupe de
coordination interministériel sur les services de
télévision avancés, comité de suivi du contrat
d'aide pluriannuel à la R&D de SGS/Thomson, etc.
2
NM pour Nouveau Marché ou New Market ou Neuer Market.
3
Il s'agit de la loi d'orientation et de programmation pour la
recherche et le développement technologique en France du 15 juillet 1982
qui précise que la recherche et le développement technologique
vise non seulement " à l'accroissement des connaissances "
mais également " à la valorisation des résultats de
la recherche ".