II. LES PRINCIPALES CATÉGORIES DE DÉPENSES
On examinera successivement l'évolution, d'ailleurs contrastée, des moyens consacrés à l'enseignement agricole public, à l'enseignement privé sous contrat, aux aides aux familles et aux actions de formation.
A. L'ENSEIGNEMENT PUBLIC
1. L'évolution générale des crédits de l'enseignement agricole public
La priorité reconnue à l'enseignement agricole
ne se traduit guère dans l'évolution des crédits
consacrés à l'enseignement public. Ces derniers passent, en DO et
CP, de 3.151,51 à
3.200,06 millions de francs
, soit un taux
de progression qui se situe exactement au même niveau que celui
constaté l'an dernier
(+ 1,5 %).
Il faut, certes, être conscient de la nécessité de la
réduction de la dépense publique et votre rapporteur est pour sa
part fermement convaincu de cette nécessité. Mais si un effort de
rigueur s'impose, il doit être équitablement réparti.
Ce n'est évidemment pas le cas pour ce qui concerne le système
éducatif, et l'on doit constater que le projet de budget pour 1998
accentue encore l'inégalité de traitement budgétaire entre
ses deux composantes, l'enseignement agricole et l'enseignement relevant de
l'éducation nationale. Tandis que le budget de l'éducation
nationale reste fort bien servi, notamment en matière de moyens en
personnels, et bénéficie d'une augmentation de plus de 3 %
de ses crédits, alors même que les effectifs de l'enseignement
scolaire diminuent et que ceux de l'enseignement supérieur sont stables,
l'enseignement agricole technique et supérieur reste condamné
à la portion congrue et l'évolution de ses moyens accuse un
nouveau retard par rapport à celle de ses effectifs.
ENSEIGNEMENT ET FORMATION AGRICOLES
LOI DE FINANCES POUR 1997
ET PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998
Comparaison des principales catégories de dépenses
(en millions de francs)
|
|
PLF 1998 |
|
Crédits |
1998/1997
|
||
Crédits de l'enseignement agricole public (DO + CP) |
3 151,51 |
3 200,06 |
1,53 |
Dépenses de personnel |
2 766,21 |
2 809,65 |
1,57 |
Moyens de fonctionnement des services centraux et académiques |
42,23 |
42,23 (1) |
- |
Subventions aux
établissements
|
278,16
|
300,83
|
8,15
|
Réparations accidents de travail des élèves |
5,00 |
5,00 |
- |
Investissements (CP)
|
59,91
|
62,36
|
4,09
|
Aides à l'enseignement privé (DO + CP) |
2 383,19 |
2 573,44 |
7,98 |
Rémunération des enseignants (ét. à temps plein) |
1 029,49 |
1 079,06 |
4,82 |
Subventions de fonctionnement (ens. techn) |
1 252,22 |
1 388,94 |
10,92 |
Subventions de fonctionnement (ens. sup.) |
97,41 |
101,30 |
3,99 |
Investissements (CP)
|
4,07
|
4,14
|
1,72
|
Bourses |
483,21 |
499,00 |
3,27 |
Action de formation en milieu rural |
165,61 |
177,68 |
7,29 |
Total DO+CP |
6 183,52 |
6 470,19 |
4,64 |
(1) Estimation
Cela dit, en dépit de la minceur de l'enveloppe globale, le budget pour
1998 comporte quelques mesures très positives et qui ne se traduisent
pas nécessairement, il faut le souligner, par des dépenses
considérables :
- une nette augmentation des crédits de fonctionnement, au profit
notamment des dépenses pédagogiques de l'enseignement
technique ;
- une reprise -indispensable- de l'effort d'investissement consacré aux
établissements d'enseignement supérieur ;
- un effort très significatif en faveur de la
déprécarisation des personnels enseignants.
·
Les crédits de fonctionnement
Les crédits de fonctionnement de l'enseignement agricole public
(enseignement technologique et professionnel et enseignement supérieur)
passent de 3.091,6 millions de francs à
3.157,71
millions de francs (+
2,13
%).
Sur ce total, les dépenses de personnel représentent
2.809,65
millions de francs, en progression de
1,57
%
par rapport à 1997.
Les dépenses de fonctionnement (soit 300,83 millions de francs) se
répartissent quant à elles entre l'enseignement technologique et
professionnel (dépenses pédagogiques) pour 93,44 millions de
francs (+ 14,28 %) et l'enseignement supérieur pour 207,39
millions de francs (+ 5,6 %). Cette évolution
contrastée souligne l'effort budgétaire significatif accompli en
faveur des crédits de fonctionnement de l'enseignement technique public.
·
Les dépenses en capital
représentent
62,36
millions de francs en crédits de paiement
(+
4,09
%) et
65,50
millions de francs en
autorisations de programme (+
6,07
%).
Après le recul enregistré en 1997 (- 23 % pour les
autorisations de programme et - 10 % pour les crédits de
paiement), le budget 1998 permet une reprise bienvenue et nécessaire des
dépenses d'investissement en faveur de l'enseignement agricole public.
L'enseignement supérieur en est le principal bénéficiaire.
*
Pour l'enseignement technique
, il est prévu 5,9 millions
de francs en autorisations de programme et 4,5 millions de francs en
crédits de paiement au titre des travaux de maintenance et de mise en
conformité.
* En ce qui concerne
l'enseignement supérieur
, les moyens
consacrés aux dépenses en capital seront affectés, comme
les années précédentes, à la poursuite du plan
pluriannuel de remise à niveau du parc immobilier des
établissements de l'enseignement supérieur agricole public.
Le niveau des autorisations de programme et des crédits de paiement pour
1998 a été déterminé de manière à
respecter les engagements contractuels de l'Etat et plus
particulièrement à rattraper le rythme de réalisation du
programme de remise aux normes du parc immobilier des établissements.
Rappelons que ce plan comportait à la fois :
- des dépenses de gros entretien et de maintenance dont le montant avait
été chiffré en 1993, après un diagnostic complet
établi pour chaque établissement, à 230 millions de
francs. La première tranche , d'un montant de 90 millions de
francs, comprenait les travaux les plus urgents (sécurité
incendie, mise en conformité électrique, réseaux interne
de gaz et d'eau, mise hors d'eau des bâtiments...).
- des travaux de modernisation et de construction qui devaient être
réalisés en partenariat avec les collectivités
territoriales. Pour l'Ile-de-France, où existe une forte concentration
d'établissements anciens, l'Etat devait contribuer à
parité avec la région à un programme de 125 millions
de francs entamé en 1995 et dont l'achèvement est prévu en
1999. Hors Ile-de-France, dans le cadre des plans Etats-région, qui ont
été étalés sur une année
supplémentaire, il était prévu un engagement total de
249,43 millions de francs pour la période 1994-1999.
En ce qui concerne les dépenses de gros entretien et de maintenance, les
réalisations à la fin de 1997 s'élèvent à
68 millions de francs soit près d'un tiers du montant
envisagé en 1993. En 1998, il est prévu de leur consacrer
22,2 millions de francs afin de permettre l'achèvement de la
première tranche consacrée aux travaux les plus urgents.
Par ailleurs, il est prévu d'affecter 32,680 millions de francs aux
travaux de modernisation et de construction. En ce qui concerne les contrats de
plan Etat-régions hors Ile-de-France, les engagements prévus
seront réalisés à hauteur de 63,42 % à la fin
de 1997. S'agissant de l'Ile-de-France, le taux de réalisation sera de
56,20 %. Compte tenu des échéances, ces données
laissent craindre que les contrats de plan Etat-régions ne puissent
être totalement menés à bien dans les délais
prévus.
2. Les moyens en personnels
Dans toutes les catégories de personnel, les
créations de postes restent sans commune mesure avec les besoins, et les
déficits accumulés au fil des rentrées continuent de
s'aggraver.
Les progrès à attendre pendant l'année 1998 se situeront
donc essentiellement au niveau de l'effort de déprécarisation, et
de l'inflexion symbolique -à tous les sens du terme- de la tendance
à l'érosion des effectifs des personnels non enseignants.
Il faut aussi relever que l'enseignement agricole, trop démuni pour
avoir bénéficié, comme l'éducation nationale, du
renfort appréciable et pourtant peu onéreux de volontaires du
service national actif (VSNA), pourra en revanche profiter, encore qu'à
une échelle modeste, du plan " emplois-jeunes ".
a) Les personnels enseignants de l'enseignement du second degré
·
les créations de postes
Le projet de budget prévoit la création de 135 emplois
d'enseignants. Toutefois, 65 postes sur ce total étant
réservés à la déprécarisation
(cf. infra), l'augmentation nette des effectifs se réduit à
70 emplois.
Les enseignants recrutés sur ces emplois ne seront " devant les
élèves " qu'à partir de la rentrée 1999. Il
convient en effet de rappeler que depuis 1995, les rentrées sont
préparées 18 mois à l'avance et que, depuis le budget
de 1997, chaque loi de finances prévoit les créations de postes
destinées au recrutement, au mois de septembre de l'année
budgétaire, de professeurs stagiaires qui, une fois titularisés
à l'issue de leur année de stage, recevront une affectation
à la rentrée de l'année suivante.
En application de ce système, l'augmentation des effectifs d'enseignants
titulaires a été de 92 postes à la rentrée
1996 (pour 2.770 élèves supplémentaires), de
48 postes à la rentrée 1997 (pour 2.130 élèves
supplémentaires). Elle sera de 70 postes (inscrits au budget de 1997)
à la rentrée 1998.
Cet ingénieux mécanisme a été mis en place pour
éviter les recrutements " provisoires " de non titulaires
qui
étaient auparavant effectués à chaque rentrée en
anticipant sur les créations de postes du budget de l'année
suivante, et qui ont rapidement nourri le développement de la
précarisation. Il ne peut toutefois réussir à contenir
durablement une nouvelle flambée de la précarité que si
les recrutements de titulaires sont à la mesure des besoins. Dans le cas
contraire, les mêmes causes risquent fort de produire les mêmes
effets, c'est-à-dire que les recrutements de non titulaires
redeviendront indispensables pour assurer les rentrées.
·
Les mesures de résorption de l'emploi précaire
Conséquence de l'insuffisance chronique des créations d'emplois,
l'importance des effectifs non titulaires est depuis de longues années
un des principaux problèmes auquel est confronté l'enseignement
agricole. L'emploi précaire représente en effet 25 % de
l'effectif total des personnels enseignants, les personnels contractuels se
répartissant en deux catégories :
- les agents contractuels d'Etat (ACE), recrutés sur des postes
budgétaires vacants : à la rentrée 1997,
740 emplois en équivalent temps plein sont ainsi occupés par
quelque 1.100 ACE ;
- les agents contractuels régionaux (ACR), qui sont quant à eux
rémunérés sur des crédits d'heures
supplémentaires et de vacations : ils représentent
612 emplois en équivalent temps plein.
Votre rapporteur s'était depuis de nombreuses années vainement
élevé contre cette situation.
Il se félicite donc que soient prévues en 1998 des mesures
conséquentes de résorption de la précarité.
Celles-ci seront de deux ordres :
- en premier lieu, l'année 1998 sera la deuxième année
d'application de la loi dite " Perben " (loi
n° 96-1093 du
16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction
publique et à diverses mesures statutaires), qui permet d'organiser sur
quatre ans le recrutement par concours spéciaux d'agents non titulaires
satisfaisant à certaines conditions d'ancienneté et de
diplômes.
D'après une enquête réalisée en mai 1996 par le
ministère de l'agriculture, 1.913 agents contractuels
d'enseignement et d'éducation remplissent les conditions requises pour
bénéficier du " plan Perben ".
Le ministère de l'agriculture a eu à coeur d'appliquer rapidement
ce dispositif, et les premiers concours ouverts aux enseignants ont pu
être organisés dès le mois de mai 1997 pour
370 postes : sur 622 candidats, 260 ont été
reçus (160 ACE et 100 ACR). En 1998, 370 postes seront à nouveau
mis aux concours réservés aux enseignants, pour environ
520 candidats potentiels.
- En second lieu,
une mesure nouvelle inscrite au projet de budget
prévoit,
pour la première fois,
la création de 65
emplois par transformation de crédits de vacations et d'heures
supplémentaires
.
Votre rapporteur réclamait depuis longtemps l'intervention d'une telle
mesure, qui présente l'avantage de réduire non seulement la
précarité mais aussi le déficit des créations
d'emplois budgétaires.
Les précédents ministres de l'agriculture avaient
déjà tenté, mais sans succès, d'obtenir de
l'administration du budget la mise en place de plans de transformation en
emplois de crédits de vacations et d'heures supplémentaires,
selon une pratique à laquelle l'éducation nationale a eu
largement recours dans les années récentes. Ces plans auraient
dû porter sur 600 créations d'emplois par tranches annuelles de
150 ou 200.
Même si la mesure inscrite au projet de budget est moins ambitieuse,
votre rapporteur se félicite de l'avancée qu'elle
représente et souhaite, surtout, qu'elle puisse s'inscrire dans une
perspective pluriannuelle permettant de réduire à terme le
déficit en emplois budgétaires dont souffre l'enseignement
agricole.
·
Les mesures de revalorisation
Les mesures de revalorisation de la fonction enseignante, d'un coût total
proche de 10 millions de francs, se traduisent notamment par
27 créations d'emplois de hors classe à l'agrégation,
15 transformations d'emplois d'instituteurs spécialisés en
PLPA2, 227 transformations d'emplois de PLPA1 en PLPA2,
5 transformations d'emplois de PCEA en professeurs agrégés.
Il faut également relever la création d'un échelonnement
indiciaire pour les professeurs biadmissibles à l'agrégation,
mesure qui poursuit la réalisation de la parité statutaire entre
l'éducation nationale et l'enseignement agricole.
b) Les personnels enseignants de l'enseignement supérieur
Le projet de budget pour 1998 prévoit une seule
création d'emploi d'enseignant dans l'enseignement supérieur
agricole ; il s'agit d'un poste de professeur, ce qui porte à 844
le nombre des emplois d'enseignants-chercheurs, auxquels s'ajoutent
210 postes d'ingénieurs et d'enseignants de l'enseignement
secondaire et 6 postes de lecteurs de langues étrangères.
Il est à noter que 2 emplois de lecteurs de langues
étrangères ont été transformés en emplois de
professeurs certifiés de l'enseignement agricole afin de renforcer la
qualité de l'apprentissage des langues vivantes.
Ces créations de postes font suite à 6 créations
nettes en 1997 et 5 en 1996. A l'image de ce qui prévaut dans
l'enseignement technique, le budget de 1998, comme ceux qui l'ont
précédé, ne se traduira donc pas pour l'enseignement
supérieur agricole par une amélioration des taux d'encadrement
des étudiants.
c) Les personnels non enseignants
A la rentrée 1997, les effectifs de personnels non
enseignants représentaient 3.839 postes ATOSS dans l'enseignement
technique et 1.350 postes ITA et ATOS dans l'enseignement supérieur.
Ces effectifs oscillent, depuis déjà de longues années,
entre régression et stagnation, avec pour corollaires un recours massif
aux contrats emploi-solidarité (2 à 3.000 selon les estimations)
et le développement des vacations et de la sous-traitance, tous
expédients insuffisants pour prévenir la dégradation des
conditions de fonctionnement et d'entretien des équipements, comme la
réduction de l'encadrement et de la " présence adulte "
dans les établissements d'enseignement technique,
particulièrement dommageable compte tenu de la forte proportion
d'élèves internes.
Le projet de budget entend traduire la volonté de mettre un terme
à l'érosion des effectifs de personnels non enseignants, mais
l'effort consenti devra être poursuivi pour produire des effets
significatifs.
·
Les créations d'emploi
Elles sont au nombre de 14 :
- 5 emplois d'infirmières -seule survivance du Nouveau contrat pour
l'Ecole ;
- 5 emplois de maître ouvrier dans l'enseignement technique ;
- 4 emplois relevant du statut formation-recherche dans l'enseignement
supérieur.
Il convient en outre de relever que deux emplois de maître ouvrier ont
été transformés en emplois de techniciens du
ministère de l'agriculture, ce qui ouvre pour la première fois,
mais dans une mesure encore bien modeste, la possibilité pour les
personnels de catégories C de la filière ouvrière
d'accéder à la catégorie B.
·
La résorption de la précarité
La " loi Perben " s'applique également aux personnels non
enseignants de l'enseignement agricole. Le nombre des personnels
concernés est cependant limité : selon l'enquête
réalisée en mai 1996, 90 agents seulement rempliraient les
conditions fixées par la loi. Un arrêté du
20 août 1997 a prévu l'organisation, à la fin de cette
année, d'un premier concours pour 40 postes.
d) L'application du plan emploi-jeunes dans l'enseignement agricole
Un millier d'emplois-jeunes pourraient être
créés, sur deux ans, dans l'enseignement agricole.
L'Etat versera 80 % du coût d'un emploi
rémunéré au SMIC (salaires et charges sociales), les
établissements prenant en charge les 20 % restants. Ce dispositif
s'appliquera aussi bien dans les établissements publics que dans les
établissements privés sous contrat.
Le ministère de l'agriculture s'est efforcé de définir les
activités susceptibles de donner lieu à la passation de tels
contrats. Elles répondent à des besoins émergents qui ne
sont pas couverts par les corps de fonctionnaires de l'Etat. Il s'agit,
notamment, du soutien scolaire aux élèves internes, de la
prospective du marché de l'emploi et de la recherche de stages, du
développement des nouvelles technologies ou encore de la promotion et de
l'accompagnement du développement de l'apprentissage.
Votre rapporteur, sans être hostile à ce dispositif, s'interroge
sur la pertinence du recours à des personnels non statutaires dans un
secteur caractérisé, d'une part, par l'importance de l'emploi
précaire, et d'autre part par la stagnation des emplois de personnels
non enseignants. Dans ce contexte, et quelles que soient les précautions
prises, il sera peut-être difficile de prévenir le risque d'un
" effet d'éviction " par rapport à des recrutements de
personnels non enseignants titulaires et d'un nouveau développement de
la précarité.