EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le
rapport pour avis
de
M. Jacques Legendre
sur
les crédits de la
francophonie
inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998, au cours
d'une séance tenue le mercredi 19 novembre 1997, sous la
présidence de son président M. Adrien Gouteyron
.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
Evoquant la place du français dans les organisations internationales,
M. Franck Sérusclat
a regretté que certains
représentants de l'Etat s'expriment parfois en public dans une autre
langue que le français. Il s'est interrogé sur
l'opportunité de créer un ministère chargé de la
francophonie, observant que l'augmentation du nombre de ministères avait
un coût. Il a enfin demandé si le contexte dans lequel
l'élection de Boutros Boutros-Ghali s'était
déroulée ne manifestait pas un mécontentement profond des
pays africains à l'égard de la francophonie.
Evoquant la place du français dans les institutions européennes,
M. Pierre Laffitte
a regretté que dans le domaine de la
recherche les réponses aux appels d'offre correspondant aux actions
prévues par le programme-cadre de recherche et de développement
(PCRD), que la France finance à hauteur de 17 %, doivent
impérativement être formulées en anglais. Il a
estimé que face à cette situation, les pouvoirs publics
français devaient faire preuve de fermeté et
éventuellement conditionner leur contribution financière au
respect du statut de la langue française.
M. Ivan Renar
a fait observer que la politique française en
faveur de la francophonie manquait de lisibilité et a souhaité la
création d'un secrétariat d'Etat à la francophonie. Il a
demandé des précisions sur le rôle, le fonctionnement et le
financement du secrétariat général de la francophonie. Il
a fait observer qu'il était aujourd'hui difficile de considérer
l'Afrique comme la seule zone de développement de la francophonie. Il a
enfin regretté que le ministre de l'éducation nationale ait
déclaré que l'anglais ne devait plus être
considéré comme une langue étrangère,
déclaration qui pourrait être mal comprise.
Mme Danièle Pourtaud
s'est demandée s'il ne serait pas
possible, pour clarifier la répartition des responsabilités
gouvernementales en matière de francophonie, de confier ce secteur
à un délégué interministériel. Après
avoir souligné la nécessité de poursuivre la
restructuration du secteur de l'audiovisuel extérieur, elle a
jugé qu'il serait souhaitable de développer sur les chaînes
de télévision francophones la diffusion d'émissions
d'enseignement du français. Elle a souligné l'insuffisance du
nombre de places dans les écoles et lycées français
à l'étranger ainsi que le coût élevé des
frais de scolarité dans ces établissements. Elle a insisté
sur la nécessité de promouvoir la francophonie dans les nouveaux
médias, observant que 80 % des logiciels éducatifs et
culturels étaient en anglais. Evoquant la place du français en
Europe, elle a relevé que l'Institut Monétaire Européen
travaillait presque exclusivement en anglais.
M. Albert Vecten
s'est félicité du volontarisme du rapport
en soulignant que la promotion de la francophonie exigeait non seulement des
crédits mais également une réelle mobilisation.
M. André Maman
a souhaité que les établissements
scolaires à l'étranger reviennent sous la responsabilité
du ministère de l'éducation nationale. Il a regretté que
les universités françaises ne se fassent pas connaître
davantage à l'étranger. Il a souligné que les
difficultés à obtenir un visa constituaient un frein à la
venue d'étudiants étrangers en France. Il a estimé
nécessaire de faciliter l'accueil des étudiants étrangers
en France, et réciproquement de promouvoir la formation
d'étudiants français à l'étranger. Il s'est ensuite
interrogé sur les motivations réelles des pays d'Europe de l'Est
à adhérer aux institutions francophones. Evoquant le statut de la
langue française comme langue de communication internationale, il a
souligné la situation difficile des chercheurs scientifiques qui sont
condamnés à publier en anglais s'ils veulent être reconnus.
Il s'est enfin enquis des raisons qui ont conduit à choisir Moncton, au
Nouveau-Brunswick, comme lieu du prochain Sommet des chefs d'Etat et de
gouvernement ayant le française en partage.
M. André Egu
a déploré la diminution des
crédits consacrés aux associations francophones. Il a
indiqué qu'il y avait une forte demande de projets de coopération
décentralisée, à laquelle les collectivités locales
françaises ne répondaient que partiellement. Evoquant l'exemple
de quarante députés ukrainiens qui apprenaient le
français, il a fait observer qu'il existait dans les pays de l'Est de
nombreux francophiles. Il a enfin regretté que l'accueil des
étudiants étrangers ne soit pas davantage facilité.
Répondant aux différents intervenants,
M. Jacques
Legendre, rapporteur pour avis
, a apporté les précisions
suivantes :
- la création d'un secrétariat d'Etat ou d'un ministère
délégué à la francophonie, aux relations
culturelles extérieures et à l'audiovisuel extérieur
n'augmenterait pas le nombre des structures administratives mais permettrait
d'assurer, sous l'autorité d'un seul responsable politique, une
meilleure coordination et une plus grande efficacité des nombreux
services qui concourent aujourd'hui à l'action francophone. Compte tenu
de la dimension internationale de la francophonie, il ne paraît pas
possible de confier cette responsabilité à un
délégué interministériel ;
- il est inadmissible qu'un représentant de la France s'adresse en
public dans une autre langue que le français. Ce type de comportement
est d'ailleurs contraire à la circulaire du 12 avril 1994 relative
à l'emploi de la langue française qui rappelle que les agents
publics ont des obligations particulières pour assurer l'usage et le
rayonnement de la langue française ;
- le mécontentement qui s'est manifesté chez certains
représentants africains à l'occasion du Sommet de Hanoi ne doit
pas être surestimé. Il est essentiellement lié à la
politique menée par le nouveau Président du
Congo-Zaïre ;
- le secrétaire général de la francophonie sera le
représentant officiel de la francophonie, l'ordonnateur des
décisions prises par les chefs d'Etat et le premier responsable de
l'Agence de la francophonie. M. Boutros Boutros-Ghali sera secondé
à ce poste par M. Dehaybe qui a été nommé
administrateur de l'Agence. La contribution de la France à la mise en
place du secrétariat général de la francophonie
s'élèvera pour 1998 à 4 millions de francs,
dépense dont on peut penser qu'elle sera compensée par l'effort
de rationalisation des dépenses de l'Agence qui devrait accompagner la
mise en place de ses nouvelles structures ;
- le nombre de locuteurs francophones dans le monde dépend encore
largement de l'Afrique, dont la croissance démographique reste
très élevée. Cependant, il faut veiller à enrayer
la crise que connaît le système éducatif de certains pays
africains, car le français disparaîtra si la scolarisation
régresse ;
- la volonté des pays de l'Europe de l'Est d'adhérer aux
institutions francophones peut tenir en partie au désir d'obtenir une
reconnaissance internationale, voire une aide financière, mais elle
procède aussi d'un réel attachement à la culture
française. Leur adhésion devrait néanmoins être
conditionnée à un certain nombre d'engagements à
l'égard de la francophonie ;
- une clarification des structures de l'action audiovisuelle extérieure
française s'impose effectivement ;
- la situation du français dans l'Union européenne et au Conseil
de l'Europe constitue un enjeu majeur pour la francophonie. La langue
française perdrait beaucoup de son influence si l'anglais devenait la
langue des relations extérieures de l'Union européenne ;
- le Nouveau Brunswick comprend une importante population francophone en Acadie
qui fêtera l'année prochaine le tricentenaire de la
présence française en Amérique du Nord. C'est pourquoi la
tenue du prochain Sommet de la francophonie à Moncton n'apparaît
pas injustifiée.
A l'issue de ce débat,
la commission, suivant la proposition de son
rapporteur, a décidé à l'unanimité de donner un
avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie pour
1998
.