ANNEXE : AUDITION DE MME CATHERINE TRAUTMANN DEVANT LA COMMISSION DES
FINANCES
LE JEUDI 30 OCTOBRE 1997
I. EXPOSÉ SUR LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
Nous vivons l'ère du numérique, une
époque de bouleversements technologiques dont le service public ne peut
être absent. Le service public, pour continuer à remplir ses
missions doit participer, accompagner et pourquoi pas impulser ces
bouleversements. Cette volonté politique forte, il ne suffit pas de
l'affirmer, il faut aussi la traduire dans les actes, et plus
précisément encore, dans le budget.
Soyons clairs; le budget que je vous présente ici est un bon budget,
puisqu'il progresse de 3,3 % et s'établit à 18 milliards de
francs, soit 570 millions de francs de plus qu'en 1997, ce n'est cependant
qu'une étape. L'ensemble du secteur dont j'ai la charge, celui de la
culture et de la communication avait été particulièrement
malmené au cours des années précédentes. Il y avait
beaucoup à faire pour atteindre les objectifs que nous nous
étions fixés. Ces objectifs ne peuvent pas être atteints en
un an. Mais, il fallait inverser la tendance. C'est ce que nous avons fait
cette année.
Pour en revenir au budget que je vous présente aujourd'hui, celui de
l'audiovisuel public, inverser la tendance, cela signifiait sortir d'une
spirale infernale, qui menait progressivement mais inexorablement, à la
mort du service public, sans que cette orientation soit débattue ou
décidée au sein du gouvernement ou du parlement.
En étranglant financièrement les chaînes publiques, le
précédent gouvernement les contraignait à se lancer dans
une course à l'audience, à chercher à rivaliser avec les
chaînes commerciales pour conquérir les ressources publicitaires
devenues indispensables à leur survie. En fixant à France
Télévision une progression spectaculaire de ses ressources
publicitaires en 1997 (+ 7 % pour F2, + 30 % pour F3), le but n'était
plus alors de remplir des missions de service public, mais d'atteindre des
objectifs commerciaux, de satisfaire les besoins des annonceurs. Il devenait
alors facile de montrer que les chaînes publiques n'étaient plus
différentes des chaînes privées, et on en justifiait ainsi
aisément la disparition programmée.
De même, imposer un montant d'économies considérables
à la Sept et la Cinquième (140 millions de francs) en
anticipant les conséquences de leur rapprochement revenait à
affaiblir l'une et l'autre société.
Il fallait donc casser cet enchaînement. C'est ce que fait le projet de
loi de finances pour 1998.
Ce budget est en progression de 3,3 %. Cette augmentation est très
supérieure à celle du budget de l'Etat, ce qui est le
résultat d'arbitrages gouvernementaux favorables au secteur public
audiovisuel. Lorsque nous avons commencé les discussions, la position du
Budget était de partir de la progression du budget de l'État soit
+ 1,2 % pour établir la progression des ressources de l'audiovisuel
public. C'est ainsi qu'en 1997, cette progression qui s'était
arrêtée à 1,3 % (+ 236 M par rapport à 1996), ne
couvrait même pas l'actualisation des dépenses au taux d'inflation
constaté (1,9 %). C'est là un mauvais calcul, qui repose sur un
présupposé faux: les deux termes de la comparaison ne sont pas
équivalents. Le budget des organismes audiovisuels doit certes
être établi selon la même démarche que les autres
budgets publics, mais il doit aussi tenir compte de l'environnement
concurrentiel au sein duquel les sociétés se situent: les
ressources des chaînes privées progressent très
régulièrement (+ 6 % pour TF1); si l'on n'y prend garde, le jeu
devient vite très déséquilibré.
L'audiovisuel public est un service public à part entière, mais
il faut l'aborder selon l'économie propre à ce secteur. Cela
signifie que, traitant les organismes audiovisuels comme des entreprises,
l'Etat doit leur assurer la sécurité financière sans
laquelle elles ne pourraient vivre. En contrepartie, il faut leur demander une
rigueur de gestion sans faille, leur imposer de faire toutes les
économies qui peuvent l'être, pour utiliser au mieux les moyens
qui leur sont alloués. J'ai pris la responsabilité d'augmenter la
redevance de 35 francs, je veux que cet argent serve à améliorer
le service rendu aux téléspectateurs. J'ai en outre
conditionné l'octroi de ces moyens supplémentaires à la
réalisation d'un montant d'économies de 153 millions de
francs (soit 0,85 % du budget de fonctionnement global) dont la
répartition est laissée à l'appréciation des
responsables des sociétés.
En augmentant la redevance, je me suis donné trois objectifs: assurer la
pérennité des ressources des organismes, rétablir
progressivement un meilleur rapport entre les ressources publiques et le
ressources commerciales des chaînes, et améliorer le service rendu
aux téléspectateurs.
D'abord, assurer la pérennité des ressources. J'ai pleinement
conscience du fait que ce budget n'est qu'une étape, et qu'il faudra
poursuivre nos efforts. L'audiovisuel sort d'une période de
récession, qui a fragilisé les entreprises. J'ai souhaité
sécuriser leurs ressources, leur donner une visibilité à
long terme, qui leur permette de mettre en place une stratégie
dépassant les douze mois. En effet, une partie de l'augmentation de la
redevance va servir à compenser une diminution des crédits
budgétaires. Mais soyons clairs: ces crédits ont diminué
de 798 millions en 96 et de 386 millions en 97. Il est très peu probable
qu'ils atteignent à nouveau le montant initial d'1,4 milliard.
Dans ces conditions, et pour parler franchement, je préfère la
pérennité d'une ressource affectée à des
crédits toujours susceptibles d'une régulation budgétaire,
encore à l'heure où nous parlons. Ainsi 35 millions de
francs ont été annulés en juillet 1997, au
détriment de Radio France et de l'INA. On ne peut pas gérer
aujourd'hui les entreprises publiques de l'audiovisuel, dans un secteur
où la concurrence est si vive, en amputant ainsi leurs crédits de
façon aléatoire, et parfois en cours de gestion. Le sens de
l'histoire, c'est sans doute que ces organismes soient financés
entièrement par des ressources qui leur sont propres, qu'il s'agisse de
la redevance ou de recettes commerciales. Celles-ci sont à mon sens
nécessaires, dans une proportion raisonnable. C'est sur cette proportion
qu'il faudra continuer à travailler.
Et c'est là le second but que j'ai poursuivi en augmentant la redevance.
J'ai en effet veillé à stabiliser le niveau relatif des
ressources publicitaires dans le financement de France
Télévision. Celles-ci ont connu au cours des dernières
années, et tout particulièrement l'an dernier une forte
évolution, due à la croissance du marché publicitaire. Les
chaînes publiques ont besoin de ces ressources pour se développer
et s'agissant d'entreprises industrielles et commerciales, il ne serait pas
logique de les priver de la collecte de ressources commerciales, compte tenu du
souci de maîtriser les dépenses publiques.
En tout état de cause, le Gouvernement a manifesté son
attachement, à Bruxelles, au financement mixte des
télévisions publiques, Et parce que celui lui paraît
adapté à leur mission de service public.
Pour une télévision publique, les téléspectateurs
ne constituent pas une cible publicitaire: contrairement à ce qui se
passe pour les chaînes privées, on ne peut pas mettre en relation
certains programmes avec un montant de ressources collectées.
Mais si la recherche d'une audience forte fait aussi partie des missions du
service public, au service de tout le public, il faut trouver, entre le
financement public et ces ressources commerciales, un équilibre
satisfaisant.
J'aurai bien évidemment préféré vous
présenter aujourd'hui un budget montrant une diminution de la part des
recettes commerciales dans les ressources totales des chaînes. Compte
tenu de la diminution des crédits budgétaires, cela n'a pas
été possible. Ce sera la prochaine étape: j'y veillerai et
je compte aussi sur le Parlement pour me soutenir dans cette démarche.
Mais déjà en 1998, la part de financement public dans le total
des ressources du secteur public audiovisuel est maintenue à 69%.
Troisième objectif: que l'augmentation de la redevance serve à
améliorer le service rendu, Pour cela, j'ai retenu deux
priorités: la qualité et l'innovation, domaines dans lesquelles
le service public doit être une référence.
C'est autour de ces deux axes que s'organisent les mesures nouvelles
décidées en 1 998.
La qualité des programmes d'abord: la Sept-Arte et la Cinquième
avaient été lourdement pénalisées en 1997, et
n'avaient plus les moyens de remplir leur mission spécifique, celle de
produire ou d'acquérir des programmes culturels et éducatifs. Le
budget de la Sept-Arte augmente donc de 7,3 % et celui de la Cinquième
de 6,7 %. Avec respectivement 44,9 et 17 Millions de francs
supplémentaires à consacrer à l'amélioration de
leur grille, la SeptArte et la Cinquième pourront offrir aux
téléspectateurs des programmes plus attractifs et plus conformes
à leur mission.
France 2 et France 3 voient également progresser leurs ressources, dans
le but de développer une politique de programmes de qualité, au
service de tous les publics. De même, Radio France
bénéficie d'une mesure nouvelle en faveur de la création
et de l'innovation dans ses programmes.
Après la qualité des programmes, l'innovation est le second axe
de ce budget.
L'évolution technologique nous a fait passer d'une
télévision de programmes diffusés à une
télévision de programmes choisis. La rapidité avec
laquelle le magnétoscope a pénétré dans les foyers
en était un premier signe. Je crois beaucoup à la poursuite de ce
mouvement qui amènera chacun à utiliser à son rythme,
selon ses besoins et ses envies, les programmes qui seront disponibles. Tel est
le sens des deux grandes innovations qui seront financées dans le budget
pour 1 998: la Banque de programmes et des services de la Cinquième, et
le centre de consultation du dépôt légal des programmes
audiovisuels à la Bibliothèque François Mitterrand.
400 sites, 200 centres sociaux et 200 établissements d'éducation
seront équipés en 1998 pour recevoir l'offre de la BPS: les
enseignants, formateurs ou animateurs pourront ainsi sélectionner et
télécharger les programmes qu'ils souhaiteront utiliser. Cette
expérience grandeur nature permettra de préciser les besoins et
le cas échéant d'améliorer cette offre, qui sera ensuite
progressivement étendue.
C'est avec le même souci de valoriser le patrimoine audiovisuel et de
répondre aux besoins de l'enseignement et de la recherche scientifique
qu'est lancé un plan de numérisation des archives, et que sera
ouvert en juillet 1998 le centre de consultation de l'Inathèque à
la Bibliothèque François Mitterrand. 42 millions de francs y
seront consacres.
Voilà donc très rapidement présenté le budget de
l'audiovisuel public. Bien sûr, il ne répond pas à toutes
les demandes des organismes, mais après la période très
difficile qu'ont connue les sociétés de l'audiovisuel public, il
permet de repartir sur des bases saines. Un certain nombre de projets qui nous
avaient été présentés n'ont pu être
réalisés cette année, soit parce qu'ils n'étaient
pas assez avancés (et je pense à la chaîne des
régions), que leurs objectifs n'étaient pas assez précis,
comme dans le cas du Mouv', soit pour de simples raisons budgétaires.
Nous commençons dès aujourd'hui à travailler pour que ceux
qui présentent un intérêt pour le public puissent
être affinés et pris en compte.
Nous avons dû également cette année prendre acte, sans
pouvoir les remettre en cause compte tenu de leur degré d'avancement,
des projets immobiliers décidés par le gouvernement
précédent, qu'il s'agisse du siège commun de France 2 et
de France 3 ou du siège et des installations de RFO en Guyane et
Guadeloupe. Le budget que je vous présenterai l'an prochain ne sera plus
grevé par ces opérations très lourdes.