III. L'EXONERATION DE VIGNETTE EN FAVEUR DES " VOITURES PROPRES "
Reprenant purement et simplement une disposition qui figurait dans le projet de loi sur l'air et dont votre commission des finances avait obtenu la suppression, l'article 61 septies du présent projet de loi de finances conduit votre rapporteur a rappeler les motifs qui avait conduit le Sénat à s'opposer à son adoption, tout en lui permettant de proposer des modalités d'action plus pertinentes pour rendre la fiscalité des automobiles plus " écologique ".
A. LE RETOUR D'UNE " FAUSSE BONNE IDEE "
Cet article autorise les conseils généraux et l'assemblée de Corse à exonérer les véhicules électriques ou utilisant une énergie peu polluante de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur.
1. Une mesure largement symbolique
Dans son volet financier et fiscal, la loi sur l'air du 30
décembre 1996 comporte un ensemble de dispositions destinées
à favoriser les véhicules électriques et les
véhicules utilisant les carburants peu polluants que constituent le gaz
naturel véhicules (GNV) et le gaz de pétrole
liquéfié (GPL).
La principale mesure incitative créée par cette loi porte sur la
taxe sur les véhicules de société
, dont les
véhicules " propres " peuvent, en application de l'article
1010 A du code général des impôts, être
exonérés en totalité s'il s'agit de véhicules
fonctionnant exclusivement au moyen de l'énergie électrique, du
GNV ou du GPL et du quart du montant de cette taxe s'il s'agit de
véhicules, dits " bimodes " ou
" bicarburés ", fonctionnant alternativement au moyen de
supercarburants et de GPL.
Cette
mesure est réellement incitative en raison du montant de cette
taxe annuelle
, dont il convient de rappeler que les tarifs ont
été relevés par l'article 18
octies
du
présent projet de loi de finances, respectivement à
6.800
francs
pour les véhicules de
moins de 7 CV
et à
14.800 francs
pour les véhicules de
plus de 7 CV
.
S'agissant de la vignette
une mesure d'exonération, dont le
présent article prévoit qu'elle pourrait être
décidée
" de façon totale ou partielle "
par les conseils généraux, n'aurait qu'une
portée
relativement symbolique pour l'acheteur d'un véhicule
" propre "
. A cet égard, votre commission des finances
note qu'en outre que cet " avantage " serait
particulièrement
limité pour les véhicules électriques, les seuls qui
soient réellement non polluants, en raison de leur très faible
puissance fiscale qui ne dépasse en général pas 2 CV, ce
qui correspond à des tarifs de vignette très faibles.
L'économie procurée par une
exonération de la vignette
serait en effet sans rapport avec le surcoût
de l'ordre de 50.000
francs que présente à l'achat un véhicule
électrique.
Sur ce point, votre commission des finances estime qu'il s'agit là d'une
mesure d'incitation inadaptée à son objectif
. Votre
commission rappelle d'ailleurs que les particuliers et les entreprises peuvent
bénéficier d'un ensemble de primes pour l'acquisition de
véhicules électriques. Ces primes à l'achat versées
par l'Etat et EDF s'élèvent à 10.000 francs
(5.000 francs Etat, 5.000 francs EDF) pour les véhicules dont
la charge utile est inférieure à 300 kilos et à
15.000 francs au-delà de ce seuil (5.000 francs Etat,
10.000 francs EDF). En ce qui concerne les autres véhicules
" propres ", il faut ajouter que rien n'empêche le
Gouvernement
d'adopter une mesure de même nature.
Inadaptée à son objectif, l'exonération de la vignette
constituerait en outre pour les départements une source de pertes de
recettes non compensées par l'Etat que votre commission ne saurait
approuver.
2. fondée sur un principe contestable
En effet, si cette mesure est symbolique pour le particulier,
elle constitue en revanche pour les départements une disposition
fondée sur un principe contestable.
Le présent article, qui prévoit le caractère facultatif -
et donc non compensé par l'Etat - de cette exonération, entre en
contradiction avec l'affirmation par la loi sur l'air d'une
responsabilité nationale en matière de politique de surveillance
de la qualité de l'air. Ce système serait en effet susceptible
d'entraîner des distorsions géographiques dans le
" traitement fiscal " des véhicules
" propres ". Il
est en outre de nature à exposer les conseils généraux
à d'éventuelles pressions locales.
La réponse aux
inconvénients du caractère
facultatif
de ces mesures pourrait consister à
rendre
obligatoires - et donc à faire compenser par l'Etat - les
exonérations envisagées
. Cette solution aurait l'avantage de
rétablir une cohérence par rapport à la dimension
nationale du problème de la pollution atmosphérique, tout en
prenant en considération la situation financière difficile des
collectivités locales.
Cette perspective se heurterait cependant à une réserve de
principe : si les compensations sont initialement financées dans
des conditions acceptables, l'expérience montre que, trop souvent, ces
dernières se dégradent au fil du temps.
En tout état de cause, s'agissant du principal impôt
transféré aux départements par l'Etat en contrepartie des
transferts de compétences (14,47 milliards de francs prévus
pour 1997),
votre commission des finances ne saurait accepter l'engagement
d'un volet supplémentaire de " grignotage " des ressources
fiscales des collectivités locales.
A cet égard, il convient de relever que s'agissant des véhicules
" bimodes " GPL-essence, les pertes de recettes pour les
départements pourraient être relativement importantes s'agissant
de véhicules dont la puissance fiscale est généralement
supérieure à 7 CV. Or, le développement de ce type de
véhicules est déjà très largement relancé
par la forte baisse du carburant GPL à la pompe. Le prix de ce carburant
a en effet fortement baissé à la suite de la forte
réduction du tarif de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers décidée à l'occasion de la loi de
finances pour 1997. Redescendu à 2,50 francs le litre en 1997, le
prix de ce carburant connaîtra, en 1998, une nouvelle diminution de la
TIPP sur le GPL qui débouchera sur un prix à la pompe d'environ
2,40 francs le litre.
Enfin, la mise en œuvre pratique d'une telle disposition serait à
l'origine, pour les services de la direction générale des
impôts, d'un
accroissement considérable de la charge de travail
liée à la gestion de cette taxe
.
L'ensemble de cette réflexion conduit donc votre commission des finances
à proposer la suppression du présent article et ce d'autant plus
qu'il existe des actions beaucoup qui seraient beaucoup plus pertinentes pour
intégrer des préoccupations " écologiques " dans
la fiscalité des véhicules.
B. L'INTÉGRATION DE CRITÈRES ENVIRONNEMENTAUX DANS LA FISCALITÉ DES VÉHICULES : UNE VOIE À EXPLORER
S'agissant de la fiscalité des véhicules, le
caractère croissant de cette fiscalité en fonction de la
puissance des véhicules apparaît cohérente au regard de
l'environnement.
En revanche, il convient de souligner que le
principe de la moindre
imposition, voire de l'exonération, des véhicules les plus
anciens, rentre en contradiction avec la volonté de favoriser les
automobiles moins polluantes
.
Au regard de cet objectif, il paraît en effet illogique de faire peser
une moindre charge fiscale sur des véhicules anciens, dont il est admis
qu'ils sont à l'origine d'une part beaucoup plus que proportionnelle de
la pollution atmosphérique urbaine due à la circulation
automobile. On considère, en effet, que
80 % de la pollution
d'origine automobile provient de 20 % du parc constitué des
véhicules les plus anciens
.
La mise en oeuvre d'une telle réflexion impliquerait de revenir sur le
caractère chronologiquement dégressif de la fiscalité des
véhicules qui est actuellement fondée sur la réduction
progressive de la valeur vénale des véhicules.
Même si une application intégrale du principe
" pollueur-payeur " dans ce domaine paraît difficilement
envisageable, il convient de rappeler les règles existantes.
1. Les règles existantes
En ce qui concerne la
fiscalité de l'Etat
, il
résulte des dispositions combinées de l'article 1010 et de
l'article 310 D de l'annexe II du code général des impôts
que
sont exonérés de la taxe sur les véhicules des
sociétés les véhicules de plus de dix ans
.
Dans le cadre de la
fiscalité locale
, la taxe
différentielle sur les véhicules à moteur (la vignette) et
la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules (taxe sur
les " cartes grises "), sont assorties d'un système de
réduction de la taxe due en fonction de l'âge du véhicule.
Pour la
vignette
, l'article 1599 G du code général des
impôts dispose en effet que
les tarifs de cette taxe
" sont
réduits de moitié "
pour les véhicules ayant plus
de cinq ans.
Les véhicules dont l'âge est compris entre vingt
et vingt-cinq ans bénéficient, quant à eux, d'un
coefficient réducteur de 0,4 ; les véhicules de plus de
vingt-cinq ans étant, pour leur part, exonérés en
application de l'article 317
nonies
de l'annexe II du code
général des impôts.
Pour la " carte grise ", l'article 1599
sexdecies
du
même code prévoit une
réduction de moitié de la
taxe pour "
les véhicules ayant plus de dix ans
d'âge ".
2. Les implications d'une éventuelle application du principe " pollueur-payeur "
Sans préjudice de la détermination d'un
âge élevé permettant d'exonérer, notamment, les
voitures de collection,
l'application du principe
" pollueur-payeur " conduirait à supprimer les diverses
dispositions tendant à faire bénéficier les
véhicules les plus anciens, et pourtant de très loin les plus
polluants, d'une taxation atténuée ou d'une
exonération
.
Une telle adaptation de la fiscalité des véhicules serait plus
simple à mettre en oeuvre que l'intégration éventuelle
dans ces taxations de critères destinés à prendre en
compte le caractère plus ou moins polluant des véhicules qui est
parfois évoqué.
Il s'agirait en outre d'une application modérée du principe
" pollueur-payeur ", uniquement destinée à
égaliser les conditions de taxation entre les véhicules
récents et les véhicules plus anciens et non d'une
pénalisation relative de ces derniers.
Une telle mesure pourrait contribuer de façon positive à la lutte
en faveur de la qualité de l'air. Ce relèvement constituerait en
effet
une incitation au renouvellement du parc automobile et donc à
la substitution de véhicules neufs, moins polluants, à des
véhicules anciens
.
Une telle décision se heurterait cependant à deux obstacles
principaux : d'une part, il entraînerait une hausse des
prélèvements obligatoires et d'autre part, il constituerait, pour
les redevables concernés par cette hausse (surtout pour la vignette),
une charge nouvelle difficile à faire accepter socialement. Il s'agirait
en outre d'une atteinte supplémentaire au principe de stabilité
de la norme fiscale auquel votre commission rappelle son attachement.
Un signal pourrait cependant être donné concernant la taxe sur les
véhicules de société (TVS), qui relève de l'Etat,
en supprimant ou en modulant le principe posé à l'article 310 D
de l'annexe II du code général des impôts
d'exonération des véhicules de société de plus de
dix ans. Il ne s'agirait, en l'espèce, que d'un signal, dans la mesure
où l'exonération ne s'applique qu'aux véhicules de plus de
dix ans. Or, le nombre des véhicules de plus de dix ans au sein du parc
des véhicules de société est assez limité -
notamment en raison des règles de l'amortissement.