II. L'ACTION DISCRÈTE ET EFFICACE DE L'ANAH DANS LA LUTTE CONTRE LA VACANCE ET L'EXCLUSION
Le projet de loi de finances pour 1998 maintient les
crédits de l'ANAH à un niveau élevé, quoique
très en retrait par rapport aux recettes tirées de la taxe
additionnelle au droit de bail.
En matière de politique du logement, deux fléaux sont
dénoncés souvent et à juste titre :
la vacance
, qui
toucherait entre 1,5 et 2,0 millions de logements, et
l'exclusion des plus
démunis
, qui apparaît choquante dans une situation où
une proportion significative de logements n'est pas occupée.
La lutte entre ces deux fléaux est traditionnellement
considérée comme relevant du parc locatif social public. Celui-ci
combat l'exclusion avec une efficacité croissante : les ressources
de ses nouveaux occupants ne cessent de diminuer. En revanche, il est à
son tour de plus en plus touché par la vacance.
Cette lutte n'est cependant pas considérée comme menée par
le parc locatif privé. C'est un tort : celui-ci est présent, et
de plus en plus, sur ce terrain, grâce à l'action de l'ANAH.
L'agence montre, s'il en était besoin, que les bailleurs privés
sont prêts à s'engager pour cet objectif d'intérêt
général.
A. LA LUTTE POUR LE LOGEMENT DES PLUS DÉMUNIS
Dans le cadre du plan d'urgence en faveur du logement des
plus
démunis, le gouvernement précédent a demandé
à l'ANAH de développer une offre nouvelle de logements locatifs
à vocation sociale.
Les mesures adoptées à cet effet par le conseil d'administration
du 11 juillet 1995 comportent 3 volets :
- lorsque le propriétaire réalise des travaux
d'amélioration dans un logement vacant qu'il s'engage à
conventionner, la subvention est augmentée d'un montant forfaitaire de
20.000 francs. Deux conditions sont nécessaires : le logement doit
être inoccupé depuis le 1er juillet 1994 et le coût des
travaux doit s'élever à 100.000 francs minimum ;
- lorsqu'un propriétaire loue à un organisme agréé
à des fins de sous-location à des personnes
défavorisées, la subvention actuelle pour les travaux
légers de remise aux normes (70 % de la dépense, dans la limite
de 40.000 francs) est complétée par une prime forfaitaire de
10.000 francs à condition que le logement soit inoccupé
depuis le 1er juin 1995 ;
- enfin, lorsque le propriétaire réhabilite un logement pour le
louer dans le cadre d'un programme social thématique (PST), en plus de
la subvention de l'ANAH, qui peut atteindre jusqu'à 70 % du montant des
travaux, il bénéficie d'une prime de 20.000 francs à
condition que le logement soit inoccupé depuis le 1er juin 1995.
Au total, 4.695 logements ont bénéficié en 1995 d'une
majoration forfaitaire de subventions :
- 2.541 logements vacants conventionnés (pour l'essentiel dans les
opérations programmées d'amélioration de l'habitat
-OPAH) ;
- 76 logements loués à un organisme agréé à
des fins de sous-location à des personnes défavorisées ;
- 2.078 logements vacants financés dans le cadre des programmes sociaux
thématiques.
Les majorations forfaitaires représentaient un montant total de
92 millions de francs de subvention.
En raison du succès
rencontré en 1995, le conseil d'administration de l'agence a
décidé de poursuivre cette action en 1996.
Au total entre le 1er juillet 1995 et le 30 juin 1996, près de
8.000 logements ont bénéficié d'une majoration
forfaitaire.
Le tableau suivant montre les résultats obtenus dans les principaux
secteurs (logements conventionnés et PST).
Ces chiffres indiquent que la majoration forfaitaire
instituée a permis un accroissement sensible du nombre de logements
conventionnés et du nombre de logements financés en PST par
rapport aux résultats observés au cours des 12 mois
précédant la mise en oeuvre des nouvelles mesures.
Le tableau suivant indique pour les différentes catégories de
logements ayant bénéficié de la majoration forfaitaire de
subvention, le montant des travaux et la subvention moyenne.
La majorité des plans départementaux d'actions
pour le logement des personnes défavorisées ont lancé des
programmes sociaux thématiques (PST)
Nombre de conventions PST :
année |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
nbre PST nouveaux |
78 |
88 |
78 |
81 |
73 |
nbre PST en vigueur |
98 |
177 |
206 |
263 |
218 |
Subventions engagées et nombre de logements
financés dans le cadre des PST :
année |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
Total subventions travaux (MF) |
175 |
264 |
323 |
317 |
426 |
nbre de logements conventionnés |
2.800 |
3.300 |
3.900 |
3.600 |
4.200 |
la consommation de crédits PST s'est accrue de 34,4 %
de 1994 à 1995. Les PST représentent en 1995 15,6 % des
engagements de l'ANAH (contre 11,6 % en 1994).
Après une forte progression du nombre de logements produits, on a
assisté en 1993-1994 à une stabilisation autour de 3.500 à
3.900 logements produits en PST par an, puis à une nouvelle croissance
en 1995.
Ces logements sont dans leur majorité vacants (85 % des logements
améliorés en PST en 1995 étaient vacants) et très
dégradés et nécessitaient un montant élevé
de travaux.
Les propriétaires ayant acquis leur logement depuis moins de
2 ans, appelés "investisseurs", représentent 45 % du nombre
des dossiers PST, contre seulement 29 % de l'ensemble des dossiers ANAH.
De l'enquête 1994 sur l'occupation et le suivi des logements PST, il
ressort que la réhabilitation a porté essentiellement sur des
logements inférieurs au T3 (près de 40 % des logements sont des
studios ou T1). Ils sont occupés majoritairement par des personnes
jeunes, 60 % d'entre elles ayant moins de 40 ans dont 35 % ont moins de
25 ans. Il s'agit pour plus de 40 % de personnes isolées, pour 14 %
de familles monoparentales avec un ou deux enfants et pour 11 % de couples sans
enfants.
Peu de locataires ont un emploi stable et la plupart d'entre eux
bénéficient d'une allocation (chômage, parent isolé,
handicapé, RMI) ou d'un emploi précaire (CES, contrat de
qualification, stage). Les ressources mensuelles sont, pour plus de 70 % des
ménages, inférieures à 5.000 francs.
L'offre constituée par les PST, composée essentiellement de
petits logements, correspond à une demande caractéristique des
populations fragilisées sur le plan social : célibataires,
familles monoparentales, personnes sans emploi stable.
En ce sens, le PST apporte une réponse adaptée à un moment
du parcours d'insertion. Disposer d'un petit logement sur une certaine
période peut faciliter une amélioration de la situation
professionnelle et familiale des ménages concernés.
B. LA LUTTE CONTRE LA VACANCE
L'ANAH a aidé à remettre sur le marché,
avec tous les éléments de confort nécessaires,
38.500
logements vacants
en 1996 qui se répartissent comme suit :
- logements existants améliorés |
29.700 |
- transformation de locaux en logements |
2.000 |
- restructuration lourde d'immeubles |
6.800 |
L'évolution du nombre de logements vacants remis
sur le marché est résumée dans le tableau suivant :
Année |
Nbre de logements vacants remis sur le marché |
en % du nombre total de logements subventionnés |
1992 |
26.100 |
22,4 |
1993 |
31.400 |
22,3 |
1994 |
42.200 |
29,2 |
1995 |
40.600 |
32,1 |
1996 |
38.500 |
34,4 |
Plus du tiers de logements subventionnés par l'ANAH
étaient vacants en 1996 contre un peu plus de 20 % il y a cinq ans.
Un peu plus de la moitié des logements remis sur le marché, l'ont
été par des investisseurs (c'est-à-dire des personnes
ayant acquis les logements pour les louer après
réhabilitation).
Le montant moyen des travaux par logement s'établit à
216.000 francs (3.300 francs au m² de surface habitable), soit
plus du double du montant constaté pour l'ensemble des logements
subventionnés par l'ANAH.
De ce fait, en 1996, les subventions attribuées pour la remise de
logements vacants sur le marché sont évaluées à
1.900 millions de francs, soit les trois quarts du total des subventions
attribuées (2.595 millions de francs) alors qu'ils ne
représentent que le tiers des logements subventionnés par l'ANAH.
S'agissant des logements existants améliorés, le tableau suivant
indique l'ancienneté de la vacance au moment du dépôt de la
demande de subvention.
Ancienneté de la vacance |
Diffus
|
OPAH
|
PST
|
Ensemble
|
0 à 3 mois |
27 |
14 |
3 |
21 |
3 mois à 6 mois |
14 |
7 |
3 |
11 |
6 mois à 12 mois |
16 |
11 |
10 |
14 |
12 mois à 3 ans |
23 |
33 |
42 |
27 |
3 ans à 6 ans |
8 |
15 |
16 |
11 |
plus de 6 ans |
13 |
20 |
26 |
16 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
Ancienneté
moyenne
|
2,3 |
3,7 |
4,2 |
2,9 |
On constate que, si pour un peu moins d'un tiers des
logements, les travaux ont vraisemblablement été faits à
l'occasion d'un changement d'occupant (vacance inférieure à 6
mois), l'action de l'ANAH en faveur de la remise sur le marché a
porté majoritairement sur des logements dont la vacance était
ancienne, et même très ancienne dans les OPAH et les programmes
sociaux thématiques (PST).
C'est dans les communes rurales que l'ancienneté de la vacance est la
plus forte (4,2 années en moyenne). Elle est de 3,1 années dans
les agglomérations de moins de 100.000 habitants, 2 années dans
les agglomérations de plus de 100.000 habitants et d'un peu plus d'un
ans dans l'agglomération parisienne.
Les opérations menées avec les collectivités locales
contribuent fortement à la remise sur le marché de logements
vacants : 42 % des logements subventionnés dans les OPAH et 85 % dans
les PST sont remis sur le marché.
Enfin, il convient de rappeler qu'afin de favoriser le développement de
l'offre de logements conventionnés dans les OPAH, le conseil
d'administration a décidé en 1994 de porter de 35 % à 40 %
le taux de subvention de l'Agence sous réserve qu'une
collectivité locale accorde une subvention complémentaire du taux
de 5 %, ce qui porte au total le taux de subvention à 45 %. Ces aides
des collectivités locales sont souvent assorties de critères
particuliers dépendant des priorités que se donne la
collectivité, et notamment la résorption de la vacance.