III. LES DIFFERENDS COMMERCIAUX ENTRE L'UNION EUROPEENNE ET SES PRINCIPAUX PARTENAIRES
A. LES DIFFÉRENDS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LES ETATS-UNIS
Depuis un an, les contentieux commerciaux entre l'Europe et les Etats-Unis se sont multipliés. La plupart de ces contentieux interviennent dans des domaines où les deux partenaires ont des intérêts fortement concurrents sur les marchés mondiaux (dossiers agricoles, construction aéronautique). Ces différends recouvrent également des divergences d'appréciation sur certains principes du commerce international (place accordée à la protection des consommateurs, utilisation de sanctions commerciales extraterritoriales motivées pour des motifs politiques).
1. Dans le domaine agricole
·
Les procédures d'autorisation
communautaire de mise en culture et de consommation des produits contenant des
organismes génétiquement modifiés
(OGM),
gérées par la DG XI (environnement), sont de moins en moins
adaptées à un développement du commerce de ces produits,
en particulier en provenance des Etats-Unis. A l'initiative de la France, qui
dispose d'une recherche active dans ce secteur, la Commission a
récemment fait le point de cette question devant le comité de
l'article 113. L'adaptation de la réglementation communautaire
devient urgente : des cargaisons de céréales américaines
contenant des OGM non encore autorisés au sein de l'Union seront
expédiées dans les prochains mois vers l'Europe, qui devra
préserver la santé et l'environnement tout en limitant les
risques de contentieux commerciaux.
·
L'utilisation d'
hormones
de croissance
pour la production de viande bovine est interdite dans la Communauté,
interdiction étendue aux viandes importées. La procédure
entamée à l'OMC par les Etats-Unis et le Canada devrait aboutir,
une fois l'appel en cours jugé, à la condamnation de la
réglementation communautaire (novembre 1997). Sauf à revenir sur
cette interdiction, il faudra soit apporter de nouveaux éléments
scientifiques permettant le maintien de cette réglementation, soit
accorder des compensations commerciales aux pays plaignants pour conserver nos
protections.
·
Le régime communautaire d'importation et de
commercialisation de la
banane
favorise les bananes produites dans la
Communauté et les pays ACP, en particulier par l'instauration d'un
contingent tarifaire affectant celles en provenance d'Amérique latine. A
la suite d'une plainte des Etats-Unis et de quatre pays
latino-américains, l'OMC devrait condamner en appel cette
réglementation (septembre 1997). La Communauté, au sein de
laquelle au mieux quatre Etats membres dont la France soutiennent fermement ce
régime, devra choisir entre une mise en conformité totale avec
les règles de l'OMC ou une mise en conformité partielle
négociée avec les pays plaignants. Un refus de mise en
conformité, en accordant des compensations commerciales, serait
inacceptable pour nos partenaires européens.
·
La
protection des indications d'origine
est peu
développée aux Etats-Unis où un nom géographique
peut être enregistré comme une marque. D'ailleurs, les tribunaux
ne sanctionnent que rarement l'utilisation d'une fausse indication
géographique. Ceci peut se révéler très
préjudiciable pour les vins et spiritueux, compte tenu de l'ampleur des
flux commerciaux dans ce secteur. Des discussions devant conduire à la
renégociation de l' "Accord vin" sont en cours. Toutefois, la
récente adoption d'un amendement budgétaire par le Congrès
des Etats-Unis entérinant au niveau législatif l'utilisation de
dénomination semi-génériques pour les vins, pourrait
compliquer l'obtention d'un accord.
·
Les
négociations sanitaires
entre la
Communauté et les Etats-Unis, commencées dès 1992, n'ont
pas abouti, malgré les mesures de compromis proposées par la
Communauté. Les propositions américaines sont contestées
par la grande majorité des Etats membres, faute d'apporter des
réponses satisfaisantes au principe de régionalisation sanitaire
(qui permet de maintenir la majorité des flux commerciaux lors de la
survenue d'une épidémie localisée) et aux conditions
vétérinaires et sanitaires régissant les méthodes
de production de viandes de volailles (les importations en provenance de la
Communauté, à plus de 90 % de la France, sont interdites aux
Etats-Unis depuis le 1er juillet 1997). Comme elle s'y était
engagée, et grâce à une action déterminée de
la France, la Commission vient d'entamer une procédure officielle de
consultations dans le cadre de l'OMC sur ce dernier dossier.
2. Dans les autres secteurs
·
Les
relations
aéronautiques
, qui ne constituaient plus depuis la signature de
l'accord de 1992 sur les gros porteurs un motif de tension entre l'Europe et
les Etats-Unis, sont revenues au premier plan en 1997 avec l'annonce de la
fusion entre Boeing-Mac Donnell Douglas. Après six mois d'enquête
au titre du contrôle des concentrations, et après que la Federal
Trade Commission a donné son feu vert à la fusion le
1er juillet 1997, la Commission européenne a autorisé sous
conditions cette opération.
Boeing a fait un certain nombre de concessions (principalement abandon des
contrats d'exclusivité, l'engagement de transparence sur les projets de
recherche et développement et les brevets dans le domaine
aéronautique et l'engagement de séparer les activités de
DAC sur un plan juridique et comptable).
La France, à l'instar des autres partenaires européens, a soutenu
l'attitude de fermeté de la Commission, afin de trouver des conditions
qui assurent le maintien de la concurrence entre les constructeurs
aéronautiques. A la veille de la décision finale, la France a
demandé et obtenu que la décision de la Commission soit assortie
d'un mécanisme de surveillance des engagements de Boeing auquel sont
associés les Etats membres. Cependant, en l'absence de précisions
sur la portée de certains engagements de Boeing, la France a maintenu
une réserve sur la décision d'autorisation.
Parallèlement, des discussions exploratoires ont eu lieu entre les
Etats-Unis et l'Union européenne sur le fonctionnement de l'accord
bilatéral sur les gros porteurs de 1992. La Commission, soutenue par les
Etats euroépens et Airbus-industrie, tente d'obtenir des disciplines
renforcées sur les aides indirectes pratiquées par les
Etats-Unis. La Commission devrait à l'automne prochain faire des
propositions aux Etats membres en vue de l'amélioration de cet accord.
·
Les
lois extraterritoriales américaines
:
dans le contexte de la campagne électorale américaine, le
Congrès a adopté des textes visant à faire pression sur
les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis pour les amener à
infléchir leur politique à l'égard de Cuba, de l'Iran et
de la Libye et isoler davantage ces pays, déjà soumis à
embargo américain.
La législation Helms-Burton contre Cuba est entrée en vigueur le
12 mars 1996. Le titre IV prévoit l'exclusion du territoire
américain des dirigeants et actionnaires de sociétés
étrangères soupçonnées d'utiliser des biens
confisqués à des ressortissants américains par le
régime cubain. Le titre III ouvre un recours en
responsabilité contre ces mêmes sociétés qui
pourront être condamnées devant les tribunaux américains
à verser des dommages et intérêts, à la demande de
ressortissants américains expropriés par le gouvernement cubain.
Le gouvernement américain a néanmoins suspendu l'application de
ce titre. La loi d'Amato a été promulguée le
5 août 1996. Ce texte met en place des sanctions contre les
entreprises étrangères qui réaliseront, après
l'entrée en vigueur de la loi, des investissements dans le domaine des
hydrocarbures en Iran et en Libye.
La France et l'Union européenne ont dénoncé très
fermement ces législations qui comportent des dispositions
extraterritoriales et affectent le climat des affaires entre l'Europe et les
Etats-Unis. L'Union a adopté un règlement communautaire en
novembre 1996, dit "anti-embargo", qui vise à neutraliser les effets
extraterritoriaux de ces lois et à dissuader les entreprises
européennes de se conformer aux prescriptions ou mesures
américaines prises sur leur fondement. Ce texte doit être
complété par des législations nationales dans les Etats
membres afin d'en assurer le respect.
L'Union européenne qui avait décidé de porter plainte
à l'OMC, a néanmoins accepté de suspendre la
procédure en avril 1997, en échange d'une promesse de
non-agression contre les entreprises européennes et de la recherche d'un
compromis global à l'échéance d'octobre. La France a fait
valoir un certain nombre de réserves sur la portée de
l'arrangement politique passé entre la Commission et les
autorités américaines et a obtenu du Conseil le principe d'une
réactivation automatique du panel dès lors que les Etats-Unis ne
respecteraient pas leurs engagements.
Enfin, des dispositifs de même inspiration se sont multipliés au
niveau des Etats fédérés (cas de l'Etat du Massachusetts
qui interdit aux collectivités publiques locales de passer des
marchés publics avec des entreprises ayant des relations d'affaires avec
la Birmanie), conduisant la Communauté à demander des
consultations à l'OMC au titre de la violation de l'accord
plurilatéral sur les marchés publics.
·
L'
audiovisuel :
la fin de la négociation
d'Uruguay a marqué un très net recul des tensions. Le bon
résultat obtenu du point de vue français n'a pas
été sérieusement mis en cause au cours de la
période récente. A moyen terme, le sujet reste cependant au
premier plan des préoccupations américaines. Tant que la
directive "télévision sans frontière" ne sera pas durcie,
on peut escompter que les professionnels américains, dont les contacts
et les accords individuels avec leurs homologues français se
multiplient, ne voudront pas envenimer le débat. Leurs objectifs
essentiels seront donc d'éviter une réglementation protectrice
dans ces secteurs et ceux du multimédia (infrastructure globale
d'information), de trouver un accord convenable sur la question des droits
frappant les cassettes-vidéos vierges et, enfin, d'obtenir la
levée des restrictions à l'investissement.
·
Deux contentieux spécifiques :
- l'
acier :
après l'expiration de l'accord de restriction
volontaire des exportations d'acier, en mars 1992, les plaintes antidumping se
sont multipliées à la demande des sidérurgistes
américains (fin juin 1992), notamment contre les entreprises
françaises. Ces procédures ont donné lieu en 1993 à
l'imposition provisoire de droits, qui ont été contestés
à Genève devant un panel. L'International Trade Commission n'a
confirmé qu'une partie des décisions du département du
commerce. Dans l'ensemble, les entreprises françaises restent dans une
situation vulnérable dans ce secteur, alors que la négociation
d'un accord multilatéral sur l'acier ne progresse plus. L'inclusion
d'une clause d'extinction des droits ("sunset clause") dans l'accord
d'Uruguay
devrait néanmoins rendre plus difficile la reconduction des droits, qui
était jusqu'à maintenant presque systématique ;
- les
règles d'origine en matière textile :
les
modifications apportées, depuis le 1er juillet 1996 par les
autorités américaines à leurs règles d'origine pour
un certain nombre de produits textiles ont provoqué des
difficultés pour l'industrie européenne. A la suite d'une plainte
déposée par les industriels au titre du règlement sur les
obstacles au commerce (ROC), la Commission a engagé des
négociations avec les autorités américaines. Ces
discussions viennent d'aboutir favorablement : les Etats-Unis s'engagent
à déposer un amendement à leur loi sur les règles
d'origine pour revenir aux règles appliquées avant le
1er juillet 1996. L'échéancier prévu est lié
à la négociation sur l'harmonisation des règles d'origine
à l'Organisation mondiale des douanes et à l'OMC. En cas de
manquement aux engagements pris par les Etats-Unis, l'accord prévoit une
réactivation de la procédure à l'OMC.
B. LES DIFFÉRENDS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LE JAPON
La question de l'ouverture du marché japonais aux
opérateurs étrangers (exportateurs ou investisseurs) demeure au
centre des relations économiques et commerciales entre l'Union
européenne et le Japon. En effet, l'accès au marché nippon
ne peut être considéré sous le seul angle des tarifs
douaniers qui sont désormais consolidés à un niveau
très bas, du moins pour les produits industriels. En
réalité, les difficultés rencontrées par les
opérateurs étrangers s'expliquent en grande partie par
l'existence d'obstacles sectoriels et structurels, sous forme de
procédures administratives, de réglementations, de normes qui
pénalisent les exportateurs, ainsi que par une organisation non
concurrentielle de l'économie dans de nombreux secteurs.
La Communauté a choisi de résoudre ces difficultés
à travers le dialogue et la coopération, contrairement à
l'approche américaine qui n'hésite pas à recourir à
la menace de sanctions pour obtenir l'ouverture du marché japonais.
Cette orientation a été réaffirmée en mai 1995.
L'Union européenne a toutefois marqué sa volonté de
recourir au règlement des différends de l'OMC pour obtenir
l'élimination des mesures restrictives ou discriminatoires maintenues en
contradiction avec les règles du GATT.
Plusieurs contentieux sont actuellement évoqués dans le cadre de
l'OMC ou sont susceptibles de l'être :
·
en
matière agro-alimentaire,
à la
suite de la condamnation par l'OMC du système de taxation
discriminatoire des
boissons spiritueuses importées,
la
Communauté a privilégié une solution
négociée pour la mise en oeuvre de cette décision. La
nouvelle réglementation japonaise devrait être plus favorable
à nos intérêts. Sera évitée une taxation
ad valorem
qui aurait pénalisé nos produits. Le Japon
s'est engagé à faire bénéficier la
Communauté des conditions éventuellement plus favorables qui
pourraient être négociées par les Etats-Unis
(également partie à ce différend).
Le Japon a mis en place, afin de protéger sa pêche
côtière, des contingents d'importation annuels -en contradiction
avec les règles du GATT- pour certaines espèces de
poissons ou
des produits dérivés.
La Commission a estimé
préférable de ne pas saisir l'OMC car une modification de la
réglementation japonaise favoriserait nos concurrents proches du Japon
dans la mesure où les exportations communautaires ne concernent que des
produits de qualité moyenne. Il semble en effet préférable
de trouver une solution amiable et transitoire qui permettrait
d'améliorer l'accès au marché japonais en attendant que le
Japon se conforme aux règles du commerce international.
·
En
matière de services,
la
Communauté est associée aux consultations entre les Etats-Unis et
le Japon sur la réglementation dans le domaine de la distribution des
films photographiques sur le marché japonais. Cette affaire -dite
Fuji-Kodak- permet pour la première fois d'aborder dans une enceinte
multilatérale les problèmes de concurrence de certains secteurs
de l'économie japonaise.
Par ailleurs, la Commission a engagé des consultations sur les
modalités d'
accès aux terminaux des ports japonais
qui
lèsent les armateurs étrangers (système d'autorisation
préalable). Faute de progrès, la Communauté se
réserve le droit d'introduire une plainte à l'OMC.
·
En
matière de marchés publics :
la
Communauté a contesté les modalités d'attribution d'un
marché portant sur la
fourniture d'un système de navigation
par satellite
pour le trafic aérien, programme MTSAT,
modalités jugées discriminatoires par les opérateurs
européens. Les discussions entre la Commission et les autorités
japonaises ont débouché en juillet 1997 sur un accord qui devrait
préserver les changes de prise en compte de l'offre européenne
dans les appels d'offres futurs concernant ce programme.
·
Enfin, la Commission a engagé le 4 avril
dernier une enquête au titre du règlement sur les obstacles au
commerce, concernant les
difficultés d'exportation des chaussures et
du cuir
sur le marché japonais (secteur soumis à quotas),
suite à la plainte de la Confédération des associations
nationales des tanneurs et des mégissiers de la Communauté
européenne (COTANCE). Cette procédure pourra se conclure d'ici
à l'automne, soit par un arrangement satisfaisant pour les
intérêts communautaires, soit par la décision de porter
l'affaire devant l'OMC.
Sur les autres dossiers sectoriels, la Commission poursuit des discussions avec
les autorités japonaises principalement sous l'angle de la
déréglementation et de la reconnaissance mutuelle des normes.
Parmi les sujets évoqués figurent les réglementations
phytosanitaires et les normes techniques.