EXAMEN DES ARTICLES
PREMIÈRE PARTIE
Article premier -
Création d'un livre Ier du
code du service national
L'article premier a pour objet de créer le futur Livre Ier du code du service national, dont les dispositions s'appliqueront -selon les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale- aux jeunes gens nés après le 31 décembre 1978, et aux jeunes filles nées après le 31 décembre 1982. Le code du service national actuellement en vigueur constituera quant à lui le Livre II du futur code, qui s'appliquera pendant la période de transition, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2002, aux jeunes gens nés avant le 1er janvier 1979.
LIVRE PREMIER
TITRE PREMIER -
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
RELATIVES AU SERVICE NATIONAL
CHAPITRE PREMIER -
Principes
Article L. 111-1 -
Obligation des citoyens de
concourir à la défense de leur pays
Dans la logique de l'article L. 111-1-A du
précédent projet de loi, le présent article pose une
nouvelle fois le principe du devoir, pour
tous
les Français, de
concourir à la défense de leur pays.
La présentation de cet article semble résulter d'un compromis
entre les positions exprimées par l'Assemblée nationale et le
Sénat dans le cadre de l'examen du précédent projet de
loi. En effet, alors que l'Assemblée nationale avait tenu à
soumettre tous les Français à l'"
obligation
" de
concourir à la défense de la Nation
,
" notamment " par l'accomplissement du service national, le
Sénat avait jugé paradoxal d'inscrire dans notre
législation une telle obligation universelle, à l'heure où
l'armée professionnelle est supposée constituer le coeur de notre
système de défense. Par ailleurs, le Sénat avait
objecté que le service national rénové (" rendez-vous
citoyen " et volontariats) n'était pas fondé exclusivement
sur des objectifs de défense et de sécurité, mais visait
aussi, dans une très large mesure, à favoriser
l'intégration des catégories vulnérables de notre
société. Le Sénat avait donc souhaité :
- substituer le terme de " devoir " à celui
d'" obligation ",
- rappeler que les Français concourent à la défense de
leur pays " aux côtés de l'armée
professionnelle ",
- poser le principe que le devoir de concourir à la défense de la
France incombe aux Français en général, par la suppression
de l'adjectif " tous ", et non à chaque citoyen.
L'article L. 111-1 présente le mérite de reprendre le terme de
devoir de préférence à celui d'obligation. Mais, en
faisant du devoir de concourir à la défense de la Nation un
devoir s'imposant à
tous
les Français, il semble
méconnaître le rôle majeur de l'armée professionnelle
dans la défense de la France, et paraît ainsi relever de la
logique nostalgique dont le Sénat avait déjà souhaiter
purger le précédent projet de loi. Pourquoi, en effet, ce devoir
incomberait-il à chaque Français, alors même que le service
national obligatoire est supprimé, que notre législation ne
posait pas le principe d'une telle obligation à l'époque du
service national universel, et que la participation à la défense
du pays
stricto sensu
(armée professionnelle, volontaires,
réservistes) est destinée à relever d'une démarche
strictement personnelle ?
La commission a donc adopté un amendement du rapporteur tendant à
la suppression de l'adjectif " tous ", afin de définir le
devoir de participer à la défense de la Nation d'une
manière compatible avec le choix de la professionnalisation.
La commission a adopté l'article L. 111-1 ainsi modifié.
Art. L. 111-2 -
Contenu du service national universel
Substitution de la Rencontre armées-jeunesse à l'" appel
de préparation à la défense "
L'article L. 111-2 définit le contenu du service
national, et précise l'objet de l'" appel de préparation
à la défense ", ainsi que de l'" appel sous les
drapeaux ".
Par rapport au texte initial du présent projet, cet article, dans la
rédaction transmise par l'Assemblée nationale, présente
trois mérites. D'une part, il intègre le volontariat dans le
service national rénové, mettant ainsi fin à une certaine
ambiguïté dans la définition du service national. Il
établit, d'autre part, une distinction bienvenue entre les aspects
obligatoires du futur service national et ses aspects facultatifs,
fondés sur le volontariat. Il rappelle enfin que les effectifs
militaires comprennent, en cas de crise majeure justifiant le
rétablissement de la conscription, non seulement l'armée
professionnelle, mais aussi les volontaires et les réservistes.
Toutefois, en dépit des améliorations apportées par
l'Assemblée nationale, l'article L. 111-2 présente encore
certaines insuffisances, liées à une conception contestable de la
réforme du service national.
- L'article L. 111-2 renvoie au terme d'"
appel sous les
drapeaux
" pour désigner une éventuelle remontée
en puissance de l'appel aux contingents, en cas de menace majeure pour notre
indépendance nationale. La commission des Affaires
étrangères, de la Défense et des Forces armées du
Sénat avait, à l'occasion de l'examen du précédent
projet de loi, exprimé les réticences que lui inspirait ce terme,
au contenu juridique incertain (ainsi le code du service national ne
mentionne-t-il que le " rappel " sous les drapeaux ; de
même dit-on de tout appelé qu'il est " sous les
drapeaux ", même s'il accomplit un service civil, alors que
l'article L. 111-2 se réfère au rétablissement du service
militaire obligatoire). Le Sénat avait donc privilégié la
référence, plus rigoureuse juridiquement, au
rétablissement du livre II du futur code du service national,
c'est-à-dire du code actuellement en vigueur. L'Assemblée
nationale avait néanmoins maintenu le terme d'" appel sous les
drapeaux ", de préférence au renvoi à une partie du
code du service national appelée à être prochainement
suspendue.
Il est donc possible, dans un esprit de compromis, de se référer
non plus au Livre II du futur code du service national, mais au terme de
" conscription ", qui a figuré dans la législation
française depuis la loi Jourdan, et qui présente le mérite
de la clarté juridique, alors que le terme d'" appel sous les
drapeaux " ne constitue qu'une métaphore.
- L'article L. 111-2 présente également l'inconvénient de
banaliser l'éventuel rétablissement de la conscription
, en
présentant celle-ci comme l'une des modalités d'accomplissement
du service national, au même niveau que le recensement ou que
l'" appel de préparation à la défense ", alors
que l'appel au contingent nécessite l'intervention du
législateur, et qu'il ne pourrait être motivé que par une
aggravation très sensible de la situation internationale. On peut certes
comprendre que le présent projet de loi fasse du retour à la
conscription l'un des éléments du service national
rénové ; il convient néanmoins de rappeler qu'une telle
mesure ne saurait intervenir que dans des circonstances exceptionnelles.
- La dénomination d'" appel de préparation à la
défense " suscite également quelques interrogations.
L'ambiguïté liée au terme d'" appel ", alors
même que les participants à l'" appel de préparation
à la défense " n'avaient pas, selon le texte initial du
présent projet de loi, le statut d'appelés, a fort
opportunément été levée par l'Assemblée
nationale. Il reste néanmoins contestable de prétendre qu'une
quelconque " préparation à la défense " puisse
être dispensée à la jeunesse en une seule journée
(et, en réalité, en quatre heures et demi d'exposés sur la
défense).
Le terme de
Rencontre armées-jeunesse
pourrait être ainsi
préféré à celui, inadapté à la
réalité, d'"appel de préparation à la
défense". En effet, même si en l'occurrence il doit s'agir d'une
"brève rencontre",
cette nouvelle dénomination paraît
conforme à l'objet du nouveau service national, qui est de sensibiliser
les jeunes aux principes de la défense, en maintenant un lien entre
l'armée et la jeunesse.
- Le
contenu de l'"appel de préparation à la défense"
est défini de manière particulièrement restrictive,
puisque l'article L. 111-2 se borne à mentionner le maintien du lien
entre l'armée et la Nation, ainsi que le souci de conforter l'esprit de
défense et l'appartenance à la communauté nationale. Le
fait que ne soient mentionnés dans la définition globale de
l'"appel de préparation à la défense" ni
bilan de
santé
, ni
test tendant à détecter
l'illettrisme
-ce dernier a néanmoins été introduit
par l'Assemblée nationale dans un article ultérieur- paraît
constituer une regrettable lacune.
La commission a donc adopté un amendement du rapporteur tendant à
une nouvelle rédaction de l'article L. 111-2. Celle-ci substitue au
terme d'"appel de préparation à la défense" la
dénomination de
Rencontre armées-jeunesse
, qui rappelle le
principe sous-tendant le maintien de ce type d'obligation -préserver un
lien fort entre la jeunesse et les armées. Cet amendement a
également pour objet de faire procéder, dans la suite du projet
de loi, à la même substitution à chaque fois que
nécessaire.
La rédaction retenue par la commission pour l'article L. 111-2
préserve la rédaction du contenu de l'"appel de
préparation à la défense" proposée par
l'Assemblée nationale : conforter l'esprit de défense, et
concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la
communauté nationale et au maintien du lien entre l'armée et la
jeunesse. La commission a toutefois pris le parti d'ajouter un
"bilan
de la
situation personnelle des jeunes sur les plan scolaire et médical",
qui comporte à la fois un examen de santé et une
évaluation des apprentissages fondamentaux (détection de
l'illettrisme). La rédaction retenue pour l'article L. 111-2 n'exclut
pas que le bilan de santé soit effectué à la suite d'un
examen médical auquel chaque jeune aura procédé avant de
se rendre à sa convocation.
Enfin, en ce qui concerne le contenu du service national rénové,
la rédaction retenue par la commission pour l'article L. 111-2, tout en
substituant le terme de
conscription
à celui, insuffisamment
rigoureux, d'"appel sous les drapeaux", rappelle que le rétablissement
de la conscription ne saurait intervenir que "si la défense de la Nation
le justifie".
La commission a, suivant l'avis du rapporteur, adopté l'article L. 111-2
ainsi rédigé.
Article L. 111-3 -
Principe du volontariat
L'article L. 111-3 rappelle que, parallèlement à
la suppression du service national obligatoire, les jeunes pourront apporter un
" concours personnel " à la communauté nationale, dans
le cadre des divers volontariats susceptibles d'être proposés
dès la période de transition. Le présent projet de loi ne
précise que les contours du volontariat militaire, en renvoyant à
une loi ultérieure pour ce qui concerne les aspects civils du
volontariat.
Dans la version proposée par le Gouvernement, l'article L. 111-3
paraissait ambigu, car le volontariat était présenté comme
destiné à "participer au développement de la France dans
le monde". On pouvait donc comprendre qu'il s'agissait principalement de
missions exercées à l'étranger. Or, le texte initial de
l'article L. 111-3 comprenait cependant non seulement des missions
relevant de la coopération internationale et de l'aide humanitaire, qui
s'inscrivent dans la logique des volontariats accomplis à
l'étranger, mais aussi des missions relevant de la prévention, de
la solidarité et de l'aide technique, qui ont vocation, à la
différence des précédentes, à être
effectuées sur le territoire national.
L'Assemblée nationale propose une rédaction de l'article L. 111-3
qui met un terme à ces ambiguïtés, en permettant que le
volontariat s'accomplisse dans l'un des trois domaines définis par le
précédent projet de loi :
- défense, sécurité et prévention,
- cohésion sociale et solidarité,
- coopération internationale et aide humanitaire.
On peut certes s'interroger, aujourd'hui, sur la pertinence d'un tel emprunt au
précédent projet de loi, compte tenu de la création
d'"emplois-jeunes" dans de nombreux domaines où le
précédent projet de loi prévoyait de développer des
volontariats (police nationale, éducation nationale, protection de
l'environnement...). Il n'est toutefois pas superflu de prévoir que des
volontariats pourraient être accomplis dans des domaines relevant
désormais des "emplois-jeunes", puisque ceux-ci pourraient constituer
un
dispositif provisoire.
Par ailleurs, il est souhaitable de préciser que le volontariat
constitue un concours non seulement personnel, comme l'indique l'article L.
111-3 tel qu'il nous est transmis par l'Assemblée nationale, mais aussi
temporaire
à la communauté nationale, afin de bien marquer
que le volontariat procède d'une
logique différente de celle
d'un emploi
, même si le malencontreux souci du gouvernement de
calquer le régime du volontariat sur celui des "emplois jeunes"
contribue à brouiller les contours d'une institution où les
idées de générosité et de dévouement
devraient dominer.
La commission a donc adopté l'article L. 111-3 modifié par un
amendement du rapporteur, mentionnant, dans le premier alinéa, le
caractère
temporaire
du volontariat.
La commission a alors adopté l'article L. 111-3 ainsi modifié.