5. Audition de M. Jean Daubigny, délégué interministériel à la ville et au développement social urbain
La commission a entendu le mercredi 22 janvier 1997 M. Jean Daubigny, délégué interministériel à la ville et au développement social urbain.
Le délégué interministériel à la ville a tout d'abord fait observer que la politique de la ville répondait à la recherche d'une cohésion sociale par un retour à la cohésion territoriale. Le "service national ville" s'inscrivait dans le cadre de ces missions de cohésion sociale.
M. Jean Daubigny a rappelé que, depuis sa création en 1992 par un protocole modifié ensuite par de nombreux avenants, le "service national ville" avait impliqué 10.000 appelés chaque année et un total d'environ 40.000 appelés depuis sa création. Il en résultait un capital d'expérience considérable.
Les appelés candidats étaient pour l'essentiel des jeunes gens diplômés, en particulier dans le domaine de la gestion. Environ 50 % d'entre-eux (4.700) exerçaient leurs fonctions dans le cadre de l'éducation nationale ; 30 à 40 % renforçaient le potentiel des associations ; 15 à 20 % étaient affectés dans le cadre de conventions avec des collectivités locales pour participer, sur le terrain, à la politique de la ville.
Le délégué interministériel à la ville a mis l'accent sur l'expérience ainsi acquise par les collectivités locales et les associations. Les personnes morales qui accueillaient les candidats continuaient d'être très demandeurs d'une telle collaboration. M. Jean Daubigny a également souligné le taux de satisfaction des appelés concernés. A l'issue de leur service, 92 à 95 % d'entre eux témoignaient du caractère positif de leur expérience.
Le délégué interministériel à la ville a également souligné le capital acquis en expérience d'organisation et de gestion. Sur le plan administratif, si un rôle majeur était tenu par la Direction centrale du service national et la Délégation interministérielle à la Ville, c'est le préfet du département qui faisait fonction de " chef de corps " ; enfin, les différents chefs de service des administrations de l'Etat -recteurs, inspecteurs d'académie- avaient un rôle essentiel.
M. Jean Daubigny a ensuite évoqué les conséquences de la mise en oeuvre du volontariat sur l'acquis du " service national ville " actuel. L'organisation actuelle, à travers le rôle de la DCSN (Direction centrale du service national), demeurerait. En outre, le caractère " volontaire " existait déjà et les difficultés des missions ne faisaient pas de cette forme de service une " échappatoire " ; les associations disposaient également d'une expérience solide ; le principe du financement -notamment celui de l'indemnité fixée aujourd'hui à 1.700 francs- ne serait pas une nouveauté ; un dispositif de formation préalable était déjà en place pour préparer les candidats à des missions très nouvelles pour eux ; les fonctions demeureraient tournées vers l'encadrement et l'exercice de responsabilités et ne se substitueraient pas à celles susceptibles d'être tenues par des personnels permanents.
Pour M. Jean Daubigny, le capital d'expérience acquis, l'intérêt réciproque des personnes morales d'accueil et des volontaires eux-mêmes constituaient autant d'atouts pour conduire la politique de cohésion sociale. Le volontariat nécessiterait, pour assurer une ressource comparable dans l'avenir, un effort d'information et de suivi. La politique de la ville, telle que précisée dans la récente loi, impliquerait une orientation accrue vers le terrain et le volontariat constituait l'un des éléments de réponse adaptée.
Puis M. Jean Daubigny a formulé quelques propositions pour l'avenir :
- le volontariat devrait se fonder sur une organisation déconcentrée faisant appel aux moyens locaux de l'Etat et singulièrement aux préfets ;
- le volontariat ville devrait faire l'objet d'une présentation aux jeunes avant même le rendez-vous citoyen, notamment à travers la presse locale ou l'éducation nationale ;
- dans le souci de la proximité du terrain, le volontariat ne devrait pas être seulement tourné vers les grands réseaux associatifs, mais aussi vers les petites associations ;
- l'incitation au volontariat devrait mobiliser une action d'information ambitieuse. De même s'agirait-il de valoriser la disponibilité du volontaire en reconnaissant les qualifications d'animation sociale, notamment dans des cursus universitaires ;
- d'autres éléments de valorisation seraient également à étudier : une plus grande diversification des profils vers les titulaires de diplômes techniques, l'ouverture élargie aux jeunes femmes, enfin l'harmonisation éventuelle avec le service volontaire européen.
Puis, le délégué interministériel à la ville a répondu aux questions des commissaires.
En réponse à M. Serge Vinçon, rapporteur du projet de loi portant réforme du service national, M. Jean Daubigny a précisé que :
- la diversification des postes et du niveau des volontaires pourrait élever la part des non-diplômés au-dessus de l'actuelle proportion de 1 % ;
- l'autorité de contrôle devrait être attentive à ce que les conditions matérielles de l'accueil des volontaires aient été examinées avant la signature de la convention ;
- les niveaux d'indemnisation devraient autant que possible être proches les uns des autres ;
- la transition service national-volontariat ne poserait pas de difficultés, ceux qui servaient au titre du service national s'inscrivant déjà en fait dans un cadre volontaire ; en outre, les jeunes gens étaient souvent isolés dans l'exercice de leur tâche, ce qui limitait la cohabitation de statuts différents ;
- les associations faisaient part de quelques inquiétudes face au volontariat : bénéficieraient-elles à l'avenir d'une ressource suffisante de candidats, pourraient-elles faire face aux éventuelles charges financières et matérielles supplémentaires ? M. Jean Daubigny a indiqué à cet égard que la couverture des dépenses maladie des appelés représentait 2,910 millions de francs à la charge de sa délégation.
Puis M. Jean Daubigny a apporté les précisions suivantes en réponse aux questions de M. Xavier de Villepin, président.
- Une redéfinition des profils de postes des volontaires serait conduite. A l'éducation nationale toutefois, ces missions devraient s'orienter vers des tâches de médiation et d'aide à la difficulté scolaire, ce qui n'excluait pas quelques missions de surveillance ;
- L'effectif attendu pour le volontariat ville pourrait correspondre aux 10.000 jeunes gens actuellement impliqués dans le service ville ;
- S'agissant de la durée du volontariat, il ne fallait pas descendre sous un plancher de 9 à 10 mois ; si des formules inférieures à un an devaient être proposées, celles de 18 mois constituaient le meilleur compromis. Au-delà, il convenait d'examiner la possibilité de contrats à durée déterminée ou indéterminée ;
- Le fractionnement du volontariat n'était pas une formule adaptée : des besoins " saisonniers " existaient déjà, qui étaient le plus souvent pourvus par des bénévoles. Un tel fractionnement poserait par ailleurs des difficultés aux jeunes eux-mêmes et son suivi serait difficile ;
- Il était aléatoire de dresser pour l'avenir des catégories d'associations bénéficiaires du volontariat. Au niveau national, une action d'information sur les profils ou les fonctions serait conduite, à charge pour chaque préfet d'en comparer les données avec la politique qu'il suivait dans son département.
Enfin, à l'attention de M. Jean Clouet, qui s'interrogeait sur le lien d'un " volontariat ville " avec les questions militaires, le délégué interministériel à la ville a indiqué que le civisme était une façon de servir le pays, indépendamment de son caractère civil ou militaire.