La lutte contre l'immigration irrégulière
Les lois de 1993 ont sensiblement renforcé les moyens juridiques de lutter contre l'immigration irrégulière.
- En premier lieu, dans le but d'éviter les détournements de procédure, les conditions de délivrance des titres de séjour ont été définies de manière plus strictes. Ainsi, la délivrance de plein droit de la carte de résident est désormais subordonnée à la régularité du séjour de l'étranger. Les conditions de délivrance des certificats d'hébergement, exigible d'un étranger pour une visite privée, ont été précisées.
- En second lieu, le dispositif contre les mariages de complaisance -pratique dont malheureusement les maires avaient pu constater le développement- a été renforcé. D'une part, les contrôles ont été améliorés : le contrôle a posteriori pour les mariages célébrés à l'étranger, à l'occasion des transcription sur les registres de l'état civil ; les contrôles a priori et a posteriori pour les mariages célébrés en France, notamment par l'organisation d'une procédure de saisine du procureur de la République par le maire lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage envisagé est de simple complaisance (article 175-2 du code civil). Enfin, les avantages qu'un étranger pouvait tirer d'un mariage de complaisance avec un Français ont été réduits ou supprimés, notamment en exigeant une durée de mariage minimum pour bénéficier de plein droit de la carte de résident (article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945) ou pour être protégé contre une mesure d'éloignement (article 25).
- Plusieurs autres dispositions des lois de 1993 ont, par ailleurs, renforcé les moyens de contrôle et de sanction de certains abus.
La loi du 24 août 1993 a ainsi subordonné le bénéfice des prestations sociales à la régularité du séjour en France de l'étranger, tout en maintenant -pour des raisons humanitaires évidentes- l'accès à l'aide médicale dans les conditions antérieures.
Elle a également clarifié, dans la rédaction proposée par le Sénat, les conditions dans lesquelles, en dehors de tout contrôle d'identité, les titres de séjour des étrangers peuvent être contrôlés par les officiers et agents de police judiciaire (article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945).
De même, le législateur a manifesté la volonté de sanctionner plus efficacement les étrangers qui enfreignent la législation sur le travail clandestin et l' hébergement collectif en supprimant les protections dont jouissaient certaines catégories d'étrangers contre l'interdiction du territoire qui peut être prononcée pour des infractions commises en ces matières.
- La réforme, opérée en 1993, a enfin tendu à améliorer l'efficacité des mesures d'éloignement à l'encontre des étrangers en situation irrégulière.
Ainsi, l'administration peut-elle désormais exécuter d'office une décision de refus d'entrée (article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945). L'exécution directe des réadmissions d'étrangers en situation irrégulière et des demandeurs d'asile dans des Etats-membres de l'Union européenne ou de l' " Espace Schengen " a par ailleurs été prévue (article 33). L' interdiction administrative du territoire d'une durée maximale d' un an peut être prise par le préfet à l'occasion d'une reconduite à la frontière, quand le comportement de l'intéressé le justifie (article 22).
La durée maximale de la rétention administrative -dont on ne peut que constater la brièveté (sept jours) par rapport aux solutions retenues chez nos voisins européens pourtant tout aussi soucieux que nous de protéger les droits des individus- a été prolongée de trois jours (soit dix jours au total) en cas d'urgence absolue et de menace particulièrement grave pour l'ordre public ou quand l'étranger n'a pas présenté les documents nécessaires à l'éloignement (article 35 bis).
Par ailleurs, les pouvoirs de l'autorité administrative ont été renforcés en matière de retrait des titres de séjour et d' expulsion , l'avis de la commission départementale n'étant plus que consultatif (articles 18 bis et 23). Tout en précisant les catégories d'étrangers protégés contre une mesure d'éloignement (article 25), le législateur a facilité l' expulsion pour urgence absolue : celle-ci est désormais possible sans nécessité impérieuse et sans consultation de la commission départementale. L'expulsion pour nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique peut être prononcée sans que l'urgence absolue soit requise et sans que les règles de protection contre l'éloignement soient applicables, sauf pour les mineurs (article 26). En cas de cumul de l'urgence absolue et de ces nécessités impérieuses, ni la consultation de la commission départementale ni les règles de protection contre une mesure d'éloignement ne sont appliquées.
Dans le but de lutter contre les manoeuvres dilatoires, une procédure de rétention judiciaire de trois mois maximum a, par ailleurs, été instituée pour l'étranger qui s'est rendu coupable du délit de non présentation des documents de voyage (article 132-70-1 du code pénal).
Enfin, les mesures d'interdiction du territoire -qui peuvent être prononcées dans des cadres différents (infractions aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers, trafic de stupéfiants, infractions à la législation sur le travail clandestin et l'hébergement collectif et cas prévus par le code pénal)- ont été harmonisées et renforcées.