Article
14
Expérimentation de la régionalisation
des services
régionaux de voyageurs
Commentaire : le présent article complète l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire afin de lancer l'expérimentation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs.
Une des conclusions du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la SNCF de juin 1993 [33] portait sur la nécessité de confier aux régions l'organisation des services régionaux de voyageurs. Cette proposition a pris consistance dans le rapport que votre rapporteur, alors en mission pour le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, a rendu en mars 1994 [34] .
Non seulement le service rendu à l'usager est susceptible de s'améliorer grâce à son organisation par une autorité proche du terrain, mais encore, la SNCF, structure lourde et excessivement centralisée, peut en tirer un grand bénéfice. Tel est l'objet du présent article, qui fixe le cadre du transfert de compétences et celui des relations financières.
I - LE TRANSFERT EXPÉRIMENTAL DE COMPÉTENCES
L'article 67 de la loi du 4 février 1995 prévoit deux dispositions :
- une expérimentation, devant débuter moins d'un an après l'adoption de la loi, consistant à confier aux régions, pour une période indéterminée, la responsabilité d'organiser et de financer les transports collectifs d'intérêt régional ;
- le vote d'une loi tirant les conséquences de cette expérimentation afin de la généraliser.
En complétant cet article 67, le présent article lance la phase expérimentale. Toutefois, celui-ci ne concerne que les services régionaux de voyageurs de la SNCF, alors que la loi du 4 février 1995 prévoit pour les régions un champ de compétences s'étendant à tous les modes et toutes les entreprises de transports collectifs régionaux.
L'expérimentation se déroule sur la base du volontariat, pour une durée de trois ans. Elle sera réversible, ce qui est conforme à sa nature expérimentale. Elle concerne six régions : Alsace, Centre, Nord - Pas-de-Calais, Pas de la Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes. On peut d'ores et déjà être sûr de la validité du test, ces régions étant les plus densément peuplées de France (à l'exception de l'Ile-de-France, dotée d'une organisation " sui generis ").
Le champ de l'expérimentation portera sur les trains express régionaux (TER) déjà conventionnés entre les régions et la SNCF et les express d'intérêt général (EIR), gérés aujourd'hui par la seule SNCF. Accessoirement, elle pourra porter sur les trains inter-régionaux, lorsque ce sera géographiquement possible.
Les régions expérimentales se verront confier une vaste gamme de compétences :
- la définition du service du transport (les circulations des trains et des cars, leurs horaires, leur fréquence, la coordination avec les grandes lignes, les TGV et les autres modes de transport) ;
- la distribution et la commercialisation des titres de transport ;
- la politique tarifaire ; l'Etat maintenant le niveau et la compensation des tarifs sociaux ;
- la communication.
Il est utile de rappeler que cette compétence ne s'étendra pas aux investissements sur le réseau, qui restent dévolus à RFN, et qu'elle ne concerne pas le fret.
Dans cette perspective, la SNCF deviendra prestataire de services des régions, qui auront pour interlocuteur unique le directeur régional de la SNCF. A cet égard, votre rapporteur ne saurait trop insister sur l'importance de la mise en adéquation de l'organisation territoriale de la SNCF avec cette expérimentation. Il est nécessaire à cette fin qu'elle décentralise davantage ses structures et dote ses directions régionales de pouvoirs et compétences plus étendus.
Formellement, la mise en place de l'expérimentation passera par la signature de deux séries de conventions :
• une convention-cadre Etat-régions, définissant les compétences transférées aux régions, les engagements financiers de l'Etat, ainsi que les engagements de réversibilité et de transparence ;
• des conventions Régions-SNCF, définissant le périmètre des compétences transférées, la tarification, l'organisation et le partage des risques financiers.
Le projet de convention entre l'Etat et les régions est d'ores et déjà bien avancé.
Il semble qu'il y ait accord sur les tarifs et les modalités de financement. Sous réserve de l'accord des assemblées régionales, cette étape est en bonne voie.
Les conventions entre les régions et la SNCF paraissent pour le moment achopper sur le partage des risques. Les régions souhaiteraient que la SNCF accepte de garantir un niveau minimal de recettes à chacun des six services régionaux de voyageurs, de manière à ce pas devoir assumer des pertes supérieures à celles que l'Etat a prévu de financer.
II - LES RELATIONS FINANCIÈRES
Les collectivités locales ont pris récemment une part croissante des coûts des services régionaux. Il convient, pour prendre la mesure de ce qui sera modifié par le présent article, de bien distinguer deux types de financements : ceux des investissements et ceux du fonctionnement.
Les financements d'investissements apportés par les collectivités locales ont représente 4 milliards de francs sur la période 1985-1995.
Les financements d'infrastructure ont représenté 2,6 milliards de francs, dont 55 % à la charge des régions. Pour l'essentiel, à l'exception de ceux qui concernent le gares, ce type de financement devra désormais être accordé à RFN.
Les financements de matériel roulant ont représenté 1,4 milliard de francs. Ils sont surtout le fait des régions, et concernent les TER. Ces financements continueront d'aller à la SNCF, mais ne font par partie de la régionalisation des services régionaux qui ne concerne que le fonctionnement.
S'agissant du financement du fonctionnement des SRV, l'expérimentation fera coexister deux systèmes. Selon le premier système, qui est hors expérimentation, la contribution de l'Etat va directement à la SNCF. Selon le système mis en place pour l'expérimentation, la contribution de l'Etat est versée aux régions, qui la reversent ensuite à la SNCF.
Les services régionaux connaissent actuellement un déficit de 6,1 milliard de francs par an, d'après l'audit mené par KPMG-Peat Marwick (recettes : 3,6 ; charges : 9,7). L'Etat a prévu d'augmenter la dotation de 800 millions de francs en 1997 pour financer l'expérimentation dans six régions. La généralisation de l'expérience exigerait encore de 1,5 à 2 milliards de francs supplémentaires. C'est pourquoi l'Etat a refusé que l'expérimentation soit étendue pour le moment.
Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter le présent article sous réserve d'un amendement tendant à préciser que la régionalisation des services régionaux de voyageurs restera neutre à l'égard des contributions des régions aux fonds de corrections des déséquilibres régionaux.