II. EXAMEN DES CRÉDITS
Réunie le 6 novembre 1996 sous la présidence de M. Jean Cluzel, vice-président, puis de M. Jean-Pierre Masseret, vice-président, et enfin de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'examen des crédits du budget de l'enseignement scolaire.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, a d'abord indiqué que la progression des crédits du budget de l'enseignement scolaire, qui s'établissent à 277,2 milliards de francs, était pour la première fois limitée à 1,5 %, ce qui illustrait l'adaptation des effectifs de personnel à la diminution de la démographie scolaire. Il a rappelé à cet égard que le nombre d'élèves scolarisés dans l'enseignement primaire avait baissé de 74.000 depuis deux ans et diminuerait probablement de 59.000 à la rentrée 1997 et de 264.000 dans les cinq prochaines années. Dans l'enseignement secondaire, les collèges perdront 18.400 élèves à la rentrée 1997, mais les effectifs des lycées croîtront vraisemblablement de 27.000 la même année. Globalement les effectifs du secondaire diminueront de 48.600 d'ici l'an 2000.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, a indiqué que la poursuite de la baisse du nombre d'élèves dans les écoles et les collèges permettrait, à budget quasiment constant, de poursuivre l'amélioration des conditions d'accueil et de redéployer des emplois vers l'enseignement supérieur. Il a rappelé que la part du budget de l'enseignement scolaire dans le budget de l'État continuait de croître et atteindrait 17,9 % en 1997 contre 15,8 % en 1989.
Analysant les crédits par nature, M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, a indiqué que les dépenses ordinaires, qui représentent la quasi totalité (99,7 %) des crédits demandés pour l'éducation nationale, s'élèveraient à 276,5 milliards de francs, en augmentation de 1,5 %. Il a observé que plus de 80 % de ces crédits étaient consacrés au personnel de l'enseignement. Il a indiqué qu'avec 710 millions de francs en crédits de paiement et 700 millions de francs en autorisations de programme, les crédits destinés aux dépenses en capital étaient en diminution de 17 et 18 % respectivement, ce qui s'expliquait essentiellement par le report d'un an des engagements de l'État au titre des contrats de plan État-Régions.
Analysant les crédits par agrégats, il a remarqué que les agrégats « Administration et interventions », « Enseignement primaire », « Enseignement secondaire » et « Etablissements publics » représentaient respectivement 39 %, 20 %, 39,6 % et 0,33 % du budget total de l'enseignement scolaire pour 1997, et qu'ils étaient tous en croissance sauf l'agrégat « Etablissements publics », ce dernier étant largement sollicité au titre des économies budgétaires.
S'agissant des emplois, M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, a indiqué que le projet de budget pour 1997 prévoyait la création de 313 emplois nouveaux, dont 250 pour améliorer les conditions d'encadrement des élèves et prévenir les phénomènes de violence à l'école. Il a ajouté que 5.229 suppressions d'emplois étaient prévues pour accompagner la décroissance du nombre d'élèves, dont 3.175 emplois de stagiaires, 1.010 emplois d'assistants étrangers, 900 emplois de personnels enseignants des premier et second degrés et 144 emplois de personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service (ATOS). Il a précisé, à cet égard, que ces suppressions d'emplois n'affecteraient pas les moyens dévolus à l'encadrement des élèves dans la mesure où elles concernaient essentiellement le recrutement de nouveaux maîtres (stagiaires), des moyens d'accompagnement ou des moyens consacrés à la formation des personnels. Il a ajouté qu'en application du principe de parité, 360 contrats de maîtres de l'enseignement privé seraient également supprimés.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, a observé qu'en raison de l'évolution démographique, la baisse des effectifs de personnels dans l'enseignement primaire ne compromettait ni la diminution du nombre d'élèves par classes, notamment dans les classes de maternelle des zones d'éducation prioritaire (ZEP) qui atteindrait le but de 25 élèves par classe que leur avait fixé le nouveau contrat pour l'école, ni l'augmentation du nombre de classes, ni la poursuite du moratoire dans les zones rurales et de montagne. Il a également relevé que, dans le second degré, la diminution du nombre moyen d'élèves par classe serait poursuivie ainsi que la rénovation pédagogique des collèges et des lycées qui favorise l'enseignement en groupes restreints et accroît l'offre d'options.
Evoquant les principales orientations de la politique du Gouvernement, il a indiqué que le projet de budget pour 1997 était cette année encore marqué par le souci de privilégier les conditions de vie et d'accueil des élèves dans les établissements en tenant compte des difficultés que rencontrent les moins favorisés d'entre eux. Cette situation se traduit entre autres par la création de 250 emplois d'encadrement supplémentaires pour prévenir la violence à l'école, par le dispositif « École ouverte » visant à maintenir l'ouverture des écoles en période de vacances scolaires, par l'accroissement des dotations du fonds social urbain, et par l'amélioration du régime des bourses servies aux élèves des lycées.
Il a observé que la modernisation des services constituait une deuxième priorité du Gouvernement bien que la rationalisation des moyens se traduise par une légère diminution des dotations de l'informatique de gestion ou des établissements publics placés sous la tutelle de l'État. Il a évoqué la situation spécifique des territoires d'outre-mer et notamment de Mayotte et de la Polynésie qui, en raison d'une forte progression des effectifs d'élèves, bénéficient de dotations supplémentaires de 14,5 millions de francs.
Il a enfin indiqué que des mesures d'économies avaient été recherchées en mobilisant en priorité des crédits devenus sans objet ou ouverts dans un contexte de difficultés de recrutement des enseignants qui s'est aujourd'hui profondément transformé. Ainsi, le dispositif de prérecrutement des maîtres des premier et second degrés est-il privé de 146,3 millions de francs. Il a observé que les autres mesures d'économie intervenaient dans les domaines du fonctionnement des services, du fonctionnement pédagogique et de la formation continue et que la contribution totale du budget de l'enseignement scolaire à l'effort de maîtrise des finances publiques au titre du rééxamen des services votés s'élèverait à 921,8 millions de francs, en tenant compte des suppressions d'emplois.
S'agissant de la situation des personnels, M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, a indiqué que l'application des divers plans de revalorisation catégorielle des personnels de l'éducation nationale et de l'accord du 9 février 1990 sur la réforme de la grille indiciaire de la fonction publique se traduisait par des mesures d'un montant total de 354,8 millions de francs, ce qui portait à près de un milliard de francs la somme consacrée en année pleine à la revalorisation de la situation des personnels. Il a ajouté que l'application des protocoles signés en 1993 et 1994 en faveur des professeurs d'enseignement général des collèges et des chefs d'établissement induisait une dépense de 28,17 millions de francs.
Enfin, M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, a formulé cinq observations. Il s'est félicité, en premier lieu, de l'adaptation des effectifs de l'enseignement scolaire à la diminution globale du nombre d'élèves qui permettait pour la première fois de limiter la croissance du budget de l'enseignement scolaire, sans porter atteinte à l'encadrement des élèves. Il a estimé, à cet égard, qu'un effort d'imagination méritait d'être effectué pour éviter le maintien de collèges aux effectifs trop faibles, en favorisant le regroupement des classes et la polyvalence des établissements.
Il a souhaité, ensuite, que les mesures prises pour lutter contre l'échec scolaire dans le cadre du nouveau contrat pour l'école fassent l'objet d'une évaluation systématique à l'aune des missions fondamentales de l'enseignement supérieur. Il a jugé à cet égard que le redoublement ne devait pas être décidé à la convenance des parents mais intervenir dans l'intérêt bien compris des élèves. Il s'est demandé si les nouveaux rythmes scolaires à l'état d'expérimentation n'allaient pas favoriser certaines communes riches en équipements collectifs au détriment d'autres moins favorisées.
Il s'est réjoui en troisième lieu, de l'effort de revalorisation des filières technologiques et professionnelles qui s'affirmaient de plus en plus comme des voies de réussite à part entière. Il a considéré que cette évolution impliquait un nécessaire redéploiement des postes d'enseignants vers les lycées professionnelles et les voies technologiques.
Il s'est demandé si le retour au versement direct des bourses de collège aux établissements ne contribuerait pas à freiner la désaffection pour les cantines scolaires.
Il a, enfin, déploré le manque de cohérence entre les décisions administratives et juridictionnelles dans ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire du voile islamique » et a observé que la crise d'autorité au sommet de l'état n'était pas de nature à renforcer l'autorité des enseignants et des chefs d'établissement auprès des élèves. Il s'est néanmoins félicité de la récente décision du ministre de revaloriser la fonction de directeur d'école à travers cinq mesures (renforcement de la formation initiale, amélioration du régime des décharges, des traitements et de la diffusion de l'information sur les conditions d'exercice de la responsabilité).
À l'issue de cette présentation, M. Alain Lambert, rapporteur général, s'est enquis de l'avenir du moratoire de la fermeture des classes en milieu rural et de la politique menée en matière de résorption de l'auxiliariat.
M. Jean-Philippe Lachenaud s'est inquiété du décalage croissant entre la dotation globale de décentralisation (DGD) et les responsabilités financières des départements en matière d'équipement scolaire, estimant que le DGD ne permettait de couvrir que 10 % des dépenses pour les collèges. Il a jugé ce problème d'autant plus préoccupant qu'en dépit de la stabilisation des effectifs, les départements devaient fournir un effort d'investissement croissant pour rénover, moderniser et diminuer la taille des collèges afin d'accueillir les élèves dans de meilleures conditions. Il a estimé que les mesures de soutien scolaire et d'aménagement des rythmes scolaires constituaient une menace financière majeure pour les départements. Il a enfin fait part de son désaccord avec le rapporteur spécial, sur le diagnostic à porter en matière de fréquentation des cantines scolaires, jugeant que la tarification était plus problématique que le mode de versement des bourses.
M. Guy Cabanel s'est inquiété des chiffres préoccupants sur la maîtrise des connaissances de base en lecture et en calcul à l'entrée en sixième et a estimé que le redoublement était dans ces cas indispensable. Il a par ailleurs jugé qu'un effort d'investissement en faveur des lycées professionnels était nécessaire. Il a observé que la baisse de fréquentation des cantines scolaires avait pour corollaire la sous-alimentation des élèves. Il s'est déclaré favorable à une application stricte de la laïcité et a estimé que le Parlement devait montrer la voie à suivre. Il s'est enfin montré hostile à une politique systématique de désamiantage des établissements scolaires, estimant qu'il était moins coûteux et parfois moins dangereux « d'encapsuler » les foyers d'amiante. Dans les cas où le déflocage était choisi, il a jugé essentiel de n'attribuer les chantiers qu'à un petit nombre d'entreprises agréées et expérimentées.
M. Emmanuel Hamel a souhaité savoir si le coût de la mise en oeuvre des propositions du rapport Fauroux avait été évalué et quelle suite allait leur être donnée.
M. Jacques Oudin s'est enquis du taux d'encadrement des élèves par département et des statistiques sur les personnels détachés, estimant que leur nombre croissait excessivement.
M. Yann Gaillard s'est inquiété du laxisme de la politique menée en matière de dérogations, estimant qu'accordées en nombre trop élevé, elles remettaient en cause l'équilibre scolaire entre communes. Il a observé que les préfets ne remplissaient pas leur rôle d'arbitres entre les maires. Il a donc souhaité que le ministre fixe une règle claire dans ce domaine ainsi que dans celui des regroupements pédagogiques.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a jugé souhaitable que les enseignants soient encouragés moralement pour leur action et s'est enquis du mode de diminution du nombre de remplaçants dans l'enseignement scolaire.
M. Michel Charasse a jugé utile que le ministre rappelle aux préfets l'obligation qui leur était faite de régler les différends entre maires dans le cadre du régime des dérogations.
M. Maurice Schumann a soulevé le problème de l'extension de la baisse de fréquentation des cantines scolaires aux lycées.
Répondant à ces interventions, M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, a notamment indiqué que le nombre de suppléants du premier degré et de maîtres-auxiliaires du second degré s'élevait à 32.265 pour l'année scolaire 1995-1996, soit une diminution de 17,5 % par rapport à l'année précédente. Il a, par ailleurs, observé que le recours aux maîtres-auxiliaires était de moins en moins nécessaire compte tenu de l'amélioration du rendement des concours de recrutement des professeurs titulaires et qu'entre 1990 et 1995, plus de 20.300 d'entre eux avaient obtenu leur titularisation en passant des concours. Il a, en outre, rappelé qu'un protocole d'accord signé le 14 mai 1996 sur la résorption de l'emploi précaire accordait de nouvelles possibilités de titularisation aux maîtres-auxiliaires.
Il a rappelé que le moratoire suspendant la fermeture des écoles à classe unique avait été reconduit et que plus de 300 classes étaient maintenues par les inspecteurs d'académie à ce titre.
Il s'est estimé incompétent sur le problème des responsabilités financières des départements mais a jugé utile que soit fixée une taille minimale et maximale pour les collèges.
Il s'est déclaré hésitant sur le mode de règlement du problème de la désaffection des cantines scolaires et sur la solution à adopter en matière d'amiante.
Il a indiqué que 80 % des propositions du rapport Fauroux étaient déjà mises en oeuvre à travers le nouveau contrat pour l'école.
Il s'est déclaré partisan d'une restriction de l'octroi des dérogations afin de ne pas remettre en cause les équilibres entre communes, et a exprimé sa préférence pour les regroupements dispersés plutôt que pour les regroupements unitaires.
Il a indiqué que figurerait dans le rapport écrit le souhait de Mme Maryse Bergé-Lavigne sur la nécessaire valorisation morale des enseignants.
Enfin, il a ajouté que les questions du rôle des préfets en matière de dérogation et du nombre de professeurs détachés seraient posées au ministre de l'éducation nationale dans le rapport.
La commission a ensuite décidé de proposer au Sénat d'adopter le budget de l'enseignement scolaire pour 1997.