EXAMEN EN COMMISSION
I. AUDITION DE M. FRANÇOIS BAYROU, MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
Réunie le 5 novembre 1996, sous la présidence de M. Jean Cluzel, vice-président, puis de M. Christian Poncelet, président, et enfin, de M. François Trucy, sénateur, la commission a, procédé, à l'audition de M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a indiqué que les crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche s'accroîtraient de 2,04 % pour s'établir à 324,2 milliards de francs contre 317,8 milliards de francs en loi de finances initiale pour 1996, dans un contexte de rigueur budgétaire. Il a précisé que cette croissance limitée ne compromettrait pas le respect des engagements pris dans le cadre du nouveau contrat pour l'école pour les rentrées 1996 et 1997. Il a rappelé qu'avec 47 milliards de francs, le budget de l'enseignement bénéficiait de la plus forte progression de tous les budgets ministériels (+ 5,5 %).
Abordant le budget de l'enseignement scolaire, le ministre a observé que l'année 1997 serait la troisième année d'application du Nouveau contrat pour l'école, dont un rapport d'étape présenté au Parlement faisait le bilan.
Le ministre a ensuite relevé que, dans le premier degré, la baisse du nombre d'élèves par classe permettrait d'atteindre l'objectif de 25 élèves par classe maternelle en zones d'éducation prioritaire (ZEP) à la rentrée 1997. Il a par ailleurs indiqué que le budget permettrait, d'une part, d'augmenter les décharges accordées aux directeurs d'écoles, ce qui contribuerait à revaloriser leur fonction et, d'autre part, de financer le maintien, pour la quatrième année consécutive du moratoire de la fermeture des classes en milieu rural. À cet égard, le ministre a précisé qu'un rapport avait récemment fait état du niveau supérieur des élèves des classes uniques par rapport à celui des élèves scolarisés en classes regroupées, ce qui l'incitait à poursuivre le moratoire.
M. François Bayrou a ensuite indiqué que l'enseignement précoce des langues vivantes serait poursuivi cette année en classe de CE2, et que la France était le seul pays au monde à mener une telle politique. Il a déclaré que la réécriture des programmes des classes de primaire et de sixième était désormais achevée et que celle des programmes des autres classes de collège était en cours. Il a précisé à cet égard que les nouveaux programmes d'histoire insisteraient sur les grandes figures historiques du pays. Le ministre a enfin observé que la rentrée s'était déroulée dans le calme cette année, ce qui contrastait avec les années précédentes.
Puis le ministre a indiqué que les moyens dégagés permettraient de poursuivre la rénovation pédagogique des collèges qui avait été très bien accueillie par la communauté éducative et les élèves, ce que prouvait l'attrait de l'option latin en cinquième, retenue par un quart des élèves. Il a précisé qu'à la rentrée 1997, les élèves se verraient proposer le grec en troisième.
S'agissant du lycée, le ministre a indiqué que la réforme du baccalauréat, menée très rapidement, avait permis de rééquilibrer les effectifs entre les différentes séries. Puis il a déclaré qu'une réforme de l'orientation serait engagée dès 1997, pour permettre aux élèves d'arrêter leurs choix très en amont et que 770.000 fiches avaient été distribuées dans ce but aux élèves de terminale cette année.
M. François Bayrou a ensuite fait état de la création de 100 sections d'apprentissage dans les lycées professionnels. Il a souhaité que la formation professionnelle par alternance fasse l'objet d'une considération égale par les entreprises, qu'elle soit réalisée sous statut scolaire, ou par apprentissage, et indiqué qu'il lancerait une campagne de soutien de l'enseignement professionnel.
Le ministre s'est enfin réjoui que les lycéens aient activement pris en main la mise en oeuvre du plan de lutte contre la violence. Il a précisé que les moyens d'encadrement au collège seraient renforcés et que 500 millions de francs de crédits seraient consacrés à la sécurité des établissements scolaires.
Abordant les suppressions d'emplois dans l'enseignement scolaire, le ministre a observé que les suppressions d'emplois, qui traduisaient essentiellement un resserrement des recrutements de stagiaires, ne mettraient pas en cause les moyens dévolus à l'enseignement et à l'encadrement des élèves. Il a ajouté que le nombre de classes devrait même augmenter à la prochaine rentrée. Il a indiqué que l'écart observé entre le nombre de postes budgétaires d'enseignants du primaire (311.000) et le nombre d'enseignants devant élèves (260.000) s'expliquait non par des mises à disposition abusives mais par l'importance du nombre de titulaires remplaçants (25.000), des enseignants spécialisés, notamment dans les zones d'éducation prioritaires (15.000) et des décharges pour directeurs d'école (8.700).
Le ministre a également estimé que la proportion constatée entre le nombre d'enseignants à temps plein (260.000) et celui des remplaçants (26.000) était excessive et autorisait une réduction modérée de ces derniers (-2.000). À cet égard, il a envisagé que les étudiants des instituts universitaires de formation des maîtres effectuent une partie de leur stage en assurant des remplacements dans les établissements du premier degré.
À l'issue de cet exposé, M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire, s'est félicité des efforts de rigueur réalisés dans le projet de budget pour 1997 et de la meilleure gestion des emplois par rapport à l'évolution des effectifs d'élèves. Puis il s'est étonné du manque de cohérence entre les décisions administratives et juridictionnelles sur ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire du voile islamique » et a évoqué l'influence funeste de ce différend auprès des élèves. Il a souhaité obtenir des éclaircissements sur ce sujet.
Il a interrogé le ministre sur l'opportunité de revenir au système de versement direct des bourses de collège aux établissements pour payer les frais de demi-pension des élèves concernés afin de remédier à la désaffection des cantines scolaires.
Le rapporteur spécial a observé que la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires risquait de varier en fonction de la richesse des communes et a souhaité obtenir des précisions du ministre.
Il a par ailleurs souhaité savoir si le ministre poursuivait comme objectif l'accès de 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat.
Il a enfin demandé au ministre s'il lui était possible d'encourager la création et la diffusion de films historiques comme "L'allée du roi", qui contribuaient à éclairer les grands moments de l'histoire pour le profit de tous.
M. François Bayrou a indiqué en réponse qu'il s'efforçait de faire évoluer la jurisprudence du Conseil d'État sur un sujet aussi sensible que le voile, et que la fermeté était la meilleure arme pour la laïcité. Il a ajouté qu'une grande prudence était nécessaire sur ce sujet pour éviter deux écueils possibles : le retour au laxisme et le procès de l'Islam.
Puis, le ministre a annoncé qu'il était prêt à envisager le retour au système de versement direct des bourses de collège aux établissements pour voir si la réforme du mode de versement des bourses, réalisée pour responsabiliser les parents, avait été la véritable cause de la désaffection des cantines scolaires, ce qu'un rapport récent semblait contester. Il a observé qu'une telle mesure risquerait d'inciter les parents à retirer leurs enfants de la cantine.
Sur l'aménagement des rythmes scolaires, le ministre a indiqué qu'une prochaine mise en oeuvre de cette mesure dans deux départements français permettrait d'étudier l'influence de la richesse des communes sur le succès de la formule.
Le ministre s'est déclaré hostile à tout objectif quantitatif sur l'accès au niveau du baccalauréat, en précisant que l'objectif de l'éducation nationale consistait à donner à chacun ses chances et que son action devait être jugée sur des critères tels que l'élévation du niveau de qualification ou la capacité d'insertion professionnelle.
Enfin, le ministre a indiqué que les associations de réalisateurs s'opposait à la diffusion auprès des enfants de long-métrages historiques, pour des raisons de droits d'auteur. Il a évoqué à cet égard l'enjeu que représentait la formation continue pour la société tout entière.
M. François Trucy a interrogé le ministre sur les modes d'évaluation et de mesure de l'illettrisme et sur le retard des jeunes universités par rapport au plan de rattrapage annoncé.
M. Philippe Adnot a demandé des précisions sur la date de sortie des décrets, sur la mise aux normes de sécurité des classes de technologie et sur le coût pour le budget de la diminution du nombre de maîtres-auxiliaires.
M. Marc Massion s'est enquis du devenir des zones d'éducation prioritaire (ZEP).
M. Emmanuel Hamel a dénoncé la méthode globale d'apprentissage de la lecture et s'est associé à la question de M. François Trucy sur la mesure de l'illettrisme.
Mme Marie-Claude Beaudeau a regretté que la diminution du nombre de postes ne se traduise pas par un redéploiement qualitatif.
Dans sa réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes. Il a indiqué :
- qu'il convenait de conduire une politique d'évaluation des méthodes d'enseignement de la lecture pour éclairer les enseignants sur les méthodes donnant les meilleurs résultats ;
- que l'illettrisme avait des causes variées tout en étant souvent lié à des handicaps psychiques, sociologiques ou culturels chez les enfants ;
- qu'il convenait de promouvoir la lecture face à la prééminence de la télévision comme mode d'accès à l'imaginaire ;
- que la politique des ZEP serait maintenue malgré les nombreuses sollicitations en sens contraire ;
- que des heures supplémentaires seraient, pour la première fois, transformées en emplois, ce qui ne coûterait pas plus cher au budget que le recours aux maîtres-auxiliaires.