B. LES MODALITÉS DE TRANSPOSITION PRÉVUES PAR LE PROJET DE LOI

Elles portent, d'une part, sur les modalités de la gestion collective obligatoire des droits exclusifs de retransmission câblée en France de programmes télédiffusés à partir d'autres États membres, et, d'autre part, sur l'instauration d'une procédure de conciliation destinée à faciliter l'octroi des autorisations de retransmission secondaire par câble de programmes télévisés.

Elles se traduisent par l'insertion dans le CPI de dispositions symétriques concernant respectivement le droit d'auteur et les droits voisins : votre commission vous proposera d'ailleurs d'atténuer le strict parallélisme de leur rédaction pour tenir compte du fait que certains titulaires de droits voisins ne disposent pas dans tous les cas du droit exclusif qui est seul visé par les dispositions du projet de loi, comme par celles de la directive.

1. La gestion collective obligatoire des droits exclusifs de diffusion secondaire par câble de programmes télédiffusés à partir d'un État membre de la Communauté

Le dispositif du projet de loi prévoit la gestion collective obligatoire des droits par des Sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) agréées.

On examinera successivement :

- la portée de l'obligation de gestion collective ;

- l'exigence d'agrément des sociétés de perception et de répartition qui géreront les droits ;

- les modalités de désignation par les ayants-droit de la SPRD chargée de gérer leurs droits ; et enfin les dispositions que votre commission vous proposera de prévoir pour assurer, lors de la retransmission câblée de programmes français à l'étranger, une protection efficace des titulaires de droits.

a) L'étendue de l'obligation de gestion collective

Le projet de loi prévoit que seules des sociétés de perception et de répartition des droits « régies par le titre II du Livre III » du code de la propriété intellectuelle et agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture pourront exercer les droits exclusifs de diffusion secondaire câblée, en France, de programmes télédiffusés à partir d'un autre État membre.

Conformément à la directive, les entreprises de communication audiovisuelle resteront seules autorisées à exercer individuellement les droits dont elles sont titulaires (le droit voisin dont elles disposent sur l'ensemble de leurs programmes) ou cessionnaires (les droits d'exploitation des oeuvres ou éléments protégés composant leurs programmes qui leur sont cédés par leurs titulaires).

Pour les autres titulaires de droits exclusifs, l'alternative est donc claire : soit leurs droits seront gérés collectivement, soit ils seront gérés par l'entreprise de communication audiovisuelle à laquelle ils les auront cédés -qui sera en pratique celle qui aura effectué la diffusion primaire du programme. Il est en tout cas exclu qu'ils puissent les gérer à titre individuel.

Il convient d'insister sur le fait que l'obligation de gestion collective par une société agréée ne concerne que les droits exclusifs. Elle sera donc de portée limitée pour certains titulaires de droits voisins : pour les artistes interprètes, elle se réduira en fait aux interprétations vivantes ( ( * )12) , pour les producteurs de phonogrammes aux seuls phonogrammes qui n'auront pas été « publiés à des fins de commerce ».

b) L'obligation d'agrément des SPRD gérant les droits de retransmissions câblées

Le projet de loi prévoit que les SPRD gérant les droits de retransmission câblée soumis à l'obligation de gestion collective seront agréées à cette fin par le ministre chargé de la culture.

Dans le cadre d'un régime de gestion collective obligatoire, l'exigence d'un agrément n'a en soi rien de choquant. Cependant, il faut tenir compte du fait que cette exigence, qui ne pourra s'appliquer qu'aux SPRD françaises, ne saurait avoir pour effet de faire obstacle à la libre prestation de services, sur le territoire national, de SPRD d'autres États membres.


• Les justifications de l'agrément

Autant l'exigence d'un agrément -et donc l'éventualité du retrait de cet agrément- paraît injustifiée lorsque les titulaires de droit ont la possibilité, au moins théorique, de gérer individuellement leurs droits ou de choisir la société qui les représentera, autant, lorsque la gestion collective leur est imposée par le législateur, on doit considérer qu'ils sont, en contrepartie, en droit d'exiger que celui-ci prévoie de s'assurer, et de les assurer, que leurs droits seront efficacement gérés.

La formule de l'agrément a d'ailleurs déjà été retenue par la loi du 3 janvier 1995 pour les sociétés chargées de la gestion du droit de reproduction par reprographie. On objectera, certes, qu'elle n'avait en revanche pas été imposée par la loi de 1985 dans le cas de la gestion collective du droit à rémunération équitable des interprètes et producteurs de phonogrammes et du droit à rémunération pour copie privée : mais le législateur avait alors lui-même prévu dans le détail les conditions de fixation, de perception, et de répartition de ces droits.

On relèvera enfin que la directive (article 13) laisse expressément aux États membres la faculté de réglementer les activités des sociétés de gestion collective.

Au demeurant, et de façon plus générale, votre rapporteur estime qu'il convient de prendre la mesure des conséquences du développement de la gestion collective des droits, qui a déjà été considérable en raison de la consécration des droits voisins et de l'apparition de nouvelles formes d'exploitation des oeuvres ou éléments protégés, et qui s'accélérera encore avec l'essor du numérique, tant en raison de la multiplication et de la diversification attendues des services audiovisuels que de l'émergence du multimédia.

Les évolutions à venir auront des conséquences sur les conditions d'exercice -sinon sur la nature- des droits de propriété littéraire et artistique, elles en auront aussi sur le rôle et le fonctionnement -sinon sur la nature- des sociétés de gestion collective. On peut donc se demander s'il ne faut pas songer dès maintenant -comme divers événements récents inciteraient d'ailleurs à le penser- à engager, dix ans après la « loi Lang », une nouvelle réflexion sur le statut et le fonctionnement des SPRD, sur la nature de leurs relations contractuelles avec leurs associés ou avec les utilisateurs de leur répertoire, sur la « transparence » et les modalités du contrôle de leurs activités.

Au cas particulier, en tout cas, votre rapporteur n'a pas d'objection de principe à l'agrément prévu par le projet de loi. Il vous proposera cependant de compléter le texte pour mentionner les critères qui devront être pris en considération pour l'octroi de l'agrément, en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les conditions de délivrance et de retrait de cet agrément.


Le problème pratique posé par l'intervention éventuelle de sociétés de gestion collective étrangères

Si l'exigence de l'agrément ne pose pas de problème de principe, le fonctionnement du dispositif prévu pourra en revanche poser un problème pratique.

Il paraît en effet difficile d'obliger les titulaires de droits étrangers à passer par une société française agréée. Dans nombre de cas, cette difficulté se résoudra d'elle-même : s'ils ont confié la gestion de leurs droits à une société ayant conclu avec une société française agréée un accord de représentation réciproque, leurs droits en France seront gérés par cette société. Mais il faut aussi prévoir le cas où il n'y aurait pas d'accord de représentation réciproque.

Par ailleurs, il ne faudrait pas que l'exigence générale de gestion du droit par une SPRD agréée puisse être interprétée par nos partenaires ou par les autorités communautaires comme une volonté de restreindre la liberté de prestation de services en France de sociétés de gestion collectives des autres États membres.

Pour ces raisons, votre commission vous proposera de ne pas restreindre l'exercice de la gestion collective des droits de retransmission aux seules SPRD françaises agréées.

c) Les modalités de désignation par le titulaire du droit de la société chargée de l'exercer

Le projet de loi fait obligation aux titulaires de droits -s'ils ne l'ont déjà fait- de confier expressément la gestion de leurs droits de retransmission par câble à une société de perception et de répartition des droits. Il écarte donc implicitement la solution de la « gestion collective étendue », tout à fait étrangère aux habitudes nationales.

Ce choix semble sage. En revanche, la procédure de désignation de la société paraît peu opérationnelle. Le projet de loi prévoit en effet que le contrat autorisant la télédiffusion primaire de l'oeuvre ou de l'élément protégé stipule que l'exercice du droit de retransmission câblé sera exercé par une SPRD, et qu'il mentionne celle qui l'exercera. Comme, par définition, ce contrat sera conclu avec un diffuseur d'un autre État membre, il y a peu de chances qu'il soit régi par le droit français, et il n'y aura alors aucun moyen d'imposer qu'il comporte les stipulations prévues par le projet de loi.

Votre commission vous proposera donc de prévoir simplement que le titulaire du droit désigne la société chargée d'exercer son droit et lui notifie ce choix, auquel elle ne pourra s'opposer, un décret en Conseil d'État précisant les modalités de cette désignation.

d) Le choix de la société chargée d'exercer le droit de retransmission par câble d'un programme diffusé en France

Votre commission vous proposera de compléter le dispositif du projet de loi pour imposer aux titulaires de droits signant un contrat relatif à une télédiffusion primaire en France de mentionner la société de perception ou de répartition des droits -qu'elle soit française ou étrangère- chargée d'exercer le droit d'autoriser la retransmission câblée du programme dans un autre État membre. Cette disposition facilitera la gestion et la rémunération de leurs droits, et les garantira, notamment, contre le risque, dans les États membres pratiquant la gestion collective étendue, de les revendiquer hors délai.

* (12) encore seront-ils à cet égard mieux traités en France que dans les États membres s'en tenant à la définition minimale des droits voisins prévue par la directive n° 92/100 du 19 novembre 1992 qui n'accorde aux artistes interprètes que le droit d'autoriser la radiodiffusion en direct de leurs prestation, mais non les diffusions secondaires.

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