III. UN NOUVEL ENJEU DANS LES RELATIONS ENTRE NOS DEUX PAYS : DÉVELOPPER L'INTÉRÊT DES INVESTISSEURS FRANÇAIS POUR LA BOLIVIE
A. UNE COOPÉRATION ÉTATIQUE DYNAMIQUE MAIS DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENCORE LIMITÉES
1. Une aide publique centrée sur quelques axes prioritaires
La coopération franco-bolivienne présente trois volets significatifs.
• La coopération scientifique apparaît spécialement importante ; elle mobilise quarante chercheurs de l'ORSTOM (dans les domaines de la santé, l'agronomie, les sciences de la terre) et dispose d'un crédit de 20 millions de francs (soit près de 40% des crédits destinés à notre coopération avec la Bolivie).
• La coopération éducative et culturelle bénéficie d'un réseau non négligeable constitué par le lycée franco-bolivien de La Paz (800 élèves de la maternelle à la terminale, boliviens à 85%) et six Alliances françaises (2 500 élèves en moyenne par an). Théoriquement obligatoire dans le secondaire, le français n'est en fait enseigné que dans le tiers des établissements publics et la pratique de notre langue apparaît menacée.
La France conduit d'autres types d'actions de coopération : lutte contre le trafic des stupéfiants, fonds de contrepartie de l'aide alimentaire (3 millions de francs en 1995).
• La coopération économique repose sur quelques grands projets : installation des réseaux pour la distribution de gaz à domicile (SOFREGAZ)-prêt de 80 MF en 1989- ; plan directeur de transport aérien (aéroport de fParis) -don de 5 millions de francs en 1994.
En décembre 1995 est intervenue la signature d'un protocole concernant l'étude des transports publics et de la circulation pour la ville de Santa Cruz (2 millions de francs)
2. La place marginale de la Bolivie dans le commerce et les investissements français
• La faiblesse des échanges commerciaux
La Bolivie ne se situe qu'au 111e rang de nos clients et au 88e rang de nos fournisseurs. Nos importations portent principalement sur l'or et les minerais de plomb et de zinc (348 millions de francs au total). Nos exportations (219 MF) sont constituées pour les trois quarts par des voitures particulières enregistrées en Bolivie mais destinées en fait au marché argentin. En 1994, la France enregistrait un déficit commercial de 129 millions de francs.
• Un flux d'investissement très faible : 3 millions de francs en 1994
La part de la France apparaît donc très marginale au regard du montant total des investissements étrangers en Bolivie, soit 128 millions de dollars en 1994 (en nette progression par rapport à 1989 où le flux d'investissement ne dépassait pas 35 millions de dollars). Les États-Unis, le Chili et le Brésil constituent, dans l'ordre décroissant, les trois premiers investisseurs.
C'est le secteur minier au premier chef qui intéresse nos entreprises : la BRGM a engagé depuis quelques années des dépenses de prospection et obtenu une concession sur une mine de cuivre, Total et Elf ont pour leur part obtenu des concessions de prospection pétrolière.
Par ailleurs, la privatisation, ou plutôt la capitalisation des grandes entreprises publiques et notamment de la société pétrolière YPFV, des sociétés distributrices d'eau des trois principales villes de Bolivie, pourrait intéresser les investisseurs français. D'autre part, le projet de gazoduc entre la Bolivie et le Brésil ouvre des marchés intéressants pour nos entreprises.
B. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION DES INVESTISSEMENTS
1. Le champ d'application de l'accord
a) Champ d'application géographique
Il comprend le territoire et, le cas échéant, la zone maritime de chacune des parties (art. 1.5).
b) Investissements concernés
Les investissements recouvrent l'ensemble des avoirs dont l'article 1.1 de l'accord donne une liste qui comprend notamment les biens meubles et immeubles ainsi que les autres droits réels (hypothèque, cautionnement ...), les actions, les obligations, les droits d'auteur et de propriété industrielle, les concessions accordées par la loi en vertu d'un contrat.
Par ailleurs, la protection ne jouera que pour les investissements conformes à la législation de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils sont réalisés.
c) Les investisseurs intéressés
Il convient de distinguer d'une part les personnes physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des parties contractantes et d'autre part les sociétés constituées conformément à la législation de l'État contractant où se trouve situé leur siège social (art. 1.2).
d) Les revenus visés
Les revenus recouvrent " toutes les sommes produites par un investissement (...) durant une période donnée " (art. 1.3).
2. Des stipulations classiques tendant à encourager et protéger les investissements réciproques
a) L'encouragement des investissements
Le principe, posé par l'article 2, se traduit sous deux formes :
- l'octroi d'un traitement " juste et équitable " pour ces investissements (art. 3)
- l'application par chaque partie d'un traitement au moins aussi favorable aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses propres investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée, si celle-ci se révèle plus avantageuse (art. 4)
Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun ou d'une autre forme d'organisation économique régionale.
Par ailleurs il convient également de souligner que le principe d'un traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les investissements de l'autre partie, ne s'applique pas dans le domaine fiscal. Compte tenu de l'importance des allégements fiscaux dont disposent certains investissements nationaux, ces derniers bénéficient ainsi d'un net avantage.
b) La protection des investissements : trois principes traditionnels
Les investisseurs de l'autre partie doivent d'abord bénéficier, en cas de dépossession (nationalisations, expropriations ...), d'une " indemnité prompte et adéquate ", dont le montant est évalué par rapport à une " situation économique normale et antérieure à toute menace de dépossession " (art. 5.2).
En second lieu, en cas de dommages et pertes provoqués par des circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers ont droit à un traitement aussi favorable que celui des investisseurs nationaux (art. 5.3).
Le principe de la liberté des transferts, essentiel pour les investisseurs, se trouve garanti à l'article 6 de l'accord. Il s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la liquidation de l'investissement (y compris les plus-values). Son application apparaît, en revanche, limitée pour les transferts des revenus des ressortissants de l'une des parties travaillant sur le territoire de l'autre partie à une " quotité appropriée de leur rémunération " (art. 6).
3. Un mode traditionnel de règlement des conflits
L'accord prévoit deux dispositifs différents de règlement des conflits.
a) Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre État
Dans cette hypothèse et lorsqu'un règlement à l'amiable n'a pu être obtenu au terme d'un délai de six mois, le différend est soumis à l'arbitrage d'un tribunal arbitral ad hoc. La compétence du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) créé sous les auspices de la Banque mondiale, s'appliquera quand la Bolivie aura adhéré à la Convention de Washington du 18 mars 1965 (art. 7).
Il convient de noter que l'article 9 de la convention pose le principe de la subrogation de l'un des États dans les droits et actions des bénéficiaires de la garantie qu'il a accordée à un investissement réalisé sur le territoire ou dans les zones maritimes, le cas échéant, de l'autre partie, dès lors qu'il a été conduit à effectuer des versements à des bénéficiaires de cette garantie.
b) Différends relatifs à l'interprétation ou à l'application du présent accord
A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (art. 10).
Quant aux dispositions finales de l'accord, elles prévoient l'entrée en vigueur de l'accord un mois après le jour de la réception de la dernière notification de l'accomplissement des procédures internes requises.
L'accord est conclu pour une durée initiale de 10 ans et sera reconduit tacitement après ce terme, sauf dénonciation par l'une des parties avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger pendant vingt ans la protection des investissements effectués pendant la période de validité de l'accord (art. 11).