EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (article 34 de la Constitution) - Institution des lois de financement de la sécurité sociale

Cet article, tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture, propose d'insérer avant l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution un nouvel alinéa aux termes duquel :

« Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et dans les réserves prévues par une loi organique » .

Ainsi qu'il a été dit dans l'exposé général, ce texte diffère sur plusieurs points de celui proposé par le projet initial de révision.

ï Le nouvel alinéa de l'article 34 de la Constitution en serait désormais l'antépénultième et non l'avant dernier, comme le proposait le projet initial. Cette modification de rang résulte du souci de la commission des Lois de l'Assemblée nationale de faire figurer les dispositions relatives aux lois de financement de la sécurité sociale immédiatement après celles concernant les lois de finances (au même titre que l'article fixant leur procédure d'élaboration serait inséré dans la Constitution immédiatement après l'article 47 régissant la procédure budgétaire).

ï L'appellation « lois de financement de la sécurité sociale » a par ailleurs été substituée à celle de « loi d'équilibre de la sécurité sociale » . La portée rédactionnelle de cette modification réside moins dans la terminologie que dans le passage du singulier au pluriel.

En effet, l'expression loi « de financement » a été préférée à celle de loi « d'équilibre » pour éviter une redondance -voire une tautologie- dans la mesure où cette loi aurait précisément pour objet de déterminer, entre autres, les conditions générales de l'équilibre de la sécurité sociale. Tout au plus le Garde des Sceaux a-t-il noté que les termes « lois de financement » mettaient l'accent sur les ressources de la sécurité sociale.

L'emploi du pluriel au lieu du singulier a en revanche une portée juridique plus apparente car il ouvre explicitement la possibilité de voter des lois de financement rectificatives.

Le Gouvernement n'avait pas d'ailleurs écarté d'emblée cette perspective pour faire face à une situation exceptionnelle, aussi la modification introduite par l'Assemblée nationale a-t-elle le mérite de couper court à toutes les interprétations contraires qui auraient pu être avancées en cas de maintien d'une expression au singulier dans le nouvel alinéa de l'article 34.


• Enfin, le texte soumis à l'examen du Sénat inclut les « prévisions de recettes » de la sécurité sociale, dont il sera tenu compte pour la fixation des objectifs de dépenses.

Cette modification n'a sans doute pas une portée aussi large qu'il pourrait sembler au premier examen, car elle ne modifie en rien le partage actuel des compétences en matière de ressources de la sécurité sociale.

Ainsi que l'a considéré le Garde des Sceaux, la référence expresse aux recettes est avant tout dictée par des « raisons pédagogiques » . Pour le reste, le régime juridique des ressources de la sécurité sociale ne sera pas affecté par les lois de financement. La fixation du taux des cotisations sociales continuera de relever exclusivement du pouvoir réglementaire, les concours budgétaires relevant des lois de finances, de même que le recouvrement chaque année des impositions affectées (ces dernières pouvant d'ailleurs être établies ou modifiées par une loi fiscale autre que la loi de finances).

Il appartiendrait enfin à une loi organique de préciser les conditions et les réserves applicables aux lois de financement de la sécurité sociale, à l'instar de ce que prévoit l'article 34 pour les lois de finances.

Ainsi qu'il a été indiqué dans la première partie du présent rapport, l'expression « sous les réserves » n'a pas d'autre objet que de permettre à la loi organique de délimiter le domaine d'application des lois de financement au sein du concept très général de « sécurité sociale » visé par l'article 34 de la Constitution.

Ce renvoi à la loi organique n'est en rien contraire à la hiérarchie des normes car la Constitution n'a pas à définir par elle-même le contenu des lois de financement, qui pourrait d'ailleurs connaître des évolutions au fil du temps. En revanche, le constituant est souverainement habilité pour renvoyer ce point à une loi organique, et pour prévoir que cette loi pourra fixer des conditions et des réserves.

Mais bien entendu, il ne saurait être question que ces réserves réduisent en quoi que ce soit les compétences du Parlement pour déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale, car en ce domaine, le dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution dispose bien que la loi organique peut « préciser et compléter » le domaine de la loi, et non le restreindre.

Dans cette perspective, l'avant-projet de loi organique communiqué par le Gouvernement permet d'ores et déjà de se faire une première idée du champ qu'il souhaite conférer aux lois de financement de la sécurité sociale. Selon ce texte, rédigé avant l'examen du projet de révision par l'Assemblée nationale et qui devra donc être modifié en fonction des décisions du Parlement au fil de la navette :

« La loi d'équilibre de la sécurité sociale :

« 1°) approuve les orientations générales et les objectifs des politiques de protection sociale ; elle se prononce sur les moyens mis en oeuvre à cette fin ;

« 2°) détermine, en fonction de ces orientations, les voies et moyens de l'équilibre financier prévisionnel des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

« A cette fin :

« a) elle évalue, pour l'année à venir, l'évolution des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ;

« b) en matière d'assurance maladie, elle fixe, compte tenu notamment du montant des recettes prévisibles, de l'évaluation des besoins de santé et des résultats prévisionnels de l'année en cours, un objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie ;

« c) elle comporte, le cas échéant, toutes dispositions législatives nécessaires à l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ».

En définitive, le présent article crée une catégorie nouvelle de loi mais c'est au législateur organique qu'il appartiendra d'en délimiter le contenu exact, sur la base du renvoi à la loi organique prévu au nouvel antépénultième alinéa dont l'insertion est proposée dans l'article 34.

C'est donc bien au moment de la discussion de la loi organique que les options de fond devront être prises et, s'il y a lieu, le Parlement disposera de sa pleine compétence pour les modifier ou les faire évoluer en fonction des nécessités ultérieures.

Pour l'heure, votre commission des Lois a estimé qu'il n'était pas souhaitable de surcharger le texte constitutionnel ni de modifier le cadre suffisamment ouvert proposé par l'Assemblée nationale.

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