II. L'ÉVALUATION LÉGISLATIVE : UNE ANALYSE MÉTHODIQUE AU SERVICE DE CHOIX POLITIQUES
Ainsi que l'a notamment montré le colloque organisé au Sénat, en avril 1994, sur le contrôle parlementaire et l'évaluation ( ( * )3) , d'une part cette dernière notion doit être clairement distinguée de la première, et, d'autre part, la démarche évaluative est d'une nature complexe dès lors qu'elle comporte des présupposés de caractère technique conduisant, in fine, à porter un jugement de valeurs sur la validité de la législation concernée.
En l'absence de définition parfaitement établie, l'évaluation législative peut être présentée comme l'analyse méthodique des effets prévisibles (évaluation ex ante) ou constatés (évaluation ex post) d'une législation aux fins d'en mesurer l'adéquation aux situations qu'elle régit.
A. L'ANALYSE DES EFFETS D'UNE LÉGISLATION
Toute démarche évaluative a posteriori comporte une première phase de rassemblement des données disponibles sur la situation antérieure à la mise en oeuvre de législation évaluée, le contenu de cette législation et les effets induits sur les situations qu'elle régit. Lorsque la démarche est prospective, les effets prévisibles sont déduits de la situation existante et des conséquences de modifications antérieures ou similaires.
Cette première phase de l'évaluation requiert une rigueur toute particulière dès lors qu'il convient de n'imputer à la législation concernée que les seuls effets qu'elle a emportés.
Elle suppose également une analyse précise de l'évolution de la situation à laquelle la législation s'applique par rapport au moment de la mise en place de celle-ci, et des déterminants de cette évolution.
Une évaluation de la législation applicable en matière de redressement et de liquidation judiciaires des entreprises exige ainsi une bonne connaissance du régime de 1967, de sa pratique et des inconvénients relevés qui ont conduit à l'adoption des lois du 25 janvier 1985. Elle suppose également une bonne connaissance de ces lois et des intentions du législateur de 1985. Elle exige par ailleurs des informations précises sur les modalités concrètes d'application des lois de 1985, sur les difficultés rencontrées à cette occasion, sur l'atteinte des objectifs fixés par le Parlement. Enfin, elle fait nécessairement appel à une analyse de la situation économique et sociale, et de ses conséquences, tant à l'égard des débiteurs défaillants et des créanciers impayés que des salariés.
La collation des données peut être facilitée par un appareil statistique performant parfois mis en place ou adapté pour répondre à la demande du législateur qui a souhaité que des rapports réguliers lui soient remis sur l'application de la loi. Dans d'autres cas, ce travail est beaucoup plus délicat et fait appel à différentes techniques comme les enquêtes menées auprès des usagers ou des praticiens, le dépouillement systématique d'un certain nombre de dossiers ou de cas de jurisprudence, la mesure de l'évolution de divers indicateurs.
De manière générale, cette première phase devrait présenter un caractère méthodique et objectif qui permet de la considérer comme de nature essentiellement technique. Reste bien entendu que les orientations de la recherche, les questions posées dans le cadre d'enquêtes ou l'appréciation d'éléments de nature souvent plus qualitative que quantitative introduisent, dès cette étape, des présupposés plus ou moins subjectivement définis.
* (3) Contributions réunies par Alain Delcamp, Jean-Louis Bergel et Alain Dupas - Préface de M. René Monory, Président du Sénat - Les études de la Documentation française, 1995.