C. CERTAINS DOMAINES EXIGENT DES LÉGISLATIONS RAPIDEMENT ÉVOLUTIVES

Tant le rapport déjà évoqué du Conseil d'État que les travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur «  l'insoutenable application de la loi », présidée par notre collègue M. Jérôme Bignon, mettent l'accent sur l'instabilité de la norme juridique et le caractère néfaste des conséquences de ce phénomène.

Cette instabilité est incontestable mais il convient d'avoir en la matière une approche nuancée. La perfection des lois est en effet une utopie ; elle est inconciliable avec l'imprévisibilité des faits, leur diversité et la constante mutabilité des situations humaines et sociales.

En outre, la durée de vie souhaitable d'une loi n'est pas la même dans tous les domaines et si le droit civil exige une pérennité certaine, ponctuée, de temps à autres, par de grandes réformes tendant à prendre en compte les changements intervenus dans la société, le droit économique est, quant à lui, soumis à un rythme d'évolution plus rapide, commandé par les changements du contexte économique et les transformations des marchés. La difficulté est alors de procéder à des ajustements en cohérence avec le droit existant.

La loi ne saurait être « intouchable ». Les bilans parfois dressés à l'issue de trois ou cinq années d'application permettent ainsi, trop rarement sans doute, de procéder à des ajustements réfléchis au regard de la pratique. Tel en a-t-il été récemment de la loi du 31 décembre 1989 relative au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises qui ont toutes deux fait l'objet de modifications substantielles tirant les enseignements de quelques années d'application. Dans le premier cas, le contrôle de l'application de la loi nouvelle avait été prévu par le législateur qui avait demandé au Gouvernement de lui présenter des rapports réguliers sur la mise en oeuvre des nouvelles procédures ; dans le second cas, l'initiative, ensuite relayée par des parlementaires, est venue des professionnels eux-mêmes.

D. SEULE UNE VOLONTÉ POLITIQUE FERME PEUT CONTENIR L'INFLATION NORMATIVE

Toutes les études l'ont montré, la pente naturelle est à la multiplication des textes. Chaque ministre veut laisser à la postérité « sa » loi, chaque groupe d'intérêts veut « son » régime législatif, tout parlementaire, tout Gouvernement est sensible au besoin de sécurité exprimé par les électeurs et veut lui apporter une réponse, un apaisement, en faisant une loi.

Une telle dérive « naturelle » ne peut être combattue, qu'il s'agisse du Gouvernement ou du Parlement, qu'au prix d'une autodiscipline particulièrement ferme articulée autour de principes simples :

ï un strict respect du partage entre la loi et le règlement, et le recours, en cas de besoin, à la procédure de délégalisation prévue par l'article 37-2 de la Constitution ;

ï un bilan et une évaluation systématiques du droit existant avant toute modification ou adjonction ;

ï l'appréciation ex ante de toutes les conséquences d'une modification législative ;

ï la préparation active et a priori de sa mise en oeuvre, tant auprès des services administratifs que des professionnels concernés et des usagers du droit ;


• un contrôle attentif de l'application des lois.

Tout cela exige du temps et un travail préparatoire intense ; tout cela exige une volonté politique forte et constante.

La sécurité des relations sociales exige une certaine stabilité des règles juridiques mais cette exigence n'a jamais empêché la modernisation du droit applicable tant en matière pénale, que civile, sociale ou commerciale. A cet égard, la création d'un office parlementaire d'évaluation législative permettrait de développer une dynamique qui, heureusement, a toujours existé.

Reste qu'une meilleure maîtrise du processus normatif doit être assurée à tous les stades de l'élaboration des textes et que, dans cette perspective, l'évaluation de l'existant, à laquelle l'office aurait vocation à participer, devrait constituer le préalable indispensable à toute modification ou à toute adjonction substantielle.

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