IV. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
A. LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS D'INFORMATION ET DE CONTRÔLE DES COMMISSIONS
Votre commission des Lois vous suggère de retenir les articles premier et 2 du titre I, sous réserve de prévoir, à l'article premier, la sanction du refus de déposer devant une commission permanente ou spéciale.
Elle vous propose en outre de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement dans un article premier nouveau qui ouvre aux commissions permanentes ou spéciales la faculté de demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent les pouvoirs des commissions d'enquête, pour une mission déterminée et pour une durée n'excédant pas six mois.
En effet, comme cela a été affirmé à maintes reprises, en particulier au Sénat, lors des travaux préparatoires de la dernière révision constitutionnelle, la session unique de neuf mois n'a pas été instituée pour siéger plus, en fait alimenter l'inflation législative, mais pour exercer un contrôle plus efficace et continu sur la politique du Gouvernement.
Moins légiférer et contrôler plus, telle doit être la double préoccupation du Parlement, si du moins l'on veut éviter que le passage à la session unique n'emporte en définitive plus d'inconvénients que d'avantages.
Une réflexion de fond doit donc s'engager sur la modernisation et l'amélioration des techniques du contrôle parlementaire.
Aujourd'hui, le contrôle peut emprunter en séance publique la voie, une fois par an, de la discussion budgétaire et, toute l'année, celle des questions sous toutes leurs formes (questions orales avec ou sans débat, questions d'actualité, questions orales européennes).
Force est néanmoins de reconnaître que le débat public, pour des raisons d'ordre pratique, n'est pas la plupart du temps adapté aux nécessités du contrôle parlementaire. Ce sont, dans chaque Assemblée, les six commissions permanentes et les délégations parlementaires, notamment la délégation pour l'Union Européenne, qui sont les mieux armées pour assurer le suivi de l'action gouvernementale.
Comme le spécifie le premier paragraphe de l'article 22 du Règlement du Sénat, « les commissions permanentes assurent l'information du Sénat pour lui permettre d'exercer, conformément à la Constitution, son contrôle sur la politique du Gouvernement » .
Pour recueillir les informations par exemple sur tel ou tel ministère ou sur les conditions d'application d'une loi, les commissions peuvent constituer en leur sein des missions d'information ou des groupes aux appellations diverses (groupe de travail, d'étude, de réflexion,...). Dans presque tous les cas, un rapporteur est désigné : une fois son rapport achevé, les conclusions de la mission d'information ou du groupe de travail sont soumises à la commission qui, sans préjuger du fond, décide de l'opportunité de publier ces conclusions dans un rapport d'information.
Mais le paradoxe est qu'un rapporteur d'une commission ne dispose d'aucun pouvoir propre d'information, exception faite des rapporteurs spéciaux de la commission des Finances qui, en vertu de la loi, peuvent accomplir dans le cadre du contrôle budgétaire de façon permanente leurs investigations sur pièces et sur place pour suivre l'emploi des crédits inscrits au budget d'un département ministériel.
Autrement dit, le travail de contrôle des commissions est tributaire de la bonne volonté des administrations ou des organismes susceptibles de leur fournir les renseignements nécessaires.
Certes, si une commission rencontre des difficultés, ou se heurte à une rétention abusive d'informations, il est toujours possible de procéder à la constitution d'une commission d'enquête dont les rapporteurs exercent leur mission sur pièces et sur place. Mais la lourdeur des règles procédurales qui régissent la constitution et le fonctionnement d'une commission d'enquête explique sans nul doute le relatif insuccès de cette technique de contrôle parlementaire : ainsi le Sénat n'a créé aucune commission d'enquête en 1994 ou 1995.
Dans le cadre de leur activité permanente, les commissions permanentes pourraient parvenir aux mêmes résultats qu'une commission d'enquête pour peu que leurs rapporteurs se voient reconnaître certaines prérogatives chaque fois que le besoin s'en fera sentir.
Pour combler cette lacune de notre droit parlementaire, l'article additionnel que votre commission des Lois vous propose d'introduire étend à l'ensemble des commissions parlementaires la solution prévue à l'heure actuelle pour le seul Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques par le paragraphe VI de l'article 6 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Ainsi, en cas de nécessité, une commission permanente ou spéciale pourrait demander au Sénat pour une mission de contrôle déterminée et pour une durée limitée à six mois de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête.