Rapport n° 184 (1995-1996) de M. Michel RUFIN , fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 janvier 1996
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
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I. L'ÉVALUATION DES POLITIQUES
PUBLIQUES : UNE IDÉE FORTE MAIS DES RÉSULTATS
DÉCEVANTS
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II. LE PARLEMENT ET L'ÉVALUATION DES
POLITIQUES PUBLIQUES
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IV. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES
LOIS
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EXAMEN DES ARTICLES
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EXTRAITS DU BULLETIN DES COMMISSIONS
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ANNEXES
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ANNEXE I - L'ÉVALUATION DES POLITIQUES
PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT : ÉTUDE DE DROIT COMPARE
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ANNEXE II - COMMISSIONS DE CONTRÔLE OU
D'ENQUÊTE CONSTITUÉES AU SÉNAT DEPUIS 1981
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ANNEXE III - MISSIONS COMMUNES D'INFORMATION
CRÉÉES AU SÉNAT DEPUIS 1983
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ANNEXE IV - RAPPORTS D'INFORMATION
DÉPOSÉS ET PUBLIÉS PAR LES COMMISSIONS PERMANENTES DU
SÉNAT DEPUIS 1991
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ANNEXE V - RÉCAPITULATIF DES ÉTUDES
RÉALISÉES PAR LA DIVISION DES ÉTUDES
MACROÉCONOMIQUES
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ANNEXE VI - RAPPORTS PUBLIÉS PAR L'OFFICE
PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
DEPUIS 1985
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ANNEXE I - L'ÉVALUATION DES POLITIQUES
PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT : ÉTUDE DE DROIT COMPARE
N° 184
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 30 janvier 1996.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, tendant a élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office Parlementaire d'évaluation des politiques publiques,
Par M. Michel RUFIN,
Sénateur
(1) (1) Cette commission est composée de MM. Jacques Larché président : René-Georges Laurin, Germain Authie, Pierre Fauchon, François Giacobbi, vice-présidents : Robert Pagès, Michel Rutin, Jacques Maheas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires , Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnes, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreytus Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod,. Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean Pierre Schosteck, Jean Pierre Tizon, Alex Turk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros
Assemblée nationale 10ème législ . 2108-2155 et T.A 382
Sénat 389 (1994-1995).
Parlement.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
• Dans une
première réunion,
tenue le 17 janvier 1996, sous la présidence de M. Jacques
Larché, président, la commission a examiné, sur le
rapport de M. Pierre Fauchon,
la proposition de loi
adoptée par l'Assemblée nationale tendant à élargir
les pouvoirs d'intervention du Parlement et à créer un office
parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a insisté sur la nécessité, d'une part, de renforcer les moyens de contrôle des commissions permanentes, d'autre part, de développer les capacités évaluatives du Parlement en matière de politique publique.
Il a estimé qu'à cet égard la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale constituait une avancée certaine qui pouvait être utilement complétée, pour ce qui concerne les moyens de contrôle des commissions permanentes, par l'institution d'une faculté de demander à leur assemblée les pouvoirs des commissions d'enquête. S'agissant de l'évaluation des politiques publiques, il a considéré que la composition d'un office Parlementaire spécialisé en la matière devait prendre en compte le caractère bicaméral du Parlement. Il a en conséquence proposé que l'office soit la réunion de deux délégations constituées au sein de chaque assemblée par des représentants des groupes politiques et des commissions permanentes, la présidence étant alternativement confiée pour un an au président de chacune des commissions des Finances.
Après un large échange de vues, la commission s'est également Partagée sur le passage à l'examen des articles. A la demande de son Président, elle a décidé de reporter la suite de la discussion à sa réunion du 24 janvier 1996.
• Dans une
deuxième réunion,
tenue le 24 janvier 1996, sous la Présidence de M. Jacques
Larché, président, la commission a adopté, au
titre Premier,
un amendement tendant à compléter
l'obligation de comparaître
devant les commissions parlementaires
instituée par l'article premier, par une
obligation de
déposer.
A l'initiative de son rapporteur, M. Pierre Fauchon,
elle a en outre adopté un amendement tendant à insérer un
article additionnel pour ouvrir aux commissions la faculté de
demander à l'assemblée, pour un objet et une durée
limitées, les pouvoirs des commissions d'enquête.
Au titre II, qui crée un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, la commission a en revanche rejeté l'amendement proposé par son rapporteur tendant à une nouvelle rédaction de l'article 3 prévoyant que l'office était composé de la réunion de deux délégations constituées l'une à l'Assemblée nationale et l'autre au Sénat.
M. Pierre Fauchon a alors décidé de ne pas conserver le rapport. M. Michel Rufin a accepté de le remplacer.
• Lors d'une
troisième réunion,
tenue le 30 janvier 1996, sous la présidence de M. Jacques
Larché, président, la commission a examiné l'amendement
présenté par son rapporteur,
M. Michel Rufin,
tendant à une nouvelle rédaction de l'article 3 qui,
sans modifier ni la composition ni le champ de compétence de l'office,
reprenait certaines des suggestions de M. Pierre Fauchon.
La commission a rejeté cet amendement et adopté un amendement de suppression de l'article 3.
Mesdames, Messieurs,
L'Assemblée nationale a adopté, le 18 juillet 1995, une proposition de loi tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
Présentée conjointement par MM. Laurent Dominati et Jean-Michel Fourgous, la proposition de loi initiale reprenait quatre des trente propositions formulées par le rapport de la mission d'information commune à trois commissions permanentes présidée par M. Dominati et chargée d'étudier les moyens d'information des parlements étrangers en matière économique et sociale, à savoir :
- l'institution d'une obligation de comparaître devant les commissions parlementaires ;
- l'extension des pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances aux rapporteurs budgétaires pour avis des autres commissions permanentes ;
- l'extension à ces commissions de la faculté, actuellement réservée aux commissions des finances et aux commissions d'enquête, de demander des enquêtes à la Cour des comptes ;
- la création d'un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques sous la forme d'une délégation parlementaire commune à l'Assemblée nationale et au Sénat.
A la suite de sa commission spéciale, présidée par M. Jean-Jacques Hyest devenu notre collègue au Sénat lors du dernier renouvellement, et dont le rapporteur était M. Jean-Pierre Delalande, l'Assemblée nationale a eu le souci de ne pas remettre en cause les compétences respectives des différents organes de travail parlementaires et de prévenir tout risque de dilution des pouvoirs de contrôle, notamment budgétaires. Elle a complété et modifié le texte initial pour :
- assortir d'une sanction pénale le refus de comparaître devant les commissions ;
- supprimer l'extension des pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances aux rapporteurs pour avis des autres commissions permanentes ;
- ouvrir à chaque commission, et non à leurs seuls présidents, la faculté de saisir la Cour des comptes d'une demande d'enquête, et prévoir le concours, si nécessaire, des chambres régionales des comptes ;
- recentrer la définition de la mission de l'Office d'évaluation des politiques publiques, ses pouvoirs et sa saisine, afin de mieux l'articuler avec le rôle des autres organismes parlementaires, notamment les commissions des finances.
La création d'un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques se situe, dans l'esprit de ses concepteurs, au centre du dispositif ainsi proposé et s'inscrit dans le cadre du renforcement des pouvoirs du Parlement déjà marqué par l'institution d'une session unique de neuf mois lors de la révision constitutionnelle du 4 août 1995.
Aux termes de la proposition de loi, cet office aurait une double mission :
- « informer le Parlement sur l'adéquation entre les moyens juridiques, administratifs ou financiers consacrés à toute politique publique... et les effets qui étaient attendus de cette politique » ;
- fournir au Parlement « des études sur les moyens juridiques, administratifs ou financiers qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs assignés à toute politique publique » .
Ces deux définitions correspondent en fait, peu ou prou, à ce qu'il est convenu d'appeler l'évaluation des politiques publiques, ex post pour la première et ex ante pour la seconde. C'est pourquoi avant d'en venir à l'examen au fond du texte adopté par l'Assemblée nationale, il semble souhaitable de se pencher sur la notion d'évaluation des politiques publiques, l'utilité de cette démarche, les pratiques existantes et le rôle du Parlement en la matière.
I. L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES : UNE IDÉE FORTE MAIS DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
Évaluer une politique publique, c'est en mesurer et en analyser les effets pour en apprécier l'efficacité au regard des objectifs poursuivis. Autrement dit, l'évaluation est un outil de connaissance pratique qui permet de porter un jugement de valeur sur les politiques publiques pour éventuellement les adapter, les modifier, voire les supprimer.
Instrument de mesure de l'action publique, l'évaluation est donc également un outil de régulation des politiques publiques et de modernisation de l'action administrative. A ces titres et pour reprendre l'expression utilisée par M. Patrick Viveret, dans le rapport sur L'évaluation des politiques publiques qu'il a remis en 1989 au Premier Ministre M. Michel Rocard, l'évaluation constitue « une fonction et un enjeu démocratiques » .
L'actuel Premier Ministre, M. Alain Juppé, se situe d'ailleurs dans cette perspective lorsqu'il préconise, par la circulaire du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'État et des services publics, une « évaluation systématique » des résultats et de l'efficacité des politiques entreprises pour répondre à l'attente des « citoyens de notre pays » qui « veulent un État et des services publics plus efficaces, plus économes et plus accessibles » .
A. UNE IDÉE FORTE
L'évaluation est tout à la fois mesure, analyse et appréciation des effets d'une politique publique, dans un contexte économique international de plus en plus complexe et singulièrement évolutif où les choix sont d'autant Plus difficiles à faire que leur efficacité dépend en grande partie de paramètres extérieurs.
1. La mesure et l'analyse des effets réels des décisions publiques
- Une méthodologie rigoureuse
Dans une première étape, l'évaluation consiste en une mesure empirique des effets réels d'une politique spécifique, selon une procédure formelle et explicite de collecte et de traitement de l'information. Elle repose donc sur une méthodologie dont les instruments ont été progressivement affinés afin d'en conforter l'objectivité et l'exactitude.
Sans entrer dans le détail des moyens généralement utilisés, on soulignera tout particulièrement la difficulté de l'exercice consistant à discerner les causalités des évolutions constatées. Il ne suffit pas en effet de savoir dans quelle mesure les objectifs initialement fixés ont été atteints mais dans quelle mesure l'action publique en est responsable, en quoi les résultats constatés sont spécifiquement dus à cette politique.
L'évaluation part pour cela de l'examen de la situation antérieure à la mise en oeuvre de la politique et de la définition des objectifs de celle-ci, souvent implicites et donc parfois malaisés à cerner avec précision. Elle recherche ensuite les changements intervenus en appréciant dans quelle mesure ils sont imputables à cette mise en oeuvre. Enfin, elle rapproche ces changements des objectifs initiaux, apprécie leur réalisation, analyse les effets induits non prévus et l'efficacité des moyens mis en oeuvre.
Les techniques d'évaluation varient selon la matière concernée et les données disponibles, l'existence ou non d'un dispositif de suivi de la politique analysée et la précision des objectifs de celle-ci.
Quelles que soient les techniques utilisées, -expérience aléatoire, coupe instantanée, étude longitudinale-, l'essentiel est une bonne adaptation à l'objet étudié, au système d'information disponible ainsi qu'à la nature et la portée des hypothèses explicatives.
- Un pluralisme nécessaire
Quelle que soit la méthodologie retenue, sa rigueur scientifique connaît des limites tenant à son domaine d'application autant qu'aux conditions de sa mise en oeuvre et surtout aux liens de dépendance qu'elle entretient avec des théories ou des idées préalables.
Dans cette perspective, le choix de l'évaluateur est fondamental et une évaluation sera d'autant plus recevable qu'elle sera pluraliste, c'est-à-dire contradictoire et indépendante, et fondée sur une méthodologie rigoureuse et transparente appuyée sur un appareil statistique fiable de connaissance de la réalité.
A cet égard, la distinction entre le prescripteur de l'évaluation, l'évalué et l'évaluateur constitue une garantie de rigueur mais elle n'est pas, dans l'idéal, toujours possible, ni toujours pertinente, ni enfin toujours efficace.
2. Un jugement porté sur la valeur des politiques publiques
Tentative organisée de fournir des éléments d'analyse et de jugement sur les résultats des politiques publiques, l'évaluation s'interroge in fine sur l'efficacité des moyens utilisés pour atteindre les objectifs poursuivis et sur la pertinence même de ces objectifs. En cela, elle n'est pas seulement une technique mais également un enjeu politique.
La pratique montre ainsi que l'évaluation permet de juger la valeur des mesures actuelles, de déterminer à qui (à quels groupes) elles bénéficient directement ou indirectement, à qui (quelle situation souhaitée ou non) elles servent, et ce qui peut éclairer l'utilité de les modifier ou d'adopter de nouvelles mesures. Elle permet également d'améliorer ou de modifier les critères selon lesquels des ressources sont allouées à différents trains de mesures, d'accroître l'efficacité de la gestion des moyens financiers, humains, institutionnels et juridiques.
Ce faisant, elle permet aux protagonistes de l'action publique d'acquérir une vue plus complète et plus riche de l'ensemble dans lequel ils interviennent et du rôle qu'ils y remplissent, des marges d'adaptation dont ils disposent et des contraintes particulières auxquelles ils sont soumis.
En ce sens, l'évaluation est modernisatrice des modes de décision et du fonctionnement de l'administration. Elle oblige les pouvoirs publics à s'adapter aux évolutions et elle responsabilise les agents publics.
L'évaluation est également un instrument stratégique fondamental de régulation des politiques publiques : elle permet de mieux les maîtriser alors qu'elles sont de plus en plus complexes en raison, notamment, de la multiplication des niveaux de responsabilité et d'une pluralité d'acteurs juridiquement autonomes. Elle facilite également une gestion plus efficace de la contrainte budgétaire.
Pour tous ces motifs, l'évaluation des politiques publiques éclaire le débat public, enrichit le dialogue démocratique, favorise la transparence de l'action publique. Dans un contexte budgétaire difficile, elle répond à la demande d'efficacité des citoyens. Sa nature est donc complexe et son maniement doit être prudent. Elle apporte en effet une réponse à la crise de légitimité qui frappe la décision publique mais elle ne suffit pas pour autant, à elle seule, à rendre l'action de l'État à la fois plus acceptable et plus responsable.
Ainsi que le rappelait très justement le premier rapport annuel du Conseil scientifique de l'évaluation, De l'expertise à la responsabilité, publié en décembre 1991 : « le choix politique avec l'art et la vertu qu'il requiert, le risque qu'il comporte, la responsabilité spécifique que ses protagonistes encourent en tant que représentants constitutionnellement investis de compétences demeure irréductible à toute autre procédure » .
B. DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
L'évaluation des politiques publiques n'est pas une idée entièrement nouvelle, surtout dans les pays anglo-saxons. Son développement y apparaît lié à trois séries de facteurs ; d'une part, le recours à la technique des programmes qui s'accommode particulièrement bien des évaluations, d'autre part, l'existence d'une tradition de recherches en sciences sociales appliquées aux conséquences de l'action gouvernementale, enfin l'évolution des politiques économiques, soit en cas de développement des interventions publiques en période de croissance, -ainsi lors de l'arrivée au pouvoir des sociaux démocrates en Allemagne et en Suède et des libéraux au Canada-, soit dans des contextes budgétaires difficiles, -ainsi aux États-Unis dans les années 1968-74 et après 1979, en Grande Bretagne après 1979, au Danemark et aux Pays-Bas après 1982, en Norvège entre 1981 et 1986.
Les États-Unis sont plus particulièrement en pointe dans ce domaine en raison de leur organisation institutionnelle qui exige des contrepoids à la séparation des pouvoirs. En outre, les dépenses y sont structurées en programmes bien identifiés sur le plan budgétaire et politique ; les contrôles internes menés par les auditors des différents départements et les contrôles externes sont pleinement intégrés à la définition et la conduite des politiques publiques, enfin le rôle central joué par le General Accounting Office (GAO) placé auprès du Congrès a permis une diffusion des méthodes d'évaluation. Après l'échec consommé à partir de 1971 des procédures de contrôle budgétaire a priori (le Planning Programmig Budget System ou PPBS), le programm analysis a ainsi connu un essor considérable.
En France, l'évaluation n'a pas vraiment réussi à s'imposer en dépit de la tentative de relance engagée en 1990 par le Gouvernement présidée par M. Michel Rocard. On observera toutefois que les mécanismes de contrôle traditionnels tendent à intégrer une préoccupation évaluative de plus en plus forte.
1. L'évaluation en France : la nécessité d'une réactivation
Jusqu'à une période très récente, l'évaluation des politiques publiques n'entretenait pas en France de lien immédiat avec la réduction des déficits publics, c'est pourquoi elle suscitait un certain scepticisme d'ailleurs aggravé par un fonctionnement institutionnel qui réserve un rôle prédominant à l'administration étatique et par l'absence de formulation des politiques publiques sous forme de programmes.
- Un débat tardif
Le débat sur l'évaluation a finalement fait son apparition au début des années 80. Il a été le thème d'un colloque organisé en décembre 1983 à la demande du Ministre de l'Économie, M. Jacques Delors, et du Ministre de la Fonction publique, M. Anicet Le Pors. Intervenant à la fin de la longue et difficile expérience de rationalisation des choix budgétaires (RCB), qui devait être abandonnée en 1985, ce colloque a servi de prélude à l'institutionnalisation progressive de l'évaluation dans des domaines sectoriels particuliers comme les établissements publics d'enseignement supérieur.
En 1984, le Parlement prenait à son tour une première initiative concrète en créant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dépassant ainsi pour la première fois son rôle traditionnel de contrôle de l'action gouvernementale.
En 1986, dans le cadre de l'exécution du IXème plan, M. Michel Deleau, sous-directeur à la direction de la prévision, était chargé de réfléchir aux méthodes d'évaluation ex post des politiques publiques et à l'organisation de l'évaluation prévue par la loi de plan du 24 décembre 1983. Son rapport, Évaluer les politiques publiques : méthodes, déontologie, organisation, souligne la distinction entre contrôle et évaluation, et préconise un renforcement substantiel de la capacité d'évaluation de l'administration et des pôles d'expertise extérieurs à celle-ci.
- Une institutionnalisation en 1990
Devenu Premier ministre, M. Michel Rocard commandait un nouveau rapport sur les modalités de mise en place de l'évaluation des services publics prévue par sa circulaire du 25 février 1989 sur le renouveau du service public, en insistant sur la nécessité d'accompagner, voire d'anticiper, la transformation des modes d'expression de la demande sociale et de définir, ce faisant, des formes de négociation entre l'État et les usagers du service public.
Répondant à cette demande, le rapport de M. Patrick Viveret, L'évaluation des politiques et des actions publiques, pose les fondements d'une politique nationale d'évaluation ambitieuse et novatrice qui fut finalement institutionnalisée, sauf une réserve d'importance, par un décret du 22 janvier 1990, sous la forme de trois organes :
- un Comité interministériel de l'évaluation (CIME), chargé de développer et de coordonner les initiatives gouvernementales dans ce domaine ;
- un Fonds national de développement de l'évaluation (FNDE), dont les crédits permettent de financer les projets arrêtés par le Comité ;
- un Conseil scientifique de l'évaluation (CSE), organe consultatif garant de la qualité et de l'indépendance des évaluations.
Le Comité s'est réuni trois fois depuis sa création, après un important travail interministériel animé par le Commissariat général du Plan qui assure son secrétariat permanent. Le Fonds, qui finance les projets à hauteur de 50 %, a été doté de 3,9 millions de francs en 1994. Le Conseil émet, quant à lui, deux avis, le premier peut être assimilé à une étude de faisabilité de l'évaluation, le second porte sur la qualité des travaux ; il est en outre chargé d'une mission plus générale d'aide au progrès des méthodes d'évaluation qui nourrit son rapport annuel sur l'évolution des pratiques de l'évaluation.
En cinq ans, seules douze évaluations ont été réalisées dans le cadre de ce dispositif, traduisant ainsi à la fois la lourdeur du processus et son essoufflement.
Le dernier rapport d'évaluation a été publié en juin 1995 ; il porte sur l'action sociale de l'État en faveur de ses agents et il a été réalisé par une instance indépendante ad hoc présidée par un conseiller-maître honoraire à la Cour des Comptes.
- Un pôle d'évaluation public peu structuré
L'évaluation est donc aujourd'hui organisée autour du dispositif mis en place en 1990, dont le Commissariat général du plan devrait être le point d'appui si sa restructuration était menée à son terme par le Gouvernement, et d'instances spécialisées comme le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics créé en 1946, le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel ou professionnel (1985), le Comité national d'évaluation de la recherche (1985), la Commission nationale d'évaluation du RMI créée en 1989 en application de la loi instituant le RMI, le Comité national d'évaluation de la politique de la ville (1990), l'Agence nationale d'évaluation des pratiques médicales (1990) et le Comité d'évaluation des nouvelles qualifications (1989). S'y ajoutent également les services d'évaluation de certaines administrations comme la délégation à la formation professionnelle.
Les domaines privilégiés d'évaluation sont aujourd'hui les politiques sociales (la lutte contre l'exclusion, l'emploi et la formation professionnelle), les politiques éducatives, la science et la technique, l'économie, les aides au développement, le fonctionnement des services administratifs.
2. Le développement d'une approche évaluative par les organes de contrôle
Certaines instances de contrôle ont développé une activité évaluative, ainsi la Cour des comptes dont le manuel de vérification évoque explicitement « l'appréciation portée sur l'efficacité d'un programme, d'une politique ou d'une action publique, à la suite de la recherche, scientifiquement exigeante, de leurs effets réels au regard des objectifs, affichés ou implicites, et des moyens mis en oeuvre » .
Le rapport pour 1995 contient ainsi des évaluations de la politique de la ville, des aides de l'État au maintien et à la création d'emplois, de l'action du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, des transports collectifs en Ile de France.
Les inspections générales, l'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale de l'Administration (IGA) notamment, ainsi que les inspections de certains ministères ont également intégré une dimension évaluative dans leurs travaux de contrôle.
Le Conseil économique et social s'est aussi engagé dans cette voie. C'est ainsi par exemple qu'il a publié, en juillet 1995, un avis très complet, présenté par Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz, portant sur L'évaluation des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté.
Dans un esprit voisin, on constate que la vocation traditionnelle de contrôle du Parlement s'est enrichie d'une dimension évaluative sur laquelle il conviendra de revenir puisqu'elle est au centre des préoccupations qui ont inspiré la proposition de loi soumise à notre examen.
Contrôle et évaluation doivent toutefois être clairement distingués, le contrôle portant sur la régularité juridique et comptable de la mise en oeuvre d'une politique, alors que l'évaluation s'adresse aux effets de l'action publique. Dans le cadre parlementaire, le contrôle se double également d'un jugement politique mais il n'a pas pour objet premier d'apprécier et de réorienter l'action publique.
3. Un bilan contrasté
Alors que l'évaluation est placée au rang de priorité nationale depuis maintenant cinq ans, les résultats sont plutôt décevants. Ce constat tient à plusieurs facteurs au nombre desquels on relèvera :
- des difficultés méthodologiques tenant à l'existence d'une contradiction entre la mise en oeuvre des politiques et les exigences de la recherche scientifique ;
- l'absence de gestion par programmes en dépit de certaines expériences (« programmes prioritaires », « budgets de programme », « plans d'action ») ;
- le faible impact décisionnel des évaluations engagées en raison notamment de la différence des rythmes et surtout de la complexité des rapports entre la connaissance et la décision ;
- la faiblesse des contre-pouvoirs face à l'administration qui monopolise l'évaluation des actions publiques.
La restructuration en cours de l'évaluation administrative, la réorganisation du commissariat général du Plan, le développement de pôles d'expertise indépendants et la volonté fermement affichée du législateur pourraient toutefois faire évoluer la situation.
Il apparaît donc nécessaire de renforcer les moyens de l'évaluation et d'intégrer véritablement celle-ci au processus décisionnel en modifiant les méthodes de travail, en prévoyant les instruments d'un suivi des politiques, enfin en liant éventuellement leur pérennisation aux résultats d'une évaluation à l'image des sunset laws américaines qui ont inspiré certaines législations expérimentales en France (l'interruption volontaire de grossesse en 1975 ou le RMI en 1989).
II. LE PARLEMENT ET L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Le projet de révision de la Constitution élaboré par la commission présidée par M. Vedel comportait une nouvelle rédaction de l'article 24 de la Constitution pour rappeler que les trois missions fondamentales du Parlement sont le vote de la loi, le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des résultats de la loi. La volonté d'inscrire cette dernière responsabilité dans la loi fondamentale témoigne clairement de l'importance du champ ouvert au Parlement en la matière.
Un examen attentif de la pratique montre qu'une préoccupation évaluative inspire d'ores et déjà les réflexions parlementaires, notamment les travaux dits d'information ou d'enquête, mais qu'elle n'en est pas l'objet unique.
L'important colloque sur le contrôle parlementaire et l'évaluation qui s'est tenu au Sénat ( ( * )2) , le 7 avril 1994, et à l'occasion duquel se sont notamment exprimés nos collègues MM. Christian Poncelet, président de la commission des Finances, Xavier de Villepin, président de la commission des Affaires étrangères. Charles Jolibois, pour la commission des Lois et Gérard Larcher, pour la commission spéciale « aménagement du territoire », a montré à cet égard que l'évaluation parlementaire était encore trop peu développée en France et surtout mal dégagée du contrôle parlementaire alors qu'elle constituait un enjeu politique important tant pour le bon fonctionnement de la démocratie que pour l'équilibre institutionnel.
Ce colloque a toutefois fait apparaître que le Sénat, beaucoup plus que l'Assemblée nationale, avait d'ores et déjà intégré une dimension évaluative dans nombre de ses travaux.
Après avoir dressé un rapide bilan des instruments d'évaluation utilisés par le Parlement, on s'interrogera sur les modalités d'un renforcement de la capacité évaluative de celui-ci et le rôle que les députés ont souhaité y faire tenir par l'office dont ils ont voté la création.
A.L'ÉVALUATION CONSTITUÉ UN DIMENSION TOUJOURS PRÉSENTE DE L'ACTIVITÉ PARLEMENTAIRE
L'évaluation est omniprésente tout au long du travail parlementaire, qu'il s'agisse d'élaborer les lois ou de contrôler le Gouvernement. A cet effet, nombre d'instruments sont à la disposition du Parlement, mais pour des raisons institutionnelles et politiques, le Sénat les a tout particulièrement développés. C'est ainsi que les sénateurs passent deux fois plus de temps que les députés dans les réunions de commissions parce que nombre des travaux de celles-ci sont consacrés, au Sénat, à l'examen de politiques publiques.
1. Information, contrôle et évaluation
- Le vote de loi : enquête et expérimentation
Le Parlement n'intervient jamais ex nihilo. Toute nouvelle législation suppose une appréciation des lois précédentes, de leurs lacunes et des problèmes à résoudre. Les rapports présentés dans le cadre de l'examen des projets de loi le montrent d'ailleurs clairement : ils comportent toujours une analyse de l'existant. Cette analyse est généralement facilitée par les travaux conduits par l'administration ou sous son égide, dans le cadre de la préparation du projet de loi. Elle est parfois complétée par une évaluation prospective lorsqu'il a par exemple été procédé à des simulations, notamment en matière budgétaire, fiscale ou sociale.
Parfois, la loi intervient dans un domaine presque entièrement nouveau et l'évaluation est alors essentiellement prospective, ainsi récemment en matière de bioéthique.
Pour pallier les inconvénients de l'incertitude des effets d'une politique nouvelle, en mesurer les conséquences et en redresser le plus rapidement possible certains défauts, la loi peut elle-même organiser son propre suivi et sa révision à l'issue d'un délai qu'elle fixe, ainsi en 1989, lors de l'institution du RMI.
Dans d'autres cas, la loi prévoit une expérimentation en grandeur nature. C'est ainsi que la loi de programme pour la Justice, promulguée le 6 janvier 1995, limite le recrutement initial de magistrats non professionnels exerçant leurs fonctions à titre temporaire à une expérience menée dans les ressorts de deux ou trois cours d'appel sur la base de l'équivalent de 80 juges à temps plein.
Encore faut-il, pour que l'évaluation soit efficace, qu'un terme précis soit fixé par la loi, que les conditions de l'évaluation soient précisées et que la pérennisation éventuelle du dispositif soit subordonnée à l'adoption d'une loi ultérieure opérant les adaptations jugées souhaitables.
On observera que l'expérimentation reste peu pratiquée en France, probablement parce qu'elle porte atteinte à une certaine conception traditionnelle de la loi fondée sur les idées de généralité, de stabilité et d'égalité.
- L'information des commissions permanentes ou spéciales
L'article 21 du Règlement du Sénat prévoit que les commissions permanentes ou spéciales peuvent désigner, en leur sein ou entre elles, « des missions d'information sur les questions relevant de leur compétence » .
Autorisés par le Bureau, ces missions présentent un caractère temporaire ; à l'issue de leurs travaux, elles publient un rapport.
La lecture de l'objet de certaines de ces missions montre clairement que la collecte d'informations a été suivie d'une analyse explicative des évolutions ou des dysfonctionnements constatés qui se rapproche d'une évaluation dès lors que la situation étudiée est en partie l'effet d'une ou de plusieurs politiques publiques sur lesquelles un jugement est porté avant qu'il soit suggéré d'y apporter des aménagements (voir liste en annexe).
Parmi les thèmes les plus significatifs, on relèvera par exemple les trois missions communes du Sénat chargées d'étudier le déroulement et la mise en oeuvre de la décentralisation (1983, 1984 et 1990-91), les missions de la commission des Finances sur la presse et l'audiovisuel (1991, 1992 et 1994), la mission de la commission des Affaires économiques sur la politique de la ville (1992), les missions de la commission des Affaires sociales sur le traitement de la douleur (1994) ou les thérapies géniques (1995).
Ces travaux mêlent l'information, le contrôle (le Gouvernement respecte-t-il le calendrier des transferts de compétences, les dotations compensent-elles effectivement les charges transférées... ?), l'évaluation ex post (les aides à la presse écrite ont-elles permis le maintien du pluralisme de l'information, les critères de financement ont-ils été efficaces par rapport à l'effet recherché... ?) et la prospective (pour faciliter le traitement de la douleur, il conviendrait notamment d'aménager les contraintes de prescription et de coordonner les actions au sein des structures de soins...).
L'évaluation n'est donc pas l'objet même de ces travaux mais elle en constitue indéniablement un aspect de plus en plus important. La mesure des effets et l'appréciation des liens de causalité ne présentent toutefois pas un caractère méthodologique très achevé, les missions mêlant en définitive les informations obtenues auprès des administrations et le fruit de leurs propres investigations (visites sur le terrain, questionnaires...), éventuellement, mais rarement, complétées par des études sous-traitées auprès d'organismes experts extérieurs.
Les commissions des Finances sont chargées, comme les autres commissions permanentes, de l'information de leur Assemblée sur la politique du Gouvernement (article 22-1 du Règlement du Sénat) ; elles assurent en outre, de manière permanente, le contrôle de l'exécution du budget (article 22-2).
A ce titre, leurs rapporteurs budgétaires disposent de pouvoirs spéciaux d'enquête sur pièces et sur place qui leur permettent d'améliorer leur information (article 164-IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959). Elles peuvent en outre demander à la Cour des comptes de procéder à des enquêtes (article L. 132-4 du code des juridictions financières). Ces différents pouvoirs sont destinés à faciliter le contrôle de l'administration et des organismes publics ; ils peuvent toutefois être utilisés dans une perspective évaluative dès lors que le contrôle n'est pas purement formel.
- Les commissions d'enquête
Constituées sur le fondement de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires, les commissions d'enquête ont notamment vocation à « recueillir des éléments d'information... sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales » .
A ce titre, leurs travaux s'apparentent plus à du contrôle qu'à de l'évaluation au sens strict. Mais là encore l'évolution des préoccupations des parlementaires les a conduits à ne pas se cantonner sur le seul terrain de l'examen de la régularité de la gestion de ces organismes mais également à se pencher sur leur efficacité, sur les conditions dans lesquelles ils remplissent leur mission et donc les objectifs qui leur sont assignés, voire même, au-delà, sur la pertinence de ces objectifs (voir liste en annexe).
Tel a par exemple été le cas des commissions d'enquête du Sénat sur les Postes (1985), la justice judiciaire (1991) et administrative (1992), ou la SNCF (1993).
Mais là encore, la nature originelle de ces structures -et les pouvoirs dont elles disposent le montrent clairement- ne fait pas d'elles des lieux d'évaluation au sens strict. On observera toutefois que la méthodologie retenue s'inspire très souvent des techniques de l'évaluation : enquête, sondage d'opinion, recherche des causalités... Dans certains cas, ces travaux sont confiés à des organismes extérieurs, ainsi les deux sondages d'opinion, auprès des magistrats et auprès des justiciables, commandés par la commission d'enquête sur le fonctionnement des services relevant de l'autorité judiciaire.
D'une durée limitée à six mois, ces commissions se sont tout particulièrement développées au Sénat en raison de la nature spécifique de cette assemblée caractérisée notamment par la durée du mandat de ses membres, sa composition politique et son attitude à l'égard du Gouvernement.
- Les délégations parlementaires
Pas plus que les commissions d'enquête, les délégations parlementaires qui sont, elles, des structures permanentes, n'ont, pour mission principale, sous réserve de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, de procéder à l'évaluation de politiques publiques. Il arrive toutefois qu'elles interviennent sur ce terrain et que leurs travaux comportent un volet évaluatif de cette nature, voire même ait une évaluation pour objet. C'est ainsi, par exemple, que notre collègue, M. Daniel Millaud, a récemment remis au nom de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, instituée en 1979, un rapport sur l'évaluation des politiques communautaires à l'égard des pays et territoires d'outre-mer.
• La
Délégation du Sénat
pour la planification,
constituée en 1982 sur le fondement de la
loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, et
présidée depuis sa création par notre collègue, M.
Bernard Barbier, procède également à des
évaluations. C'est ainsi qu'elle a tenté d'évaluer, en
1985 et en 1992, les effets de la politique de contractualisation des relations
entre l'État et les régions.
Cette délégation fait également procéder à des travaux d'évaluation prospective, par exemple sur les effets d'une modification des taux de TVA (1987), d'une dépréciation des monnaies européennes (1993), d'un abaissement des coûts salariaux (1993). Elle a également évalué les conséquences du vieillissement démographique sur les régimes de retraite (1994).
Les travaux de mesure sont généralement effectués par la division des Études macro-économiques du Sénat ou, sous sa direction, par des organismes extérieurs comme l'INSEE, l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), le CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales), la direction de la prévision, etc.... Un modèle MIMOSA de prospective à moyen terme a en outre été mis au point par le CEPII et l'OFCE.
Cette division conduit en outre des études prospectives pour le compte des commissions permanentes (voir liste en annexe).
Les résultats des études commandées par la délégation sont généralement analysées par un rapporteur nommé par celle-ci et les conclusions de ce rapport sont approuvées par la délégation.
•
L'Office d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques
apparaît comme une exception parmi
les délégations. Commun aux deux Assemblées qui l'ont
institué en 1983, il procède, aux termes même de l'article
6 ter de l'ordonnance de 1958 sur le fonctionnement des assemblées
parlementaires qui le régit, «
à des
évaluations »
, et constitue donc le seul organisme du
Parlement dont l'évaluation soit l'objet exclusif. Cette
évaluation est spécialisée dans les matières
scientifiques et technologiques.
Après des débuts difficiles, l'office a réalisé une trentaine d'évaluations sur des sujets aussi divers que le traitement des déchets industriels, ménagers et hospitaliers (1991-1993), la pollution atmosphérique (1985), les transferts de technologie avec les pays de l'est (1994), la télévision à haute définition (1989 et 1993) et les nouvelles techniques d'information (1995) ou la politique spatiale française et européenne (1991).
Ses travaux peuvent être regroupés autour de quatre thèmes : l'environnement, les nouvelles technologies, le nucléaire, les sciences de la vie. Dans la très grande majorité des cas, ils traitent donc d'une ou plusieurs politiques publiques, soit à titre rétrospectif soit, plus souvent, à titre prospectif (voir en annexe).
Le rythme soutenu de production des études dans la période récente, avec un budget cantonné à 3 millions de francs, traduit une amélioration de l'enracinement de l'office mais le lien entre ces travaux et les orientations données aux politiques publiques apparaît très distendu et les incidences sur la législation très indirectes, même pour des sujets qui ont fait l'objet d'une loi peu de temps après la publication d'un rapport de l'office comme la bioéthique (1992) et la politique de l'eau (1991).
Les travaux de l'office présentent un caractère en partie objectif (mesure des données, présentation technique des options), généralement alimenté par des études commandées à des organismes extérieurs, et des jugements de valeur présentant donc un caractère politique, formulés par le rapporteur et avalisés par les parlementaires membres de l'office.
Soucieux toutefois d'éviter des prises de position trop nettes dans certains domaines, l'office a parfois préféré laisser le débat ouvert, renvoyant implicitement au Parlement dans son entier le soin de trancher. Cette auto restriction est particulièrement apparente dans le rapport de notre collègue M. Paul Loridant sur les orientations de la politique spatiale française et européenne (1991).
2. Le Parlement destinataire de certains rapports comportant une dimension évaluative
De nombreuses lois ont prévu que le Gouvernement devrait remettre au Parlement, avant une certaine date, un rapport sur l'application de leurs dispositions. Sans avoir pour objet exclusif d'évaluer les effets de la législation concernée, la plupart de ces rapports contiennent des appréciations de nature évaluative et ne se contentent pas de préciser le calendrier de publication des textes d'application et de mise en place des moyens.
Tel a par exemple été le cas pour le rapport sur l'application de la loi du 30 décembre 1991 sur la sécurité des chèques et des cartes de paiement, ou de ceux publiés en application de la loi du 31 décembre 1989 sur le traitement du surendettement des particuliers, qui contiennent des éléments précis sur les effets de la réforme (réduction du nombre de chèques sans provision, allégement de la charge des tribunaux, recouvrement des sommes impayées, dans le premier cas, conclusion d'accords amiables, réduction de l'endettement et du recours au crédit à la consommation, comportement des administrations fiscales et sociales dans le second cas).
Ces rapports ont toutefois un impact généralement limité, soit qu'ils ne soient pas remis dans les délais, soit que leur contenu ne soit pas ou peu évaluatif. Le suivi de leur transmission mis en place au Sénat depuis quelques mois devrait améliorer leur exploitation et inciter les administrations à respecter les délais prescrits par le législateur. Celui-ci pourrait également préciser, plus qu'il ne le fait actuellement, les questions qu'il entend voir traiter par ces rapports et insister sur l'aspect évaluatif.
Le Parlement est enfin destinataire de travaux d'évaluation réalisés par des organismes extérieurs comme le Conseil économique et social ou la Cour des comptes dont on a évoqué plus haut l'évolution en direction de l'évaluation de politiques publiques.
B. LE PARLE M ENT : UNE PRATIQUE INSUFFISANTE DE L'ÉVALUATION
On a rappelé plus haut que le projet de révision constitutionnel proposé par la commission présidée par M. Georges Vedel attribuait au Parlement, dans l'article 24 de la Constitution, une mission d'évaluation des résultats de la loi. Or le bilan rapide qui vient d'être dressé montre que si l'évaluation existe bien au Parlement, elle y est insuffisamment développée et que ses moyens techniques mériteraient d'être confortés.
1. Les faiblesses de l'évaluation parlementaire en France
Dans la mesure où, sous la Vème République, le Gouvernement conduit les politiques publiques et a la responsabilité principale de les définir, de les promouvoir et de les mettre en oeuvre, le Parlement, qui ne dispose pas d'un accès direct aux sources d'expertise de l'administration, se trouverait en quelque sorte réduit à l'utilisation des techniques classiques de contrôle. Ce constat mérite d'être nuancé, d'une part en raison de l'évolution du contrôle en direction de l'évaluation, d'autre part au regard même des limites de l'évaluation technique.
Le contrôle parlementaire, on l'a vu, tend à intégrer une dimension évaluative de plus en plus marquée. Reste toutefois que les moyens techniques de cette évolution sont insuffisants en raison du quasi-monopole de l'expertise dont dispose l'administration.
La conception de la loi qui prévaut traditionnellement en France constitue également une limite au développement d'une véritable démarche évaluative : la loi n'est en effet pas conçue sous forme de programmes décrivant les objectifs à atteindre et les moyens mis en oeuvre, elle est un simple instrument d'action au service d'une politique globale qu'elle ne définit pas.
Or la loi n'étant plus efficace du simple fait qu'elle existe, la légitimité de son intervention ou de son maintien doit aujourd'hui trouver d'autres fondements dont l'évaluation pourrait constituer un instrument de mesure de tout premier plan.
Le jugement politique et les contrôles budgétaires et comptables pourraient ainsi s'enrichir d'une nouvelle dimension, assise sur des techniques maintenant affinées et une méthodologie, les travaux de mesure et d'analyse étant clairement distingués du jugement qualitatif et politique qui viendrait les mettre en perspective.
2. La pratique des Parlements des autres pays
L'étude élaborée par la division des études de législation comparée du Sénat reproduite en annexe au présent rapport fait clairement apparaître les limites de l'évaluation parlementaire dans les régimes parlementaires.
Seuls les États-Unis, qui connaissent une organisation institutionnelle particulière, disposent effectivement de pôles d'expertise d'importance, placés auprès du Congrès : le General Accounting Office et le Congressional Budget Office.
Certains pays européens ont toutefois développé des mécanismes originaux d'évaluation.
- L'évaluation a priori
L'Italie et la Suisse ont développé l'évaluation a priori en obligeant le Gouvernement à fournir des informations économiques et financières précises avant l'examen des projets de loi. Ces informations sont analysées par un service du budget en Italie et l'organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) en Suisse.
Opérationnel depuis 1991, l'OPCA publie des rapports dits scientifiques, à destination des commissions de gestion qui, ensuite, élaborent des rapports politiques adressés au Conseil fédéral.
- L'évaluation en relation avec les Cours des comptes
Les autres Parlements ont développé des liens privilégiés avec la Cour des comptes.
C'est ainsi qu'en Grande-Bretagne, la commission de contrôle des comptes publics publie chaque année une cinquantaine de rapports d'évaluation grâce aux travaux effectués pour son compte par le National Audit Office qui est l'institution supérieure de contrôle des comptes publics. Totalement indépendant, cet organisme dispose en effet de moyens d'expertise très développés (plus de 1.000 salariés).
En Belgique et en Suède, les Cours des comptes sont des émanations du Parlement. Depuis quelques années, elles ont développé des activités évaluatives importantes à la demande de celui-ci.
En dépit de ses spécificités, la situation française pourrait très certainement être améliorée par une véritable insertion de l'évaluation dans les procédures de conception, de mise en oeuvre et de correction des Politiques publiques.
Le rôle du Parlement en la matière peut être renforcé. La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale explore à cet égard deux directions :
- le renforcement des structures existantes et de leurs moyens ;
- la création d'un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
III. LA PROPOSITION DE LOI
Présentée par ses auteurs, MM. Laurent Dominati et Jean-Michel Fourgous, comme la traduction législative de quatre des suggestions formulées dans le rapport d'information, De l'information du Parlement au contrôle du Gouvernement, remis en mai 1995 par la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur les moyens d'information des parlements étrangers en matière économique et sociale, la proposition de loi initiale comportait deux séries de dispositions. Les trois premières visaient « à élargir les pouvoirs d'information des organes de contrôle du Parlement que constituent les commissions » , la dernière tendait « à créer un office commun aux deux Assemblées qui aurait pour objet de constituer un organe d'étude permanent des politiques publiques » .
Le texte adopté par l'Assemblée nationale a retenu les deux orientations initiales mais il leur a apporté un certain nombre de modifications.
A. L'ÉLARGISSEMENT DES POUVOIRS D'INFORMATION DES COMMISSIONS
1. La proposition de loi initiale
Trois dispositions avaient pour objet d'élargir les pouvoirs de commissions.
- L'obligation de déférer aux convocations des commissions parlementaires (article premier)
La proposition de loi initiale proposait d'inscrire expressément cette obligation dans la loi. Elle ne l'assortissait toutefois d'aucune sanction et elle en limitait la portée, ne prévoyant pas l'obligation de déposer ni de prêter serment qui prévaut devant les commissions d'enquête. L'exposé des motifs estimait en effet qu'il n'était pas nécessaire d'aller au-delà, l'affirmation du principe dans la loi rendant « difficile de faire obstacle » à son application.
Cet article est la traduction de la proposition n° 7 du rapport d'information : « permettre aux commissions de procéder à toutes les auditions qu'elles estiment nécessaires » .
Il est destiné à donner une base légale à l'audition des fonctionnaires sans l'accord préalable de leur ministre, « pratique courante à l'étranger » et qui, si elle ne porte pas « atteinte au principe de la séparation des pouvoirs » , n'est pas vraiment entrée dans les moeurs françaises ainsi qu'en témoignait dans un passé proche une circulaire du Premier Ministre, M. Pierre Mauroy, rappelant qu'il n'est « conforme ni à la tradition républicaine d'indépendance de l'administration vis à vis du pouvoir politique, ni au régime parlementaire qui pose le principe du contrôle des Assemblées par le Gouvernement, que des hauts fonctionnaires se rendent devant les commissions permanentes ou spéciales pour y répondre aux questions des parlementaires » .
La pratique s'est assouplie depuis cette circulaire mais les fonctionnaires qui viendraient devant une commission parlementaire sans avoir demandé l'autorisation de leur ministre commettraient incontestablement une faute professionnelle au regard de l'obligation de discrétion prévue par l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et dont seule peut les délier une « décision expresse de l'autorité dont ils dépendent » .
- L'extension des pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances aux rapporteurs budgétaires pour avis (article 2)
Aux termes de l'exposé des motifs de la proposition de loi, les rapporteurs budgétaires pour avis pourraient « contrôler de façon permanente sur pièces et sur place l'emploi des crédits inscrits au budget du département dont ils assurent le suivi » , dans la mesure où ils auraient ainsi accès à tous les renseignements de nature à faciliter leur mission.
Ces pouvoirs sont actuellement réservés par l'article 164-IV de l'ordonnance du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 « aux membres du Parlement qui ont la charge de présenter, au nom de la commission compétente, le rapport sur le budget » de ce ministère.
- L'élargissement à toutes les commissions de la faculté de demander des enquêtes à la Cour des comptes (article 3)
La proposition de loi initiale proposait d'ouvrir aux commissions permanentes la faculté, actuellement réservée aux commissions des finances et aux commissions d'enquête par l'article L. 132-4 du code des juridictions financières, de faire procéder par la Cour des comptes à des enquêtes sur la gestion des services, organismes ou entreprises soumis à son contrôle. Elle prévoyait en outre le concours, le cas échéant, des chambres régionales des comptes pour les collectivités, organismes et entreprises soumis à leur contrôle.
2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
Après avoir salué une proposition de loi qui tendait à renforcer les pouvoirs du Parlement et à revaloriser son rôle, « répondant en cela à un souhait du Président Seguin, relayant lui-même un voeu exprimé par le Président de la République, alors candidat, le 27 février 1995 dans un discours à la Porte de Versailles, et renouvelé lors du message qu'il a adressé au Parlement le 19 mai dernier » , le rapporteur de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Delalande, a proposé d'apporter un certain nombre de modifications aux articles premier et 3 de la proposition initiale et d'en supprimer l'article 2 qui « mettrait en cause la spécificité des commissions des finances » .
- La sanction du refus de comparaître (article premier)
Outre une rectification de caractère formel, l'Assemblée nationale a assorti l'obligation de comparaître devant les commissions spéciales d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende. Le rapporteur a en effet estimé qu'un dispositif coercitif renforcerait incontestablement l'effet de l'obligation « surtout à l'égard des personnes privées » .
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux Finances, qui représentait le Gouvernement, a estimé que cette sanction « revenait un peu à prendre un marteau-pilon pour écraser une mouche » mais il a souhaité « sans réserves » que les fonctionnaires de responsabilité et les ministres puissent être auditionnés. L'Assemblée nationale a donc adopté la sanction qui lui était proposée par sa commission spéciale.
- Le refus de donner aux rapporteurs budgétaires pour avis les pouvoirs des rapporteurs spéciaux (article 2 ancien)
La commission spéciale a estimé que l'extension proposée par la proposition de loi initiale ne pouvait être retenue pour trois motifs :
- le risque de concurrence et de surenchère entre les rapporteurs à l'égard d'une administration ;
- le risque d'inconstitutionnalité, les dispositions qu'il était proposé de modifier étant inscrites dans une loi de finances ;
- le risque de mettre en cause les pouvoirs de la commission des Finances ; plusieurs intervenants ont même parlé de « dilution » .
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Finances, a estimé qu' « avec une centaine de parlementaires ayant un pouvoir d'investigation » , il n'est « pas sûr que nous atteindrons le niveau d'efficacité recherché » . Il a préféré que des équipes soient constituées autour des rapporteurs spéciaux pour approfondir les dossiers.
La plupart des orateurs ont par ailleurs souhaité un renforcement de l'activité effective des rapporteurs spéciaux.
- L'approbation de l'extension de la saisine de la Cour des comptes (article 2 nouveau)
Sous réserve d'une meilleure articulation avec le principe de l'autonomie des chambres régionales des comptes, l'Assemblée nationale a retenu l'idée d'élargir à l'ensemble des commissions la possibilité de demander des enquêtes à la Cour des comptes.
Elle a en revanche refusé d'étendre la saisine aux présidents des groupes politiques, M. Jean-Pierre Delalande faisant observer qu'il n'était pas souhaitable que la saisine de la Cour des comptes soit « politisée » .
B. LA CRÉATION D'UN OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
1. La proposition de loi initiale
Les auteurs de la proposition de loi ont eu le souci d'insérer l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques dont ils proposaient la création dans l'organisation interne du Parlement afin que ses activités ne se substituent pas à celles des commissions permanentes « et singulièrement de leurs commissions des finances dans le domaine budgétaire » . A leurs yeux, l'office devait « mener des travaux que le Parlement n'est pas en mesure d'effectuer à l'heure actuelle » en créant « lui-même une information nouvelle, élaborée de façon scientifique, qui puisse alimenter le dialogue entre l'exécutif et le législatif ».
- Une délégation parlementaire commune aux deux Assemblées
La proposition de loi introduit dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article 6 quater nouveau pour créer une nouvelle délégation parlementaire commune aux deux Assemblées.
Inspirée de l'organisation de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques créé par une loi du 8 juillet 1983, l'Office d'évaluation des politiques publiques présente toutefois certaines spécificités, notamment dans sa composition.
S'il réunit en effet à parité des députés et des sénateurs assurant une représentation des groupes politiques et des commissions de chaque Assemblée, il comprend également quatre membres de droit : les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des Finances des deux Assemblées, le président de chaque commission assurant alternativement la présidence annuelle de la délégation.
- Un conseil scientifique
La délégation est assistée d'un conseil scientifique composé de quinze personnalités choisies pour trois ans en raison de leurs compétences dans les domaines économique, social, budgétaire et financier.
- Des moyens d'information et d'investigation
La délégation peut recueillir l'avis de toute personne ou organisation qu'elle estime nécessaire.
Elle dispose des pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances.
Enfin, « en cas de difficultés dans l'exercice de sa mission » , elle peut, comme l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, demander à l'Assemblée d'où émane la saisine de lui conférer les prérogatives des commissions d'enquête, de leurs présidents et de leurs rapporteurs.
Il est par ailleurs précisé que la délégation peut « s'assurer de toute collaboration extérieure rémunérée qu'elle estime utile » , les collaborations et les frais de mission étant financés sur un budget doté à parts égales par les deux Assemblées.
- Une saisine ouverte
La délégation est saisie par :
- le Bureau de l'un ou l'autre Assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou à celle de soixante députés ou de quarante sénateurs ;
- une commission spéciale ou permanente ;
- l'un de ses membres.
La saisine serait donc plus ouverte que celle de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pour lequel l'autosaisine avait été écartée en 1983.
- La définition de missions et d'un domaine d'intervention
L'office est chargé « d'informer le Parlement sur toute politique publique mise en oeuvre par des collectivités ou des organismes publics ou par des personnes de droit privé » chargées d'une mission de service public. A cette fin, il fournit au Parlement « des études sur les incidences économiques, sociales, budgétaires et financières des dispositions législatives et réglementaires » . Ces études peuvent comporter « des évaluations » et « des simulations » .
Ainsi définie, cette mission est différente de celle que M. Arthur Paecht et plusieurs députés souhaitaient confier à un autre office dont ils préconisaient la création dans une proposition de loi n° 2132 que l'Assemblée nationale n'a pas formellement examinée mais qu'elle a implicitement rejetée. L'Office d'évaluation et de contrôle budgétaire aurait en effet été chargé d'améliorer l'information du Parlement sur l'exécution des lois de finances, au prix d'un empiétement incontestable sur la mission de contrôle de l'emploi des crédits budgétaires dévolue aux commissions des finances par l'ordonnance du 30 décembre 1958 et donc en contradiction avec l'article premier de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances qui réserve au domaine exclusif des lois de finances les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques.
La mission fondamentale de l'office institué par l'Assemblée nationale est clairement l'évaluation a priori et a posteriori des politiques publiques. Dans le premier cas, il s'agit en quelque sorte d'une aide à la décision parlementaire grâce à l'estimation, autant que faire se peut, de l'impact potentiel des dispositions proposées. Cette démarche pourrait d'ailleurs être grandement facilitée par l'engagement pris par le Premier Ministre lors de sa déclaration de politique générale et confirmé dans sa circulaire du 9 novembre 1995 d'assortir les projets de loi, à compter du 1er janvier 1996, de fiches d'impact présentant l'évaluation des moyens nouveaux nécessaires à leur mise en oeuvre.
Quant à l'évaluation ex post, il est clair qu'en dressant un bilan des effets d'une politique publique, elle en prépare la redéfinition ou le développement. Ainsi que l'indiquait le rapporteur de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le Parlement « disposerait ainsi, pour autant que le Gouvernement l'associe plus en amont à ses travaux en l'informant suffisamment tôt de ses intentions, des moyens de proposer une alternative crédible aux propositions gouvernementale » .
Pour autant, l'office n'est pas une étape de la procédure législative ; une modification constitutionnelle eut d'ailleurs été nécessaire si tel avait été l'objectif.
La proposition de loi énumère par ailleurs les organismes susceptibles d'entrer dans le champ d'évaluation de l'office. Cette liste prend en compte non seulement les organismes publics mais également les personnes privées faisant appel, par des moyens légaux ou réglementaires spécifiques, à des ressources publiques ou des prélèvements obligatoires, ou agissant dans le cadre de conventions avec des collectivités ou organismes publics.
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'essentiel du débat à l'Assemblée nationale a porté sur l'institution de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. A l'issue de ce débat, le texte initial a été sensiblement remanié conformément aux observations présentées par la commission spéciale.
a) Les éléments du débat
Les débats de la commission spéciale et ceux de l'Assemblée nationale dans son ensemble ont clairement montré que si l'institution de l'office était généralement approuvée, le rôle de cette délégation était bien loin de faire l'unanimité.
- Un point d'accord : la nécessité de revaloriser le rôle du Parlement
La plupart des intervenants aux débats ont insisté sur la nécessité de renforcer le rôle du Parlement afin de favoriser le débat démocratique et, dans un contexte budgétaire difficile, d'ouvrir au citoyen un véritable droit de regard sur l'utilisation de l'impôt et, pour reprendre l'expression de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État aux finances qui représentait le Gouvernement, « la qualité des dépenses publiques » .
Certains orateurs ont également parlé de rééquilibrage des pouvoirs et de renforcement de la séparation des pouvoirs.
- L'évaluation : un enjeu
Pour nombre de députés, l'évaluation est un enjeu politique et technique d'importance.
Le rapporteur de la commission spéciale, M. Jean-Pierre Delalande, considère ainsi que son objet est en définitive d' « étudier, sur la durée, les problèmes de société » .
Le Gouvernement, pour sa part, et la grande majorité des intervenants insistent sur le lien avec la dépense publique. Certains vont même jusqu'à vouloir recentrer le rôle de l'office sur la préparation de l'élaboration et de l'exécution de la loi de finances.
La commission spéciale a toutefois souhaité affirmer une distinction qu'elle a voulu ferme entre l'évaluation et le contrôle, et donc entre les missions respectives de l'office et des commissions des Finances.
- Distinguer entre l'évaluation et le contrôle
Parce qu'il souhaitait éviter la création d'une « commission des finances bis » , M. Dominati n'a pas repris les conclusions de la mission d'information qu'il avait présidée pour leur préférer un office clairement distinct des commissions des Finances.
M. Gaymard, au nom du Gouvernement, a estimé que la distinction entre le contrôle, qui relève à titre principal de la commission des Finances, et l'évaluation « est capitale car il faut se garder de tout confusionnisme institutionnel » .
Le rapporteur de la commission spéciale a également souhaité insister sur cette distinction afin d' « éviter les interférences avec toute autre activité relevant de la compétence des commissions, notamment de la commission des Finances dans l'exercice de son contrôle budgétaire » ; autrement dit l'office travaillerait avec un certain recul et ne serait pas partie prenante au « travail législatif au jour le jour » .
Cette distinction entre évaluation et contrôle n'a toutefois pas paru convaincante à tous ceux qui, comme M. Paecht, estiment que contrôle et évaluation sont deux techniques jumelles.
b) Les modifications apportées à la proposition de loi
L'Assemblée nationale a suivi pour l'essentiel sa commission spéciale dans les modifications qu'elle lui proposait d'apporter au texte initial de la proposition de loi.
- L'élargissement du champ de l'évaluation
En empruntant au décret de 1990 sa définition de l'évaluation, l'Assemblée nationale a élargi le champ d'intervention de l'office à toutes les politiques publiques mais en calquant son champ d'intervention sur celui de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
- L'affirmation d'une distinction entre évaluation et contrôle
En retirant à l'office le pouvoir d'exercer des contrôles sur pièces et sur place, l'Assemblée nationale a souhaité réserver aux commissions des Finances l'exclusivité du contrôle budgétaire.
- Une meilleure articulation avec les commissions permanentes
Après que son rapporteur eut précisé que « cet office doit être au service de l'ensemble du Parlement » et ne doit « pas pouvoir user de pouvoirs propres et autonomes » , l'Assemblée nationale a supprimé la faculté pour l'office de s'autosaisir.
L'articulation, avec les commissions des Finances est en outre garantie par la présence de droit, au sein de l'office, de leurs présidents et de leurs rapporteurs généraux.
Enfin, l'effectif de l'office a été augmenté de dix membres représentant les cinq autres commissions permanentes des deux assemblées.
- Un dispositif allégé
Le texte adopté par l'Assemblée nationale renvoie au règlement intérieur de l'office (qui est soumis à l'approbation des bureaux des deux Assemblées) le soin de fixer la composition du conseil scientifique.
Il prévoit en outre que la publicité des travaux de l'office est de droit après leur communication à l'auteur de la saisine.
3. La proposition de loi n° 388 de M. Bernard Barbier
M. Bernard Barbier, président de la délégation du Sénat pour la planification dont les travaux ont été évoqués plus haut, et plusieurs de nos collègues, ont déposé, en juillet dernier, une proposition de loi tendant à modifier l'article - 2 de la loi n° 82-65 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification afin d'instituer un office parlementaire pour la prospective économique.
L'objet de cette proposition de loi est d'élargir à la prospective économique la compétence actuelle des délégations pour la planification. Il est donc distinct de celui qui justifie la création de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques imaginé par l'Assemblée nationale, qui, à la demande de la commission spéciale, ne comprend pas la prospective économique dans son champ d'étude.
Cette proposition de loi doit toutefois être mentionnée ici car elle propose une construction originale ; la structure commune aux deux Assemblées conçue par nos collègues est en effet de type confédéral : les deux délégations pour la prospective économique constituées dans chaque assemblée formeraient un organe de coopération souple et à double commande, sa présidence étant assurée conjointement par les présidents des délégations.
Dans l'esprit de ses concepteurs, cette organisation permettrait de préserver la spécificité des acquis sénatoriaux en matière de prospective économique et l'autonomie politique de chacune des assemblées, le domaine de la prospective économique étant « plus proche des choix politiques que ne l'est la prospective scientifique » .
Sur le fond, cette proposition de loi, ayant un objet distinct de celle qui nous occupe, il n'y a bien sûr pas lieu d'en joindre l'examen.
IV. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
A. LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS D'INFORMATION ET DE CONTRÔLE DES COMMISSIONS
Votre commission des Lois vous suggère de retenir les articles premier et 2 du titre I, sous réserve de prévoir, à l'article premier, la sanction du refus de déposer devant une commission permanente ou spéciale.
Elle vous propose en outre de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement dans un article premier nouveau qui ouvre aux commissions permanentes ou spéciales la faculté de demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent les pouvoirs des commissions d'enquête, pour une mission déterminée et pour une durée n'excédant pas six mois.
En effet, comme cela a été affirmé à maintes reprises, en particulier au Sénat, lors des travaux préparatoires de la dernière révision constitutionnelle, la session unique de neuf mois n'a pas été instituée pour siéger plus, en fait alimenter l'inflation législative, mais pour exercer un contrôle plus efficace et continu sur la politique du Gouvernement.
Moins légiférer et contrôler plus, telle doit être la double préoccupation du Parlement, si du moins l'on veut éviter que le passage à la session unique n'emporte en définitive plus d'inconvénients que d'avantages.
Une réflexion de fond doit donc s'engager sur la modernisation et l'amélioration des techniques du contrôle parlementaire.
Aujourd'hui, le contrôle peut emprunter en séance publique la voie, une fois par an, de la discussion budgétaire et, toute l'année, celle des questions sous toutes leurs formes (questions orales avec ou sans débat, questions d'actualité, questions orales européennes).
Force est néanmoins de reconnaître que le débat public, pour des raisons d'ordre pratique, n'est pas la plupart du temps adapté aux nécessités du contrôle parlementaire. Ce sont, dans chaque Assemblée, les six commissions permanentes et les délégations parlementaires, notamment la délégation pour l'Union Européenne, qui sont les mieux armées pour assurer le suivi de l'action gouvernementale.
Comme le spécifie le premier paragraphe de l'article 22 du Règlement du Sénat, « les commissions permanentes assurent l'information du Sénat pour lui permettre d'exercer, conformément à la Constitution, son contrôle sur la politique du Gouvernement » .
Pour recueillir les informations par exemple sur tel ou tel ministère ou sur les conditions d'application d'une loi, les commissions peuvent constituer en leur sein des missions d'information ou des groupes aux appellations diverses (groupe de travail, d'étude, de réflexion,...). Dans presque tous les cas, un rapporteur est désigné : une fois son rapport achevé, les conclusions de la mission d'information ou du groupe de travail sont soumises à la commission qui, sans préjuger du fond, décide de l'opportunité de publier ces conclusions dans un rapport d'information.
Mais le paradoxe est qu'un rapporteur d'une commission ne dispose d'aucun pouvoir propre d'information, exception faite des rapporteurs spéciaux de la commission des Finances qui, en vertu de la loi, peuvent accomplir dans le cadre du contrôle budgétaire de façon permanente leurs investigations sur pièces et sur place pour suivre l'emploi des crédits inscrits au budget d'un département ministériel.
Autrement dit, le travail de contrôle des commissions est tributaire de la bonne volonté des administrations ou des organismes susceptibles de leur fournir les renseignements nécessaires.
Certes, si une commission rencontre des difficultés, ou se heurte à une rétention abusive d'informations, il est toujours possible de procéder à la constitution d'une commission d'enquête dont les rapporteurs exercent leur mission sur pièces et sur place. Mais la lourdeur des règles procédurales qui régissent la constitution et le fonctionnement d'une commission d'enquête explique sans nul doute le relatif insuccès de cette technique de contrôle parlementaire : ainsi le Sénat n'a créé aucune commission d'enquête en 1994 ou 1995.
Dans le cadre de leur activité permanente, les commissions permanentes pourraient parvenir aux mêmes résultats qu'une commission d'enquête pour peu que leurs rapporteurs se voient reconnaître certaines prérogatives chaque fois que le besoin s'en fera sentir.
Pour combler cette lacune de notre droit parlementaire, l'article additionnel que votre commission des Lois vous propose d'introduire étend à l'ensemble des commissions parlementaires la solution prévue à l'heure actuelle pour le seul Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques par le paragraphe VI de l'article 6 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Ainsi, en cas de nécessité, une commission permanente ou spéciale pourrait demander au Sénat pour une mission de contrôle déterminée et pour une durée limitée à six mois de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête.
B. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉVALUATION PARLEMENTAIRE
1. Le renforcement des capacités évaluatives du Parlement
Le développement des capacités évaluatives du Parlement paraît nécessaire à votre commission des Lois dans un environnement économique et social de plus en plus complexe et changeant et dans lequel les acteurs des politiques publiques se sont multipliés. La maîtrise des dépenses publiques exige en outre des choix, et l'efficacité économique et sociale de la dépense publique doit donc être améliorée.
Si les commissions permanentes se livrent d'ores et déjà à certains travaux d'évaluation de politiques publiques, force est de constater que l'essentiel de leur action reste tournée vers les projets et les propositions de loi inscrites à l'ordre du jour et que, faute de moyens suffisants, elles ont trop rarement le temps de prendre le recul nécessaire à une approche plus fondamentale et plus prospective.
Par ailleurs, la technicité de certains travaux d'expertise justifie le recours à des organismes experts extérieurs pour mesurer les modalités de mise en oeuvre de la politique publique évaluée et leur impact par rapport aux objectifs poursuivis, la commission compétente se réservant bien entendu de tirer ensuite les conséquences des travaux ainsi effectués.
Le Règlement du Sénat pourrait ainsi être complété pour y faire apparaître la faculté pour les commissions permanentes de créer des missions d'évaluation dans les conditions régissant les missions d'information. Pour être effective, cette disposition appellerait en outre un renforcement des secrétariats des commissions permanentes qui pourraient en outre faire appel à des experts pour des études spécifiques.
2. Un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques
• Lors d'une
première réunion
tenue le 17 janvier 1996, la commission des Lois a examiné, sur
le rapport de M. Pierre Fauchon, le titre II de la proposition de loi
instituant un office parlementaire d'évaluation des politiques
publiques.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a estimé que la composition d'un tel office devait prendre en compte le caractère bicaméral du Parlement et s'efforcer de prévenir les risques de blocage susceptibles de résulter d'une divergence de majorité entre les deux assemblées.
ï Lors de sa deuxième réunion tenue le 24 janvier 1996, la commission des Lois a retenu le principe de la double délégation mais elle a finalement rejeté le texte proposé par M. Pierre Fauchon pour l'article 3. Celui-ci a alors décidé de ne pas conserver le rapport. M. Michel Rufin a accepté de le reprendre.
ï Lors de sa troisième réunion tenue le 30 janvier 1996, la commission des Lois a examiné l'amendement proposé par M. Michel Rufin, rapporteur, tendant à une nouvelle rédaction de l'article 3 qui apportait certains allègements au texte adopté par l'Assemblée nationale sans modifier la structure de l'office, sa composition et sa saisine.
Ce texte était rédigé comme suit :
Art. 3.
Rédiger comme suit cet article :
Il est inséré, dans l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 précitée, un article 6 quater ainsi rédigé :
« Art. 6 quater. -- I -- Il est créé une délégation parlementaire dénommée "Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques ".
« Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, l'office a pour mission d'informer le Parlement sur l'adéquation entre les moyens administratifs ou financiers consacrés à toute politique publique trouvant ses fondements dans des ressources publiques, des prélèvements obligatoires, ou bien mise en oeuvre par des organismes visés aux articles L. 111-3 à L. 111-5, L. 111-7, L. 111-8, L. 133-1 à L. 133-4 et L. 211-1 du code des juridictions financières et les effets qui étaient attendus de cette politique.
« Il fournit également au Parlement des études sur les moyens administratifs ou financiers qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs assignés à toute politique publique visée à l'alinéa précédent.
« II -- L'office est composé :
« -- des présidents et des rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées ainsi que d'un membre de chacune de leurs autres commissions permanentes, membres de droit ;
« -- de huit députés et de huit sénateurs, désignés, en tenant compte des membres de droit, de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel.
« Dans les mêmes conditions, sont désignés dans chaque assemblée huit suppléants. Ceux-ci ne sont appelés à voter que dans la mesure nécessaire au maintien de la parité entre les deux assemblées.
« L'office est présidé, alternativement, pour un an, par le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale et le président de la commission des finances du Sénat.
« III.- Pour chaque évaluation, l'office peut faire appel à un ou plusieurs experts. Dans ce cas, il définit un cahier des charges.
Les commissions compétentes peuvent désigner l'un de leurs membres pour suivre le déroulement de l'évaluation.
« IV. - L office peut faire appel à la Cour des Comptes, au Commissariat général du plan, aux inspections générales de l'État ou aux organismes administratifs remplissant des missions d'évaluation.
« V. -- L office est saisi par :
« - le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou à celle de soixante députés ou de quarante sénateurs ;
« - une commission spéciale ou permanente ;
« VI. -- L'office reçoit communication de tous renseignements d'ordre administratif et financier de nature à faciliter sa mission. Il est habilité à se faire communiquer tous documents de service de quelque nature que ce soit, réserve faite, d'une part, des sujets de caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, d autre part, du principe de séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs.
« VII. - Les travaux de l'office sont communiqués à l'auteur de la saisine.
« VIII- L'office établit son règlement intérieur ; celui-ci est soumis à l'approbation des Bureaux des deux assemblées.
« IX. - Les dépenses afférentes au fonctionnement de l'office sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées à l'article 7 ci-après. »
La commission des Lois a finalement rejeté cet amendement et constaté qu'elle n'était pas en mesure de faire des propositions approuvées par sa majorité sur le titre II de la proposition de loi.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter le titre I de la proposition de loi qui renforce les pouvoirs d'information et de contrôle des commissions permanentes, sous réserve de deux amendements qu'elle a approuvés.
S'agissant du titre II, qui crée un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, elle ne peut que constater qu'elle n'a pas pu trouver un dispositif susceptible de recevoir l'approbation de la majorité de ses membres. Elle a donc déposé un amendement de suppression de l'article 3.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER - POUVOIRS D'INFORMATION DES COMMISSIONS DU PARLEMENT
Article premier (Art. 5 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) - Obligation de déférer aux convocations des commissions
Cet article tend à insérer un article nouveau dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires pour faire obligation à toute personne dont une commission permanente ou spéciale a jugé l'audition utile, de déférer à la convocation qui lui est délivrée.
Il traduit la proposition n° 7 du rapport de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur les moyens d'information des parlements étrangers en matière économique et sociale : « permettre aux commissions de procéder à toutes les auditions qu'elles estiment nécessaires » .
1. Le droit en vigueur
A l'heure actuelle, il est d'usage, en raison de la responsabilité gouvernementale, que les commissions parlementaires qui souhaitent entendre un fonctionnaire, sollicitent préalablement l'autorité hiérarchique, c'est-à-dire son ministre de rattachement.
M. Pierre Mauroy, lorsqu'il était Premier ministre avait même écarté, en principe, toute audition de fonctionnaire hors la présence du ministre « parce que contraire aux principes définis par la Constitution qui régissent les rapports entre le législatif et l'exécutif ». Dans une circulaire du 30 octobre 1981, adressée à ses ministres, il rappelait en outre que « l'administration ne saurait assurer la responsabilité des actes du Gouvernement devant le Parlement » .
On observera par ailleurs que l'obligation de discrétion professionnelle, posée par l'article 26 du statut général des fonctionnaires (loi du 12 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires), ne peut être écartée que « par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent » .
S'agissant des personnes privées, aucune limite ne réduit leur audition par des commissions parlementaires, sous réserve bien entendu du respect des secrets auxquels la loi peut les soumettre (secret bancaire, secret professionnel, etc.). A l'inverse toutefois aucun texte ne leur fait obligation de déférer aux convocations qui leur sont adressées sauf si l'audition a été décidée par une commission d'enquête.
Devant les commissions d'enquête la situation est différente. L'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblée parlementaires fait en effet obligation à « toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile... de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. » L'audition a lieu sous serment et l'intéressé est tenu de déposer sous réserve de certains secrets protégés par la loi. Cette triple obligation de se rendre à la convocation, de prêter serment et de déposer est sanctionnée par une peine correctionnelle de deux ans d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende, le tribunal pouvant en outre prononcer l'interdiction de tout ou partie des droits civiques pour deux ans. Le faux témoignage est passible des sanctions prévues par le code pénal en cas de faux témoignage devant les juridictions ou un officier de police judiciaire. Toutes ces poursuites sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque qu'elle a été dissoute, à la requête du Bureau de l'assemblée.
2. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Le premier alinéa du texte adopté par l'Assemblée nationale reprend littéralement celui de l'article 6 de l'ordonnance de 1958. Il s'applique bien entendu à toute personne, fonctionnaire ou non.
Le second alinéa, introduit à l'initiative de la commission des Lois, assortit l'obligation de se rendre à la convocation d'une sanction pénale : six mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende. Ce dispositif coercitif a semblé nécessaire à l'Assemblée nationale pour renforcer l'effet de l'obligation ainsi posée. Le niveau de la peine retenu est à rapprocher de la sanction de l'outrage à l'autorité publique ou du discrédit sur les actes de justice.
Votre commission des Lois vous propose de retenir le dispositif prévu à l'article premier sous réserve de le compléter par un amendement qui fasse également obligation aux personnes auditionnées de déposer, étant bien sûr entendu que cette obligation s'exerce dans le respect des secrets protégés par la loi et des principes constitutionnels.
Article additionnel après l'article premier
(Art. 5 ter nouveau de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958)
Faculté d'extension des pouvoirs des commissions d'enquête aux commissions permanentes
Votre commission des Lois vous propose d'introduire un nouvel article dans l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires aux fins de renforcer les pouvoirs de contrôle des commissions permanentes en les autorisant à demander à leur assemblée de leur accorder, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, les prérogatives accordées aux commissions d'enquête par l'article 6 de l'ordonnance, c'est-à-dire :
- la faculté de demander des enquêtes à la Cour des comptes, sur la gestion des services ou organismes soumis à son contrôle, des entreprises publiques et des organismes bénéficiant de concours financiers publics ;
- le droit de contrôler sur pièces et sur place, et celui de se faire communiquer tous documents de service à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et sous réserve du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ;
- la délivrance de ces convocations par un huissier ou un agent de la force publique ;
- le droit de faire prêter serment aux personnes auditionnées.
Ce renforcement temporaire et occasionnel des pouvoirs de contrôle des commissions permanentes est destiné à leur permettre d'assurer un meilleur suivi de l'action gouvernementale en surmontant, le cas échéant, les réticences qui pourraient leur être opposées. L'article 22 du Règlement du Sénat confie en effet à ces commissions le soin d'assurer « l'information du Sénat pour lui permettre d'exercer, conformément à la Constitution, son contrôle sur la politique du Gouvernement. »
A l'heure actuelle, seuls les rapporteurs spéciaux des commissions des Finances disposent de pouvoirs qui leur permettent de procéder, dans le cadre du contrôle budgétaire, à des investigations sur pièces et sur place pour suivre l'emploi des crédits inscrits au budget du département ministériel qu'ils suivent. Autrement dit, le travail de contrôle des autres commissions est tributaire de la bonne volonté des administrations ou des organismes susceptibles de leur fournir les renseignements nécessaires et seule la mise en place d'une commission d'enquête leur permet de surmonter les rétentions abusives d'informations. Les commissions d'enquête sont toutefois bien lourdes à mettre en oeuvre ; c'est pourquoi votre commission des Lois vous propose d'élargir temporairement, en cas de difficulté, les pouvoirs de contrôle des commissions permanentes.
Les auteurs de la proposition de loi initiale avaient imaginé d'aller plus loin et de conférer à tous les rapporteurs budgétaires pour avis des commissions permanentes la faculté d'exercer leur mission de contrôle sur pièces et sur place. Outre qu'elle aurait risqué de diluer le contrôle budgétaire et donc de porter atteinte au rôle constitutionnel des commissions des Finances, cette extension ne répondait pas exactement à l'objectif poursuivi. Les commissions permanentes ne font en effet pas du contrôle budgétaire mais contrôle et plus généralement l'action gouvernementale. La faculté de disposer des compétences des commissions d'enquête qui sont plus larges que le contrôle budgétaire, apparaît donc mieux adaptée à leurs besoins. C'est pourquoi, il vous est proposé de la retenir en adoptant un amendement tendant à introduire un article additionnel après l'article premier qui reprend le dispositif aujourd'hui réservé au seul office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques par le paragraphe VI de l'article 6 ter de l'ordonnance de 1958, en complétant cette ordonnance par un article 5 ter qui dispose qu'en cas de nécessité, une commission permanente ou spéciale peut demander à son assemblée, pour une mission déterminée et pour une durée limitée à six mois, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête.
Article 2 (Art. L 132-4 du code des juridictions financières) - Demandes d'enquête à la Cour des comptes
Cet article tend à modifier l'article L. 132-4 du code des juridictions financières pour étendre aux commissions permanentes et aux commissions spéciales la faculté de demander à la Cour des comptes des enquêtes sur la gestion des services, organismes et entreprises qu'elle contrôle et, le cas échéant, avec le concours des chambres régionales des comptes, sur celles des collectivités, établissements et autres personnes morales soumis à leur contrôle.
Cet article est la traduction de la proposition n° 21 du rapport de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur les moyens d'information des parlements étrangers en matière économique et sociale : « étendre à l'ensemble des commissions permanentes, la possibilité, aujourd'hui réservée aux commissions des finances, de demander des études à la Cour des comptes » .
1. Le droit en vigueur
L'article L. 132-4 du code des juridictions financières dispose que « la Cour des comptes procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances et par les commissions d'enquête du Parlement sur la gestion des services et organismes soumis à son contrôle, ainsi que des organismes et entreprises qu'elle contrôle en vertu des articles L. 133-1 et L. 133-2 » .
Les services ou organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes, énumérés aux articles L. 111-1 à 111-8 du code des juridictions financières, sont :
- les services de l'État ;
- les entreprises publiques ;
- les institutions de sécurité sociale ;
- les organismes qui bénéficient du concours financier de l'État ou d'une autre personne morale soumise au contrôle de la Cour ;
- les organismes faisant appel à la générosité du public.
Les articles L. 133-1 et L. 133-2, cités dans l'article L. 132-4, précisent les notions d'entreprises publiques et d'organismes bénéficiant de concours financiers publics.
Le rapport présenté, au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, par notre collègue M. Jean-Pierre Delalande, rappelle que, lors de son audition par la mission d'information commune, le Premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Joxe, avait indiqué que le Parlement avait peu utilisé cette faculté. On observera toutefois, au moins Pour les commissions d'enquête, que les délais requis par les travaux de la Cour excèdent très largement leur durée d'existence.
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait que les demandes d'enquête des commissions seraient transmises par les présidents des assemblées, sans doute pour assurer un minimum de coordination.
L'Assemblée nationale a écarté, à la demande de sa commission spéciale, la création de ce filtre, d'une part parce que celui-ci alourdissait la procédure actuelle pour les commissions des Finances et les commissions d'enquête, d'autre part, « en dehors de toute discussion sur son opportunité » , parce qu'il « pose une difficulté particulière pour les commissions d'enquête au regard du secret qui peut entourer leurs travaux » .
L'Assemblée nationale a par ailleurs modifié la rédaction des dispositions relatives aux chambres régionales des comptes en estimant que les enquêtes prévues par l'article L. 132-4 du code des juridictions financières ne relevaient pas du contrôle juridictionnel et qu'il n'y avait donc aucun inconvénient à ce que la Cour des comptes soit l'interlocuteur unique du Parlement et assure elle-même ces enquêtes, le cas échéant avec le concours des chambres régionales des comptes.
Sous réserve des observations éventuelles de la commission des Finances saisie pour avis, votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.
TITRE II OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Ce titre comporte un article unique qui institue un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
Votre commission des Lois a adopté un amendement de suppression de l'article unique de ce titre.
Article 3 (Art. 6 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) - Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques
Cet article introduit dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un article 6 quater nouveau qui crée une délégation parlementaire commune aux deux assemblées dénommée « office parlementaire d'évaluation des politiques publiques », chargée d'informer le Parlement sur toute politique publique mettant en oeuvre des fonds publics.
L'organisation de cette instance est largement inspirée de celle de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, créé par la loi n° 83-690 du 8 juillet 1983, sous réserve de la présence de droit des présidents et rapporteurs généraux des commissions des Finances et de la faculté d'autosaisine (mais celle-ci a été supprimée par l'Assemblée nationale).
1. Article 3 § I - Missions et domaine d'intervention
a) Une délégation parlementaire commune aux deux assemblées
Le premier alinéa du paragraphe I crée une délégation parlementaire, dénommée office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
Les délégations parlementaires sont des structures souples, dépourvues de statut commun. Elles regroupent, de manière permanente, quelques parlementaires auxquels leurs collègues ont confié une mission de contrôle spécialisée dans un champ d'activité déterminé.
Chargées d'informer, d'étudier et de contrôler, elles n'interviennent pas dans la procédure législative.
La première, la délégation parlementaire consultative pour l'ORTF, fut créée par la loi du 3 juillet 1972, puis remplacée par la délégation parlementaire pour la communication audiovisuelle par la loi du 25 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, avant d'être supprimée par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
La loi n° 79-564 du 6 juillet 1979 a créé, dans chaque assemblée, une délégation parlementaire pour les Communautés européennes dont les pouvoirs ont été étendus à l'Union européenne par la loi n° 94-476 du 10 juin 1994.
L'article 13 de la loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979 relative à l'interruption volontaire de grossesse a donné naissance à la première délégation commune entre les deux assemblées : la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques.
Deux délégations parlementaires pour la planification ont été constituées sur le fondement de l'article 2 de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification.
La loi n° 83-690 du 8 juillet 1983 a créé un office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques commun aux deux assemblées.
L'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, imaginé par l'Assemblée nationale, est également une délégation commune aux deux assemblées, conçue sur le modèle de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
b) Une mission d'évaluation des politiques publiques
Aux termes des deuxième et troisième alinéas du paragraphe I, l'office a une double mission :
- informer le Parlement sur l'adéquation entre les moyens juridiques, administratifs ou financiers consacrés à toute politique publique trouvant ses fondements dans des ressources publiques, des prélèvements obligatoires ou des dispositifs légaux ou réglementaires, ou bien mise en oeuvre par des organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes, et les effets qui étaient attendus de cette politique ;
- fournir au Parlement des études sur les moyens juridiques, administratifs ou financiers nécessaires pour atteindre les objectifs assignés à toute politique publique.
Autrement dit, l'office procède à l'évaluation de politiques publiques tant ex post qu'ex ante. Ce n'est donc pas un organisme de contrôle de la gestion des finances publiques, mission qui incombe aux commissions des finances dont les moyens mériteraient d'ailleurs d'être renforcés à cet égard.
Cet organisme n'est pas non plus chargé de faire des prévisions économiques, ce travail étant accompli soit en dehors du Parlement et éventuellement mis à sa disposition, soit pour le compte du Sénat, à partir de ses propres hypothèses, dans le cadre de sa Délégation pour la planification dont on a rappelé, dans l'exposé général, la grande qualité des travaux et dont aucun équivalent n'existe à l'Assemblée nationale.
On remarque enfin que si l'évaluation des politiques publiques constitue l'objet même des travaux de l'office, l'évaluation ex ante n'est pas intégrée dans le processus législatif même si elle pourrait concourir à l'information des commissions chargées de rapporter un projet de loi. Cet aspect du rôle de l'office ne pourrait bien entendu être développé que si la programmation des travaux législatifs se faisait à un terme suffisant pour laisser à ces travaux le temps d'être réalisés.
Le champ d'intervention de l'office a été précisé par l'Assemblée nationale qui, à l'initiative de sa commission spéciale, a souhaité le calquer sur celui de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes tel que défini par les articles L.111-3 à L.111-5, L.111-7, L.111-8, L.133-1 à L. 133-4, L.211-1 du code des juridictions financières, c'est-à-dire :
- les services de l'État et des autres personnes morales de droit public et, en particulier, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
- les entreprises publiques, c'est-à-dire les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), les entreprises nationales, les sociétés nationales, les sociétés d'économie mixte ou les sociétés anonymes dans lesquelles l'État possède la majorité du capital social ;
- les établissements ou organismes publics, quel que soit leur statut juridique, qui exercent une activité industrielle ou commerciale ;
- les sociétés, groupements ou organismes, quel que soit leur statut juridique, dès lors qu'ils sont contrôlés par l'État, les collectivités, les personnes ou les établissements publics soumis au contrôle de la Cour et les filiales de ces organismes ;
- les personnes morales, publiques ou privées, dans lesquelles l'État ou des organismes soumis au contrôle de la Cour détiennent directement ou indirectement un pouvoir de contrôle ;
- les établissements, sociétés, groupements et organismes, et leurs filiales, quel que soit leur statut juridique, auxquels les collectivités territoriales ou leurs établissements publics apportent un concours financier ou dans lesquels ils détiennent le contrôle ;
- les délégataires de services publics ;
- les institutions de sécurité sociale ;
- les organismes faisant appel à la générosité publique.
Le quatrième et dernier alinéa du paragraphe I énumère enfin certains des moyens dont disposerait l'office pour procéder à ces évaluations :
- le recueil d'informations,
- la mise en oeuvre de programmes d'études,
- la réalisation d'évaluations et de simulations.
2. Article 3 § II - Composition
L'office imaginé par l'Assemblée nationale est composé de quatre membres de droit, -le président et le rapporteur général de chaque commission des Finances-, de dix représentants des autres commissions permanentes, et, dans le respect de la proportionnelle en tenant compte de l'appartenance politique des autres membres, de huit députés et de huit sénateurs désignés par les groupes politiques, soit un effectif total de 30 membres.
La présidence serait assurée alternativement par chaque président de commission des Finances.
Les suppléants seraient désignés en même temps et appelés à voter dans la mesure nécessaire au maintien de la parité entre les deux assemblées.
3. Article 3 § III - Conseil scientifique
Le paragraphe III de l'article 3 prévoit que, comme l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, la délégation serait assistée d'un conseil scientifique.
La durée des fonctions, le nombre des membres et les modalités de leur désignation sont renvoyés au règlement intérieur de l'Office.
Il est seulement précisé que les membres sont des personnalités choisies en raison de leurs compétences dans les domaines économiques, social et financier ainsi qu'en matière d'évaluation.
4. Article 3 § IV - Avis
Le paragraphe IV de l'article 3 prévoit que la délégation peut recueillir l'avis de toute personne ou organisme qu'elle estime nécessaire.
Cette rédaction est reprise de l'article 6 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relatif à l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Elle présente l'inconvénient d'être au mieux inutile, au pire limitative.
Ainsi que le rappelle très justement le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale « ni les commissions permanentes du Parlement, ni leurs missions d'information n'ont besoin qu'une disposition spécifique les y autorise pour recueillir l'avis de toute personne ou de tout organisme qu'elles estiment utiles d'entendre. Dans ces conditions, le paragraphe IV ne paraît pas constituer un apport indispensable pour garantir l'efficacité » de la délégation.
5. Article 3 § V - Saisine
Le paragraphe V organise les modalités de saisine de l'office. A la demande de sa commission spéciale, l'Assemblée nationale a écarté l'autosaisine pour limiter la saisine aux commissions spéciales ou permanentes et aux Bureaux qui interviennent soit à leur initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou à celle de soixante députés ou de quarante sénateurs.
6. Article 3 § VI - Pouvoirs et moyens
Le paragraphe VI, modifié par l'Assemblée nationale, définit les pouvoirs de l'office.
Dans sa rédaction initiale, celui-ci disposait des pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des Finances et pouvait, comme le prévoit le texte applicable à l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, demander à l'assemblée dont émanait la saisine de lui accorder, pour une durée n'excédant pas six mois, les prérogatives des commissions d'enquête, de leurs présidents et de leurs rapporteurs.
A l'initiative de sa commission spéciale, l'Assemblée nationale a écarté l'extension à l'office des pouvoirs des rapporteurs spéciaux afin de prévenir, là-encore, toute confusion avec le contrôle budgétaire. Ainsi que le rappelle fort opportunément notre collègue, M. Jean-Pierre Delalande, dans son rapport écrit, « dès lors que cette délégation ne serait pas chargée d'une mission de contrôle des finances publiques mais d'une mission d'évaluation des politiques publiques, elle n'a pas besoin de contrôler sur place les pièces comptables » .
L'Assemblée nationale a toutefois conservé au bénéfice de l'office le premier volet des pouvoirs des rapporteurs spéciaux définis par le paragraphe IV de l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, c'est-à-dire le droit de se faire communiquer tous renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter sa mission et tous documents de service, de quelque nature que ce soit, réserve faite, d'une part, des sujets à caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État et, d'autre part, du principe de la séparation du pouvoir judiciaire et des autres pouvoirs.
Elle a par ailleurs substitué à la faculté de demander les pouvoirs des commissions d'enquête, une simple information du Bureau de l'assemblée concernée ou de la commission à l'origine de la saisine « qui donnent à cette communication les suites qu'ils estiment appropriées. »
Insérée à l'initiative de M. Dominati, cette disposition, de l'aveu même du rapporteur de la commission spéciale, n'a sans doute pas sa place dans un texte législatif.
Enfin, un dernier alinéa, introduit à l'initiative de M. Jean-Pierre Delalande, précise que l'office peut faire appel, pour la réalisation de ses études, à des personnes ou organismes qualifiés.
7. Article 3 § VII - Publicité des travaux
Ce paragraphe, dont la rédaction a été simplifiée par l'Assemblée nationale, dispose que les travaux de l'office sont communiqués à l'auteur de la saisine puis publiés, sauf décision contraire de l'office.
Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait également une disposition de coordination devenue inutile avec la suppression de l'extension des pouvoirs des commissions d'enquête à l'office.
8. Article 3 § VIII - Règlement intérieur
Ce paragraphe précise que l'office établit son règlement intérieur et que celui-ci est soumis à l'approbation des Bureaux des deux assemblées.
9. Article 3 § IX - Dépenses
Le dernier paragraphe attribue à l'office un budget doté à parts égales par les deux assemblées et dont les conditions d'exécution et de contrôle seraient fixées par son règlement intérieur.
Un second alinéa prévoit enfin que l'office peut s'assurer toute collaboration extérieure rémunérée qu'il estime utile.
Votre commission des Lois a adopté un amendement tendant à supprimer cet article
EXTRAITS DU BULLETIN DES COMMISSIONS
LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE/
Mercredi 17 janvier 1996 - Présidence de M. Jacques Larché, président. La commission a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, rapporteur, la proposition de loi n° 389 (1994-1995), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, après avoir rappelé que Gouvernement et Parlement se préoccupaient depuis déjà quelques années d'évaluer les politiques publiques, a indiqué que la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Dominati et Fourgous, avait pour objet de renforcer les capacités évaluatives du Parlement en instituant un organisme parlementaire spécialisé dans l'évaluation des politiques publiques. Il a précisé que ce dispositif était précédé par un titre premier comportant plusieurs dispositions destinées à renforcer les pouvoirs de contrôle des commissions parlementaires, pouvoirs dont il a rappelé qu'ils devaient rester l'apanage des Assemblées et de leurs commissions.
Le rapporteur a ensuite donné une définition de l'évaluation des politiques publiques, tant ex ante qu'ex post, en insistant sur le caractère technique de la démarche de connaissance des effets d'une action publique et le caractère politique du jugement porté sur l'efficacité de cette action.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a retracé la mise en place par le Gouvernement en 1990, à l'initiative de M. Michel Rocard, d'un comité interministériel chargé de coordonner les évaluations conduites par les administrations de l'État, assisté d'un fonds et d'un conseil scientifique de l'évaluation.
Le rapporteur a ensuite rappelé que la Cour des comptes ainsi qu'un certain nombre de services de l'administration d'État avaient d'ores et déjà intégré une dimension évaluative dans leurs travaux d'investigation. Il a fait observer que le Parlement, et singulièrement le Sénat, avait agi dans le même sens. Il a évoqué, à titre d'exemples, les études commandées par la mission d'information sur l'aménagement du territoire, les travaux de certaines commissions d'enquête, de la délégation du Sénat pour la planification et de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il a toutefois estimé que la démarche évaluative restait trop morcelée et que l'approche à moyen terme des politiques publiques était insuffisamment développée en raison des contraintes que l'ordre du jour imposait aux commissions.
Après avoir écarté l'exemple américain en raison de la spécificité de l'organisation institutionnelle des États-Unis, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a estimé que la création d'une structure commune aux deux Assemblées, susceptible d'engager des démarches évaluatives à moyen terme, constituerait un apport indéniable à la réflexion des parlementaires.
Abordant le titre premier de la proposition de loi, le rapporteur a signalé que l'article premier faisait obligation aux personnes convoquées par les commissions de déférer à la convocation. Il a estimé que cette disposition pouvait être utile sous réserve d'y ajouter une obligation de déposer.
Il a ensuite évoqué l'article 2 de la proposition de loi initiale supprimé par l'Assemblée nationale qui prévoyait d'étendre aux rapporteurs pour avis les pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances. Il a estimé que la suppression de cette disposition était justifiée par le souci de ne pas diluer le contrôle budgétaire dont la responsabilité principale incombait à ces commissions.
Le rapporteur a ensuite évoqué l'article 2 qui élargit aux autres commissions la faculté actuellement réservée aux commissions des finances de saisir la Cour des Comptes d'une demande d'enquête. Il a indiqué que, sous réserve des observations de la commission des finances, il n'y voyait pas d'obstacle.
Il a enfin annoncé qu'il proposerait un amendement permettant de renforcer temporairement les pouvoirs des commissions en les autorisant à demander à l'Assemblée le droit d'utiliser, pour une durée et dans un but déterminés, des pouvoirs semblables à ceux dévolus aux commissions d'enquête.
Abordant ensuite le titre II qui institue un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, il en a approuvé le principe, estimant que cet organisme contribuerait à revaloriser le rôle du Parlement par l'amélioration de la qualité de son information. Il a toutefois souhaité que certaines modifications soient apportées au texte adopté par l'Assemblée nationale afin, d'une part, de prévenir toute dérive vers une autonomie excessive de l'office au risque d'empiéter sur les responsabilités propres des Assemblées et, d'autre part, d'assurer la prise en compte du caractère bicaméral du Parlement, notamment en cas de divergence de majorité entre les deux Assemblées.
En conséquence, il a proposé la constitution d'un office commun financé à parité par les deux Assemblées et composé de la réunion de deux délégations regroupant, dans chaque Assemblée, le président et le rapporteur général de la commission des finances, un représentant de chaque groupe politique et un représentant de chaque commission autre que la commission des finances. Il a par ailleurs estimé que les attributions de l'office pouvaient être élargies et la formulation de ses pouvoirs simplifiées afin d'éviter les effets nécessairement limitatifs d'énumérations trop précises.
Il a, enfin, fait valoir que les délégations ne retrouveraient leur autonomie qu'en cas de conflit entre les deux Assemblées ou, si elles souhaitaient, le cas échéant, procéder à des évaluations particulières pour le compte de leur Assemblée. Il a précisé qu'en pareil cas les frais seraient supportés par celle-ci.
M. Jacques Larché, président, a remercié le rapporteur pour le travail considérable de réflexion et de consultation qu'il avait accompli.
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances et rapporteur pour avis, s'est interrogé sur l'opportunité de la création d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques en estimant, d'une part, que le Parlement n'avait sans doute pas utilisé avec suffisamment d'efficacité les moyens dont il disposait d'ores et déjà, d'autre part, que seule une volonté politique forte pourrait relancer une nouvelle dynamique en matière d'évaluation. En conclusion, il a approuvé le dispositif proposé par le rapporteur, notamment la réunion de deux délégations au sein d'un office commun qui lui a paru répondre à un souci pragmatique, dans la mesure où, en cas de désaccord persistant entre les deux Assemblées, l'office pourrait continuer à travailler dans des conditions satisfaisantes.
M. Robert Pagès s'est déclaré réservé quant à l'efficacité de l'office proposé par l'Assemblée nationale en estimant que celui-ci ne contribuerait pas réellement au renforcement des pouvoirs du Parlement affaiblis par le poids des prélèvements européens sur le budget national et la pratique des ordonnances. Il a déclaré que son groupe s'abstiendrait ainsi qu'il l'avait fait à l'Assemblée nationale.
M. Christian Bonnet a estimé que la création d'un office supplémentaire ne ferait qu'accroître les pesanteurs du fonctionnement du Parlement. Après avoir indiqué qu'il ne croyait pas à l'impulsion d'une nouvelle dynamique, il a déclaré qu'il ne pouvait approuver la proposition de l'Assemblée nationale.
M. François Giacobbi a fait observer que la création d'un nouvel office ne rencontrait qu'un « enthousiasme modéré ».
Après avoir évoqué la question de l'efficacité de l'office qui pouvait apparaître comme un instrument d'autocensure parlementaire susceptible de devenir un lieu de mise en cause du Gouvernement, M. Luc Dejoie a considéré que la création de deux délégations risquait de favoriser des divergences entre les évaluations commandées par l'une et l'autre des Assemblées, ce qui ne pourrait que contribuer à brouiller l'image du Parlement. Il a conclu en estimant qu'il serait préférable de ne pas créer d'office plutôt que de développer des divergences inutiles au sein du Parlement.
M. Philippe de Bourgoing a estimé que les moyens existants pourraient être mieux utilisés mais que l'office tel que présenté par le rapporteur méritait d'être expérimenté.
M. Patrice Gélard a considéré que la composition proposée par le rapporteur était plus compliquée que celle de l'Assemblée nationale en raison du nombre différent des groupes dans les deux Assemblées.
M. Jean-Marie Girault a craint les effets d'un absentéisme prévisible et a conclu au rejet de la proposition de l'Assemblée nationale.
M. Paul Girod a fait valoir que les offices américains ne pouvaient pas être retenus comme modèles en raison de la spécificité de l'organisation institutionnelle des États-Unis. Il a estimé qu'en France le Gouvernement émanant de la majorité parlementaire, l'utilité de l'office n'était pas démontrée.
M. Robert Badinter s'est inquiété des conditions de publication des travaux de l'office. Il a par ailleurs souligné que l'évaluation des politiques publiques étant souvent proche du contrôle politique du Gouvernement, l'opinion publique risquait d'assimiler les études publiées par l'office à autant de jugements portés par le Parlement sur la politique gouvernementale. Enfin, il a rappelé le rôle des Cours des comptes auprès de certains Parlements européens.
M. Jacques Larché, président, a estimé que le Parlement s'apprêtait à créer une structure dont il ne maîtrisait pas toutes les conséquences, notamment la perception qu'en aurait l'opinion publique. Il s'est par ailleurs inquiété des conséquences que les commissions devraient tirer des évaluations d'un tel office, si, par exemple, elles concluaient à l'insuffisance des moyens pour la mise en place des tribunaux criminels départementaux envisagés par le Gouvernement.
M. Robert Badinter a souligné que l'évaluation telle que définie par la proposition de loi portait non seulement sur l'adéquation des moyens financiers aux objectifs poursuivis mais également sur l'adéquation des moyens administratifs et juridiques, ce qui conduirait l'office à porter un jugement critique d'ensemble sur l'oeuvre du Parlement susceptible de discréditer les Assemblées aux yeux de l'opinion publique. Il a estimé que, pour ce motif, l'initiative prise par l'Assemblée nationale s'apparentait à une démarche d'apprenti-sorcier.
En réponse à ces diverses observations, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a fait valoir que, de manière générale, le Parlement avait besoin de disposer d'informations plus objectives et plus précises ; à cet égard la création d'un office parlementaire spécialisé pouvait être considéré comme un apport intéressant même si elle relevait pour partie d'un pari dont il se proposait d'ailleurs de limiter les incertitudes.
S'agissant de la réunion de deux délégations au sein d'un office commun, le rapporteur a précisé qu'il ne s'agissait pas dans son esprit de créer deux structures autonomes dotées de services propres mais bien de répondre à une préoccupation d'équilibre politique, à laquelle le Sénat ne pouvait être qu'attaché. Il a ensuite estimé que le Parlement ne pouvait qu'être renforcé par le développement de moyens autonomes d'expertise avant de rappeler que la création de l'office s'inscrivait dans une démarche de revalorisation du rôle du Parlement dans son ensemble. Enfin, il a insisté sur le caractère politique de la décision de procéder à une évaluation, du choix de l'évaluateur, des modalités de l'évaluation et de la décision de publication des résultats de l'étude. Il a considéré que ce caractère politique rendait nécessaire que les deux Assemblées exercent un contrôle effectif sur l'office.
M. Maurice Ulrich a rappelé l'objet même de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale et estimé qu'il n'était pas illégitime que le Parlement se dote d'un organisme susceptible d'apprécier les conditions dans lesquelles les administrations mettaient en oeuvre les lois votées. Il a considéré que l'évaluation ainsi comprise permettrait de relancer l'action gouvernementale lorsque celle-ci tendait à s'essouffler, et de supprimer les dispositifs devenus inutiles. Il a donc considéré que la création d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques s'apparentait à un acte de salubrité législative.
M. Paul Girod a fait observer que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances rencontraient des difficultés récurrentes dans leurs relations avec la Cour des Comptes, qui pourraient être résolues par un texte prévoyant la mise à disposition du Parlement des rapports internes de la Cour.
M. Paul Masson a exprimé sa surprise devant les réticences et les objections formulées par ses collègues alors que la création de l'office avait pour objet de revaloriser le rôle du Parlement. Attirant l'attention sur le développement insuffisant de l'évaluation des politiques publiques, il a insisté sur l'importance d'une analyse rétrospective appuyée sur des instruments techniques appropriés. Il a enfin estimé que la Cour des Comptes n'avait pas pour mission de faire de l'analyse politique et que ce rôle devait rester l'apanage des Assemblées, avant de conclure à l'importance de la création d'un instrument moderne au service du Parlement.
M. Philippe de Bourgoing a confirmé qu'il approuvait la proposition du rapporteur puis il a évoqué le rôle que pourrait jouer l'office en matière d'évaluation de d'une législation comme la loi sur le littoral à laquelle l'administration avait donné une portée singulièrement éloignée de son objectif initial.
A l'issue de cet échange de vues, M. Jacques Larché, président, a consulté la commission sur l'opportunité de procéder immédiatement à l'examen des articles. Face à un partage égal des voix, et après avoir souligné que les propositions du rapporteur apparaissaient comme la seule solution raisonnable, il a estimé préférable de renvoyer à la réunion du mercredi 24 janvier 1996 la suite de l'examen du rapport de M. Pierre Fauchon ainsi que l'examen du rapport de M. Michel Rufin sur la proposition de loi n° 390 (1994-1995) adopté par l'Assemblée nationale, tendant à créer un office parlementaire d'amélioration de la législation.
[...]
Mercredi 24 janvier 1996 - Présidence de M. Jacques Larché, président et de M. François Giacobbi, vice-président.
[...]
Elle a ensuite repris, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, l'examen de la proposition de loi n° 389 (1994-1995), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.
M. Jacques Larché, président, a rappelé qu'à la suite d'un partage égal des voix sur l'opportunité de passer à l'examen des articles de la proposition de loi, la commission avait accepté, à sa demande, de reprendre sa réflexion au cours de la présente réunion.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a précisé que l'institution d'un office parlementaire spécialisé dans l'évaluation des politiques publiques lui avait paru constituer une idée nouvelle intéressante mais que sa mise en oeuvre devait être assortie de certaines précautions destinées à prévenir tout risque de dérapage. A cet égard, il a souligné la nécessité d'un ancrage solide de l'office au sein du Parlement afin d'éviter la création d'un organisme de plus en plus autonome au fil des ans et qui en viendrait à prendre des décisions de caractère politique au lieu et place de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il a en outre souhaité que la composition de l'office soit adaptée pour éviter autant que faire se peut l'apparition de blocages politiques en cas de différence de majorité entre les deux Assemblées. Enfin il a rappelé que l'amendement qu'il proposait s'efforçait précisément de répondre à ce double souci en prévoyant que l'office serait composé de deux délégations constituées dans chaque Assemblée qui ne retrouveraient leur autonomie qu'en cas de désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
La commission a tout d'abord examiné le titre premier qui renforce les pouvoirs d'information du Parlement
Elle a tout d'abord adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement tendant à compléter l'article premier (obligation de déférer aux convocations des commissions permanentes) par l'obligation de déposer devant une commission permanente.
De même, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier pour ouvrir aux commissions la faculté de demander à l'Assemblée à laquelle elles appartiennent, pour une durée limitée et pour un objet déterminé, d'exercer les pouvoirs des commissions d'enquête.
Abordant l'examen de l'article 2 (demandes d'enquêtes à la Cour des Comptes), M. Pierre Fauchon, rapporteur, a précisé que l'extension des pouvoirs de la commission des Finances à l'ensemble des commissions ferait l'objet d'un examen attentif par la commission des Finances saisie pour avis, et que la commission des Lois aurait, le cas échéant, à statuer sur un amendement.
La commission est ensuite passée à l'examen du titre II qui institue un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Elle a examiné un amendement présenté par son rapporteur tendant à une nouvelle rédaction de l'intégralité de l'article 3.
S'agissant du paragraphe I de cet article qui définit la mission de l'office, M. Pierre Fauchon a suggéré de retenir une formule générale prévoyant l'expertise de toute politique publique au lieu de rémunération limitative adoptée par l'Assemblée nationale. Il lui a semblé préférable de parler d'expertises par des organismes extérieurs plutôt que d'évaluation, dans la mesure où les études susceptibles d'être commandées à ces organismes devraient présenter un caractère technique dénué de toute appréciation politique.
M. Jacques Larché, président, a souhaité que soit immédiatement abordée la question de la saisine de l'office et a manifesté son opposition de principe à une saisine par les membres de celui-ci.
M. Robert Badinter s'est également élevé contre toute autosaisine.
M. Jean-Jacques Hyest a rappelé que les discussions à l'Assemblée nationale avaient fait clairement apparaître que l'office travaillerait à l'initiative des commissions ou des Bureaux chargés de filtrer les demandes des groupes ou des parlementaires. Il a estimé nécessaire de conserver un cadre strict de saisine afin d'éviter toute dérive.
M. François Giacobbi a considéré qu'il n'était pas envisageable de prévoir une autosaisine de l'office. Il a par ailleurs objecté que la formulation de l'objet de l'office proposée par le rapporteur était trop large.
M. Patrice Gélard a souhaité que le Parlement soit considéré comme le destinataire des travaux de l'office.
M. Michel Rufin a rappelé que les dictionnaires considéraient comme politiques publiques tout ce qui se rapportait aux affaires publiques. En conséquence, il a demandé que la définition des missions de l'office soit encadrée.
M. Maurice Ulrich a suggéré que le programme annuel d'évaluation décidé par l'office soit approuvé par chacune des Assemblées.
M. Robert Badinter a souligné que l'Assemblée nationale avait souhaité confier deux missions à l'office : informer le Parlement sur les résultats des politiques publiques déjà mises en oeuvre et lui fournir des évaluations sur les politiques publiques dont la mise en oeuvre était envisagée.
M. Jean-Jacques Hyest a alors rappelé que l'évaluation a priori du coût d'une politique publique susceptible d'être décidée avait été à l'origine de la création de l'office, les députés ayant estimé qu'il était nécessaire que le Parlement puisse bénéficier de travaux d'évaluation distincts de ceux commandés par le Gouvernement.
Il a par ailleurs indiqué que la définition des missions de l'office retenue par l'Assemblée nationale était destinée à prévenir tout empiétement sur les pouvoirs de contrôle des commissions.
M. Jacques Larché, président, a alors rappelé les termes de l'article 22 du Règlement du Sénat qui confie aux commissions permanentes le soin d'informer le Sénat pour lui permettre d'exercer sa fonction de contrôle de l'action gouvernementale.
Après les observations de M. Georges Othily sur la distinction entre évaluation, contrôle et expertise, M. Philippe de Bourgoing a suggéré que le texte précise expressément que c'est à l'intention du Parlement et sur la demande de celui-ci que l'office diligente des expertises.
M. Jacques Larché, président, a estimé que la question des modalités de saisine de l'office devait être examinée avant la définition des missions de celui-ci. En conséquence, il a consulté la commission sur l'éventualité d'une autosaisine de l'office. La commission a décidé d'exclure toute autosaisine.
S'agissant de la définition du champ des évaluations conduites par l'office, et après un large débat auquel ont pris part MM. Robert Badinter, François Giacobbi, Luc Dejoie, Jacques Larché et Pierre Fauchon, rapporteur, sur la distinction entre évaluation et expertise, M. Jacques Larché, président, a évoqué le moment de l'intervention de l'office et craint que le jugement porté par celui-ci sur un projet gouvernemental restreigne la marge d'appréciation de la commission chargée d'examiner le texte.
M. Luc Dejoie a indiqué qu'il partageait ses craintes.
Puis, M. Jean-Jacques Hyest a rappelé la nécessité pour le Parlement de disposer d'experts indépendants susceptibles de lui fournir des éléments d'information distincts de ceux utilisés par le Gouvernement. Il a estimé pour ce motif qu'il n'était pas envisageable d'écarter l'évaluation a priori.
A la demande de M. Jacques Larché, président, M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des Finances, rapporteur pour avis, a précisé que lors d'un premier échange de vues, la commission des Finances avait plutôt perçu l'office comme un outil à caractère budgétaire dont les travaux étaient destinés à éclairer le Parlement sur le coût et l'efficacité des mesures susceptibles d'être décidées. Il a par ailleurs précisé qu'à son sens l'expertise en amont ne pourrait être pratiquée que pour les propositions de loi. Enfin, renvoyant aux travaux préparatoires pour éclairer les débats ultérieurs éventuels, il a suggéré que la définition des missions de l'office soit suffisamment large.
M. Maurice Ulrich a rappelé que l'Assemblée nationale n'avait pas entendu créer une machine tournée contre le Parlement mais un organisme susceptible d'évaluer dans quelle mesure le Gouvernement avait effectivement mis en oeuvre les moyens nécessaires à l'application d'une politique décidée par le Parlement. Il a estimé que les travaux de l'office étaient exclusivement destinés à l'information des commissions.
Après avoir donné lecture d'un extrait du message adressé par le Président de la République au Parlement, soulignant la nécessité pour les Assemblées d'évaluer l'adéquation entre le coût et l'efficacité d'une dépense publique, M. Jacques Larché, président, a estimé qu'il était possible de prévoir des évaluations en amont sous réserve que celles-ci soient limitées à l'appréciation des effets de nature économique et financière.
M. Charles Jolibois a considéré que le terme d' « expertises » proposé par le rapporteur conduisait à doter l'office d'une compétence par trop extensive.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a estimé que l'évaluation allait au-delà de l'expertise dans la mesure où elle comprenait non seulement une analyse technique mais également un jugement de nature politique.
La commission a prévu, sur la proposition de son rapporteur, que l'office aurait pour mission de « faire expertiser à l'intention du Parlement les résultats économiques ou financiers d'une politique publique ».
Abordant ensuite l'examen du paragraphe II qui fixe la composition de l'office, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a précisé qu'il souscrivait à l'essentiel du dispositif prévu par l'Assemblée nationale sous réserve que sénateurs et députés soient regroupés au sein de deux délégations dont la réunion formerait l'office.
M. Robert Pagès a estimé que cette solution emporterait très rapidement un blocage complet du fonctionnement de l'office.
M. Robert Badinter a craint le développement d'expertises concurrentes décidées par les deux délégations.
M. René-Georges Laurin a indiqué qu'il souhaitait s'en tenir au principe d'un office commun, dans les termes adoptés par l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest a estimé que le dispositif prévu par le rapporteur permettrait de surmonter le cas échéant des oppositions politiques entre les deux Assemblées mais que, sauf difficulté de cette nature, l'office fonctionnerait comme une structure commune.
Après les observations de MM. Charles Jolibois, François Giacobbi, Jean-Marie Girault et Philippe de Bourgoing, la commission a adopté le principe d'une double délégation.
S'agissant de la saisine de l'office, M. Jean-Jacques Hyest a précisé que les Bureaux des Assemblées n'auraient pas une compétence liée à l'égard des demandes formées par les groupes politiques ou certains parlementaires et qu'ils seraient libres de ne pas les transmettre à l'office.
M. Robert Badinter a craint que le filtre ainsi constitué par les Bureaux ne conduise à une politisation excessive de la saisine de l'office.
M. Charles Jolibois s'est inquiété des délais d'évaluation, notamment en cas d'étude précédant l'adoption d'une nouvelle politique publique.
M. Jacques Larché, président, a estimé qu'il n'était pas possible d'envisager de fixer des délais et que l'absence d'évaluation pourrait, le cas échéant, être utilisée comme argument politique.
La commission a retenu le mode de saisine prévu par l'Assemblée nationale.
La commission a ensuite décidé de ne pas approuver la création d'un conseil scientifique, M. Pierre Fauchon, rapporteur, ayant fait valoir que la composition d'un tel organisme ne lui permettrait pas de réunir une diversité suffisante de spécialistes compétents dans les domaines multiples susceptibles d'être abordés par l'office. M. Michel Rufin a donné son plein accord à cette suppression.
Elle a, en revanche, adopté le paragraphe IV de l'amendement proposé par le rapporteur, après que celui-ci eut fait observer qu'il serait utile que les commissions concernées à titre principal par une évaluation puissent désigner l'un de leurs membres pour en suivre le déroulement.
Elle a également approuvé le paragraphe V de cet amendement qui permet à l'office de faire appel à la Cour des Comptes, au commissariat général du Plan et aux organismes administratifs remplissant des missions d'évaluation.
Sous réserve d'une modification de caractère rédactionnel, la commission a approuvé le premier alinéa du paragraphe VI du texte adopté par l'Assemblée nationale qui reconnaît à l'office le droit de recevoir communication de tout renseignement d'ordre administratif ou financier de nature à faciliter sa mission. Elle a en revanche considéré que les alinéas suivants étaient inutiles, son rapporteur lui ayant fait observer que l'office pourrait toujours informer les Bureaux des Assemblées en cas de difficulté et que, pour la réalisation de ses études, il ferait nécessairement appel à des personnes ou à des organismes choisis en fonction de leurs compétences dans le domaine concerné.
S'agissant du paragraphe VII de l'amendement relatif à la publication des travaux de l'office, la commission a estimé qu'il était préférable d'en confier la décision à la personne les ayant demandés.
Après avoir constaté que le rétablissement des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale relatives à la saisine de l'office privait d'effet les deux derniers paragraphes de son amendement, le rapporteur les a supprimés.
Appelée à voter sur l'ensemble de l'article 3 ainsi modifié, la commission a émis un vote négatif qui a conduit M. Pierre Fauchon à ne pas conserver le rapport.
A la suite d'une intervention de M. Paul Masson, M. Michel Rufin a souhaité reprendre le rapport de la proposition de loi. La commission l'a désigné comme rapporteur.
Elle a décidé de renvoyer l'examen du rapport de M. Michel Rufin à une séance ultérieure.
ANNEXES
ANNEXE I - L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT : ÉTUDE DE DROIT COMPARE
SÉNAT
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES
Division des Etudes de législation comparée
Le 12 octobre 1995
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT : ÉTUDE DE DROIT COMPARE
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
La proposition de loi adoptée en juillet 1995 par l'Assemblée nationale, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, attribue à ce dernier une double mission :
- d'une part, une mission d'évaluation rétrospective en le chargeant « d'informer le Parlement sur l'adéquation entre les moyens juridiques, administratifs ou financiers consacrés à toute politique publique (...) » ;
- d'autre part, une mission d'évaluation prospective en lui demandant de « fournir également au Parlement des études sur les moyens juridiques, administratifs ou financiers qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs assignés » aux politiques financées grâce à des ressources publiques.
La comparaison entre cet Office et les organes qui existent dans les Parlements étrangers en vue des mêmes objectifs exige donc que soient pris en compte non seulement les dispositifs d'information et d'aide à la prise de décision permettant une évaluation prospective, mais aussi les instruments de mesure des effets de politiques déjà engagées.
A cet égard, on a exclu du champ de l'étude l'évaluation de l'efficacité de la loi. La question de savoir si la loi répond aux objectifs qu'elle s'est donnés est en effet traitée dans l'étude portant sur l'évaluation de la législation puisqu'il s'agit d'une compétence du futur Office parlementaire d'amélioration de la législation.
Pour situer l'Office parlementaire d'évaluation des politiques Publiques par rapport à quelques-uns de ses homologues étrangers, on s'est efforcé de présenter les différents instruments dont disposent les Parlements en distinguant évaluation prospective et évaluation rétrospective. Six pays ont été retenus : la Belgique, l'Italie, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et les États-Unis.
Cette analyse permet de conclure que, mis à part les Parlements italien, et surtout suisse, qui ont introduit des mécanismes originaux d'évaluation des politiques publiques, les autres Parlements européens utilisent leurs liens privilégiés avec la Cour des Comptes.
Le Congrès des États-Unis dispose quant à lui de moyens très importants difficilement comparables à ceux des assemblées européennes.
I - L'ITALIE, ET SURTOUT LA SUISSE, ONT INTRODUIT DES MÉCANISMES ORIGINAUX D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES.
1) Les informations économiques et financières fournies par le gouvernement avant l'examen des projets de loi
En Italie, une loi de 1988 oblige le gouvernement à joindre un rapport technique à ses projets de loi et à ses amendements comportant des dépenses, nouvelles ou en augmentation. Ces rapports techniques doivent permettre au Parlement de vérifier les données et les méthodes utilisées par le gouvernement pour chiffrer les dépenses. L'absence de rapport technique empêche la transmission des projets aux commissions compétentes.
Cette disposition a obligé chacune des deux assemblées à se doter d'un service du budget pour analyser les rapports techniques du gouvernement.
De la même façon, la loi suisse sur les rapports entre les Conseils prévoit que le Conseil fédéral indique à l'Assemblée fédérale quelles sont les conséquences économiques et financières des projets de loi et d'arrêté
qu'il lui transmet. Toutefois, le groupe de travail interministériel AGEVAL, constitué en 1987 pour proposer les mesures nécessaires au renforcement de l'évaluation des effets de la législation, a conclu que les exigences posées par la loi étaient respectées plus sur la forme que sur le fond.
2) L'organe parlementaire de contrôle de l'administration en Suisse
Depuis 1990, il existe un Organe parlementaire de contrôle de l'administration (O.P.C.A.) qui « examine, sur mandat particulier des commissions de gestion, les tâches de l'administration, leur accomplissement et les effets découlant de l'activité des autorités et de l'administration. Ce contrôle s'exerce selon les critères de la légalité, de l'opportunité, du rendement et de l'efficacité » .
La création de cet organe fait suite à une initiative des commissions de gestion.
Opérationnel depuis 1991, l'O.P.C.A., qui est rattaché au secrétariat des commissions de gestion, publie des rapports dits scientifiques pour ces commissions qui, ensuite, élaborent des rapports politiques adressés au Conseil fédéral.
Les derniers rapports de l'O.P.C.A. aux commissions de gestion traitaient respectivement de l'amélioration de l'efficacité de l'administration fédérale, de la coordination des politiques ayant des incidences régionales, de la prévoyance professionnelle.
Dans son rapport final rendu à la fin de l'année 1991, l'AGEVAL concluait à la nécessité de coordonner l'ensemble des activités d'évaluation, non seulement au sein de l'administration, mais également entre l'administration et le Parlement. Bien que les deux Conseils composant l'Assemblée fédérale aient voté une motion demandant au gouvernement de prendre les mesures préconisées par l'AGEVAL, aucune mesure n'a été prise depuis lors.
II - LES AUTRES PARLEMENTS EUROPÉENS UTILISENT LEURS RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA COUR DES COMPTES.
La commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes entretient en effet des relations très étroites avec le National Audit Office, institution supérieure de contrôle des comptes publics.
En Belgique et en Suède, la Cour des Comptes peut même être considérée comme une émanation du Parlement.
1) La commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes
Cette commission fait partie des sélect committees, commissions compétentes pour contrôler l'action du gouvernement, contrairement aux standing committees, chargés de l'examen des textes avant leur passage en séance publique. La commission de contrôle des comptes publics, dont la création remonte à 1861, a peu à peu modifié la teneur de son contrôle et s'est orientée vers des études d'évaluation. Elle publie chaque année une cinquantaine de rapports sur les sujets les plus variés, ceci malgré le personnel réduit dont elle dispose, mais grâce aux travaux du National Audit Office.
En effet, bien que le National Audit Office soit un organe indépendant qui ne reçoit aucune instruction, en pratique il travaille en symbiose totale avec la commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes. Fort d'un personnel d'un millier de personnes, il apporte sa capacité d'expertise à la commission. Celle-ci, dotée d'une autorité morale incontestée, rehausse le prestige du National Audit Office en reprenant ses critiques dans les rapports qu'elle adresse au gouvernement.
En outre, le contrôleur général qui se trouve à la tête du National Audit Office est nommé sur proposition de la Chambre des communes et la loi le considère comme appartenant au personnel de l'Assemblée.
2) La Cour des comptes belge et les réviseurs du budget suédois
En Belgique et en Suède, les liens entre l'instance de contrôle des comptes publics et le Parlement sont encore plus étroits qu'au Royaume-Uni.
Pour la Suède, il faut cependant préciser que ce contrôle est partagé entre deux organes, administratif et parlementaire, et que le premier, beaucoup plus puissant, est chargé de la vérification technique, tandis que le second se réserve l'appréciation de l'efficacité de la gestion.
Cet organe parlementaire est constitué de 14 réviseurs du budget que le Parlement suédois désigne en son sein. Ils conservent formellement leur statut de députés, mais se consacrent entièrement à leur fonction de contrôle.
La Cour des comptes belge peut elle aussi être considérée comme une émanation du Parlement : ses membres sont nommés par la Chambre des représentants qui peut également les révoquer, et l'une de ses attributions consiste à conseiller le Parlement en matière financière. Parallèlement à son activité de contrôle de la régularité des comptes, elle effectue depuis peu des études d'évaluation. Cette évolution résulte d'une motion votée à l'unanimité en juillet 1991 par la Chambre des représentants.
II - LE CONGRÈS AMÉRICAIN DISPOSE DE DEUX AGENCES TRÈS PUISSANTES.
Parmi les agences du Congrès des États-Unis, deux jouent un rôle particulièrement important en matière d'évaluation des politiques publiques :
- le General Accounting Office (G.A.O.), créé en 1921 et dont le rôle a peu à peu évolué du contrôle des comptes aux études d'évaluation ;
- le Congressional Budget Office (C.B.O.), créé en 1974, en même temps que les commissions du budget des deux Chambres, pour rendre plus effectif le pouvoir budgétaire du Congrès.
Le G.A.O. réalise essentiellement des évaluations rétrospectives portant sur l'adéquation des programmes administratifs aux objectifs qui leur ont été donnés, la possibilité de les réaliser à des coûts moindres...
Le C.B.O., créé pour analyser le coût des choix politiques effectués Par le Congrès, procède surtout à des évaluations prospectives. Progressivement, il s'est cependant orienté vers un véritable contrôle des dépenses publiques.
La puissance de ces deux agences -le G.A.O. emploie environ 5 000 personnes et le C.B.O. plus de 200- ne permet pas une comparaison avec l'Office dont la création est envisagée en France.
L'évaluation des politiques publiques par le Parlement constitue une préoccupation assez récente partagée par tous les pays étudiés.
Le seul Parlement qui se soit doté d'un système complet d'évaluation est le Congrès américain. Les moyens importants qu'il met en oeuvre excluent toute transposition dans notre pays.
De la même façon, la solution retenue par le Royaume-Uni, la Belgique et la Suède semble difficilement envisageable car la Cour des comptes française n'assiste pas exclusivement le Parlement.
L'Office français se rapprocherait davantage du service du budget des deux Chambres italiennes et plus encore de l'Office parlementaire de contrôle de l'administration créé en Suisse en 1990.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
BELGIQUE
Il n'existe pas de service ou d'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Toutefois, la Cour des comptes, dont l'une des principales missions est de conseiller le Parlement en matière de finances publiques, s'est depuis quelques années orientée vers le contrôle de gestion.
Cette évolution résulte de l'adoption par le Chambre des représentants d'une motion votée à l'unanimité le 8 juillet 1991.
La Cour des Comptes est une véritable « émanation » du Parlement. En effet, ses membres sont nommés pour six ans par la Chambre des représentants qui a également le droit de les révoquer. Elle est totalement indépendante de l'exécutif qui a recours à ses propres experts qui sont les inspecteurs des finances.
La Cour, qui est divisée en deux Chambres, l'une d'expression française, l'autre d'expression néerlandaise, comprend 12 membres dont 2 présidents, 8 conseillers et 2 greffiers. Ses services sont organisés en 14 directions représentant un effectif d'environ 600 agents, qu'elle recrute librement suivant leurs compétences.
Jusqu'en 1991, la Cour des comptes était investie de deux missions
- informer le Parlement de l'exécution du budget sous l'aspect de la légalité et de la régularité des dépenses ;
- examiner la liquidation et l'arrêté des comptes des comptables de l'État ou autres institutions publiques.
En 1989, la procédure budgétaire a été modifiée et, depuis 1990, le budget se présente sous une nouvelle forme. Celle-ci prévoit notamment l'insertion dans le projet de budget de notes justificatives exposant les lignes générales de la politique envisagée pour chaque poste budgétaire, les missions assignées aux différentes divisions organiques, les objectifs poursuivis par les programmes et les moyens à mettre en oeuvre pour les réaliser.
Selon la Cour des Comptes, « le but de la réforme budgétaire dépasse une meilleure information au stade de l'élaboration du budget : il s 'agit également de rendre plus effectif le contrôle exercé par le Parlement sur la gestion du gouvernement » .
Dans le but d'actualiser ce contrôle parlementaire, la loi prévoit que la Cour, en attendant le règlement définitif du budget, communique au Parlement une préfiguration des résultats de l'exécution du budget dès le mois de mai suivant l'exercice écoulé. La Cour a estimé que, à l'occasion de l'établissement de cette préfiguration, il était opportun de développer des analyses permettant d'effectuer un parallèle entre le coût des différents services et les objectifs qui leur sont assignés et de rechercher dans quelle mesure les moyens budgétaires votés par le Parlement ont permis à l'exécutif d'atteindre les objectifs fixés.
A cet effet, la Chambre des représentants a souhaité, dans une motion votée le 8 juillet 1991, que la Cour des Comptes exerce un contrôle de gestion pour le compte du Parlement, en vue de pouvoir apprécier les moyens mis en oeuvre dans le cadre des politiques menées.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
ITALIE
En 1988, un mécanisme original d'évaluation financière des projets de loi a été introduit : le gouvernement a l'obligation de joindre à ses projets de loi ou à ses amendements comportant des dépenses nouvelles un rapport technique qui doit permettre au Parlement de contrôler le chiffrage effectué par l'administration.
Par ailleurs, les liens privilégiés que la Constitution a établis entre la Cour des comptes et le Parlement permettent aux assemblées d'utiliser la capacité d'expertise de la Cour des comptes.
I - L'ÉVALUATION PROSPECTIVE
1) L'obligation pour le gouvernement de chiffrer les dépenses nouvelles contenues dans les projets de loi autres que les projets de loi de finances
a) La loi de 1988 sur le budget et la comptabilité de l'État
L'article 81-4 de la Constitution dispose que « toute autre loi ( ( * )3) comportant des dépenses nouvelles ou accrues doit préciser les moyens d'y faire face » .
En application de cette disposition, le gouvernement s'est longtemps borné à indiquer le montant total des dépenses et les moyens permettant d'y faire face sans préciser comment le chiffrage était réalisé.
Depuis 1988, le Parlement dispose d'une meilleure information. En effet, l'article 7 de la loi n° 362/1988 (document n° 1) a imposé au gouvernement de joindre un rapport technique à ses projets de loi ou à ses amendements comportant des dépenses nouvelles ou en augmentation. Le contenu de ces rapports techniques, est précisé par la loi. Ils doivent fournir au Parlement les données et les méthodes utilisées pour le chiffrage, leurs sources et tout autre élément utile pour son contrôle
b) Les règlements des assemblées
Les règlements des assemblées ont été modifiés pour permettre l'application de la loi 362/1988.
Ainsi l'article 76 bis du règlement du Sénat énonce :
« 1. Les commissions permanentes compétentes ne peuvent être saisies des projets de loi d'initiative gouvernementale, d'initiative régionale ou du CNEL ( ( * )4) qui ont pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, et qui ne sont pas accompagnés du rapport technique conforme aux prescriptions de la loi et chiffrant les charges relatives à chaque disposition et les couvertures correspondantes.
« 2. Les amendements d'initiative gouvernementale qui ont pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, et qui ne sont pas accompagnés du rapport technique rédigé dans les conditions prévues à l'alinéa 1er, ne peuvent être proposés.
« 3. Les commissions compétentes pour la matière et, en tout cas, la 5ème Commission permanente peuvent demander au gouvernement le rapport visé à l'alinéa 1er pour les projets ou propositions de loi d'initiative populaire ou parlementaire ainsi que pour les amendements d'initiative parlementaire soumis à leur examen, en vue d'effectuer la vérification technique du chiffrage des charges qu'ils entraînent. Le rapport sur les projets ou propositions de loi doit être transmis par le gouvernement dans un délai de trente jours suivant la demande.
« 4. Lorsque le tiers au moins des membres des commissions compétentes pour la matière en font la demande par écrit, le Président du Sénat, conformément aux dispositions de la législation en vigueur, demande au Président de la Cour des comptes ses appréciations sur les conséquences financières qu'entraîneraient la conversion de décrets-lois ou la promulgation de décrets législatifs. Pour les décrets-lois, la demande ne peut être présentée au-delà du cinquième jour qui suit le renvoi du projet de loi de conversion à la commission compétente. »
Au Sénat, la 5ème commission est la commission de la programmation économique et du budget.
Lorsque la commission n'est pas d'accord avec le chiffrage gouvernemental, c'est l'assemblée qui tranche en application de l'article 102 bis du règlement : « Sur les amendements, les articles, les projets ou propositions de loi qui ont pour conséquence, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, soit la diminution d'une ressource publique et pour lesquels la Sème Commission permanente a émis un avis contraire en motivant son opposition par le manque de couverture financière prescrite par l'article 81, dernier alinéa, de la Constitution, la délibération est prise par un scrutin public ».
La Chambre des députés a inclus dans son règlement des dispositions équivalentes qui concerne la commission dite du budget, du trésor et de la programmation.
c) Le service du budget des assemblées
Pour être en mesure d'évaluer les rapports techniques du gouvernement, chacune des deux assemblées s'est dotée d'un service du budget indépendant du service des études. Le vade-mecum des sénateurs décrit ainsi les attributions du service du budget, qui par ailleurs est compétent pour tout ce qui concerne les lois de finances : « réunir et classer les éléments de documentation afin de vérifier le chiffrage des conséquences financières des textes législatifs, tout en maintenant des relations avec le ministère du trésor et avec les autres administrations et entités publiques ainsi qu 'avec les organismes de recherche économique et financière (...) » .
Au Sénat, le service du budget se compose de deux divisions :
-l'une est chargée de recueillir et de classer la documentation relative aux textes pour lesquels la vérification du chiffrage des effets financiers s'impose ;
- l'autre vérifie les chiffrages gouvernementaux sur la base des éléments fournis par la première.
Ceci se traduit concrètement par la rédaction et la publication de plusieurs catégories de documents :
- notes de lecture contenant des « analyses et confrontations des méthodes, des données et des techniques de chiffrage des dépenses publiques contenues dans les projets de loi pour lesquels le gouvernement a préparé des rapports techniques » ;
- documents de base constitués par des études portant sur des points particuliers de comptabilité ou de finances publiques et réalisés à l'occasion de l'examen des documents financiers de l'État ;
- éléments de documentation consistant en analyses de thèmes précis de finances publiques.
En moyenne, le service du budget du Sénat produit environ 25 de ces documents par an.
Parallèlement à l'obligation qu'impose au gouvernement la loi 362/1988, une autre loi de 1988 permet aux présidents des assemblées parlementaires ou des commissions compétentes de demander à la Cour des comptes que cette dernière transmette au Parlement ses évaluations sur les conséquences financières découlant de la conversion en loi d'un décret-loi ou de la promulgation d'un décret législatif pris par le gouvernement sur délégation du Parlement.
2) Les requêtes au Conseil national de l'économie et du travail
L'article 49 du règlement du Sénat prévoit la possibilité pour les commissions de saisir le Conseil national de l'Économie et du Travail :
« /. Les commissions ont la faculté de s'adresser au Président du Sénat pour qu'il invite le CNEL (Conseil national de l'économie et du travail) à donner son avis sur des questions dont elles sont saisies, lorsque ces questions comportent des orientations de politique économique, financière et sociale ou qu'elles relèvent, de toute façon, du domaine de l'économie et du travail. Le Président se charge de transmettre cette requête au Président du CNEL, en fixant un terme pour la présentation de l'avis. Si ce terme excède le délai qui a été imparti à la Commission pour faire rapport sur la question, le Président soumet cette question à l'Assemblée en vue d'un sursis aux termes de l'article 44, alinéa 3.
2. L 'avis du CNEL est imprimé et publié en annexe au rapport de la commission ou, dans le cas d'un projet ou d'une proposition de loi renvoyés pour une procédure de délibération, en annexe au projet ou à la proposition de loi.
3. Avec l'assentiment du Président du Sénat et d'un commun accord avec le Président du CNEL, les commissions peuvent inviter aux séances prévues par l'article 48 les membres des commissions ou des comités au CNEL compétents pour la matière.
4. Les présidents des commissions ou, sur leur désignation, les vice-présidents, chargés de cette tâche par leurs commissions respectives, peuvent prendre part aux séances du Conseil national de l'économie et du travail ainsi que des commissions de celui-ci.
5. Les commissions peuvent s'adresser au Président du Sénat pour qu 'il invite le CNEL à effectuer des études et des enquêtes sur des sujets auxquels elles s'intéressent, lorsqu'il s'agit de matières entrant dans la sphère de compétence du CNEL. Les résultats de ces études et de ces enquêtes sont publiés dès leur obtention.
6. Sont également publiées dans des imprimés appropriés les observations et les suggestions que le CNEL pourrait avoir envoyées sur des projets ou des propositions de loi à l'examen du Sénat. »
II - L'ÉVALUATION RÉTROSPECTIVE
Aucun dispositif spécifique n'a été mis en place pour permettre au Parlement d'évaluer les effets des politiques publiques engagées, mais les assemblées peuvent utiliser la capacité d'expertise de la Cour des comptes.
Ainsi, les règlements des assemblées prévoient que des enquêtes particulières peuvent être effectuées par la Cour des comptes sur des sujets donnés à la demande du Parlement. En pratique, les assemblées utilisent assez régulièrement cette possibilité.
De plus, l'article 7 de la loi 362/1988 a prévu l'obligation pour la Cour de transmettre tous les quatre mois au Parlement un rapport sur la couverture financière des lois dans la période venant de s'écouler et sur les techniques utilisées pour en mesurer les coûts.
Ceci constitue la conséquence logique des liens privilégiés que la Constitution établit entre la Cour et le Parlement. A l'article 100-2, elle énonce en effet : la Cour des comptes « communique directement aux Chambres le résultat des vérifications effectuées. »
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
ROYAUME-UNI
La Commission parlementaire de contrôle des comptes publics,
initialement chargée de l'examen de la régularité des comptes, s'est, au cours des dernières années, essentiellement occupée d'évaluer les politiques publiques. Elle travaille en étroite symbiose avec le National Audit Office, organe indépendant doté d'un personnel nombreux et qualifié, créé en 1983 par la loi sur la vérification des comptes publics.
I - L'ÉVALUATION PROSPECTIVE
La bibliothèque de la Chambre des communes comprend une section dite de « la politique économique et des statistiques » qui réalise des études économiques à la demande des élus. Elle peut également leur fournir le résultat de simulations économiques.
Bien que, depuis plusieurs années, elle enregistre peu de demandes dans ce domaine, elle escompte une relance de cette activité car elle est désormais en mesure de donner des résultats sectoriels ou géographiques. Auparavant, elle ne pouvait donner que des résultats globaux. Toutes les simulations sont réalisées à l'aide de modèles développés par des organismes de recherche extérieurs avec lesquels la Chambre des communes a conclu des conventions.
II - L'ÉVALUATION RÉTROSPECTIVE
La commission parlementaire de contrôle des comptes publics travaille en étroite collaboration avec l'organe équivalent de notre Cour des comptes, le National Audit Office.
1) Les commissions parlementaires chargées du contrôle de l'action gouvernementale
Contrairement aux standing committees, commissions chargées de l'examen des textes législatifs avant leur passage en séance publique, les 41 sélect committees sont compétents pour contrôler l'action du gouvernement. Ils ont tous la possibilité de recruter des experts pour les conseiller.
Parmi les sélect committees, si la plupart ont des attributions qui correspondent exactement à celles des différents départements ministériels, les autres ont des attributions plus ou moins transversales et contrôlent précisément certains aspects de l'action gouvernementale. C'est le cas de la commission de contrôle des comptes publics.
2) La commission de contrôle des comptes publics
Créée en 1861, la commission de contrôle des comptes publics (Public Accounts Committee : PAC) se compose de 15 membres nommés pour la durée d'une législature. Sa composition politique reflète celle de la Chambre des communes, mais elle est traditionnellement présidée par un député expérimenté de l'opposition, souvent par un ancien ministre du Trésor.
Après la commission des immunités, la commission de contrôle des comptes publics est la plus ancienne commission de la Chambre des communes.
La commission, qui ne peut se réunir que les semaines où le Parlement siège, tient ses réunions deux fois par semaine, c'est-à-dire à peu près 45 fois par an. Chacune d'elles dure environ deux heures et demie.
Le règlement de la Chambre des communes a chargé la commission de contrôle des comptes publics de « l'examen des comptes en mettant en évidence l'affectation des crédits votés par le Parlement aux dépenses publiques (...) » et l'a dotée d'un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place.
Au cours des dernières années, la commission de contrôle des comptes publics a essentiellement procédé à des études d'évaluation, vérifiant l'efficacité et la rentabilité de l'administration ainsi que les contrôles que cette dernière exerce sur ses propres dépenses.
Elle publie chaque année une cinquantaine de rapports (63 en 1992-1993, 50 en 1993-1994 : document n° 2) sur les sujets les plus variés (fraude à la T.V.A., administration des prêts aux étudiants, accidents du travail...)
Comme tous les sélect committees, la commission de contrôle des comptes publics peut procéder aux auditions qu'elle estime nécessaire. L'interdiction qu'ont les fonctionnaires de témoigner sur les processus décisionnels internes de l'administration ne s'applique pas devant la commission de contrôle des comptes publics.
La commission dispose d'un personnel réduit : seuls trois fonctionnaires de la Chambre des communes (dont une secrétaire) sont mis à sa disposition. En revanche, elle bénéficie des travaux du National Audit Office (N.A.O.), l'instance supérieure de contrôle du bon emploi des fonds publics, créé par la loi de 1983 sur la vérification des comptes publics (document n° 3). Cette loi se donne d'ailleurs pour objet « le renforcement du contrôle parlementaire et de la surveillance de la dépense publique. »
3) Les relations entre le National Audit Office et la commission de contrôle des comptes publics
Le N.A.O. emploie presque 1 000 personnes, surtout des experts-comptables. Son budget est arrêté par le Parlement. Le N.A.O. est installé à proximité immédiate de la Chambre des communes. Il ne reçoit pas d'instructions de la Chambre des communes. C'est son responsable, le « contrôleur et auditeur général » (Comptroller and Auditor General : C&AG), nommé par la Reine sur proposition de la Chambre des communes et considéré, aux termes de la loi de 1983, comme appartenant au personnel de la Chambre des communes, qui choisit lui-même les sujets de recherche et décide seul du contenu des rapports. Cependant, dans les faits, il se met d'accord avec la commission de contrôle des comptes publics.
Le N.A.O. et la commission travaillent en étroite symbiose, le premier apportant sa capacité d'expertise et la seconde son autorité morale. Le N.A.O. apprécie que ses critiques soient reprises dans les rapports de la commission de contrôle des comptes publics.
Comme l'indiquait un ancien président de la commission : « l'efficacité du C&AG dépend largement du fait que ses rapports sont examinés et suivis par la commission ; l'efficacité de la commission dépend du fait qu'elle dispose de ces rapports comme points de départ. »
En effet, le N.A.O. établit entre 30 et 40 rapports par an sur le coût et le rendement des services publics. Chacun de ces rapports est présenté à la commission qui l'utilise pour auditionner les responsables du ministère ou de l'organisme contrôlé. Les commissaires disposent du rapport publié. De plus, le N.A.O. prépare, pour le président, un résumé du rapport et une liste de questions à poser. Le C&AG, ou son adjoint, assiste à chaque réunion en tant que conseiller technique. L'équipe du N.A.O. qui a rédigé le rapport est également présente pour assister le C&AG.
Le lendemain de la réunion, le C&AG dresse le bilan de la réunion avec l'équipe responsable de l'étude. Ceci permet de définir le contenu du rapport de la commission de contrôle des comptes publics, que le N.A.O. rédige. Ce rapport, qui reprend les principaux points du rapport du N.A.O. en les complétant par les informations données en séance par les représentants de l'administration et contient des recommandations de réforme, est publié 3 à 4 mois après la réunion.
Le gouvernement répond à ces recommandations dans les « notes du Trésor » (treasury minutes) en soulignant les améliorations acceptées ou mises en oeuvre. Lorsque la note conteste les recommandations de la commission de contrôle des comptes publics, celle-ci peut poursuivre ses investigations et réaliser un nouveau rapport. En pratique, ceci arrive rarement. Au contraire, le gouvernement accepte la plupart des recommandations parlementaires. Ainsi, en 1989-1990, le gouvernement a accepté 192 des 200 recommandations, elles-mêmes fondées sur les suggestions faites par le N.A.O. dans une trentaine de rapports.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
SUÈDE
Tous les Parlements nordiques ont leurs réviseurs du budget, chargés du contrôle de l'exécution du budget.
Ces réviseurs s'assurent, au nom du Parlement, non seulement de la régularité, mais également de l'efficacité de la gestion financière du gouvernement.
Le Danemark, la Finlande, l'Islande et la Suède ont opté pour une division du travail entre contrôles administratif et parlementaire ; les principes de répartition entre les deux types de contrôles varient d'ailleurs d'un pays à l'autre. A l'opposé, la Norvège a décidé d'unifier le contrôle des finances et de la placer sous l'autorité des réviseurs.
On a choisi de présenter ici le système suédois car il a paru le plus représentatif du modèle Scandinave.
L'article 7 du chapitre 12 de la Constitution dispose : « Le Riksdag désignera dans son sein six réviseurs chargés de contrôler les activités de l'État et pourra étendre ce contrôle à d'autres activités. Il émettra des instructions à leur attention.
Ces réviseurs pourront, conformément aux dispositions de la loi, requérir les actes, les renseignements et les avis nécessaires à l'exercice de leur contrôle. »
Les réviseurs sont actuellement 14 (avec autant de suppléants). Ils sont désignés proportionnellement à l'importance des groupes politiques.
Dans les faits, ils constituent une agence du Parlement car, bien que conservant formellement leur statut de députés, ils se consacrent entièrement à leur fonction de contrôle.
Les modalités d'exercice de leur contrôle ont été précisées par une loi qui leur donne le droit de surveiller l'ensemble de l'activité des services étatiques, à l'exception du gouvernement et des ministères. En effet, la Constitution distingue les fonctions gouvernementales, qui sont attribuées au gouvernement et aux ministères, des fonctions purement exécutives relevant des agences administratives. Les fonctions gouvernementales sont contrôlées par la commission de la constitution.
Depuis 1987, les réviseurs peuvent aussi étendre leurs investigations aux entreprises publiques ainsi qu'aux sociétés privées et aux particuliers qui bénéficient d'une aide financière de l'État.
A l'origine, les réviseurs examinaient surtout la régularité des comptes. Désormais, ils se livrent à de véritables études d'évaluation puisqu'ils cherchent avant tout à savoir :
- si les autorités exécutent les lois de manière efficace ;
- si les services administratifs ont un rendement satisfaisant ;
- si les moyens financiers alloués sont affectés conformément aux objectifs arrêtés par le Parlement ;
- si les mesures prises par l'administration permettent d'atteindre les buts fixés par les lois votées par le Parlement.
Une loi de 1974 accorde aux réviseurs la possibilité d'accéder sans limites aux documents officiels, d'entreprendre des inspections sur place et de procéder aux auditions qu'ils estiment nécessaires.
Les réviseurs entreprennent des études de grande ampleur qui sont planifiées longtemps à l'avance. Ils ne cherchent pas à donner à leurs travaux un grand retentissement médiatique.
Ils réalisent une dizaine d'études chaque année (document n° 4). Les dernières ont porté sur le système d'assurances sociales, les abris contre les raids aériens, l'inspection dans plusieurs services publics, la criminalité en col blanc, la privatisation de la société Celsius, les mesures de développement régional...
Les réviseurs emploient 20 personnes. Ils peuvent également recourir à des experts extérieurs.
Une commission gouvernementale devrait être prochainement créée pour examiner l'organisation du système de contrôle. Ceci résulte d'une demande du Riksdag, qui par ailleurs a décidé qu'à l'avenir, ses commissions devraient davantage mettre l'accent sur l'évaluation.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
SUISSE
L'évaluation des politiques publiques a fait l'objet de réflexions très approfondies : à l'automne 1987, le Département fédéral de la justice et de la police a institué le groupe de travail interministériel AGEVAL, chargé de proposer les mesures nécessaires pour renforcer l'évaluation prospective et rétrospective des effets de la législation.
Le rapport final de l'AGEVAL (document n° 5), rendu à la fin de l'année 1991 et intitulé « Mieux connaître les effets de l'action étatique », concluait notamment à la nécessité de créer une conférence fédérale de l'évaluation, administrativement rattachée au Département fédéral de la justice et de la police, mais autonome dans l'exercice de ses fonctions. Cette conférence devait coordonner l'ensemble des activités d'évaluation au sein de l'administration, ainsi qu'entre l'administration et le Parlement.
Le gouvernement a pris connaissance du rapport mais, à ce jour, aucune mesure concrète n'a été prise malgré une motion votée par les deux chambres du Parlement demandant au gouvernement de prendre les mesures institutionnelles préconisées par le groupe AGEVAL.
Cependant, il existe plusieurs dispositifs permettant au Parlement d'évaluer les politiques publiques, parmi lesquels l'office parlementaire de contrôle de l'administration.
I - L'ÉVALUATION PROSPECTIVE
Les messages et rapports présentés par le Conseil fédéral constituent le seul élément d'évaluation prospective dont dispose le Parlement.
L'article 43-3 de la loi sur les rapports entre les Conseils prévoit la fourniture obligatoire au Parlement de certains renseignements :
« 1. Pour chaque projet qu'il soumet à l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral expliquera la relation existant avec les grandes lignes de la politique gouvernementale et le plan financier (...)
2. (...)
3. Dans ses messages et ses rapports, il indiquera :
a) Les conséquences financières et les effets sur l'état du personnel qu'aura pour la Confédération l'application des règles et mesures proposées, en particulier la manière dont les frais seront couverts et l'influence qu'ils exerceront sur la planification financière ;
b) Les frais qui s'ensuivront pour les cantons et les communes ;
c) Les conséquences qui en résulteront pour l'économie ;
d) Dans la mesure du possible, la relation entre l'utilité des règles et mesures proposées, et les frais causés pour leur application ; (...) »
L'information ainsi fournie concerne donc les charges financières nouvelles et les effets prévisibles sur l'économie.
Les exigences posées par la loi ont été précisées en 1988 par le « schéma pour l'établissement de messages du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale » (document n° 6) : non seulement les différents points de l'article 43-3 de la loi sur les rapports entre les conseils font l'objet d'un commentaire détaillé mais il est également précisé que, indépendamment des conséquences financières et des effets en matière de personnel, les messages doivent « mentionner brièvement, dans un chapitre spécial, d'autres effets que pourrait avoir un projet, à moins que ce point n 'ait déjà été traité auparavant dans le message. Dans la partie générale de celui-ci, il est de règle de préciser les effets souhaités, c'est-à-dire les objectifs que les mesures proposées visent ou les résultats qu'elles cherchent à obtenir. On peut en tout cas s'y référer. Cependant, il faudrait également souligner les effets accessoires éventuels (souhaités ou non souhaités, dans le domaine voulu ou hors de celui-ci), ainsi que les conséquences lointaines des mesures.
Il convient notamment de préciser les effets qui paraissent importants sur les plans sociologique, social, économique et écologique, ainsi que du point de vue de l'aménagement du territoire et de la politique régionale. Il s'agit aussi de mentionner les conséquences importantes pour les relations internationales entretenues par la Suisse. Sur le plan économique, les répercussions peuvent être importantes pour la situation des entreprises, surtout petites et moyennes.
Il faut de plus indiquer les bases sur lesquelles s'appuient les déclarations concernant les effets probables des mesures (expérience de l'administration, audition d'experts, enquêtes fondées sur des méthodes scientifiques, etc...). »
Dans les faits, on reproche l'absence de rigueur de l'évaluation fédérale : l'AGEVAL qui, pendant sa mission, a analysé plusieurs messages du Conseil fédéral a conclu que les exigences sont respectées formellement, mais beaucoup moins en ce qui concerne leur contenu.
En outre, l'obligation d'évaluation ne vaut que pour les projets de lois et d'arrêtés fédéraux. Elle ne concerne pas les projets normatifs de rang inférieur parmi lesquels les ordonnances, qu'il s'agisse des ordonnances d'exécution ou des ordonnances prises en vertu d'une délégation législative.
II - L'ÉVALUATION RÉTROSPECTIVE
Elle est réalisée par l'organe parlementaire de contrôle de l'administration (O.P.C.A.) créé par la loi fédérale du 22 juin 1990, en vigueur depuis le 1er octobre 1990, et qui a modifié la loi sur les rapports entre les conseils (document n° 7).
L'O.P.C.A. a été créé à la suite d'une initiative des commissions de gestion des deux assemblées. Elles avaient d'ailleurs envisagé la constitution d'un organe commun au Parlement et au Conseil fédéral, mais le gouvernement a estimé, dans l'avis qu'il a rendu sur l'initiative parlementaire, que la distinction des fonctions exécutives et législatives s'opposait à la création d'un organe commun.
Aux termes de la loi, l'organe parlementaire de contrôle de l'administration est un auxiliaire des commissions de gestion ( ( * )5) des deux chambres, elles-mêmes chargées « d'examiner les rapports de gestion du Conseil fédéral, des entreprises et établissements de la Confédération et des tribunaux fédéraux, ainsi que d'examiner et de surveiller l'activité de l'administration fédérale et des organes judiciaires ».
L'O.P.C.A. « examine, sur mandat particulier des commissions de gestion, les tâches de l'administration, leur accomplissement et les effets découlant de l'activité des autorités et de l'administration. Ce contrôle s'exerce selon les critères de la légalité, de l'opportunité, du rendement et de l'efficacité. »
Le terme choisi « mandat particulier » exclut toute autorisation générale de procéder à des contrôles. L'O.P.C.A. travaille donc dans le cadre d'un programme annuel approuvé ou sur demandes particulières.
L'O.P.C.A. décrit ainsi lui-même ses attributions : « réaliser des évaluations au sujet :
- des interactions entre le Parlement et le Gouvernement, y compris son administration,
- de la mise en oeuvre de programmes administratifs,
- du rendement et de l'efficacité de l'organisation, ainsi que des moyens engagés,
- des effets des activités étatiques sur la société. »
L'O.P.C.A. a les mêmes pouvoirs de contrôle que les commissions de gestion et peut donc exiger la remise des documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Opérationnel depuis le milieu de l'année 1991, l'O.P.C.A. est administrativement rattaché au secrétariat des commissions de gestion. Il emploie 5 personnes. Il dispose d'un budget annuel variant entre 200.000 CHF ( ( * )6) et 300.000 CHF.
L'O.P.C.A. peut recourir à des experts externes. Différents modes de collaboration sont possibles, depuis la simple consultation orale jusqu'à l'élaboration complète d'une expertise qui constitue la base du jugement de l'O.P.C.A.
L'O.P.C.A. établit des rapports « scientifiques » destinés aux commissions de gestion. Ces dernières adressent ensuite des rapports politiques au Conseil fédéral.
Depuis sa création, l'O.P.C.A. a publié 3 rapports :
- sur les mesures transversales susceptibles d'améliorer l'efficacité de l'administration fédérale en octobre 1993,
- sur l'évaluation de la coordination des politiques de la Confédération ayant des effets régionaux en mars 1994,
- sur l'évaluation de la réglementation extra-parlementaire en matière de prévoyance professionnelle (document n° ) en octobre 1994.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
ÉTATS-UNIS
Le Congrès des États-Unis dispose de plusieurs agences dotées de moyens techniques très développés et d'un personnel extrêmement qualifié.
Parmi elles, deux jouent un rôle particulièrement important en matière d'évaluation des politiques publiques :
- le General Accounting Office, créé en 1921 et chargé, à l'image de la Cour des comptes française, de vérifier les comptes ;
- le Congressional Budget Office (document n° 8), créé en 1974 dans le but d'analyser le coût des choix politiques effectués par le Congrès.
Il n'a pas été possible de distinguer, comme pour les autres pays, l'évaluation prospective de l'évaluation rétrospective compte tenu des attributions des deux agences. En effet, si le General Accounting Office intervient essentiellement en matière d'évaluation rétrospective, le Congressional Budget Office intervient aussi bien avant qu'après la prise de décision par le Congrès.
I - LE GENERAL ACCOUNTING OFFICE
Créé en 1921 par le Budget and Accounting Act, loi destinée à accroître les pouvoirs budgétaires du Président des États-Unis, notamment par la création du Bureau du budget, devenu en 1970 Office of Management and Budget, le General Accounting Office (G.A.O.) constituait à l'origine un moyen de contrebalancer les pouvoirs accrus de l'exécutif.
Le General Accounting Office est un organe indépendant, dirigé par le « contrôleur général » (Comptroller general) des États-Unis qui est nommé pour 15 ans par le Président des États-Unis. La liste des candidats au poste est établie par le Congrès et le Sénat doit confirmer la nomination. Le personnel du General Accounting Office est recruté uniquement sur la base de ses compétences professionnelles. Sa gestion est assurée par le General Accounting Office lui-même, indépendamment de l'exécutif.
Jusqu'au milieu des années 40, le General Accounting Office s'est essentiellement occupé de vérifier la régularité des comptes en examinant les pièces comptables.
La charge de travail croissante a incité le General Accounting Office à modifier ses méthodes de travail à partir du début des années 50. Il met désormais l'accent sur les études d'évaluation, s'efforçant de confronter le coût des programmes fédéraux à leur qualité et à leur efficacité et de répondre aux questions suivantes :
- les programmes du gouvernement sont-ils réalisés en application des lois et des règlements ? Les données fournies au Congrès à propos de ces programmes sont-elles exactes ?
- est-il possible de supprimer les gaspillages ?
- les fonds publics sont-ils dépensés en toute légalité et leur comptabilité est-elle exacte ?
- les programmes correspondent-ils aux objectifs qui leur ont été assignés ?
- peut-on les réaliser à des coûts moindres ?
Pour cela, il dispose d'un personnel nombreux et qualifié : environ 5 000 personnes spécialisées dans différents domaines (comptabilité, droit, économie, gestion, informatique ...)
Le General Accounting Office peut également faire appel à des experts extérieurs en cas de besoin.
Les deux tiers du personnel du General Accounting Office travaillent à Washington et les autres sur tout le territoire des États-Unis, dans des bureaux régionaux et dans des bureaux installés dans certaines administrations, ainsi qu'à l'étranger.
Tous les domaines d'activité de l'administration fédérale sont susceptibles de faire l'objet d'études du General Accounting Office. Toutes les pièces dont dispose l'administration doivent être fournies à ses enquêteurs sur demande. Font exception les activités de la C.I.A. et certaines fonctions du FED.
Le General Accounting Office est organisé en secteurs de recherche (issue areas), au nombre d'une trentaine, spécialisés par thème (transports, éducation, santé publique...). Chaque secteur établit un plan de travail annuel qui est régulièrement mis à jour en fonction des besoins du Congrès.
Les secteurs sont eux-mêmes regroupés en sept divisions.
Les rapports du General Accounting Office, environ 1 000 chaque année, sont le plus souvent rendus publics et sont en général adressés au Congrès. Ils peuvent contenir des recommandations destinées aux agences de l'exécutif. Ces dernières doivent répondre devant le Congrès. Dans les faits, plus des trois quarts des recommandations sont mises en oeuvre dans un délai de moins de 4 ans.
En outre, le General Accounting Office est amené à témoigner plusieurs centaines de fois par an devant les commissions du Congrès.
II - LE CONGRESSIONAL BUDGET OFFICE
Le Congressional Budget Office (C.B.O.) est né, en 1974, de l'établissement de la nouvelle procédure budgétaire qui a permis de rendre plus effectif le pouvoir budgétaire du Congrès. Sa création a coïncidé avec celle des commissions du budget de chaque assemblée.
Le Congressionnal Budget Office est présidé par un directeur nommé pour 4 ans conjointement par les présidents des deux assemblées sur proposition des présidents des commissions du budget des deux assemblées. Il peut être démis de ses fonctions par résolution de l'une ou l'autre des assemblées. Le directeur nomme un directeur-adjoint chargé de l'assister et de le suppléer. Le personnel du Congressionnal Budget Office, recruté librement par le directeur a le même statut que les employés de la Chambre des Représentants. Le Congressionnal Budget Office emploie actuellement plus de 200 personnes.
Le Congressionnal Budget Office permet en effet au Congrès de vérifier les évaluations économiques et budgétaires présentées par le gouvernement et d'adopter toutes les décisions influant sur le budget, en connaissance de cause.
Progressivement, le Congressionnal Budget Office s'est par ailleurs orienté vers un véritable contrôle de l'évolution des dépenses publiques.
Parmi ses activités figurent notamment :
- la réalisation, deux fois par an, de prévisions économiques et d'analyse des tendances de l'économie et des différentes politiques fiscales envisageables ;
- la vérification de l'adéquation entre les décisions budgétaires du Congrès et les objectifs budgétaires déjà fixés par résolution ;
- l'estimation sur cinq ans du coût budgétaire des dispositions de chaque proposition de loi ou proposition de résolution transmise aux commissions ;
- l'évaluation sur cinq ans de l'évolution des recettes et dépenses fédérales à législation et politique constantes ;
- l'élaboration d'un rapport annuel sur les différentes options budgétaires prioritaires ;
- l'assistance aux commissions, et en priorité à celles du budget, et la réalisation d'études à leur demande ;
- l'évaluation des politiques publiques affectant le budget fédéral.
Le Congressionnal Budget Office comprend six sections principales :
- analyses budgétaires,
- analyses macro-économiques,
- analyses fiscales,
- ressources nationales et commerciales,
- ressources humaines et santé,
- sécurité nationale et affaires internationales.
Dans le cadre des missions de l'Office, le directeur peut s'assurer les services d'experts ou de consultants pour une durée maximale d'un an et requérir tous documents des différents ministères, agences ou établissements gouvernementaux ou d'autres agences du Congrès, et notamment du General Accounting Office.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT LISTE DES TEXTES ANALYSES
Document n°1 Italie - Loi n° 362/1988 sur le budget et la comptabilité de l'État (langue originale)
Document n° 2 Royaume-Uni - Liste des rapports publiés par la
Commission des comptes publics de la Chambre des communes en 1992-93 et en 1993-94 (langue originale)
Document n° 3 Royaume-Uni - National Audit Act de 1983 (langue originale)
Document n° 4 Suède - Liste des études réalisées par les réviseurs
du budget au cours des 4 dernières années (langue anglaise)
Document n° 5 Suisse - Rapport final de l'AGEVAL : « Mieux connaître les effets de l'action étatique »
Document n° 6 Suisse - Schéma pour l'établissement de messages du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale
Document n° 7 Suisse - Articles 43 et 47 ter à 47 septies de la loi sur les rapports entre les conseils
Document n° 8 Suisse - Rapport de l'organe parlementaire de contrôle de l'administration sur l'évaluation de la législation extra-parlementaire en matière de prévoyance professionnelle
Document n° 9 États-Unis - Articles du code des États-Unis relatifs au Congressional Budget Office (langue originale)
ANNEXE II - COMMISSIONS DE CONTRÔLE OU D'ENQUÊTE CONSTITUÉES AU SÉNAT DEPUIS 1981
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ANNEXE III - MISSIONS COMMUNES D'INFORMATION CRÉÉES AU SÉNAT DEPUIS 1983
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ANNEXE IV - RAPPORTS D'INFORMATION DÉPOSÉS ET PUBLIÉS PAR LES COMMISSIONS PERMANENTES DU SÉNAT DEPUIS 1991
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ANNEXE V - RÉCAPITULATIF DES ÉTUDES RÉALISÉES PAR LA DIVISION DES ÉTUDES MACROÉCONOMIQUES
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ANNEXE VI - RAPPORTS PUBLIÉS PAR L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DEPUIS 1985
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* (2) Contributions rassemblées par MM. Alain Delcamp, Jean-Louis Bergelt et Alain Dupas, préface de M. René Monory, président du Sénat - La Documentation française, 1995.
* (3) Les alinéas précédents traitent du budget et de la loi de règlement.
* (4) Conseil national de l'Economie et du Travail, le CNEL est un organe consultatif comparable au Conseil économique et social français. Il a été institué par l'article 88 de la Constitution.+
* (5) Les commissions de gestion font partie des commissions de contrôle. II existe par ailleurs des commissions législatives pour l'examen des projets de textes législatifs.
* (6) Actuellement, un franc suisse vaut environ 4,20 FRF.