CHAPITRE IV

LE LOGEMENT LOCATIF : UN RECENTRAGE SUR LA MISSION SOCIALE

Le budget du ministère du logement intervient dans le logement locatif de deux manières : en subventionnant la construction et la réhabilitation du parc social, et en aidant la réhabilitation du parc privé grâce aux crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

Avec des crédits en baisse aussi bien pour le parc public que pour le parc privé, l'investissement dans le logement locatif n'est clairement pas une priorité du gouvernement. Celui-ci cherche à réorienter le logement locatif vers une mission sociale, en favorisant la construction de logements très sociaux et la mobilité du parc.

I. LE LOGEMENT SOCIAL

Le logement social est essentiellement de la compétence des organismes d'habitation à loyer modéré (HLM). L'État subventionne la construction par le prêt locatif aidé (PLA) et la réhabilitation par les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et social (PALULOS). Ces deux types de financement sont regroupés en un seul article budgétaire, dénommé "ligne fongible".

A. LA LIGNE FONGIBLE PLA-PALULOS

Après avoir atteint un niveau inégalé en 1993, la ligne fongible PLA-PALULOS est sur le déclin, en restant pour 1996 au même niveau qu'en 1995, avec des crédits disponibles inférieurs (du fait de l'ouverture réalisée en loi de finances rectificative de l'été 1995).

Au sein de cette tendance générale, deux sous-tendances se dessinent :

- la construction a la préférence sur la réhabilitation dans la répartition de l'enveloppe ;

- parmi les PLA, les PLA très sociaux sont les plus dynamiques.

1. L'évolution récente de la consommation de la ligne

Le tableau suivant donne l'évolution récente du financement PLA

Nombre de PLA financés par type d'opération

Bien que ce chiffre ait été fréquemment cité, le niveau de 100.000 PLA financés n'a en fait jamais été atteint. Les 92.868 logements financés en 1993 n'en constituent pas moins un record remarquable.

La PALULOS a évolué selon le tableau suivant :

Le niveau élevé de la consommation des crédits PALULOS de 1990 à 1994 a correspondu à l'objectif de réhabilitation d'1 million de logements en 5 ans (90-94) décidé par le Président de la République François Mitterrand lors du 50ème congrès HLM de juin 1989.

Malgré l'option prise en faveur des PLA, les besoins à satisfaire à partir de 1995 en matière de réhabilitation du parc locatif social sont estimés à 600.000 logements, dont 250.000 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

C'est sur cette base que la convention signée le 17 janvier 1995 entre le Gouvernement et l'Union Nationale des Fédérations d'Organismes d'HLM (UNFOHLM) a retenu un programme de réhabilitation du parc locatif social, portant sur 600.000 logements.

Ce programme doit être réalisé sur cinq ans (1995-1999), soit un rythme annuel de 120.000 logements réhabilités.

Répartition des crédits entre PLA et PALULOS

En 1993, la part relative des crédits PALULOS a été de 41,8 % et en 1994 de 36 % (à comparer aux 45 % des années 1991-1992).

En 1995, les orientations de la politique du logement ont accordé une priorité au développement de l'offre locative sociale notamment en milieu rural, ce qui se traduit par un maintien à un niveau élevé de la part relative des PLA dans la ligne fongible, sans doute au-delà de 60 %.

Malgré une incrédulité assez répandue, une progression sensible des PLA-très sociaux au sein de la ligne PLA a été permise par la mobilisation des acteurs concernés : préfets, collectivités locales et organismes HLM. Votre rapporteur se félicite de cet effort remarquable.

PLAI : PLA d'insertion

PLATS : PLA très social

L'année 1995 devrait confirmer ces tendances : déclin général, priorité aux PLA et parmi eux aux PLA-T.S.

Consommation des crédits au 30 août 1995

2. L'évolution des conditions de financement : le livret A

Les PLA sont adossés sur le livret A des caisses d'épargne 1 ( * )

Après avoir connu une grave décollecte au début des années 1990, alors que le programme de logements sociaux était très ambitieux, la situation du livret A s'est améliorée en 1994. L'année 1995 pourrait s'achever sur une nouvelle décollecte. Globalement cependant, les conditions de financement des PLA par le livret A sont beaucoup moins tendues, d'une part parce que le programme de logements sociaux se réduit, d'autre part parce que la réorientation de la fiscalité de l'épargne à partir de 1996 devrait favoriser à nouveau le livret A.

Variation des encours de dépôts centralisés à la Caisse des dépôts et consignations

(1) Caisses d'épargne écureuil

(2) Caisse nationale d'épargne (La Poste)

Sur un an glissant au 30 juin 1995, la décollecte s'établit globalement à 8,3 milliards de francs.

Ce retour à une décollecte sur le livret A provient du niveau élevé des taux à court terme sur le semestre et du fort développement des comptes à terme dans les Caisses d'Epargne, qui ont bénéficié en 1995 d'une fiscalité plus favorable.

Le présent projet de loi de finances revient dès 1996 sur cette situation, en supprimant notamment l'abattement de 8.000 F/16.000 F sur les revenus de ce type de compte.

3. Les enveloppes prévues pour 1996

Les crédits du logement social pour 1996 poursuivent la tendance observable dès 1994. Le programme physique réalisable est probablement surestimé.

Le montant de subvention par PLA-TS s'est révélé beaucoup plus cher que le montant théorique (+ 40 % pour 43.000 F prévus) 1 ( * ) . Il en a été de même, à un moindre degré, pour les PLA (+ 13 % pour 49.000 F prévus) 2 ( * ) et les PALULOS (+ 7 %).

Dès lors, avec 5,5 milliards de francs d'autorisations de programme et la priorité affichée en faveur du PLA-TS, il est peu probable que le programme physique de 60.000 PLA ordinaires et 120.000 PALULOS puisse être tenu.

Les estimations de l'Union des HLM

B. LES RÉFORMES RÉCENTES ET À VENIR

Les réformes en cours et à venir concernant le parc locatif social s'inscrivent dans la même cohérence à deux volets que le budget :

- un accroissement de l'autonomie financière des organismes ;

- un recentrage sur les missions sociales.

La tentative de prélèvement des produits de trésorerie ne pouvait s'incrire dans cette cohérence. Fort heureusement, le gouvernement y a renoncé sous la pression de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Trois réformes importantes sont à l'ordre du jour : celle des attributions, celle de la vente des logements et enfin la systématisation des surloyers. Votre rapporteur ne s'intéressera cette année qu'aux deux dernières. La première, mise en oeuvre par la circulaire du 26 avril 1994 à la suite du rapport ERIGNAC , connaît une application significative, mais fait l'objet de réflexions complémentaires de la part de l'actuel gouvernement.

1. La vente de logements HLM

Le protocole signé le 20 avril 1994 entre le ministre du logement et l'Union des HLM a pour objectif de favoriser un développement soutenu de la vente des logements HLM à leurs occupants. Parallèlement, la loi du 21 juillet 1994 relative à l'habitat a modifié l'article L.443-7 du code de la construction et de l'habitation de façon à ce que tout organisme d'HLM soit désormais appelé à définir sa politique de vente par une délibération annuelle obligatoire de son conseil d'administration.

Les résultats connus pour 1994, ne sont pas encore spectaculaires. Il conviendra de les observer attentivement pour 1995, première année pleine de mise en oeuvre.

Résultats de l'enquête sur la vente de logements HLM

La modicité des prix de cession permet de penser que les ventes de logements HLM sont une modalité utile d'accession sociale.

2. La systématisation du surloyer

Votre rapporteur avait fait sienne une suggestion de la Cour des comptes tendant à la systématisation du surloyer lors du débat sur le budget de 1995 1 ( * ) , à dire vrai sans trop croire qu'une application serait mise en oeuvre. C'est donc avec une satisfaction inespérée qu'il salue le courage du ministre du logement sur ce dossier.

Le Premier ministre a ainsi déposé le 31 octobre un projet de loi relatif 2 ( * ) au supplément de loyer de solidarité sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Ce projet de loi, s'il est adopté, rendrait obligatoire le surloyer dans les logements sociaux, à l'exception de ceux situés dans les zones urbaines sensibles définies en application de la loi d'orientation sur la ville.

Il aura été précédé par le présent projet de loi de finances, qui institue une taxe sur les logements occupés par des locataires dépassant les plafonds de ressources de plus de 40 %. Cette taxe devrait coûter 525 millions de francs aux bailleurs sociaux en 1996.

Ces mesures sont excellentes, car la liberté laissée aux organismes a conduit à une pratique inéquitable du surloyer, et a contribué à l'engorgement du parc social.

En 1994, la Cour des Comptes évaluait à 300.000 (sur 900.000) le nombre de ménages dépassant les plafonds assujettis à un surloyer. Selon le ministère du logement, 50 % des organismes HLM utilisent le surloyer en France. Cette proportion est de 75 % en Île-de-France.

Le surloyer moyen est actuellement très modique : 150 francs par mois. La recette globale des surloyers, 400 millions de francs, est à rapprocher du montant total des recettes locatives des HLM (environ 58 milliards de francs, soit 0,7 %). Cette proportion serait elle-même à mettre en relation avec le pourcentage moyen de ressources des ménages situé au-dessus des plafonds. À défaut de cette comparaison, qui serait la plus rigoureuse, on peut rapprocher ces 0,7 % de rentrées locatives des 22,6 % de ménages qui excèdent les plafonds de ressources. On voit donc que le surloyer, disparate, minoritaire, n'est de surcroît pas proportionnel à l'excédent de ressources des ménages.

Proportion de locataires excédant les plafonds de ressources (P)

Si l'on retient, comme la Cour des Comptes, qu'un tiers des ménages acquitte un surloyer, le surloyer moyen par ménage qui l'acquitte est de 1.560 francs par an. Réparti sur l'ensemble des ménages excédant les plafonds de ressources, il n'est plus que de 520 francs par an.

L'enquête-logement de 1992 a mis en évidence un blocage dramatique du parcours résidentiel des ménages, qui n'est pas étranger à l'accroissement des besoins en logements sociaux. Il serait inexact d'attribuer ce blocage à la suppression de l'obligation des surloyers par la loi de 1986. Mais celle-ci s'est révélée être un facteur aggravant dans les circonstances de la fin des années 1980.

La cause fondamentale de ce blocage est le recul de l'accession à la propriété. Entre 1984 et 1988, 368.000 locataires HLM avaient accédé à la propriété. Ils n'étaient plus que 210.000 (- 43 %) entre 1988 et 1992. Par contrecoup, les HLM ont accueilli 86.000 ménages de moins dans cette période que dans la période précédente, avec un taux de renouvellement dérisoire de 4,1 % des logements.

Certes, la diminution drastique du nombre de prêts aidés à l'accession à la propriété (PAP) dans cette période a eu un effet désastreux : 146.000 locataires HLM avaient accédé grâce au PAP entre 1984 et 1988, ils n'étaient plus que 52.000 de 1988 à 1992. Mais cette chute s'est accompagnée de la forte hausse des prix réels de vente, observable entre 1985 et 1990, rendant très difficile une opération d'accession pour les ménages modestes et moyens, compte tenu de taux d'intérêt réels égaux à 6 %.

L'avantage relatif dont bénéficient les locataires de logements sociaux par rapport au marché s'est accru considérablement de ce fait, tant vis-à-vis des prix d'achat de logements que vis-à-vis -dans une moindre mesure- des loyers 1 ( * ) . C'est à ce stade que l'absence de surloyer a joué un rôle aggravant : les ménages aisés vivant en HLM bénéficient d'une rente de situation fortement accrue par défaut. Même s'ils peuvent accéder ou louer dans le secteur libre, ils n'y ont aucun intérêt, d'autant que les progrès en construction et réhabilitation des logements sociaux ont rendu leur attrait proche de celui des logements du secteur libre.

On comprend dès lors pourquoi le surloyer peut contribuer à dégeler au moins partiellement la situation. Les 231.000 ménages concernés, tout en n'étant pas obligés de quitter les lieux, y seront incités, car leur pouvoir d'achat en logements est augmenté grâce au prêt sans intérêt, tandis que leur taux d'effort locatif sera également augmenté.

Il est bien entendu difficile d'apprécier l'impact probable de ce dispositif d'autant que les bailleurs sociaux tenteront - légitimement de leur point de vue - de le limiter. De plus, le surloyer ne permettra pas -cela n'aurait pas été souhaitable- de rapprocher très sensiblement le niveau des loyers HLM les plus élevés à celui des loyers du marché, ni a fortiori de celui des prix d'achat.

* 1 684,2 milliards de francs d'encours le 30 septembre 1995.

* 1 On peut d'ailleurs observer que l'objectif de 20.000 PLATS pour 1995 pourra difficilement être atteint avec les 1.282 millions de francs disponibles. Seuls 18.160 seraient réalisables au coût unitaire constaté en 1994.

* 2 À partir du 1er juillet 1996, la subvention associée à chaque PLA sera calculée en fonction de la surface utile (surface habitable + 1/2 surface des autres parties privatives) et non plus de la surface corrigée. Son taux sera de 12 % du prix de l'opération (et non plus 12,7 %).

* 1 Rapport général n° 79 (1994-1995) Jean Arthuis - Tome III - Annexe 32 - Henri Collard page 60

* 2 projet de loi n° 2.319 - Assemblée nationale - Xe législature

* 1 Par exemple, le loyer mensuel moyen à Paris pour une nouvelle location est couramment de 90 francs par mètre carré, alors que le plafond PLA est de 35 francs par mètre carré.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page