CHAPITRE III LES AIDES À LA PROPRIÉTÉ

La propriété de la résidence principale n'est pas toujours et partout le statut d'occupation le plus adéquat. La situation financière des ménages, la conjoncture économique générale, peuvent dans de nombreux cas rendre la location préférable. L'accession à la propriété n'en demeure pas moins en permanence l'objectif de la plupart des Français. C'est également un levier économique extrêmement puissant, chaque accession générant une création de richesse beaucoup plus grande que la location.

Aussi l'actuel ministre du logement a-t-il décidé de poursuivre la politique du précédent, et de faire de l'accession à la propriété sa priorité.

Les aides de l'État ne se cantonnement cependant pas à cet aspect, et concernent aussi la réhabilitation des logements des propriétaires occupants.

I. L'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ : UNE PROFONDE RÉFORME DE MOYENS

La réforme du financement de l'accession à la propriété est profonde : elle revient sur un des aspects importants de la réforme du financement du logement de 1977, en substituant au prêt d'accession à la propriété (le PAP) 1 ( * ) une nouvelle avance à taux nul. Mais pour importante qu'elle soit, cette réforme ne remet pas en cause les objectifs. Elle perfectionne simplement les moyens en recourant au principe de la bonification --tout comme le PAP-- et aussi à un système original de sécurisation de l'accédant.

A. PRÉSENTATION DE LA RÉFORME

Elle comprend deux volets : une réforme du financement de l'accession, un système de sécurisation des accédants.

1. La nouvelle avance sans intérêt 2 ( * ) : un pari réussi

En créant l'avance sans intérêt, le ministre du logement a réussi une véritable gageure. L'idée de ce prêt a été rendue publique au mois de mars 1995, dans un livre-manifeste 3 ( * ) . Le prêt était opérationnel sept mois plus tard, avec des modalités très proches de ce que M. Pierre-André Périssol avait initialement imaginées.

Cette avance est très simplifiée par rapport au PAP, avec un nombre de paramètres réduits, et on verra que cette simplification, qui touche aussi les modalités de financement, favorise une plus grande équité et une plus grande efficacité.

On peut distinguer trois ordres de paramètres : des paramètres de prix, des paramètres de ressources, et enfin des conditions de distribution.

S'agissant des paramètres de prix, on doit d'abord remarquer que l'avance à taux nul ne peut financer des opérations dont le coût global (achat + éventuellement travaux) excède des plafonds définis par zone géographique (2) et par situations familiales (6).

Prix maximaux d'opérations fixés en application de l'article R.317-8 du code de la construction et de l'habitation

Bien que l'avance soit généralement considérée comme s'appliquant au logement neuf, elle peut en réalité bénéficier aussi au logement ancien, mais avec des conditions de travaux identiques à celles du PAP : 35 % minimum du coût de l'opération (53,8 % du montant de l'acquisition). Cette condition est souvent considérée comme trop draconienne : elle ne dévie pas de la logique du PAP, et pourrait toucher 17 % des opérations réalisées en année pleine.

En termes de coût, l'avance est plafonnée à 20 % du montant total de l'opération et à 50 % du montant total des prêts servant à la financer.

En ce qui concerne les paramètres de ressources, il est conforme à la vocation sociale de la nouvelle avance de ne pouvoir être accordée que sous un plafond. Par rapport au PAP, celui-ci est sensiblement relevé : de trois SMICs en moyenne à quatre SMICs et demi.

De façon plus originale, le niveau des ressources est pris en compte dans le rythme de remboursement de l'avance et par voie de conséquence dans le taux d'effort du ménage et dans le niveau d''équivalent-subvention par prêt.

La grande supériorité de la nouvelle avance sur le PAP réside dans cette innovation : l'aide de l'État est d'autant plus élevée que les ressources du ménage sont plus faibles.

Le mode de calcul de la durée du prêt est plus complexe que celui des autres paramètres, mais c'est lui qui confère à l'avance sa finesse dans l'adaptation au niveau des ressources du ménage.

Le remboursement de l'avance comporte, en fonction de ces ressources, deux périodes :

- une période 1 qui correspond à l'amortissement des sommes qui ne font pas l'objet d'un différé ;

- une période 2 réservée aux ménages les plus modestes, et qui correspond à l'amortissement de la fraction différée

Il est important de bien comprendre deux éléments :

ï Les niveaux de ressources pris en considération sont ceux de l'avant dernière année précédant celle de l'offre de prêt (dernier avis d'imposition connu), sans révision de ces niveaux au cours de la vie du prêt ;

ï la période 1 qui détermine la durée de base de remboursement en fonction de ces niveaux de ressources, est variable. Elle est révisée trimestriellement de façon à ce que la subvention versée par l'État soit constante. Comme cette subvention est une bonification d'intérêt majorée d'une marge, la période 1 sera d'autant plus longue que les taux des emprunts d'État à moyen et long terme seront plus bas (moyenne des maturités 5 et 15 ans).

Ce paramètre fondamental, qui détermine le taux d'effort des ménages, est donc susceptible de varier, éventuellement de façon importante. Cette souplesse a pour objectif de limiter la sensibilité du coût budgétaire aux variations de taux d'intérêt.

Enfin, s'agissant des conditions de distribution, une innovation importante est réalisée : la nouvelle avance sera distribuée par l'ensemble du système de crédit. Il est ainsi mis fin à l'oligopole de distribution des PAP (Crédit foncier de France, Crédit immobilier de France, Comptoir des entrepreneurs), dénoncé depuis longtemps par le monde bancaire qui avait demandé la généralisation de cette distribution.

La nouvelle avance devient ainsi concurrentielle, à la satisfaction des établissements de crédit. Cette concurrence sera pure et parfaite, en ce sens que l'avance, non contingentée, ne pourra faire l'objet de différenciation entre les différents établissements.

Votre rapporteur se félicite de ce mode de distribution qui, avec l'absence de contingentement, donnera sa pleine efficacité à l'avance alors que le PAP faisait l'objet d'une gestion de pénurie. Il met cependant en garde le gouvernement contre une éventuelle confusion d'objectifs : l'avance sans intérêt doit servir la politique du logement avant d'être un élément de réforme de la réglementation du crédit. Si ce dernier objectif devait prendre le pas sur le premier, alors la nouvelle avance serait -après le PAP- à son tour menacée, les services financiers de l'État n'ayant jamais montré une prédilection particulière pour les prêts bonifiés.

Les établissements souhaitant distribuer l'avance devront signer une convention avec l'État, qui prévoira notamment la marge (de 1,4 % actuellement) dont ils bénéficieront. Aux termes de cette convention, les établissements sont rendus responsables de l'aide de l'État si les conditions réglementaires n'étaient pas respectées par l'accédant. Cependant, il n'apparaît pas clairement que les établissements devront rembourser la subvention si celle-ci devait être perdue, ce qui est une omission fâcheuse dans la situation actuelle de nos finances publiques. On peut cependant faire l'hypothèse que les établissements adopteront des critères de prudence rigoureux.

2. La sécurisation du prêt d'accession sociale (PAS)

Deuxième volet de la réforme, aussi important que le premier et plus original, le dispositif de sécurisation du PAS est moins connu du grand public car il n'est pas encore opérationnel.

Actuellement, le PAS est un prêt conventionné (PC) distribué sous conditions le ressources. Son taux plafond est de 60 points de base inférieur à celui du PC et il fait l'objet en contrepartie d'une garantie partielle de l'État, via le fonds de garantie de l'accession sociale (FGAS), qui bénéficie au créancier.

Taux plafonds des P.A.S. au 1er mars 1995

PLAFONDS DE RESSOURCES ANNUELLES IMPOSABLES (arrêté du 21 décembre 1993)

(en francs)

Après avoir connu une montée en charge lente parce que les établissements de crédit ne le jugeaient pas suffisamment rentable, le PAS, utilisable dans le neuf comme dans l'ancien, connaît aujourd'hui un régime de croisière satisfaisant, qui est à mettre au crédit du précédent ministre du logement.

Le rythme mensuel moyen de distribution des PAS s'élevait en 1993 à 1.750. En 1994, il a quasiment doublé, passant à 3.310 : après une lente montée au printemps et un pic en été (plus de 4.000 prêts par mois en juillet, août et septembre), le léger reflux constaté en fin d'année semble se poursuivre au premier semestre 1995 (2.794 prêts distribués mensuellement en moyenne).

L'actuel ministre du logement veut parfaire le mécanisme en doublant la garantie du créancier d'un mécanisme de sécurisation du débiteur, en cas de chômage, permettant de faire du PAS un véritable prêt d'accession sécurisé.

Ce mécanisme, qui sera au point prochainement, comporte deux séquences :

- à partir du dixième mois de chômage, la mensualité du PAS de l'accédant sera réduite d'un tiers, de façon à la rendre comparable à un loyer, pendant une période de 15 mois ;

- à partir du vingt-sixième mois de chômage, l'accédant bénéficiera d'un relogement prioritaire dans le parc HLM.

Bien que simple en apparence, ce dispositif est très complexe à mettre en oeuvre. C'est pourquoi il est plus long à élaborer que l'avance à taux nul.

B. LE FINANCEMENT

la réforme de l'accession sociale à la propriété se double d'une restructuration profonde de l'effort de l'État en faveur du logement : le financement de la réforme doit se faire en principe à coût constant, notamment par reconversion de dépenses fiscales en dépenses budgétaires. Il y a là un effort louable de simplification, de clarification et de maîtrise des finances publiques. Cependant, il n'est pas certain que le coût annuel global après réforme soit inférieur à ce qu'il était avant.

1. Le financement de l'avance à taux nul

a) La suppression des avantages fiscaux associés au PAP

L'article 7 du présent projet de loi de finances supprime quatre avantages fiscaux, afin de les reconvertir en dépenses budgétaires.

Cette suppression est absolue ou relative selon les cas. Les deux avantages fiscaux qui étaient liés au PAP (exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et taux réduit TVA) sont définitivement abolis. En revanche, un contribuable accédant pourra renoncer à l'avance à taux nul s'il souhaite continuer à bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu.


La réduction d'impôt pour intérêts d'emprunts

La réduction d'impôt sur le revenu portant sur les intérêts d'emprunt contracté pour la construction ou l'acquisition d'une résidence principale est régie par les articles 199 sexies à 199 sexies B du code généra ! des impôts. Cette réduction porte également sur les intérêts d'emprunt contractés pour effectuer de grosses réparations, ou sur les dépenses de ravalement.

Son régime a subi diverses modifications portant essentiellement sur le taux de réduction, le plafond des intérêts à prendre en compte, et la durée.

La réduction d'impôt porte sur toutes les charges d'emprunt supportées par le contribuable pour son acquisition : intérêts, mais aussi assurance-invalidité décès ou assurance-chômage.

Elle est supprimée à compter de l'entrée en vigueur du prêt d'apport logement à 0 %, au titre des emprunts complémentaires, c'est-à-dire du prêt bancaire principal et des autres prêts éventuels (notamment le prêt "1 %" logement et le prêt logement).


La réduction d'impôt pour dépenses de grosses réparations

À ne pas confondre avec la réduction d'impôt portant sur les intérêts d'emprunt contracté pour effectuer de grosses réparations avec laquelle elle n'est pas cumulable, la réduction d'impôt pour dépenses de grosses réparations est régie par l'article 199 sexies C du code général des impôts. Elle porte sur les logements achevés depuis plus de quinze ans.

Elle est supprimée pour les titulaires d'un prêt à 0 % qui, bien que destiné pour l'essentiel au logement neuf, pourra concerner des logements de plus de quinze ans dès lors que des travaux d'un montant égal à 35 % du coût total de l'opération seraient effectués.


Le régime de t.v.a. sur les terrains à bâtir

L'article 278 sexies du code général des impôts prévoit que le taux réduit de la TVA (5,5 %) s'applique sur les terrains à bâtir vendus à des organismes d'habitation à loyer modéré afin d'y construire des logements bénéficiant d'un prêt locatif aidé (PLA) ou destinés à la construction d'un logement financé par un prêt aidé par l'État, en l'occurrence le prêt d'accession à la propriété (PAP).

Le projet de loi de finances ne modifie rien à cette situation : les organismes HLM, les constructions financées par PLA ou par PAP continueront de bénéficier du taux réduit de TVA.

En revanche, le gouvernement ne souhaite pas que le nouveau prêt sans intérêt bénéficie de la TVA à taux réduit.

Le champ d'application du taux réduit de TVA est donc restreint au seul PAP.


• L'exonération de dix ans de taxe foncière sur les propriétés bâties

L'accession à la propriété d'un logement neuf peut donner lieu à exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties selon deux régimes distincts.

Le droit commun (article 1383 du code général des impôts) prévoit une exonération de deux ans qui n'est plus compensée aux collectivités locales depuis 1992. Aussi les communes ou groupements de communes peuvent-ils décider la suppression de cette exonération (mais pas les régions ni les départements).

Les logements financés à l'aide d'un prêt aidé par l'État bénéficient d'un régime particulier (article 1384A) : une exonération de dix ans obligatoire, et qui à ce titre est partiellement compensée aux collectivités locales concernées (si l'application de l'exonération entraîne une perte supérieure à 10 % du produit de la TFPB). Ce régime s'applique au PAP dès lors qu'il a financé plus de 50 % de l'opération.

Le second régime ne sera pas applicable à l'avance à taux nul.

Ne reste donc plus que l'exonération de droit commun de deux ans.

b) L'équilibre budgétaire de la réforme

Il s'agit certainement de l'aspect le plus difficile à apprécier. En effet, si les dépenses fiscales relatives aux avantages supprimés par le présent article sont bien connues dans leur globalité, il est difficile d'y faire la part de la génération d'accédants qui n'en bénéficiera plus à l'avenir.

Selon le ministre du logement, un équilibre se produira, en équivalent autorisations de programme, selon le tableau suivant pour 1996.

Le gain réalisé sur les réductions d'impôt paraît très surévalué. Certes ces réductions d'impôts coûtent 9,6 milliards de francs au budget par an. Mais la commission DUCAMIN 1 ( * ) a établi qu'en 1992, la réduction d'impôt pour intérêt d'emprunt s'élevait à 3.146,53 francs par ménage ; celle relative aux dépenses de grosses réparations à 1.396,28 francs. Même si l'on majore les montants de 10 % pour tenir compte de l'érosion monétaire et de la progression de ces aides depuis 1992, on atteint au maximum 346,5 millions de francs d'économie pour les 100.000 ménages accédants dans le neuf et 31 millions de francs d'économie pour les 20.000 ménages accédants dans l'ancien avec travaux ; soit au total 377,5 millions de francs si l'on retient le chiffre de 120.000 bénéficiaires de l'avance à taux nul sur un an.

Le gain réalisé sur la TFPB paraît également surévalué, puisque le coût total de toutes les exonérations de cette taxe à la charge de l'État s'élève à 1,3 milliard de francs, et qu'il comprend, outre les exonérations liées au PAP, les exonérations touchant les logements locatifs sociaux.

Si l'on raisonne en crédits de paiement, l'équilibre est également difficile à établir.

Le tableau des "voies et moyens" annexé au présent projet ne fait état que d'un surcroît de recettes de 550 millions de francs réalisé grâce au relèvement du taux de TVA sur les terrains à bâtir. Ceci est normal, puisque la suppression des autres dépenses fiscales ne se traduira, pour les opérations réalisées en 1996, que par des recettes perçues en 1997. Mais l'équilibre n'est pas obtenu en 1996 sur l'économie de crédits de paiement consacrés au PAP, qui peut être estimé à 0,7 milliard de francs 1 ( * ) .

D'après le service de la législation fiscale, le gain de recettes ne se mettra que progressivement en place.

Il y aura par conséquent à tout le moins un délai entre l'effet des dépenses nouvelles et celui de la suppression des dépenses fiscales. L'équilibre ne pourra être atteint qu'au moins un an plus tard, mais vraisemblablement, le redéploiement des dépenses fiscales ne permettra pas à lui seul de financer les montants figurant au budget du ministère du logement. On doit donc en conclure que l'économie réalisée est moins forte que le nouvel effort demandé.

Par ailleurs, outre ce problème d'équilibre budgétaire annuel, on constate que la nouvelle avance ne répond pas tout à fait à la préoccupation de maîtrise de la dépense qui avait motivé la disparition du PAP. En effet, le coût du prêt sans intérêt sera sensible au niveau des taux d'intérêt de marché 2 ( * ) , et le nombre d'aides ne sera pas contingenté. Il est vrai que les aides fiscales ne sont pas contingentées non plus, mais s'il se révélait, comme c'est probable, que les surcroîts de recettes n'équilibrent pas les nouveaux coûts, l'ensemble pourrait se révéler déséquilibré à terme.

L'existence de ce risque budgétaire fait peser une hypothèque sur les paramètres de l'aide, et donc sur son efficacité en termes de solvabilité des ménages. Le raisonnement de principe n'en reste pas moins valable : il est plus aisé de maîtriser des dépenses budgétaires que des dépenses fiscales.

C'est pourquoi votre rapporteur invite le gouvernement à mettre à l'étude un dispositif similaire pour le logement ancien qui pourrait être financé pour reconversion des avantages fiscaux dont celui-ci bénéficie (notamment en matière de grosses réparations).

D'un point de vue technique, le plus difficile a d'ores et déjà été réalisé avec le prêt à taux zéro. Il semble donc relativement aisé de créer une avance à taux réduit d'un montant plus faible que l'avance à taux zéro. Cela permettrait d'assurer la continuité indispensable entre les marchés du neuf et de l'ancien sans travaux.

c) Le rôle particulier du " 1%" logement

Le bouclage du financement de l'avance à taux nul doit se faire par un prélèvement de 900 millions de francs sur la participation des employeurs à l'effort de construction, afin de réunir les 7,8 milliards de francs d'AP prévues pour 1996. Le prélèvement est annuel, et sera donc reconduit en 1997.

Votre rapporteur général a contesté l'opportunité de ce prélèvement et proposé une distribution directe de l'avance par les collecteurs interprofessionnels du logement (C.I.L.) en développant six arguments sur lesquels votre rapporteur spécial souhaite revenir très brièvement.

Les trois premiers développent les inconvénients du prélèvement :

- ce prélèvement sera coûteux en frais de diverses natures, sans contribuer à la réduction des frais de gestion des CIL, qui sont au demeurant proches de ceux de banques régionales de même taille ;

- il entrave la cogestion du logement des salariés à laquelle les partenaires sociaux, unanimes sur ce point (patrons et travailleurs), sont très attachés ;

- il menace l'équilibre financier du système qui ne pourra plus répondre à de nouvelles sollicitations à l'avenir.

A contrario, une distribution directe des avances ne présente aucun de ces inconvénients, et présente en outre trois avantages supplémentaires :

- elle rend la distribution de la nouvelle avance réellement universelle et sans inconvénient concurrentiel, puisque les prêts principaux doivent toujours être accordés par un établissement de crédit commercial ;

- cette distribution sera plus efficace, car les collecteurs connaissent déjà parfaitement ce type de prêt, de faible rémunération et de faible montant 1 ( * ) ;

- une meilleure adéquation à la politique sociale du logement serait obtenue, puisque les particuliers débiteurs des CIL sont généralement plus modestes que la population moyenne visée par la nouvelle avance (67 % des ménages à mois de 3 SMICs, contre 55 % pour la population éligible à l'avance). Qui plus est, ce mode de distribution pourrait favoriser la mobilité du parc HLM.

Le montant global d'avances ainsi distribué pourrait être d'1,5 à 1,8 milliards de francs, permettant au système bancaire de conserver 600 à 900 milliards de francs pour les affecter aux prêts principaux.

2. Le financement de la sécurisation

Il se compose d'une part du financement traditionnel du FGAS et d'autre part de la nouvelle sécurisation, sur laquelle votre rapporteur détient encore peu d'éléments.

a) Le financement du FGAS

Le taux relativement réduit des PAS est permis grâce d'une part à la prise en charge par l'État d'une partie du coût du risque et d'autre part à la garantie qu'il accorde en dernier ressort. Cette dernière garantie permet de réduire le taux de couverture obligatoire en fonds propres des établissements de crédits. La réduction de l'incertitude sur le niveau du risque contribue également à limiter la marge des établissements prêteurs.

Le fonds est alimenté conjointement par l'État à hauteur de 1,25 % du montant des prêts garantis et par les établissements de crédit à hauteur d'une part de 1,25 % du montant des prêts, d'autre part de 0,2 % de celui des encours.

Afin de ne pas déresponsabiliser les établissements distributeurs dans l'octroi des prêts garantis par le FGAS, un mécanisme d'intéressement aux contrôles des risques a été mis en place.

Ainsi, lorsque pour une génération de prêts consentis par un établissement de crédit, le coût des sinistres excède l'ensemble des cotisations versées par l'État et l'établissement prêteur, ce dernier supporte un « malus ». Ce « malus » est toutefois plafonné par un taux de sinistralité maximale au-delà duquel le risque est pris en charge par l'État.

Si les cotisations sont supérieures aux sinistres constatés, l'établissement prêteur bénéficie d'un « bonus ».

Ce mécanisme d'intéressement semble bien fonctionner, puisque fin juin 1995, seuls 38 incidents de paiement avaient été constatés depuis l'origine (juin 1993).

Les dotations prévues sur le chapitre 65.50/10 au titre de la participation de l'État au FGAS ont été les suivantes : 300 millions de francs en 1993, 200 millions de francs en 1994, aucune en 1995, 220 millions de francs en 1996.

Le retard dans la montée en puissance du dispositif en 1993 a laissé disponible dans les comptes de la société de gestion au début de l'année 1994, une avance de l'État de 115 millions de francs qui a rendu inutile une dotation budgétaire pour 1995 compte tenu des reports de crédits.

Malgré des modalités qui ont prouvé leur efficacité, le PAS reste boudé par les grands établissements de crédits commerciaux qui le jugent trop peu rentable. Le précédent ministre du logement avait subordonné un avis favorable de sa part sur une distribution universelle des PAP à un effort de ces établissements sur les PAS. Ils n'auront pas eu à l'accomplir pour bénéficier de l'avance à taux nul.

Répartition de la distribution des PAS

b) Le financement de la sécurisation des PAS

Les modalités de financement de la sécurisation des PAS ne sont pas arrêtées aujourd'hui.

Le ministre du logement prévoit d'y associer les collecteurs du 1 % logement par voie conventionnelle pour un montant de l'ordre de 400 à 500 millions de francs

On peut s'interroger sur la pertinence de ce choix, pour deux raisons :

- d'une part, les collecteurs de la PEEC n'ont aucune connaissance de l'assurance du risque crédit, qui est mieux connue des assureurs ou d'organismes spécialisés tels que SOFARIS ;

- d'autre part, les collecteurs sont plutôt moins compétents que les banquiers et établissements spécialisés dans le domaine du recouvrement. Leur tradition "sociale" les entrave dans cet aspect de la gestion des prêts.

Au total, il est assez singulier d'exclure le 1 % logement de l'avance à taux nul, alors qu'elle correspond à son coeur de métier, et de l'associer à la sécurisation pour laquelle il est mal outillé.

Cette association prendra donc probablement la forme de contribution au financement plutôt que d'une participation aux procédures.

C. APPRÉCIATION DE LA RÉFORME AU REGARD DE LA SOLVABILITÉ DES MÉNAGES

En l'absence de données formelles sur le volet "sécurisation", qui ne peut que contribuer à l'améliorer, l'appréciation relative à la solvabilité des ménages ne peut porter que sur l'avance à taux nul. Globalement, cette appréciation est a priori largement positive, même s'il faut se garder du mirage de la comparaison entre un "avant" où tout était difficile et un "après" où tout deviendrait possible.

1. Un dispositif plus rationnel

L'avance à taux nul, accompagnée de la suppression des avantages fiscaux bénéficie de trois qualités éminentes : elle est simple, elle supprime les effets de seuil, elle décroît avec le revenu. Ce sont des progrès considérables par rapport à l'ancienne combinaison : PAP + avantages fiscaux.

Tout d'abord le dispositif précédent était compliqué, puisque l'octroi d'un PAP faisait bénéficier son titulaire de trois avantages fiscaux portant de surcroît sur des assiettes très différentes et sans liens entre elles. Il était donc peu incitatif : les accédants ne pouvaient se livrer aux calculs longs et complexes leur permettant de prendre en considération la globalité de l'équation financière. Avec l'avance à taux nul, l'accédant peut d'emblée avoir une idée de ses charges, même si l'avance - contrairement au PAP - devra toujours être complétée par un prêt bancaire principal. En outre, la suppression des avantages fiscaux et leur intégration à la bonification du prêt à taux zéro devraient, toutes choses égales par ailleurs, réduire les besoins d'endettement des ménages.

En second lieu, ce dispositif souffrait d'un formidable effet de seuil, qui se produisait au niveau du revenu d'exclusion du PAP, encore insuffisant pour bénéficier des réductions d'impôt. Ainsi que le met en évidence le graphique suivant, une famille de deux enfants en province maximisait son avantage en percevant 200.000 francs de revenu annuel, et perdait tout dès lors que ce revenu était de 210.000 francs.

Source : Fédération nationale du bâtiment

La troisième qualité de ce dispositif est que l'aide décroît avec le niveau de revenu, ce qui n'était pas le cas du PAP. En particulier, la réduction du taux de TVA sur le terrain à bâtir était d'autant plus forte que ce terrain était plus coûteux. Il en était de même, avec des nuances locales, pour l'exonération de taxe foncière.

Ainsi, pour les ménages les plus modestes bénéficiant d'une avance de 21 ans avec un différé d'amortissement de 17 ans, le montant de l'aide correspond à 89,3 % de l'avance (soit 107.000 francs pour un prêt de 120.000 francs) ; alors que pour les ménages les plus aisés, qui doivent rembourser en 7 ans, ce taux n'est que de 27,3 % (33.000 francs) 1 ( * ) . Le nouveau système est donc à la fois plus équitable et plus rationnel, puisque l'effort de solvabilisation croît avec le besoin de solvabilisation correspondant.

2. Un système qui n'est pas universellement plus favorable

En revanche, l'appréciation que l'on peut porter en termes de taux d'effort des ménages est plus mitigée. Il convient sur cet aspect de se placer à deux points de vue : celui de l'accès au crédit ; celui du taux d'effort réel.

a) Un accès au crédit facilité

Du point de vue de l'accès au crédit, et c'est le raisonnement du ministre du logement, la nouvelle avance est un progrès. D'une part, les établissements financiers ne tiennent pas compte des avantages fiscaux dans leur calcul de la solvabilité d'un ménage. Ces avantages sont trop variables (notamment l'exonération de TFPB) et aléatoires (la réduction d'impôt pour intérêt d'emprunt suppose que l'on soit imposable) Si l'on adopte ce raisonnement, le taux d'effort apparent des ménages est réduit universellement grâce à l'incorporation dans la nouvelle aide d'une partie des avantages fiscaux dont il n'était auparavant tenu aucun compte.

D'autre part et surtout, la gestion de pénurie du PAP avait conduit deux tiers des ménages qui avaient le droit d'en bénéficier à y renoncer, ce qui rendait leurs conditions de crédit beaucoup plus défavorables.

Il faut cependant se garder de l'assimilation qui a parfois été faite entre l'avance à taux nul et l'apport personnel. L'avance reste un crédit que l'accédant devra toujours rembourser. Cette assimilation porte en germes des risques de surendettement. Il n'en demeure pas moins vrai qu'un ménage titulaire d'une avance pourra plus facilement accéder à des crédits complémentaires que le même ménage s'il avait dû, tout en répondant aux conditions de ressources du PAP, y renoncer du fait de la pénurie.

b) Le taux d'effort réel n'est pas réduit dans tous les cas

Cependant, ainsi que le graphique précédemment exposé le fait apparaître, les ménages ne gagnent pas tous à la réforme si l'on tient compte de l'équation financière réelle, au-delà de calculs apparents. L'exemple illustré par ce graphique indique qu'une famille avec deux enfants en province est perdante si elle perçoit entre 125.000F et 205.000 F de revenu annuel.

Selon le professeur Mouillart, aux conditions d'endettement prévalant en 1995, le taux d'effort réel net des ménages dont les revenus ne permettaient pas d'obtenir un PAP, ainsi que celui des ménages très modestes (moins de 3,5 SMICs), diminue ou reste stable. En revanche, le même taux d'effort augmente, souvent sensiblement, pour les ménages percevant en moyenne entre 3 et 4,5 SMICs, dès lors qu'ils auraient obtenu un PAP.

Même en dehors du cas des anciens "papistes", l'avance à taux nul se révèle souvent neutre. Dans la période qui a suivi le lancement de l'avance, les journaux spécialisés ont fourni de multiples exemples de ce type de situation. Votre rapporteur en retient un qui est particulièrement illustratif.

Un exemple de comparaison

Investir magazine - n° 1.135 du 21 octobre 1995

Soit un couple marié, avec deux enfants d'âge scolaire, vivant à Orléans. Le cumul des salaires des conjoints atteint 23.000 F nets par mois. Leur projet : acheter dans une résidence neuve, entourée de verdure, un logement de 80 m 2 proposé à 800.000 F.

Grâce à une donation familiale, ils disposent de 300.000 F d'apport personnel. Il leur faut donc emprunter 500.000 F, sachant qu'ils ne doivent pas dépasser 6.900 F environ de mensualités de remboursement.

Ce couple a droit à un prêt à taux zéro de 120.000 F, remboursable en sept ans. Mais il peut fort bien renoncer à cette opportunité, ce qui lui permettrait, en échange, de conserver le droit à une réduction de son impôt sur le revenu pendant cinq ans. Quelle est la solution la plus intéressante ?

Sans le prêt à taux zéro

? Emprunt de 500.000 F amortissable sur quinze ans, au taux fixe de 8,5 %, soit 180 mensualités de 4.923,70 F. Coût total du crédit : 386.270 F d'intérêts

? Réductions d'impôt pendant cinq ans : 25 % du montant des intérêts annuels pris en compte dans la limite de 44.500 F. Dans notre exemple, cela conduit aux réductions d'impôt suivantes, de la deuxième à la sixième année : 10.460 F, 10.078 F, 9.664 F, 9.212 F, 8.720 F. Au total : 48.133 F.

Coût réel de l'emprunt : 338.074 F.

Avec le prêt à taux zéro

? 120.000 F remboursables en sept ans, sans intérêts, soit 84 mensualités de 1.428,75 F.

? Emprunt bancaire de 380.000 F aux mêmes conditions que ci-contre, soit 180 mensualités de 3.742,01 F. Coût total du crédit : 293.562 F d'intérêts.

? Pas de réduction d'impôt.

? Mensualités globales 84 mensualités de 5.170,58 F, puis 96 mensualités de 3.742,01 F.

Le taux effectif du crédit est de 7,05 % avec l'avance à taux nul, de 7,03 % sans cette avance : la neutralité est donc quasi parfaite.

Votre rapporteur n'omet pas de rappeler que les accédants bénéficient d'une option entre l'avance et la réduction d'impôt. Aussi, certains ménages préféreront-ils sans doute bénéficier de cette réduction. Ce point est positif : les établissements de crédit devront en tenir compte, alors que ce n'était pas le cas auparavant.

Ces constats ne remettent pas en cause la pertinence de la réforme, la balance défauts/qualités pèse nettement en faveur de ces dernières. Mais il convient d'en apprécier les effets de manière réaliste, afin que des ménages dont les finances sont fragiles ne se lancent pas inconsidérément dans des opérations d'accession. Leur échec ternirait les effets de la nouvelle aide.

* 1 Le décret n° 95-1144 du 31 octobre 1995 met fin à la distribution du PAP à compter du 1er novembre 1995.

* 2 Décret n° 95-1064 du 29 septembre 1995 (J.O. du 30) - Arrêté du 2 octobre 1995 (J.O du 3).

* 3 En mal de toit - Éditions L'Archipel

* 1 Rapport de la commission d'étude sur les prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages - Annexe n° 24 -

* 1 Calcul de la différence entre le total des crédits des PAP pour 1995 et celui prévu pour 1996.

* 2 Le processeur Mouillart a calculé qu'aux conditions de septembre 1995, une hausse d'un point du taux des emprunts d'État coûterait 1,25 milliard de francs de plus. Cependant, l'arrêté précité prévoit une révision trimestrielle des durées de remboursement de l'aide pour que le montant de la subvention reste constant. Mais ce montant serait probablement relevé si les conditions de l'avance devaient nuire à son efficacité.

* 1 Un des reproches assez singulier fait à cette solution serait précisément de rendre la distribution trop efficace

* 1 Source : Professeur Michel MOUILLART-CEREVE

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