CHAPITRE II LA GESTION DES EXERCICES 1994 ET 1995
1994, année intermédiaire, n'a pas connu de mouvements particuliers mis à part la pression continue et forte des aides personnelles.
1995, année de réforme, aura connu des bouleversements plus importants, liés à une réorientation budgétaire au profit de l'accession à la propriété.
I. LA GESTION DE L'EXERCICE 1994 SOUS LA PRESSION DES AIDES PERSONNELLES
A. LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE DE FIN D'ANNÉE
Comme en 1993, mais dans une moindre mesure, les crédits du ministère du Logement ont été sensiblement majorés en gestion : + 4,30 % sur une dotation initiale de 39,2 milliards de francs.
La dérive des aides à la personne explique pour l'essentiel cette majoration, tandis que l'économie principale a été réalisée par un transfert de dettes dans le hors bilan de l'État.
1. Les ouvertures de crédits
D'un montant global de 2,4 milliards de francs, elles ont concerné essentiellement une majoration de 2,2 milliards de francs des aides personnelles (chapitre 46-40).
La dérive des dépenses liée à ces prestations s'est déroulée selon un scénario déjà à l'oeuvre en 1992 et 1993 : d'une part, les cotisations des entreprises au fonds national d'aide au logement (FNAL) ont été plus faibles qu'escomptées du fait d'une crise qui réduit la masse salariale ; d'autre part, les difficultés économiques et la généralisation des aides sous seule condition de ressources depuis le 1er janvier 1993, qui profite essentiellement aux étudiants 1 ( * ) , ont provoqué une augmentation du nombre d'allocataires.
La part respective de ces deux facteurs a été de 0,3 milliard de francs pour le premier, et de 1,9 milliard de francs pour le second.
Quoique ces sommes soient importantes, il faut observer une atténuation de la dérive par rapport à 1993. Il avait fallu majorer ces crédits de 7,6 milliards de francs cette année-là.
Par ailleurs, 4 millions de francs de crédits ont été ouverts au chapitre 57-30. Ils étaient destinés au plan construction et architecture, qui présente depuis plusieurs années une insuffisance des crédits de paiement.
Enfin, on pouvait noter une majoration importante de la ligne de réaménagement des prêts d'accès à la propriété (PAP). Il s'agissait de la conséquence d'un afflux de demandes de renégociation de ces prêts (octroyés par le Crédit foncier de France), conclus fréquemment à un taux supérieur à 10 % entre 1981 et 1985 alors que les taux des PAP étaient inférieurs à 7 %.
La loi de finances rectificative avait également pour objet d'approuver le décret d'avance du 30 mars, qui concernait les prêts locatifs aidés (chapitre 65-48) et les fonds de solidarité pour le logement (FSL, 46-50).
Au chapitre 65-48, 214 millions de francs avaient été ouverts en autorisations de programme et 75 millions de francs en crédits de paiement. Les autorisations de programme étaient destinées à engager 5.000 PLA d'insertion, au sein d'un programme de 40.000. Le programme se composait, outre ces 5.000 unités, de 20.000 logements à prélever sur le parc HLM existant en faveur des personnes dont les ressources étaient inférieures à 60 % des plafonds PLA ; 10.000 financés par la loi de finances initiale, et 5.000 financés par report de crédits de 1993. Il s'agissait de l'amorce d'une politique en faveur des plus démunis.
Au chapitre 46-50, 20 millions de francs étaient ouverts au profit des fonds de solidarité pour le logement, financés à parité par l'État et les départements. 180 millions de francs avaient été ouverts à ce titre par le budget voté de 1994. Compte tenu de la croissance des besoins de cette ligne, destinée à assister les plus démunis en difficulté dans les départements, ceux-ci avaient été amenés à dégager 20 millions de francs supplémentaires, que l'État dut abonder, notamment pour accompagner le programme de mise en place de 40.000 logements d'insertion.
2. Les annulations de crédits
L'arrêté d'annulation du 30 mars 1994 ne concernait que très marginalement le ministère du logement, avec une réduction de 5 % des crédits de communication et la traditionnelle annulation (de 2,6 millions de francs en l'occurrence) d'une partie de la subvention de fonctionnement de l'ANAH, gagée sur les produits financiers de l'agence.
En revanche, et pour la première fois depuis le début de l'exercice 1993, les crédits du logement avaient subi une annulation sensible par l'arrêté du 30 septembre 1994.
Cette annulation, d'un montant de 721 millions de francs, portait essentiellement sur le chapitre 65-48, pour 700 millions de francs.
Il s'agissait en fait d'une débudgétisation anticipée du financement de la Caisse de garantie du logement social (CGLS), gérée par la Caisse des dépôts et consignations.
La CGLS joue principalement deux rôles : elle gère l'encours des anciens prêts de la Caisse de prêts des HLM et finance les organismes d'HLM en difficulté. Son financement est assuré par le remboursement des prêts aux HLM et par une subvention de l'État.
Compte tenu du profil de l'échéancier des prêts de la CPHLM, la CGLS devrait, progressivement d'ici quelques années, être en excédent de remboursements sur les dépenses. Elle a donc décidé en juin 1994 d'anticiper cette situation, à la demande du ministre du Budget, en empruntant 700 millions de francs à la Caisse des dépôts, ce qui a permis à l'État d'annuler le crédit correspondant. Elle a en quelque sorte escompté une partie de ses prêts pour faire la jonction entre sa période déficitaire et sa période excédentaire.
Votre rapporteur observe que l'État tend, dès qu'un crédit s'y prête, à transférer la somme correspondante de son budget vers son hors-bilan, dont le périmètre reste aujourd'hui à cerner.
Par ailleurs, 20 millions de francs d'économie étaient réalisés sur le fonds de garantie de l'accession sociale (FGAS), initialement doté de 200 millions de francs, mais qui avait bénéficié d'un report de 30 millions de francs de 1993. La raison de cette économie était relativement simple : le FGAS intervient en garantie des prêts d'accession sociale, dont la montée en puissance a été très lente. Le rythme de la fin 1994 était plus élevé, mais ne justifiait pas encore le maintien d'une somme de 230 millions de francs.
Tableau récapitulatif
B. LES REMARQUES DE LA COUR DES COMPTES
Dans son rapport préparatoire à la loi de règlement 1994, la Cour des Comptes relève trois problèmes sur les crédits du logement, outre celui de la dérive des aides à la personne, abondamment commenté par votre rapporteur.
Ces problèmes sont anciens et relèvent essentiellement de la présentation.
Le premier provient de l'unicité du chapitre 65-48, qui agrège des dépenses d'aides à la pierre de toutes sortes : la construction et la réhabilitation du parc social, les PAP, la RHI, la PAH, l'ANAH et maintenant aussi les crédits de la nouvelle avance sans intérêt. Cette présentation ne facilite pas la distinction entre des dépenses très différentes. Et. contenue dans cette difficulté, une autre apparaît : le caractère fongible de la ligne PLA-PALULOS (chapitre 10) qui ne permet pas réellement de connaître le partage entre construction et réhabilitation des logements sociaux, et entretient la confusion sur les programmes physiques associés aux crédits.
Le second est le transfert de crédit du chapitre 65-48 article 20 (PAP) et article 80 (PAH) au budget des charges communes (chapitre 44-91). En effet, la direction du Trésor est le véritable gestionnaire de ces aides, et il en sera de même de la nouvelle avance sans intérêt.
Transferts de crédits au chapitre 44-91 (charges communes) en 1994
Cette répartition de compétence n'est pas critiquable en soi, mais la Cour a relevé que ces transferts pouvaient s'accompagner d'une modification de l'objet des crédits. Elle observe ainsi :
"La Cour a relevé dans son rapport public sur les aides au logement que, de 1980 à 1993, plus de 10 milliards de francs de crédits ouverts pour les prêts aidés à l'accession sociale à la propriété avaient été utilisés à un autre objet après transfert, notamment des primes d'épargne logement, et plus récemment pour des mesures antérieures à la réforme de 1977."
Il est bien évident que le regard porté sur la réforme de l'accession à la propriété pourrait être modifié si la nouvelle avance à taux nul devait subir le même sort.
Le dernier problème relevé par la Cour est la gestion par la section "Urbanisme et services communs" des crédits de fonctionnement du ministère du logement, qui empêche, il est vrai, d'appréhender les frais de gestion de la politique du logement. Votre rapporteur partage un peu moins cette analyse : l'unité à considérer de ce point de vue est la direction départementale de l'équipement, où les tâches d'équipement, logements et transports sont étroitement imbriquées. Seule une comptabilité analytique très fine pourrait permettre de discerner chaque politique, que la récente composition gouvernementale vient à nouveau de fusionner.
* 1 Voir le chapitre V