B. L'ÉVOLUTION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DE LA PRESSE

1. La sortie de crise en 1995 ?

Le chiffre d'affaires de la presse aurait progressé de 2% en 1994 pour atteindre 56,72 milliards de francs, selon l'enquête rapide réalisée par le SJTI au deuxième trimestre 1995.

Ce résultat est dû à une augmentation des recettes de publicité (plus 2,7 %) qui atteignent 22,58 milliards de francs, mais, également, des recettes de ventes qui sont de 34,14 milliards de francs (plus 1,5 %). Cette dernière progression correspond, d'après l'étude, à un élargissement de 1 % de la diffusion (hors gratuits d'annonces). Un indice significatif, puisque les ventes avaient tendance à baisser ou à stagner depuis une dizaine d'années.

Dans le domaine de la publicité après trois années très difficiles (1991, 1992, et 1993) qui s'étaient traduites, pour la publicité commerciale et les petites annonces, par des reculs successifs (moins 7,5 %, moins 4,7 %, moins 8,3 %), on assiste donc, comme dans les autres média, à un retournement du marché, même si l'on ne retrouve pas encore le niveau de 1990 (27 milliards de recettes publicitaires pour la presse).

On relève cependant des différences sensibles : les recettes provenant de la publicité commerciale et des petites annonces progressent de 5,6 % dans les quotidiens nationaux, 6 % dans les quotidiens régionaux, 7,8 % dans les magazines d'information, 9% dans la presse féminine, 12,1 % dans la presse sportive, mais elles reculent de 3,5 % dans la presse télévisée.

Les chiffres clés de la presse en France

(en milliards de francs)

Source : SJTIC

Cette amélioration concerne surtout la presse locale d'information générale et politique (qui regroupe les titres régionaux et départementaux) dont le chiffre d'affaires a progressé de près de 3 % à 15,2 milliards de francs et la presse nationale d'information générale et politique (les quotidiens parisiens et les "newsmagazines") qui ont bénéficié d'une croissance de 2,2 % à 9,8 milliards de francs. En revanche, l'activité de la presse spécialisée grand public (21.6 milliards de chiffre d'affaires) et de la Presse technique et professionnelle (6,1 milliards) n'a connu qu'un léger frémissement à + 1,4 %.

2. Un fragile répit pour la presse ?

a) La fin de la croissance à deux chiffres du marché publicitaire

Durant 1980, la presse, dans son ensemble, a connu deux périodes nettement différentes, la première, de 1982 jusqu'en 1991, où son chiffre d'affaires a enregistré une forte croissance à deux chiffres et, la seconde, depuis 1991 où baisse et stagnation ont alterné.

Ce sont les recettes publicitaires qui ont déterminé cette évolution : avant 1991, le marché publicitaire, dopé par l'arrivée des télévisions commerciales, était en très forte progression. La presse, premier des grands média, a certes perdu des parts de marché, essentiellement au profit de la télévision, mais a bénéficié largement de cette croissance. Les recettes correspondantes, petites annonces comprises, ont un peu plus que doublé entre 1982 et 1990 passant de 13 à 27 milliards de francs, avec pour certaines années des augmentations de + 17%. Au cours de cette période de forte croissance, le poids des recettes publicitaires dans le chiffre d'affaires de la presse s'est mécaniquement accru pour atteindre 47 % en 1990.

L'année 1991 (plus précisément la mi-90) a marqué le début de la crise du marché publicitaire. La presse a été le plus touché de tous les média : ses recettes Publicitaires ont diminué de près de 20 % en trois ans alors que cette ressource était essentielle pour l'équilibre financier du secteur.

Certaines catégories de presse plus dépendantes que d'autres du marché publicitaire, comme la presse spécialisée technique et professionnelle (dépendante à 61 %) ou la presse d'information générale et politique nationale et locale, ont plus souffert de la crise que la presse spécialisée grand public (dépendante à 29 %), par exemple.

Dans le même temps, la progression des recettes de ventes n'a pas compensé le manque à gagner consécutif à la baisse des recettes publicitaires pendant les années de crise du marché publicitaire.

La reprise des recettes de publicité était attendue à la suite du redressement du marché publicitaire constaté durant l'année 1994. Après trois années de forte baisse, due au recul important de la publicité commerciale, mais aussi à celui des petites annonces, particulièrement touchées par la crise économique, des recettes de publicité connaissent enfin une évolution positive.

La progression observée en 1994 est encore modeste : + 2,7 %.

Elle est, selon les sources disponibles actuellement, inférieure à celle de la télévision et de la plupart des autres grands média.

Mais la situation s'est sensiblement améliorée pour les deux composants de ces recettes : la publicité commerciale (75 % de l'ensemble des recettes de publicité) qui connaissait encore un net recul, en 1994, est en progression de + 3,6 %, alors que, pour les petites annonces, le résultat bien qu'encore négatif : - 1,2 %, se rapproche de la stabilité.

La progression des recettes de ventes se poursuit, en 1994, à un rythme voisin de l'année précédente (+2,1 %). Dans le même temps, l'augmentation des prix a été pour la première fois particulièrement modérée : quelques dixièmes seulement, (calculée par agrégation des indices de prix de l'INSEE relatifs aux journaux et aux magazines), soit beaucoup moins que les années antérieures. Cette année, les ventes à prix constants ont donc augmenté.

b) L'inexorable déclin de la presse au sein des dépenses publicitaires


Les investissements publicitaires ont atteint 126,8 milliards de francs en 1994 (+ 2,5 % par rapport à 1993) ( 4 ( * ) ) .

Les recettes publicitaires des grands média, estimées à 48,6 milliards de francs, retrouvent leur niveau de 1992 : elles augmentent de 5 % par rapport à 1993, après une diminution de 5 % cette année là.

Les parts de marché restent assez stables en 1994, par rapport aux années antérieures. Celles de l'affichage et du cinéma sont similaires aux années précédentes (respectivement 11,8% et 0,6%). Après une forte amélioration en 1993 (sa part de marché est passée de 6,9 % à 7,6 %), la radio se maintient au même niveau en 1994. La presse, en revanche, même si elle occupe toujours la première place, voit sa part de marché continuer à se détériorer au profit de celle de la télévision : l'année 1994 confirme le passage de la presse sous la barre des 50 % de part de marché, puisqu'elle passe de 48,5% en 1993 à 48,1 % en 1994 (pour 51,1 % en 1992). La télévision renforce progressivement sa présence sur le marché publicitaire, ses parts de marché passant de 31,2 % à 31,9 % entre 1993 et 1994 (pour 29,4 % en 1992).

Source : Le marché publicitaire français, IREP.

Le déclin de la part de marché de la presse au sein du marché Publicitaire est une évolution générale en Europe.


• Les recettes publicitaires de la presse ont atteint en 199423,4 milliards de francs en hausse de 4,2
% après une forte baisse de 10 %en 1993. Pour l'ensemble du marché, une croissance de 5 % est attendue en 1995.


• La croissance des investissements publicitaires se vérifie pour toutes les catégories de presse, excepté, toutefois, pour la presse spécialisée ou ils baissent de 1,5 %, s'établissant à 3,7 milliards. Cette diminution est moins importante qu'en 1993, où elle atteignait - 15,8 % ; mais elle vient s'y ajouter La part des revues spécialisées dans le total des investissements presse est d'environ 16 %.

. En revanche, les magazines, après avoir subi une baisse de leurs ressources publicitaires de 14% en 1993, bénéficient de la plus forte progression, avec 6 % d'investissements supplémentaires en 1994. Cette catégorie de presse est celle ou les investissements publicitaires sont les plus importants : ils s'élèvent à 7,5 milliards de francs en 1994, soit 32% des investissements publicitaires effectués dans la presse.

ï La presse magazine est suivie par les quotidiens régionaux, dont les ressources publicitaires s'accroissent de 5,8 % en 1994. Ils atteignent 4,8 milliards de francs, retrouvant ainsi leur niveau de 1992 et représentent 21 % des investissements publicitaires dans la presse.

ï La presse gratuite, dont les ressources publicitaires avaient moins baissé en 1993 que celles des autres catégories de presse (- 0,3 %), bénéficie d'une progression de 4 % en 1994. Elle retrouve ainsi son niveau de 1991, avec 4,9 milliards de francs. Sa part dans le total des investissements publicitaires en presse écrite est de 21 %.

ï Enfin, les quotidiens nationaux connaissent une progression plus modérée de leurs ressources publicitaires, qui atteignent près de 2,3 milliards de francs, soit une hausse de 3 % en 1994. Cette catégorie de presse avait été tout particulièrement touchée en 1991 et en 1992 par la chute des investissements publicitaires. En 1993, la baisse était plus modérée mais atteignait quand même + 13 %. La part des quotidiens nationaux dans les investissements publicitaires de presse est de 9,7 %.

Répartition des recettes publicitaires entre les différentes catégories de presse en 1994

L'impact de la Loi Évin du 10 juin 1991 réglementant la publicité pour le tabac et l'alcool

Les investissements publicitaires plurimédia pour les boissons alcoolisées ont représenté 1,16 milliard en 1992, dont un tiers pour la presse écrite. Pour le tabac, ces investissements s'élevaient à 263,8 millions en 1992, dont 255,3 millions pour la presse et 8,4 millions pour l'affichage.

En 1993, date d'application effective de la loi Évin, la publicité en faveur du tabac a représenté respectivement 4,2 millions de francs, elle s'est élevée a 3,3 millions de francs en 1994.

La publicité pour l'alcool, qui demeure autorisée dans la presse pour adultes, s'est maintenue à un niveau assez stable : 420,4 millions de francs en 1912. 394,2 millions en 1993 et 440,4 millions en 1994.Le manque à gagner résultant pour la presse écrite de l'application de la loi Évin représenterait 240 millions de francs par an selon la Secodip. Son incidence est plus particulièrement sensible pour la presse magazine, car le tabac représentait, en 1991, 74 % de ses recettes publicitaires (y compris les produits dérivés).

Par ailleurs, il importe de signaler que, selon le comité national contre le tabagisme, les publicités en faveur du tabac en infraction avec la loi auraient connu une recrudescence en 1994 et plus particulièrement dans les hebdomadaires (45,5 % des insertions) et les mensuels (40.4 %).

* (4) Source : IREP qui procède à une évaluation de l'offre en additionnant les recettes de prestations obtenues à partir de entreprises extérieures. L'enquête annuelle de l'ODA sur les dépenses de communication des entreprises, qui constitue une évaluation de la demande, évalue les recettes publicitaires pour 1994 à 141 milliards de francs, dont 52 pour les média et 89 milliards de francs pour le hors média.

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