TRAVAUX EN COMMISSION

Désignation du rapporteur
(Mercredi 22 janvier 2025)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur pour l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, déposée par Cyril Pellevat et moi-même.

Employé dans la restauration, les services de médecine ou l'industrie, le protoxyde d'azote est de plus en plus utilisé comme drogue de substitution, en raison de son effet euphorisant : en 2023, 13 % des 18-84 ans ont ainsi déjà expérimenté l'usage récréatif du protoxyde d'azote. Je suis moi-même régulièrement alerté par des élus locaux de mon département, qui me disent retrouver des bonbonnes de protoxyde d'azote dans les abribus, et dans la rue, sans que personne ne les collecte. Lorsqu'elles sont jetées dans les corbeilles de rue puis orientées vers des installations de traitement, ces cartouches peuvent provoquer des dégâts considérables, en suscitant des explosions au sein des unités de valorisation énergétique de déchets.

Vous l'aurez compris, les cartouches de protoxyde d'azote, au-delà des effets sanitaires, sont particulièrement dommageables pour les collectivités territoriales. C'est ce qui m'a conduit à déposer, le 11 avril 2024, une proposition de loi visant à appliquer le principe « pollueur-payeur » aux producteurs de cartouches de protoxyde d'azote.

En octobre 2024, notre collègue Cyril Pellevat m'a informé de son intention de déposer une proposition de loi afin de lutter contre les incendies causés par les batteries au lithium dans les installations de collecte, de tri et de recyclage. Ces batteries, qu'on retrouve dans de plus en plus de produits, comme les cartes de voeux musicales ou les vêtements lumineux, sont particulièrement inflammables et causent des dégâts considérables aux installations lorsqu'ils ne sont pas triés correctement.

J'ai proposé à Cyril Pellevat de fusionner nos propositions de loi, qui traitent de deux problèmes relatifs à la gestion des déchets. Ce texte comporte quatre articles, qui permettront une pleine application du principe « pollueur-payeur ». L'article 1er prévoit l'organisation d'une campagne annuelle de sensibilisation visant à limiter la présence de batteries hors des circuits adaptés. L'article 2 vise à créer un fonds d'indemnisation des dommages causés par les incendies liés à l'inflammation de batteries au lithium. L'article 3 ajoute les cartouches de protoxyde d'azote aux produits soumis au principe « pollueur-payeur ». Enfin, l'article 4 oblige les producteurs de ces cartouches à prendre en charge les coûts de ramassage et de traitement des déchets issus des cartouches abandonnées.

En ce qui concerne le calendrier d'examen de ce texte, le groupe Union centriste a demandé l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat dans le cadre de son espace réservé du jeudi 6 mars prochain. En conséquence, l'examen du rapport et du texte de commission interviendra le mercredi 19 février afin de tenir compte de la période de suspension.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Mme Jocelyne Antoine. Je vous propose donc de la désigner en qualité de rapporteure.

La commission désigne Mme Jocelyne Antoine, rapporteure sur la proposition de loi n° 79 (2024-2025) visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage.

Mme Jocelyne Antoine. - J'aimerais remercier nos collègues pour leur confiance, c'est la première fois que je suis désignée rapporteure.

Examen du rapport
(Mercredi 19 février 2025)

M. Jean-François Longeot, président, auteur de la proposition de loi. - Nous examinons à présent la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage.

Inscrite à l'ordre du jour du jeudi 6 mars prochain, cette proposition de loi sera examinée dans le cadre de l'espace réservé au groupe Union Centriste. Je rappelle que, dans ce contexte, le gentlemen's agreement s'applique : les amendements adoptés en commission doivent recevoir l'aval des auteurs de la proposition de loi.

Avant de céder la parole à Cyril Pellevat, auteur du volet « batteries au lithium » de ce texte, je dirai quelques mots sur la partie « protoxyde d'azote », dont je suis l'auteur. Selon Santé publique France, 13 % des 18-24 ans ont déjà expérimenté l'usage récréatif du protoxyde d'azote. Facile d'accès, cette drogue aux effets dévastateurs n'est malheureusement plus une nouveauté. La loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote, adoptée à l'initiative de Valérie Létard, a marqué une première avancée, en interdisant la vente aux mineurs et en sanctionnant la provocation à l'usage détourné par un mineur.

Un nouveau pas a été franchi le 28 janvier 2025 avec l'adoption par l'Assemblée nationale de la proposition de loi du député Idir Boumertit visant à restreindre la vente de protoxyde d'azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées. Cette proposition de loi sera examinée au Sénat le 6 mars prochain, le même jour que le texte qui nous est présenté aujourd'hui. Elle prévoit notamment l'interdiction de la vente de ces cartouches la nuit et la pénalisation de l'usage détourné du protoxyde d'azote.

Toutefois, un autre enjeu, de taille, reste encore à traiter : l'impact environnemental de cette pollution silencieuse. Je suis régulièrement alerté par des élus locaux qui assistent, démunis, à la prolifération des bonbonnes de protoxyde d'azote abandonnées dans l'espace public, dans les arrêts de bus, les caniveaux ou les parcs. Ces déchets s'amoncellent, faute de solution efficace de ramassage et de traitement. Plus grave encore, lorsque les bonbonnes sont jetées dans les corbeilles de rue puis envoyées dans les incinérateurs, elles deviennent de véritables bombes à retardement : le gaz restant dans les cartouches provoque des explosions en pleine phase de traitement des déchets. Les conséquences sont désastreuses : une seule explosion coûtera en moyenne 150 000 euros en raison de l'arrêt des installations, met en danger les agents et perturbe l'approvisionnement en énergie des réseaux de chaleur. Ce scandale environnemental et financier ne peut plus durer.

Face à cette situation, j'avais déposé en avril 2024 une proposition de loi visant à imposer aux producteurs de cartouches de protoxyde d'azote d'assumer enfin leurs responsabilités. Ce texte a été enrichi en octobre 2024 par des mesures issues d'une proposition de loi de Cyril Pellevat.

L'article 3 du présent texte prévoit ainsi que les cartouches et bouteilles de gaz sont rattachées à la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) des déchets diffus spécifiques (DDS), afin que les producteurs payent une écocontribution qui financera la prise en charge de ces déchets et assurera l'application du principe « pollueur-payeur ». L'article 4 prévoit, quant à lui, que les producteurs assument les coûts de ramassage et de traitement de ces déchets, qui n'ont pas à être assumés par les collectivités territoriales.

Je remercie la rapporteure Jocelyne Antoine pour le travail qu'elle a réalisé, pour son investissement et pour les auditions qu'elle a menées dans un temps restreint.

M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi. - Je salue tout d'abord l'accord reçu pour le regroupement des deux propositions de loi : elles pourront ainsi être examinées rapidement dans le cadre d'un espace réservé. Je remercie également la rapporteure pour les améliorations apportées au texte.

Alors que plus de 1 400 incendies ont été comptabilisés entre 2010 et 2019 dans les centres de collecte de tri et de recyclage, nous avons jugé important de réagir par voie législative. Centre Écotri de Troyalac'h près de Quimper la semaine dernière, site Paprec à Amiens-nord il y a trois semaines, site Excoffier en Haute-Savoie en octobre 2023... nous avons tous ou presque vécu dans nos territoires des incendies de ce type et nous sommes tous sollicités lorsqu'ils surviennent. L'impact financier est substantiel, puisque l'on demande des contributions supplémentaires aux collectivités. Ces incendies affectent également l'environnement, les déchets étant renvoyés par camion vers d'autres centres de tri. Il y a enfin un impact pour les entrepreneurs, qu'il s'agisse des difficultés d'indemnisation qu'ils rencontrent ou des délais nécessaires pour reconstruire.

Au départ de ces incendies, des piles au lithium et des erreurs de tri sont souvent en cause. Lors du dépôt de cette proposition de loi, Jean-François Longeot et moi-même avons bien vu que l'article 2, qui visait à créer un fonds d'indemnisation financé par les producteurs, pouvait être un irritant pour les industriels. À la lumière des auditions, la disposition envisagée s'est révélée, de plus, contraire au droit européen. Il est tout de même important de solliciter davantage les éco-organismes pour qu'ils prennent une plus grande part à la prévention, à la modernisation des infrastructures, voire à l'indemnisation des dommages causés par ces incendies. Si le travail réalisé est satisfaisant, beaucoup reste à faire, notamment sur la question de la réactivité des assurances. En effet, les industriels ont souvent relevé la difficulté qu'ils avaient à reconstruire. Il faut aller plus loin, car les incendies et les erreurs de tri continuent.

Cette proposition de loi est un texte d'appel : elle a suscité chez les éco-organismes et les autres parties prenantes une prise de conscience. J'espère que nos travaux déboucheront sur des améliorations concrètes pour les industriels et j'approuve l'ensemble des amendements proposés par Mme la rapporteure. Je le répète néanmoins, nous pouvons peut-être aller plus loin.

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Cette proposition de loi décline en deux sujets distincts le problème de l'accidentologie dans la filière déchets : les articles 1er et 2 concernent les incendies dans les installations de traitement de déchets liés aux batteries au lithium, tandis que les articles 3 et 4 concernent les explosions dans les incinérateurs de cartouches de protoxyde d'azote.

Ces facteurs d'accidents liés à l'émergence de nouveaux produits qui perturbent l'organisation de toute une filière, nous amènent à réinterroger les responsabilités respectives des acteurs du cycle de vie du produit, du producteur initial à l'opérateur de déchets, en passant par le consommateur, la collectivité territoriale et l'État.

L'usage des batteries au lithium s'est considérablement développé au cours des dernières années, en raison de leur densité énergétique élevée, de leur durabilité et de leur capacité à se recharger rapidement. Ces batteries, lorsqu'elles sont endommagées, sont hautement inflammables au contact de l'eau et de l'oxygène, et seraient à l'origine de la moitié des départs de feu dans la filière déchets.

Les deux tiers de ces incendies sont liés à des erreurs de tri : entre 15 % et 20 % des batteries au lithium, en particulier celles de petite taille, échappent ainsi à la collecte sélective et se retrouvent dans les ordures ménagères. Si elles ne sont pas détectées à temps, elles provoquent ensuite, dans les installations de traitement, des incendies aux conséquences humaines, économiques et environnementales majeures.

Afin de mieux prévenir ces incendies, l'article 1er prévoit l'organisation conjointe, par les éco-organismes concernés par les erreurs de tri de batteries, d'une campagne de sensibilisation inter-filières portant sur les déchets indésirables exposés au risque d'incendie.

L'article 2 vise quant à lui à créer un fonds d'indemnisation des dommages aux installations de traitement de déchets liés aux incendies dus à l'inflammation des piles et des batteries hors des circuits adaptés, afin d'assurer un partage du préjudice lié aux incendies, entre les producteurs et les exploitants d'installations de traitement de déchets. J'ai en effet pu constater, au cours de mes auditions préparatoires, les difficultés rencontrées par les exploitants d'installations de traitement de déchets, confrontés, seuls, à la multiplication des incendies qui engendre, en retour, une hausse exponentielle des primes d'assurance. Ces auditions m'ont toutefois convaincue qu'une approche préventive était plus appropriée qu'une approche indemnitaire pour répondre à ces difficultés sectorielles.

Je vous proposerai donc un amendement visant à remplacer la création d'un fonds d'indemnisation des dommages causés par les incendies dus à l'inflammation des batteries collectées hors des circuits adaptés par la création d'un dispositif dans lequel les éco-organismes devront accompagner, y compris financièrement, les opérateurs de déchets dans la mise en oeuvre de mesures de prévention des accidents.

Je rejoins Cyril Pellevat : nous sommes au début d'un chemin et beaucoup reste à faire en matière d'indemnisation. Nous avons toutefois axé notre réflexion autour de l'intitulé de la proposition de loi, à savoir la prévention des incendies dans les installations liées aux déchets. Le volet assurantiel mérite d'être étudié en profondeur et fera probablement l'objet de travaux ultérieurs.

Le deuxième sujet traité par cette proposition de loi est la prévention des explosions dans les incinérateurs liés aux cartouches de protoxyde d'azote. Nous connaissons malheureusement tous déjà les conséquences sanitaires de cette nouvelle drogue, appelée « gaz hilarant ». Au-delà de cet aspect sanitaire, l'essor du protoxyde d'azote a également des conséquences pour la filière déchets : une fois consommées, les bouteilles ou les cartouches sont bien souvent jetées dans des corbeilles de rue ou abandonnées sur la voie publique, ce qui pose d'énormes problèmes aux collectivités territoriales.

Pourtant, une bouteille de cartouche de protoxyde d'azote est un déchet dangereux : la chaleur extrême du four dans les unités de valorisation énergétique entraîne une dilatation du gaz encore présent dans les bouteilles et provoque des explosions. Selon les accidents, le coût de ces explosions varie de 20 000 euros à 200 000 euros pour le gestionnaire de l'exploitation, en plus des perturbations éventuelles sur le service d'approvisionnement en énergie des usagers raccordés au réseau de chaleur. Au total, le préjudice économique lié aux réparations et aux arrêts de production subséquents aux explosions est estimé entre15 et 20 millions d'euros, d'après la Fédération nationale des activités de la dépollution de l'environnement (Fnade).

Afin de limiter ces accidents, l'article 3 prévoit d'intégrer les bouteilles et les cartouches de gaz à la filière de responsabilité élargie des producteurs des déchets diffus spécifiques, qui traite déjà les déchets dangereux. Cette intégration imposerait aux producteurs des écocontributions suffisantes pour assurer le traitement approprié de ces déchets et mener des campagnes de sensibilisation sur les règles de tri appropriées. Je vous proposerai un amendement, qui vise à exclure du champ de cet article les bouteilles de gaz rechargeables, pour lesquelles des dispositifs de collecte et de consignes fonctionnels existent déjà. Je pense notamment aux bouteilles utilisées en milieu hospitalier, pour lesquelles la filière est déjà sécurisée.

Cette disposition ne résoudra bien sûr pas tout. La réponse au phénomène d'explosion des bonbonnes de protoxyde d'azote ne peut pas être uniquement nationale : une évolution des règles européennes semble nécessaire pour imposer par exemple, à l'instar des bouteilles de propane ou de butane, la présence de soupapes de sécurité laissant s'échapper le gaz.

Les cartouches de protoxyde d'azote sont également à l'origine de surcoûts pour les collectivités territoriales en raison de la prolifération d'abandons dans l'espace public urbain. En application du principe « pollueur-payeur », l'article 4 prévoit la prise en charge par le producteur ou son éco-organisme des coûts de ramassage et de traitement des déchets issus des cartouches ou des bouteilles de gaz abandonnées.

Enfin, je vous proposerai également un amendement visant à modifier l'intitulé de cette proposition de loi, afin de préciser que le texte vise à lutter contre les risques d'accident en général, et non pas seulement contre le risque d'incendie.

Je suis convaincue que ces apports de bon sens enrichiront cette proposition de loi. Je salue la qualité, tout au long de mes travaux préparatoires, de notre collaboration avec les deux auteurs. Ceux-ci m'ont permis d'enrichir le texte sans trahir leur volonté initiale.

M. Alexandre Basquin. - Cette proposition de loi traite d'un véritable problème et je remercie ses auteurs de s'être penchés sur la question, ainsi que Jocelyne Antoine pour son rapport particulièrement pertinent.

J'ai moi-même été interpellé dans mon territoire par un syndicat de valorisation des déchets au sujet du protoxyde d'azote. Outre l'aspect sanitaire de cette consommation en particulier chez les jeunes, le protoxyde d'azote préoccupe fortement les centres de valorisation énergétique : le traitement de ces cartouches est un véritable calvaire. Le syndicat inter-arrondissements de valorisation des déchets du Valenciennois estime ainsi son coût direct à un million d'euros par an, sans évoquer les coûts indirects qui affectent le réseau de chaleur et l'approvisionnement en énergie des populations riveraines. Par ailleurs, il ne faut pas mésestimer le danger pour le personnel qui intervient. La situation qui en résulte est particulièrement injuste pour les collectivités locales. À cet égard, je salue les avancées de la proposition de loi, notamment le renforcement de la responsabilité des producteurs et l'intégration de ces déchets au sein de la REP des « déchets diffus spécifiques ».

Même si la rapporteure a évoqué le sujet, on peut toutefois regretter que cette proposition de loi ignore en partie le sort des contenants mêlés aux ordures ménagères. Je veux parler notamment des poubelles de rue, dont le tri n'est pas possible. Nous aurions pu nous saisir de ce texte pour contraindre les industriels à modifier les valves d'étanchéité des contenants afin de prévenir tout risque d'explosion. Certaines bonbonnes sont si grandes qu'elles peuvent être assimilées à des extincteurs. Nous devons, me semble-t-il, user davantage de moyens coercitifs en direction des producteurs. Pour autant, nous soutenons pleinement cette proposition de loi. Elle va dans le bon sens et constitue une étape majeure.

M. Stéphane Demilly. - Je salue à mon tour cette proposition de loi, qui me paraît judicieuse, importante, urgente et pleine de bon sens. Les incendies dans nos centres de tri et de recyclage sont en effet de plus en plus fréquents. En tant que sénateur de la Somme, je pense notamment au très important incendie de l'usine Paprec d'Amiens-nord, qui s'est déclaré dans la soirée du 27 janvier dernier. Plus de 80 sapeurs-pompiers ont dû lutter pour éteindre les flammes, qui ont détruit 11 000 des 20 000 mètres carrés de ce site spécialisé dans la revalorisation des déchets industriels. Heureusement, aucun blessé n'est à déplorer. Par mesure de précaution, il a toutefois été recommandé de reporter toutes les activités physiques de certaines communes, par crainte de pollution de l'air, ainsi que les activités nautiques, par crainte de pollution de l'eau.

Les incendies provoqués par les substances comme le lithium contenu dans les batteries et le protoxyde d'azote utilisé pour diverses applications industrielles sont non seulement extrêmement dangereux, mais également très difficiles à maîtriser. En raison de leur nature chimique, ces feux requièrent des protocoles de sécurité spécifiques et des équipements adaptés, sans lesquels les risques d'explosion et de propagation sont considérables. Comme l'a dit le président Longeot, il s'agit de véritables bombes à retardement. Selon vous, le mécanisme de prévention et de sensibilisation aux bonnes pratiques de tri de la part des éco-organismes suffira-t-il pour mieux alerter sur les dangers ? Par ailleurs, une formation spécifique ne serait-elle pas nécessaire pour les acteurs du secteur ?

M. Jacques Fernique. - Je remercie également les auteurs de la proposition de loi, ainsi que Mme la rapporteure pour son travail approfondi et précis. Cette proposition de loi est très positive : il était bien nécessaire de s'attaquer au problème grandissant que constituent ces batteries au lithium de diverses tailles jetées au rebut et ces cartouches ou contenants de protoxyde d'azote.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Citeo et d'autres acteurs le disent : il faudrait avant tout un tarissement à la source des bonbonnes de protoxyde d'azote. Outre les risques pour la santé, elles engendrent quantité de dépôts sauvages et d'erreurs de tri, voire, lorsque ces contenants sont soumis à de fortes chaleurs, des risques d'explosion et d'accidents.

Le recyclage des batteries au lithium peine à trouver sa maturité économique, faute pour l'instant de flux suffisants, en raison notamment de leur durée de vie. Bon nombre de petites batteries au lithium échappent par ailleurs au flux de déchets dédiés, celui de la filière REP des « déchets d'équipements électriques et électroniques » (DEEE), et sont jetées à tort avec les ordures communes. Nous avons donc un fort enjeu de sensibilisation sur les bons gestes de tri.

Il est urgent de transférer les contenants de protoxyde d'azote de la filière REP des emballages vers la filière REP des « DDS », qui est mieux à même de prévenir les incidents de ce type. Je rejoins également ce qui a été dit sur l'écoconception de ces contenants : une soupape de surpression laisserait en effet s'échapper le gaz avant qu'il ne provoque une explosion.

Nous soutenons la rédaction de l'article 2 proposée par Mme la rapporteure. La création d'un fonds n'aurait pas été nécessairement la bonne solution : ce n'est pas tout à fait la vocation des éco-organismes que de garantir et assurer ce type d'incidents. L'approche préventive est préférable à l'approche indemnitaire.

En conclusion, les mesures proposées sont tout à fait pertinentes et mon groupe y est favorable.

Mme Marta de Cidrac. - Je salue cette proposition de loi, qui traite en effet d'un sujet éminemment prégnant. Nous avons tous ou presque été saisis sur cette question par nos opérateurs dans nos territoires respectifs. Je salue également le travail de fond remarquable qu'a réalisé notre rapporteure Jocelyne Antoine.

Nous sommes au coeur même de l'économie circulaire et du principe « pollueur-payeur ». Devant la dangerosité avérée de ces objets qui suscitent des nuisances importantes, il était fondamental de renforcer la prévention. Je souscris donc aux amendements proposés par notre rapporteure, et particulièrement celui qui porte sur l'article 2.

Mme Nicole Bonnefoy. - Je joins mes remerciements à ceux de mes collègues. Nous sommes favorables à cette proposition de loi et nous voterons les amendements COM-1, COM-2, COM-4 et COM-5, mais nous nous abstiendrons sur l'amendement COM-3. En effet, nous jugeons regrettable la suppression du fonds d'indemnisation, qui renvoie le problème vers les collectivités.

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Mon cher collègue Alexandre Basquin, j'entends votre souhait d'aller plus loin sur la normalisation des contenants, ainsi que votre suggestion d'imposer des systèmes de sécurité sur lesdites bouteilles. Ces questions relèvent cependant du droit européen. Nous avons échangé avec la direction générale de la prévention des risques au ministère de la transition écologique, qui travaille sur ce sujet à l'échelle européenne. Il ne vous aura pas échappé que la montée en flèche de la consommation de ce « gaz hilarant » n'est pas spécifique à la France. Nous avons bon espoir d'avancer sur la normalisation des bouteilles et sur l'ajout de systèmes de sécurité.

Les services de l'État travaillent également sur le volume des bouteilles commercialisées. Ces cartouches, qui sont également utilisées dans la restauration, sont en effet de plus en plus grosses. Or plus elles sont grosses, plus elles font de dégâts dans les fours. Les plus petites cartouches, dites « siphon de la ménagère », ne posent pas vraiment de problèmes.

Monsieur Demilly, je suis tentée de vous répondre que la prévention et la formation ne sont jamais suffisantes. Nous disposons toutefois du retour d'expérience des filières REP « DEEE » et « Piles et accumulateurs ». Ces deux filières intègrent ces produits dangereux dans leurs process depuis plusieurs années. Elles sont prêtes à accompagner les autres filières, comme le textile, l'ameublement ou les emballages, en matière de prévention.

Les piles au lithium posent un problème dès lors qu'elles alimentent des filières où on ne les attend pas. Que fait en effet le consommateur qui reçoit à Noël une carte musicale lorsqu'il doit la mettre au tri sélectif ? En général, il la met dans le bac à papier, ce qui peut provoquer des incendies. Au cours des dix-huit derniers mois, la filière « DEEE » n'a enregistré qu'un seul incendie. On voit bien que les filières ayant cette culture du risque ont trouvé des solutions pour réduire l'accidentologie. Il faut donc qu'elles fassent bénéficier les autres filières de leur expérience. Il est certain que le risque zéro n'existe pas et qu'il y aura toujours des erreurs de tri. À cet égard, l'arrivée massive des piles boutons minuscules est un problème majeur : quand il la jette, le consommateur n'a pas le sentiment de jeter une pile.

M. Stéphane Demilly. - Où en est-on de la carte Noël ?

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - En théorie, il faut la découper pour diriger la pile bouton vers la filière piles et la carte en papier vers la filière papier. Je ne vous garantis pas que chacun fera cet effort...

Madame Bonnefoy, la création du fonds d'indemnisation n'était pas conforme à la réglementation européenne. Nous avons toutefois bien pris conscience, lors des auditions préparatoires, de la problématique d'indemnisation des collectivités. Il faut maintenant travailler davantage le côté assurantiel.

Je propose que le périmètre de la proposition de loi au titre de l'article 45 de la Constitution (cavalier législatif) inclue les dispositions relatives à la prévention du risque incendie dans les installations de traitement de déchets lié aux batteries au lithium, ainsi qu'au ramassage, à la collecte et au traitement des cartouches de protoxyde d'azote.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - L'amendement rédactionnel COM-2 vise à clarifier les éco-organismes et systèmes individuels concernés par l'obligation de communication. Il s'agit des filières REP « DEEE » et « Piles et accumulateurs », ainsi que des éco-organismes et systèmes individuels des filières REP couvrant les autres produits intégrant des piles et accumulateurs.

L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Il s'agit par l'amendement COM-3 de remplacer la création d'un fonds d'indemnisation des dommages causés par les incendies dus à l'inflammation des batteries collectées hors des circuits adaptés par l'ajout, aux missions relevant de la responsabilité élargie du producteur, de la prévention des accidents dans les centres de la filière déchets.

La création de ce fonds, financé par les éco-organismes des filières REP « DEEE » et « Piles et accumulateurs », est contraire au droit européen : la directive-cadre « Déchets » encadre à son article 8 bis les coûts que doivent couvrir les producteurs sous REP, et la mise en place d'un tel fonds n'est pas conforme à ses dispositions. Elle apparaît par ailleurs peu adaptée à l'enjeu des incendies liés aux batteries au lithium. En effet, le fonds ne réduira pas le nombre d'incendies et cette option relève du palliatif plutôt que du préventif.

Un dispositif alternatif vous est donc proposé : les éco-organismes devront, dans des modalités définies dans leur cahier des charges, accompagner, y compris financièrement, les opérateurs de déchets dans la mise en oeuvre de mesures de prévention des accidents, ce qui comprend notamment les incendies liés aux batteries au lithium.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - L'article 3 prévoit l'inclusion des cartouches et bouteilles de gaz dans le champ de la filière REP « DDS » pour permettre un traitement approprié. L'amendement COM-4 vise à exclure les bouteilles de gaz rechargeables.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

L'amendement rédactionnel COM-5 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à élargir le champ des installations considérées à l'ensemble des installations de traitement de déchets.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme ANTOINE, rapporteure

2

Identification des éco-organismes responsables de la campagne de communication.

Adopté

Article 2

Mme ANTOINE, rapporteure

3

Substitution de l'ajout de la prévention des accidents dans les installations de la filière déchets au fonds d'indemnisation des dommages causés par les incendies dans les installations de la filière déchets.

Adopté

Article 3

Mme ANTOINE, rapporteure

4

Exclusion des bouteilles de gaz rechargeables du champ de la filière REP « Déchets diffus spécifiques »

Adopté

Article 4

Mme ANTOINE, rapporteure

5

Correction d'une erreur de coordination.

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

Mme ANTOINE, rapporteure

1

Inclusion de l'ensemble des accidents et de l'ensemble des installations de la filière déchets à l'intitulé.

Adopté

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