RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 193(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie194(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte195(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial196(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 29 janvier 2025, le périmètre indicatif du projet de loi n° 260 (2024-2025) d'urgence sur Mayotte.
Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives :
- à l'habilitation du Gouvernement à créer par ordonnance un nouvel établissement public dédié à la reconstruction de Mayotte ainsi qu'à la gouvernance et au fonctionnement de cet établissement public ;
- à l'intervention temporaire de l'État dans le champ des compétences communales à Mayotte, en lien direct avec la crise liée aux intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024 ;
- à l'adaptation des règles d'urbanisme pour l'implantation de structures de logement temporaire, en lien direct avec la crise ;
- à l'adaptation des règles de construction et d'urbanisme en vue de la reconstruction et de la réfection des constructions, aménagements et installations (y compris les infrastructures de télécommunication et les réseaux de transport et distribution d'électricité) détruits ou endommagés par les intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024, ainsi qu'à l'adaptation d'autres règles régissant l'implantation ou les interventions sur certaines catégories de constructions, aménagements et installations spécifiques ;
- aux dispositions d'ordre général ou spécifiques relatives à la lutte contre la reconstitution de l'habitat informel après les intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024 ;
- à l'adaptation des dispositions du code de l'énergie et du code de la voirie routière en vue de la reconstruction et de la réfection des ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité détruits ou endommagés par les intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024 ;
- à l'adaptation temporaire des règles relatives à l'occupation d'emprises foncières et à l'expropriation pour cause d'utilité publique à Mayotte, en vue de la reconstruction de Mayotte en lien avec les intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024 ;
- au régime de défiscalisation des dons en faveur de l'aide d'urgence aux victimes des intempéries et de la reconstruction de Mayotte ;
- à l'adaptation temporaire des règles de commande publique à Mayotte, en vue de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par les intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024 ;
- à l'introduction temporaire, à Mayotte, d'une faculté de versement de subventions, par les collectivités territoriales et leurs groupements, à des associations, fondations et établissements publics, oeuvrant en faveur de la reconstruction et de l'aide aux victimes des intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024 ;
- à la suspension du recouvrement de certains impôts et taxes et à l'adaptation temporaire de certains régimes fiscaux afin de soutenir les populations et les entreprises dans le cadre de la reconstruction à la suite des intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13décembre 2024 ;
- à la suspension du recouvrement des cotisations et contributions sociales applicables à Mayotte ;
- aux aides en faveur des travailleurs indépendants mises en oeuvre à Mayotte ;
- à l'adaptation du régime de protection sociale de Mayotte, et notamment à la prolongation des droits et prestations sociaux, en réponse à la situation provoquée par les intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024 ;
- à l'adaptation des règles applicables à Mayotte relatives à l'indemnisation des travailleurs privés d'emploi et au dispositif de placement des salariés en activité partielle en réponse à la situation provoquée par les intempéries ayant frappé Mayotte à compter du 13 décembre 2024.
Les amendements figurant dans le tableau ci-après ont été déclarés irrecevables par la commission des affaires économiques sur le fondement de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du Règlement du Sénat :
Numéro |
Place |
Auteur |
Objet |
72 |
Additionnel après l'article 3 |
Mme ARTIGALAS |
Dérogations aux règles d'urbanisme pour le logement social à Mayotte. |
73 |
Additionnel après l'article 5 |
Mme ARTIGALAS |
Accélération des procédures d'urbanisme pour le logement social. |
1 rect. |
Additionnel après l'article 15 |
M. CABANEL |
Participation des volontaires du service civique à des missions en lien avec la protection des populations à la suite du passage du cyclone Chido à Mayotte |
100 rect. |
Additionnel après l'article 15 |
Mme LE HOUEROU |
Prolongation des visas et des titres de séjour des personnes en situation régulière établies à Mayotte |
29 |
Additionnel après l'article 22 |
Mme RAMIA |
Zonage de l'intégralité du territoire de Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville jusqu'en 2029. |
* 193 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 194 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 195 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 196 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.