E. UNE AMBITION RÉAFFIRMÉE : METTRE LA PROCÉDURE PÉNALE À LA HAUTEUR DE LA MENACE
La commission a adopté plusieurs amendements pour sécuriser et consolider les dispositifs du titre V de la proposition de loi.
À l'article 13, elle a prévu la compétence d'une cour d'assises composée de magistrats professionnels pour tous les crimes commis en bande organisée et supprimé, par cohérence, le dispositif visant à attraire à la procédure spécifique à la criminalité organisée l'ensemble des infractions connexes à cette dernière.
S'agissant de la réforme du statut des « repentis » prévue par l'article 14, la commission a procédé à divers ajouts. Outre l'harmonisation des conditions dans lesquelles les collaborateurs de justice seront éligibles à des exemptions ou à des réductions de peine, et outre des clarifications quant aux rôles respectifs des acteurs qui interviennent dans l'octroi du statut et des mesures de protection accordées aux personnes concernées et à leurs proches, la commission a, en suivant la proposition de ses rapporteurs, créé un régime d'immunité de poursuites. Inspiré du droit britannique, celui-ci permettra, à titre exceptionnel et à l'initiative exclusive du Pnaco ou d'une Jirs, d'accorder l'immunité aux délinquants dont les dénonciations permettent soit d'identifier un grand nombre d'autres auteurs ou de complices, soit de faire cesser ou d'éviter la répétition d'une infraction d'une particulière gravité.
À l'article 15, la commission a procédé à une réécriture permettant non seulement de préciser les modalités de l'anonymisation des policiers et gendarmes engagés dans la lutte contre la criminalité organisée, mais aussi d'étendre cette faculté aux douaniers et aux effectifs chargés de la lutte contre le trafic en mer.
Elle a également autorisé les agents faisant usage d'une identité d'emprunt, avec un nouvel article 15 bis, à recourir aux hyper-trucages (mieux connus sous leur nom anglais de deep fakes) pour dissimuler en ligne leur voix et leur apparence physique.
La commission a par ailleurs débattu de l'article 16, qui met en place un procès-verbal distinct. Relevant que ce fonctionnement, bien qu'original, n'était pas inédit dans le droit français - que ce soit en procédure pénale ou dans d'autres domaines du droit -, elle a jugé que le procès-verbal distinct n'était pas contraire dans son principe, ni dans ses modalités, aux normes conventionnelles et constitutionnelles, et paraissait en particulier compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle a adopté un amendement des rapporteurs afin de clarifier la rédaction envisagée et de conforter les garanties apportées aux justiciables, en :
- précisant que, quel que soit le motif de recours au procès-verbal distinct, celui-ci devra être limité aux cas où il est « nécessaire à la manifestation de la vérité » ;
- recentrant ce dispositif sur les techniques spéciales d'enquêtes les plus sensibles ;
- précisant les conditions du contrôle systématique qui sera exercé par la chambre de l'instruction ;
- prévoyant le versement au dossier de la procédure, accessible aux parties, de l'ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention autorisant le recours au procès-verbal distinct.
Sur la proposition d'Étienne Blanc, la commission a également précisé les délais dans lesquels le magistrat compétent pourra autoriser le recours à la géolocalisation.
L'article 17, relatif à la « provocation » à commettre une infraction, présentait des risques réels de non-conformité à la Constitution : la commission a répondu à cette difficulté en supprimant la possibilité que les auteurs souhaitaient donner au magistrat d'autoriser la commission de certaines infractions à l'initiative de l'agent infiltré.
Outre une coordination avec le nouvel article 15 bis, la commission a par ailleurs étendu le dispositif de l'article 18 en autorisant les agents qui procèdent à des « coups d'achat » à bénéficier d'une identité d'emprunt sur autorisation du magistrat compétent, y compris lorsqu'ils n'interviennent pas à la suite d'une offre de stupéfiants diffusée en ligne.
S'agissant des informateurs et de l'infiltration civile (article 19), et sans exclure de nouvelles évolutions au stade de la séance publique, la commission a adopté un amendement des rapporteurs : celui-ci apporte diverses améliorations rédactionnelles et, surtout, impose aux « infiltrés civils » de témoigner à l'issue de leur infiltration.
En ce qui concerne le régime des nullités, la commission a adopté l'article 20 sans modification. Elle a toutefois marqué son intention d'en retravailler la rédaction en séance publique afin de mieux encadrer la procédure d'examen des requêtes en nullité, mais aussi d'éviter l'inscription dans la loi de termes qui, insuffisamment précis, pourraient générer de nouveaux contentieux, à rebours de l'objectif recherché.
Enfin, la commission a adopté un amendement des rapporteurs visant à assurer la conformité de l'article 21 aux conventions internationales applicables.