E. DES MESURES STRUCTURELLES DE PROCÉDURE PÉNALE

Le titre V de la proposition de loi (articles 13 à 21) vient réformer la procédure pénale et faciliter le recours aux techniques spéciales d'enquête.

L'article 13 procède à la spécialisation de la chaîne pénale en matière de trafic de stupéfiants : d'une part, il intègre à la procédure spécifique à ce trafic les infractions connexes (mesure qui vise, en particulier, les règlements de comptes) ; d'autre part, il crée une fonction de juge de l'application des peines spécialisé en matière de criminalité organisée, à l'image de ce que le législateur a déjà prévu en matière de terrorisme.

L'article 14 réforme le statut des « repentis », aujourd'hui unanimement reconnu comme défaillant. Il procède, en premier lieu, à une extension du champ matériel de ce statut, en particulier pour l'ouvrir aux personnes ayant commis des crimes de sang. En second lieu, il comporte diverses mesures ayant pour objet de rendre le statut plus attractif pour les personnes concernées (meilleure garantie de la réduction de peine proposée par le parquet, qui ne pourrait être remise en cause par la juridiction de jugement qu'avec une décision spécialement motivée ; en contrepartie, conclusion d'une convention entre le ministère public et le repenti permettant la révocation de la protection accordée en cas de violation des obligations imposées à celui-ci). Enfin, il prévoit une compétence exclusive du procureur national antistupéfiants pour les « repentis » du narcotrafic.

L'article 15 facilite l'anonymisation des officiers de police judiciaire affectés dans des services chargés de la lutte contre la criminalité organisée : considérant qu'ils sont, du fait même de leurs fonctions, exposés à des menaces particulières, les auteurs proposent une procédure allégée leur permettant d'être identifiés par leur immatriculation administrative - ce qui n'exclut pas leur identification in fine.

L'article 16 instaure un procès-verbal distinct sur lequel seraient inscrites les modalités de fonctionnement de certaines techniques spéciales d'enquête sensibles ou les éléments d'identification des infiltrés, des témoins menacés ou des informateurs. La proposition de loi prévoit un encadrement étroit de ce nouvel outil : limitation du périmètre du procès-verbal à des indications clairement identifiées (c'est-à-dire la date, l'horaire ou le lieu de mise en oeuvre d'une technique spéciale d'enquête, ses méthodes d'exécution et ses modalités d'installation et de retrait) ; autorisation du recours à un tel procès-verbal par le juge des libertés et de la détention ; contrôle systématique de son contenu par la chambre de l'instruction.

L'article 17 vient définir la notion d'« incitation à commettre une infraction » qui, dans le silence de la loi, est aujourd'hui une source d'incertitude juridique en cas d'infiltration ou d'enquête sous pseudonyme. Les auteurs prévoient ainsi de préciser que la « provocation » ne serait pas constituée par des « actes qui contribuent à la poursuite d'une infraction déjà préparée ou débutée » au moment où le magistrat compétent a autorisé une opération sous identité d'emprunt (infiltration, « coup d'achat », etc.) ou qui « aggravent ou réitèrent » l'infraction initiale.

L'article 18 vise à rendre plus efficace la procédure dite du « coup d'achat ». Il apporte à cette fin deux précisions : d'une part, il prévoit que le magistrat ayant autorisé le recours à une telle opération à la suite d'une offre de produits stupéfiants diffusée en ligne pourra également autoriser qu'il soit fait usage d'une identité d'emprunt ; d'autre part, il prévoit que les officiers ou agents de police judiciaire, déjà autorisés par le droit en vigueur à acquérir des produits stupéfiants pour en identifier les vendeurs, pourront en suivre l'acheminement et le transport afin de « remonter » la chaîne logistique du trafic.

L'article 19, relatif aux informateurs, poursuit un double objectif. Le premier porte sur la mise en place d'un statut des informateurs et de leurs traitants : s'inspirant de l'actuelle « charte des informateurs » de la police et de la gendarmerie nationales, les auteurs prévoient que l'informateur pourra être rétribué, que son identité pourra être protégée, et que les traitants agiront dans un cadre collégial et sous le contrôle de leur hiérarchie avec, dans certains cas, l'association de l'autorité judiciaire. Le second est d'instaurer une « infiltration civile » permettant aux informateurs, sur décision du procureur national antistupéfiants et dans des conditions régies par une convention, de devenir des infiltrés.

L'article 20 vise à limiter le poids des nullités « provoquées ». Reprenant les termes utilisés tant par la Cour de cassation que par le Conseil constitutionnel dans leurs jurisprudences, les auteurs proposent ainsi d'écarter par principe le prononcé d'une nullité lorsque celle-ci résulte d'une négligence ou d'une manoeuvre de la partie qui l'invoque.

L'article 21 vise à étendre les compétences de la justice française pour lutter contre le narcotrafic en haute mer.

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