B. DES CRÉDITS LARGEMENT ABONDÉS PAR DES DÉPENSES FISCALES ET DES CRÉDITS DE LA MISSION « DÉFENSE »
Les moyens de la mission sont largement abondés par des vecteurs que ses crédits ne retracent pas. Il s'agit de financements issus d'autres missions budgétaires au bénéfice de politiques portées par la mission « anciens combattants » ou d'avantages fiscaux ou sociaux attribués à tout ou partie des anciens combattants.
La prise en compte des seuls avantages fiscaux conduit à rehausser significativement l'effort de la Nation envers les anciens combattants.
Ainsi, les dépenses fiscales rattachées à la mission sont évaluées à 598 millions d'euros pour 2025. Ce montant représente 31 % des crédits budgétaires de la mission. Sur ces 598 millions d'euros, la demi-part fiscale attribuée aux titulaires de la carte du combattant et à leurs veuves de plus de 74 ans représente 481 millions d'euros.
1. Des actions abondées par des crédits extérieurs à la mission et provenant notamment de la mission « Défense »
Certaines politiques publiques financées par la mission, notamment celles prévues à l'action 08 « liens armée-jeunesse » du programme 169 (la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) et le Service Militaire Volontaire (SMV)), sollicitent des moyens qui sont loin d'être exhaustivement retracés par les dotations ouvertes en loi de finances au titre de la mission « Anciens combattants » elle-même. En 2025, les crédits extérieurs à la mission « Anciens combattants » représentent 70 % du financement de la JDC.
La situation du SMV est plus complexe, ce dispositif bénéficiant de crédits provenant à la fois de la présente mission, de la mission « Défense », des régions et de financements européens, rendant la programmation budgétaire particulièrement opaque, ce qu'il convient de regretter. Ce dernier est financé à hauteur de 90 % par des crédits hors mission.
En dehors du lien armées-jeunesse, l'évaluation du concours de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » à la politique de réparation en faveur des victimes de l'Occupation couvert par le programme 158 n'est pas accessible. Ne l'est pas davantage la contribution, en matière de coût, du ministère de la culture aux objectifs poursuivis par la politique de réparation des préjudices subis par les victimes de spoliations antisémites alors même qu'une cellule spécifiquement dédiée a été instituée à cet effet.
Le rapporteur spécial regrette que les informations indisponibles dans les documents budgétaires aboutissent à méconnaître la réalité des efforts publics effectivement consacrés à ces actions.
2. Des dépenses fiscales importantes mais en baisse
La dépense fiscale se maintient à un niveau élevé au regard des crédits de la mission. Au cours des dernières années, cette dernière a décru à une vitesse moindre que les crédits de la mission, ce qui tend à renforcer son poids relatif dans l'effort de la Nation envers les anciens combattants. Le montant de la dépense fiscale de la mission est supérieur aux crédits alloués à l'allocation de reconnaissance du combattant. Cette dernière comporte trois dépenses principales : la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves, l'exonération des pensions servies par la mission et la déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant.
L'extension par la LFI 2023 de la demi-part
fiscale
des anciens combattants et de leurs veuves
La niche fiscale n° 110 103 bénéficiait, jusqu'au PLF 2023 :
- aux titulaires de la carte du combattant âgés de 74 ans ;
- aux conjoints survivant des bénéficiaires de la retraite du combattant (allocation de reconnaissance du combattant depuis le 30 juin 2023, condition qui est équivalente à une condition d'âge de 65 ans du conjoint au moment de son décès) âgés de 74 ans.
Dans l'immense majorité des cas, les titulaires de la carte du combattant bénéficient de l'allocation de reconnaissance du combattant à partir de 65 ans. Ainsi, avec le régime précédent, la veuve de 74 ans ne pouvait pas bénéficier de la demi-part fiscale si son conjoint ancien combattant était décédé avant 65 ans.
Un premier amendement adopté à l'Assemblée nationale et retenu lors de l'activation du 49 alinéa 3 prévoyait de réduire la condition d'âge du décès du conjoint ancien combattant à 60 ans pour que la veuve puisse bénéficier de la demi-part fiscale à ses 74 ans. Cette version du dispositif avait été chiffrée à 133 millions d'euros.
Un second amendement a été adopté au Sénat, pour supprimer entièrement la condition d'âge de décès du conjoint ancien combattant. Ce dernier n'avait pas été chiffré, pour autant son coût ne pouvait pas être inférieur à 133 millions d'euros. Cette version de l'article 3 quinquies a été retenue dans la LFI pour 2023.
Ainsi, la niche fiscale n° 110 103 bénéficie aujourd'hui :
- aux titulaires de la carte du combattant âgés de 74 ans ;
- aux conjoints survivant des titulaires de la carte du combattant (donc sans condition d'âge du conjoint ancien combattant au moment de son décès) âgés de 74 ans.
L'estimation du coût de cette dépense fiscale a évolué à la baisse entre la LFI 2023 et la LFI 2024, celle-ci étant évaluée à 521 millions d'euros dans le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Anciens combattants » pour 2023 et à 489 millions d'euros pour 2024 par le PAP « Anciens combattants » de 2024.
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
Au global, le niveau des dépenses fiscales de la mission est en légère baisse et s'établit à un niveau inférieur à celui anticipé dans le précédent projet annuel de performances.
Évaluation des dépenses fiscales de la mission
(en millions d'euros)
Année |
Dépense fiscale |
Dépense fiscale |
2023 |
621 |
604 |
2024 |
615 |
600 |
2025 |
N/A |
598 |
Source : PAP « Anciens combattants » 2024 et 2025
Une conséquence de l'importance des dépenses fiscales par rapport aux aides universelles est qu'elle entraîne une reconnaissance de la Nation moins redistributive. La dépense fiscale la plus importante, la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves de plus de 74 ans, bénéficie disproportionnellement aux anciens combattants ou veuves les plus redevables de l'impôt sur le revenu et donc aux plus aisés. Or, le montant de la demi-part fiscale, 481 millions d'euros, constitue un quasi-doublement du montant consacré à l'allocation de reconnaissance du combattant (505 millions d'euros).
Un même constat s'impose en ce qui concerne l'exonération d'imposition sur le revenu de la plupart des allocations versées par le programme 169 (90 millions d'euros de transferts vers les anciens combattants).
Le rapporteur spécial regrette également que la répartition des bénéficiaires de ces dépenses fiscales ne soit pas connue. Il appelle à ce que cette situation soit rectifiée, notamment en ce qui concerne le poste de dépense le plus important, à savoir la demi-part accordée aux contribuables de plus de 74 ans.
Le gouvernement indiquait dans l'annexe « Voies et moyens » du PLF 2024 avoir prévu une évaluation de la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves. Aucune information n'a cependant été transmise à ce sujet dans le cadre du PLF 2025.
3. Les indicateurs de performance de la mission : des résultats généralement bons, un nouvel indicateur pour le SMV
Plusieurs indicateurs appellent à des observations :
Le PLF 2025 voit l'introduction d'un indicateur 3.2, ajouté suite à l'adoption d'un amendement du rapporteur spécial au PLF 2024, indiquant la proportion de volontaires stagiaires recrutés pour le Service Militaire Volontaire allant jusqu'au bout de leur contrat d'engagement (ou le rompent prématurément du fait d'une insertion professionnelle rapide). Cet indicateur complète l'indicateur « historique » 3.1 qui indique la proportion de volontaires stagiaire ayant réussi à s'intégrer professionnellement pour ceux qui sont arrivés au bout de leur contrat d'engagement.
Les deux indicateurs combinés permettent ainsi de savoir, sur le nombre de volontaires recrutés, combiens sont arrivés au bout de la démarche et combien ont été intégrés.
La cible de 75 % indiquée sur l'objectif 3.2 n'appelle pas de remarque particulière et devrait être atteinte.
En ce qui concerne l'indicateur 1.1 « taux de satisfaction du jeune au regard de la journée défense et citoyenneté », cet indicateur est régulièrement doté d'un objectif très élevé, qui est atteint. Pour autant, sa signification apparaît limitée. Ainsi, malgré ses résultats toujours très élevés (taux de satisfaction toujours supérieur à 80 %) le ministère des armées indique qu'il considère que le contenu de la JDC n'est plus adapté aux attentes des jeunes et prévoit une refonte de celle-ci.
L'indicateur 5 « Fournir les prestations de l'ONaC-VG avec la meilleure efficacité possible » prévoit une baisse significative du nombre de titre à traiter par agent, du fait d'une réduction anticipée du nombre de dossier causée par un moindre engagement des troupes dans les opérations extérieures. Le nombre de dossier par agent passe ainsi de 3 150 en 2024 à 2 600 en 2025. Le temps de traitement des demandes reste inférieur de 15 jours à sa cible avec un délai de traitement moyen à environ 100 jours pour une cible de 115 jours.
S'agissant du délai de traitement des dossiers de PMI (indicateur 2.1), les résultats observés passent sous les objectifs de performance mais restent de manière générale très élevés (217 jours en moyenne sur l'année 2023 pour les nouvelles demandes pour un objectif de 230 jours). S'agissant d'une valeur moyenne, il n'est pas possible d'exclure que dans certains cas ces délais - très longs - soient encore plus importants. L'objectif visé en 2025, de 225 jours, est donc inférieur à la réalisation actuelle.