- L'ESSENTIEL
- I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA
MISSION
- A. DES CRÉDITS QUI CONTINUENT LEUR
TRAJECTOIRE BAISSIÈRE
- 1. Des économies programmées
d'environ 21,5 millions d'euros marquant une
nouvelle année de recul relativement faible
- 2. Un projet de budget
pour 2025 poursuivant une trajectoire baissière tendancielle
malgré la revalorisation des rentes viagères
- 3. Des crédits s'intégrant dans une
trajectoire budgétaire très contrainte pour les
années 2025 à 2027
- 1. Des économies programmées
d'environ 21,5 millions d'euros marquant une
nouvelle année de recul relativement faible
- B. DES CRÉDITS LARGEMENT ABONDÉS PAR
DES DÉPENSES FISCALES ET DES CRÉDITS DE LA MISSION
« DÉFENSE »
- A. DES CRÉDITS QUI CONTINUENT LEUR
TRAJECTOIRE BAISSIÈRE
- II. ANALYSE PAR PROGRAMME
- A. LE
PROGRAMME 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN
FAVEUR DU MONDE COMBATTANT, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA
NATION » : UN PROGRAMME AUX ACTIONS DIVERSES MAIS DONT LES
CRÉDITS COUVRENT ESSENTIELLEMENT CELLES EN FAVEUR DES ANCIENS
COMBATTANTS ET DES INVALIDES
- 1. Des crédits hétéroclites,
largement dominés par l'effort en faveur des anciens combattants
- 2. Des crédits dédiés à
l'effort en faveur des anciens combattants et invalides de guerre en
baisse
- a) Des extensions de droits de portée
limitée ces dernières années, une revalorisation du point
PMI en 2025 toujours inférieure à l'inflation
- b) L'érosion du nombre de
bénéficiaires à l'origine des baisses de crédits du
programme 169
- (1) L'allocation de reconnaissance du combattant,
une reconnaissance de la Nation dont les crédits diminuent au rythme du
nombre de ses bénéficiaires
- (2) Les pensions militaires d'invalidité,
régime d'indemnisation recouvrant des situations très diverses et
dont la population tend tout à la fois à diminuer et à se
recomposer
- c) Une revalorisation des pensions
inférieure à l'inflation en 2025
- d) Une déformation des équilibres de
la politique de reconnaissance en faveur du monde combattant malgré des
avantages peu mobilisés
- a) Des extensions de droits de portée
limitée ces dernières années, une revalorisation du point
PMI en 2025 toujours inférieure à l'inflation
- 3. Les crédits des actions en faveur des
rapatriés continuent leur progression en 2025
- 4. Les crédits affectés à
l'action liens armées-jeunesse connaissent une hausse significative mais
la JDC et le SMV restent largement financés par la mission
« Défense »
- a) Le service militaire volontaire :
3,4 millions d'euros inscrits au budget de la mission mais, au total, un
budget de plus de 50 millions d'euros
- b) La JDC : une hausse des crédits de
la mission et une baisse du coût du dispositif
- (1) Des crédits pour 2024 en
légère hausse non représentatifs du coût réel
du dispositif
- (2) La JDC, une action clé de la lutte
contre le décrochage scolaire et la marginalisation qui mérite
d'être mieux suivie
- (3) Le SNU, un dispositif dont l'articulation avec
la JDC reste incertaine
- a) Le service militaire volontaire :
3,4 millions d'euros inscrits au budget de la mission mais, au total, un
budget de plus de 50 millions d'euros
- 5. Une baisse franche des crédits
« Politique de mémoire » à la suite du
programme commémoratif exceptionnel de l'année 2024
- 6. Les opérateurs du programme, soumis
à une budgétisation qui suscite l'inquiétude quant
à la soutenabilité de leurs comptes
- a) L'évolution des crédits et des
plafonds d'emploi des opérateurs de la mission
- (1) Des crédits en augmentation en raison
du renforcement des actions en faveur des harkis mais qui permettent
difficilement de couvrir le fonctionnement courant des opérateurs
- (2) Un plafond d'emplois stable mais
sous-exécuté en 2025, après une période de
baisse importante
- b) L'ONaCVG, un acteur incontournable pour la mise
en oeuvre des crédits de la mission en cours de restructuration
- (1) L'ONaCVG, un acteur essentiel dans la mise en
oeuvre des actions de la mission « Anciens
combattants »
- (2) Des crédits en augmentation compensant
partiellement les hausses de charge de l'ONaCVG en 2025
- (3) Une restructuration ayant permis une plus
grande efficacité de l'ONaCVG dans son traitement des dossiers
- c) L'Institution Nationale des Invalides, un
acteur unique et irremplaçable pour la prise en charge des invalides de
guerre
- a) L'évolution des crédits et des
plafonds d'emploi des opérateurs de la mission
- 1. Des crédits hétéroclites,
largement dominés par l'effort en faveur des anciens combattants
- B. LE PROGRAMME 158 : UNE ENVELOPPE PLUS
LIMITÉE ET ÉGALEMENT EN BAISSE
- 1. Indemnisation des orphelins : la
réduction du nombre de crédirentiers
- 2. La nécessité d'une réforme
d'équité du dispositif de l'action 02 relatif à
l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie
- 3. La réparation des spoliations
antisémites, une budgétisation en fonction des dossiers
traités par la CIVS
- 1. Indemnisation des orphelins : la
réduction du nombre de crédirentiers
- A. LE
PROGRAMME 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN
FAVEUR DU MONDE COMBATTANT, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA
NATION » : UN PROGRAMME AUX ACTIONS DIVERSES MAIS DONT LES
CRÉDITS COUVRENT ESSENTIELLEMENT CELLES EN FAVEUR DES ANCIENS
COMBATTANTS ET DES INVALIDES
- I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA
MISSION
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 144 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC
LA NATION |
Rapporteur spécial : M. Marc LAMÉNIE |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
À titre liminaire, le rapporteur déplore qu'aucune des réponses à son questionnaire budgétaire sur le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » ne lui ait été remise dans les délais impartis par la LOLF1(*).
I. UNE NOUVELLE ANNÉE DE LÉGÈRE BAISSE DES CRÉDITS
Évolution des crédits et des dépenses fiscales de la mission
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après la documentation budgétaire
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits baisser de manière constante année après année suivant ainsi la démographie des bénéficiaires des pensions portées par cette mission. L'année 2025 représente une deuxième année de diminution plus modeste des crédits, de 16,4 millions d'euros en AE (- 0,86 %), légèrement supérieure à celle de l'année 2024 (- 9,9 millions d'euros en AE). Pour mémoire, l'année 2023 se démarquait par l'ampleur de sa baisse (- 161 millions d'euros en AE, soit - 7,7 %). Les crédits de la mission s'établissent à 1 901,9 millions d'euros en AE et 1 906 millions d'euros en CP en 2025.
À ces crédits s'ajoute une dépense fiscale significative rattachée à la mission. Son montant pour 2025 est estimé à 598 millions d'euros, soit presqu'un tiers des crédits budgétaires. 80 % de cette dépense fiscale concerne la demi-part fiscale dont bénéficient les anciens combattants et leurs conjoints survivants à partir de 74 ans.
II. UN BUDGET QUI SE RÉDUIT SOUS LE DOUBLE EFFET DE LA DISPARITION DES BÉNÉFICIAIRES ET LE FAIBLE DYNAMISME DES PENSIONS VERSÉES
Si les crédits de la mission se réduisent généralement année après année du fait de la baisse des allocations viagères, leur évolution n'est pas homogène en fonction des actions. En particulier, les crédits de l'aide aux rapatriés et du lien armées-jeunesse sont en hausse.
A. LA BAISSE DES CRÉDITS DES ALLOCATIONS VIAGÈRES
Les pensions militaires d'invalidité baissent en 2025 de 28,3 millions d'euros (AE), soit une diminution de 4,1 %. Les crédits de l'allocation de reconnaissance du combattant diminuent eux de 31,4 millions d'euros (AE) en 2025, soit une diminution 5,85 %. Ces baisses sont dues à la démographie des bénéficiaires de ces rentes, qui sont en moyenne très âgés et dont le nombre diminue chaque année. Pourtant, la majoration des rentes mutualistes du combattant, dont les crédits connaissent aussi traditionnellement une trajectoire baissière pour les mêmes raisons, sont en hausse en 2025 de 16,5 millions d'euros (+ 8,5 %).
La baisse concerne aussi les allocations du programme 158, également servies à une population très âgée et dont les crédits du programme diminuent de 2,8 millions d'euros en 2025, soit - 3,2 %.
B. DES PENSIONS TOUCHÉES PAR L'INFLATION, NOTAMMENT DANS LE CAS DES PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ
Les deux pensions servies par le programme 169, à savoir l'allocation de reconnaissance du combattant et les pensions militaires d'invalidité, sont fixées par rapport à un point d'indice lui-même indexé sur l'évolution des rémunérations publiques. La revalorisation de ce point d'indice est traditionnellement très peu dynamique et, excepté en 2017, systématiquement inférieure à l'inflation depuis plus d'une décennie. La revalorisation du point PMI au 1er janvier 2025 sera de 0,94 %, passant ainsi de 15,90 à 16,05 euros.
Pour l'allocation de reconnaissance du combattant, les augmentations du nombre de points de l'allocation décidées et 2017 et 2018, qui devaient être des mesures de reconnaissance et d'amélioration de la situation des anciens combattants, ont contrebalancé le faible dynamisme du point d'indice. La situation est différente pour les pensions militaires d'invalidité dont le nombre de points dépend du degré d'invalidité du pensionnaire et dont la valeur réelle est frappée de plein fouet par l'inflation.
III. LES CRÉDITS DES AUTRES ACTIONS DE LA MISSIONS CONNAISSENT DES VARIATIONS IMPORTANTES À LA HAUSSE ET À LA BAISSE EN FONCTION DE LA CONJONCTURE
A. LES CRÉDITS EN FAVEUR DES RAPATRIÉS CONTINUENT DE SE RENFORCER
L'action en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés avait connu un renforcement exceptionnel en 2022, passant de 26,6 millions d'euros à 100,9 millions d'euros entre le PLF pour 2022 et le PLF pour 2023. Les crédits dédiés continuent de se renforcer depuis. En 2025, ils s'établissent à 123,5 millions d'euros, en progression de 10,1 %. Cette augmentation est due aux revalorisations des allocations servies aux rapatriés et à leurs conjoints survivants consenties en 2024.
Une décision de la CEDH du 4 avril 2024 « Tamazount » a conduit au réexamen de plusieurs dossiers du dispositif de reconnaissance prévu par la loi du 23 février 2022. Les conséquences budgétaires de cette décision sont estimées à 41 millions d'euros, et la dotation liée à ce dispositif n'a pas augmenté. Le Gouvernement a donc décidé de prolonger le dispositif et de renvoyer le traitement de nouveaux dossiers à plus tard pour ne pas programmer 41 millions d'euros supplémentaires en 2025.
B. UNE BAISSE PRÉVISIBLE DES CRÉDITS DE LA POLITIQUE DE LA MÉMOIRE
Les crédits de la politique de mémoire baissent de 22 % en 2025 en raison essentiellement de la réduction des moyens alloués aux commémorations, celles-ci étant moins nombreuses en 2025 (pour les 80 ans de la Victoire et des combats qui l'ont entouré) qu'en 2024 (80 ans des débarquements et des combats de la Libération). Le budget des commémorations est ainsi passé de 19,8 millions d'euros en 2024 à 10,5 millions d'euros en 2025, auxquels doivent s'ajouter 4,5 millions d'euros pour un GIP « mission du 80ème anniversaire des débarquements, de la libération et de la Victoire ».
Les crédits dédiés à l'entretien du patrimoine mémoriel de l'État restent, eux, stables par rapport à 2024, à 16,6 millions d'euros. Le rapporteur souligne néanmoins que cette politique a fait l'objet de 8 millions d'euros d'annulations en 2024.
C. UNE REFONTE DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ ENTRAINANT DES SURCOUTS
Les crédits consacrés à la journée défense et citoyenneté (JDC) et au service militaire volontaire (SMV) sont en forte hausse, de 57,35 %, au bénéfice exclusif de la JDC. La très grande majorité du financement du SMV et de la JDC provient cependant de la mission « Défense » (80 % en 2024).
Selon les seules informations du projet annuel de performances dont dispose le rapporteur, la JDC « nouvelle génération vise un déroulement sur une journée complète, prioritairement sur des sites militaires, et son contenu intégrera des ateliers immersifs ».
IV. LES OPÉRATEURS DE LA MISSION : UN FINANCEMENT DES DÉPENSES D'INTERVENTION MAIS DES RISQUES DE RETARD POUR LES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES
La mission « Anciens combattants » compte trois opérateurs : l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), l'Institution nationale des Invalides (INI) et le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».
A. L'OFFICE NATIONAL DES COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE (ONACVG)
Les crédits transférés à l'ONaCVG en 2025 sont en hausse du fait d'un renforcement des moyens des politiques publiques qu'il doit mettre en oeuvre. Cette hausse de moyens ne couvre néanmoins pas la totalité des coûts supplémentaires portés par l'ONaCVG et notamment ceux liés à la revalorisation des rémunérations de ses agents. L'Office indique que son niveau de trésorerie est trop faible pour compléter sa subvention pour charges de service public.
Il faut souligner qu'en l'état actuel de la prévision budgétaire, la trajectoire inscrite dans le contrat d'objectifs et de performance 2020-2025 de l'Office est dépassée, car il ne pouvait pas anticiper le quadruplement des crédits en faveur des réfugiés, qui s'est accompagné de 40 000 dossiers à traiter, ainsi que l'inflation qui a affecté l'Office de différentes manières : rémunération des agents, renchérissement du coût des travaux d'entretien du patrimoine mémoriel combattant, etc. En outre, de nouvelles compétences ont été confiées à l'Office, dont les maisons ATHOS.
La restructuration de l'Office prévue par le même COP a cependant été mise en oeuvre et a eu les effets escomptés : le traitement des dossiers dont il a la charge a été centralisé à Caen et ces derniers sont traités plus rapidement qu'auparavant avec moins d'agents.
Le rapporteur propose, par un amendement de crédits, de confier à l'ONACVG la tâche de perpétuer les missions et la mémoire de l'Ordre de la Libération, lesquelles constituent actuellement la seule compétence du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ». Cette mesure rationalisation administrative conduirait à une économie d'un million d'euros.
B. L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES (INI)
L'INI s'engage dans un contrat d'objectifs et de performance (COP) 2022-2026. Ce dernier porte l'ambition de la création d'un parcours de soins complet et complémentaire avec le service de santé des armées qui prend désormais en compte les blessures psychiques.
Le COP porte également sur la bonne mise en oeuvre du schéma directeur immobilier de l'INI. L'Institution s'est en effet lancée dans un vaste plan de rénovation de ses locaux. Le coût total de ces travaux doit s'élever à 62,2 millions d'euros, dont 12,7 millions d'euros financés par les ressources propres de l'INI. À ces travaux doivent également s'ajouter une rénovation du bâtiment Robert de Cotte, pour laquelle un budget global de 21,7 millions d'euros est prévu.
L'INI fait actuellement face à de graves difficultés de financement du fait d'une baisse de ses ressources propres, liée à la difficulté de maintenir son niveau d'activité dans un contexte de travaux immobiliers importants, à ses difficultés pour recruter des personnels médicaux et paramédicaux manquants et à la baisse du nombre de pensionnaires de l'INI.
Réunie le jeudi 24 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » tels que modifiés par son amendement.
Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 100 % des réponses à son questionnaire portant sur le programme 158 et 0 % des réponses à son questionnaire portant sur le programme 169.
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION
A. DES CRÉDITS QUI CONTINUENT LEUR TRAJECTOIRE BAISSIÈRE
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » connaît une diminution régulière de ses crédits, dégageant ainsi des économies spontanées, qu'on pourrait aussi qualifier de passives, sur les dépenses publiques de l'État. De 2012 à 2025, les dépenses auront ainsi reculé de plus d'un milliard d'euros.
1. Des économies programmées d'environ 21,5 millions d'euros marquant une nouvelle année de recul relativement faible
Les crédits programmés pour 2025 s'élèvent à 1 901,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1 906 millions d'euros en crédits de paiement (CP), contre 1 918,3 millions d'euros en AE et 1 927,5 millions d'euros en CP l'an dernier, faisant ressortir une économie de 16,4 millions d'euros en AE et 21,5 millions d'euros en CP.
Ces économies restent légères par rapport à celles qu'a pu connaitre la mission (- 160 millions d'euros en AE entre 2022 et 2023) mais est plus importante que la quasi-stabilité entre la LFI 2023 et la LFI 2024 (- 6 millions d'euros en AE).
La mission comporte 2 programmes :
- les crédits de la mission sont très majoritairement concentrés (95 %) sur le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». 64 % des crédits de ce programme sont consacrés à deux catégories de droits viagers, à savoir les pensions militaires d'invalidité (PMI) et l'allocation de reconnaissance du combattant (1 167 millions d'euros au total). Les crédits du programme 169 et de la mission sont ainsi très sensibles aux variations touchant la valeur unitaire de ces allocations et la population des allocataires. Les crédits de ce programme sont en baisse de 13,6 millions d'euros en AE et de 18,7 millions d'euros en CP ;
- le second programme de la mission, le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » de la mission connaît lui une baisse de 2,8 millions d'euros, soit un recul de 3,16 % par rapport à 2024 (AE = CP).
Évolution par programme des autorisations
d'engagement de la mission
entre 2023 et 2024
(en millions d'euros)
|
2024 |
2025 |
Écart |
Programme 169 |
1 830,2 |
1 816,6 |
- 13,6 |
Programme 158 |
88,1 |
85,3 |
- 2,8 |
Total |
1 918,3 |
1 901,9 |
- 16,4 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Traditionnellement, la grande majorité des économies constatées sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est attribuable à la baisse du nombre de bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant et de la pension militaire d'invalidité qui représentent, pour l'essentiel, des dépenses de prestations (de titre 6) accordées en témoignage de la reconnaissance de la Nation à ses anciens combattants. Le PLF 2025 ne fait pas exception à cette règle.
Les crédits liés aux pensions militaires d'invalidité et à l'allocation de reconnaissance du combattant continuent ainsi leurs trajectoires baissières : Les crédits de la PMI diminuent de 4,1 % et ceux de l'allocation de reconnaissance du combattant de 5,85 % (AE=CP).
La majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre2(*) est elle cependant en hausse de 16,6 millions d'euros, après près d'une décennie de baisse3(*).
Les autres postes de dépenses du programme 169, d'une importance bien moindre en termes de volume de crédits, sont, sauf pour la politique de mémoire, globalement en hausse avec notamment une augmentation de plus de 50 % des crédits dédiés au lien armées-jeunesse4(*).
Enfin, la baisse des crédits prévus au titre du programme 158 est également due à des raisons essentiellement démographiques.
2. Un projet de budget pour 2025 poursuivant une trajectoire baissière tendancielle malgré la revalorisation des rentes viagères
Les crédits de la mission restent sur leur trajectoire structurelle, qui n'est pas remise en cause par la revalorisation du point de pension militaire d'invalidité (point PMI) de 15,90 euros à 16,05 euros prévue au 1er janvier 2025. Le point PMI est l'indice sur lequel sont indexées la PMI et l'allocation de reconnaissance du combattant. La revalorisation du point PMI, de 0,94 % se trouve ainsi être inférieure à l'inflation.
De 2012 à 2025, la mission, dépenses fiscales comprises, a perdu 32 % de son enveloppe.
Évolution des crédits et des dépenses fiscales de la mission depuis 2012
(en milliards d'euros, Autorisations d'Engagement)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
3. Des crédits s'intégrant dans une trajectoire budgétaire très contrainte pour les années 2025 à 2027
Le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 inscrit sans surprise la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » dans une trajectoire baissière. Les crédits devraient ainsi connaître une réduction de 6,8 % en 2026 et de 10,5 % en 2027, la baisse étant dans les deux cas essentiellement due à l'attrition démographique des bénéficiaires des rentes viagères servies par la mission. Une prédiction similaire était néanmoins réalisée l'année dernière et les crédits de la mission devaient diminuer de 5,3 % en 2025 et de 9 % en 2026, or celle-ci n'a pas eu lieu en 2025 et la réduction a été revue à la baisse en 2026.
B. DES CRÉDITS LARGEMENT ABONDÉS PAR DES DÉPENSES FISCALES ET DES CRÉDITS DE LA MISSION « DÉFENSE »
Les moyens de la mission sont largement abondés par des vecteurs que ses crédits ne retracent pas. Il s'agit de financements issus d'autres missions budgétaires au bénéfice de politiques portées par la mission « anciens combattants » ou d'avantages fiscaux ou sociaux attribués à tout ou partie des anciens combattants.
La prise en compte des seuls avantages fiscaux conduit à rehausser significativement l'effort de la Nation envers les anciens combattants.
Ainsi, les dépenses fiscales rattachées à la mission sont évaluées à 598 millions d'euros pour 2025. Ce montant représente 31 % des crédits budgétaires de la mission. Sur ces 598 millions d'euros, la demi-part fiscale attribuée aux titulaires de la carte du combattant et à leurs veuves de plus de 74 ans représente 481 millions d'euros.
1. Des actions abondées par des crédits extérieurs à la mission et provenant notamment de la mission « Défense »
Certaines politiques publiques financées par la mission, notamment celles prévues à l'action 08 « liens armée-jeunesse » du programme 169 (la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) et le Service Militaire Volontaire (SMV)), sollicitent des moyens qui sont loin d'être exhaustivement retracés par les dotations ouvertes en loi de finances au titre de la mission « Anciens combattants » elle-même. En 2025, les crédits extérieurs à la mission « Anciens combattants » représentent 70 % du financement de la JDC.
La situation du SMV est plus complexe, ce dispositif bénéficiant de crédits provenant à la fois de la présente mission, de la mission « Défense », des régions et de financements européens, rendant la programmation budgétaire particulièrement opaque, ce qu'il convient de regretter. Ce dernier est financé à hauteur de 90 % par des crédits hors mission.
En dehors du lien armées-jeunesse, l'évaluation du concours de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » à la politique de réparation en faveur des victimes de l'Occupation couvert par le programme 158 n'est pas accessible. Ne l'est pas davantage la contribution, en matière de coût, du ministère de la culture aux objectifs poursuivis par la politique de réparation des préjudices subis par les victimes de spoliations antisémites alors même qu'une cellule spécifiquement dédiée a été instituée à cet effet.
Le rapporteur spécial regrette que les informations indisponibles dans les documents budgétaires aboutissent à méconnaître la réalité des efforts publics effectivement consacrés à ces actions.
2. Des dépenses fiscales importantes mais en baisse
La dépense fiscale se maintient à un niveau élevé au regard des crédits de la mission. Au cours des dernières années, cette dernière a décru à une vitesse moindre que les crédits de la mission, ce qui tend à renforcer son poids relatif dans l'effort de la Nation envers les anciens combattants. Le montant de la dépense fiscale de la mission est supérieur aux crédits alloués à l'allocation de reconnaissance du combattant. Cette dernière comporte trois dépenses principales : la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves, l'exonération des pensions servies par la mission et la déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant.
L'extension par la LFI 2023 de la demi-part
fiscale
des anciens combattants et de leurs veuves
La niche fiscale n° 110 103 bénéficiait, jusqu'au PLF 2023 :
- aux titulaires de la carte du combattant âgés de 74 ans ;
- aux conjoints survivant des bénéficiaires de la retraite du combattant (allocation de reconnaissance du combattant depuis le 30 juin 2023, condition qui est équivalente à une condition d'âge de 65 ans du conjoint au moment de son décès) âgés de 74 ans.
Dans l'immense majorité des cas, les titulaires de la carte du combattant bénéficient de l'allocation de reconnaissance du combattant à partir de 65 ans. Ainsi, avec le régime précédent, la veuve de 74 ans ne pouvait pas bénéficier de la demi-part fiscale si son conjoint ancien combattant était décédé avant 65 ans.
Un premier amendement adopté à l'Assemblée nationale et retenu lors de l'activation du 49 alinéa 3 prévoyait de réduire la condition d'âge du décès du conjoint ancien combattant à 60 ans pour que la veuve puisse bénéficier de la demi-part fiscale à ses 74 ans. Cette version du dispositif avait été chiffrée à 133 millions d'euros.
Un second amendement a été adopté au Sénat, pour supprimer entièrement la condition d'âge de décès du conjoint ancien combattant. Ce dernier n'avait pas été chiffré, pour autant son coût ne pouvait pas être inférieur à 133 millions d'euros. Cette version de l'article 3 quinquies a été retenue dans la LFI pour 2023.
Ainsi, la niche fiscale n° 110 103 bénéficie aujourd'hui :
- aux titulaires de la carte du combattant âgés de 74 ans ;
- aux conjoints survivant des titulaires de la carte du combattant (donc sans condition d'âge du conjoint ancien combattant au moment de son décès) âgés de 74 ans.
L'estimation du coût de cette dépense fiscale a évolué à la baisse entre la LFI 2023 et la LFI 2024, celle-ci étant évaluée à 521 millions d'euros dans le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Anciens combattants » pour 2023 et à 489 millions d'euros pour 2024 par le PAP « Anciens combattants » de 2024.
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
Au global, le niveau des dépenses fiscales de la mission est en légère baisse et s'établit à un niveau inférieur à celui anticipé dans le précédent projet annuel de performances.
Évaluation des dépenses fiscales de la mission
(en millions d'euros)
Année |
Dépense fiscale |
Dépense fiscale |
2023 |
621 |
604 |
2024 |
615 |
600 |
2025 |
N/A |
598 |
Source : PAP « Anciens combattants » 2024 et 2025
Une conséquence de l'importance des dépenses fiscales par rapport aux aides universelles est qu'elle entraîne une reconnaissance de la Nation moins redistributive. La dépense fiscale la plus importante, la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves de plus de 74 ans, bénéficie disproportionnellement aux anciens combattants ou veuves les plus redevables de l'impôt sur le revenu et donc aux plus aisés. Or, le montant de la demi-part fiscale, 481 millions d'euros, constitue un quasi-doublement du montant consacré à l'allocation de reconnaissance du combattant (505 millions d'euros).
Un même constat s'impose en ce qui concerne l'exonération d'imposition sur le revenu de la plupart des allocations versées par le programme 169 (90 millions d'euros de transferts vers les anciens combattants).
Le rapporteur spécial regrette également que la répartition des bénéficiaires de ces dépenses fiscales ne soit pas connue. Il appelle à ce que cette situation soit rectifiée, notamment en ce qui concerne le poste de dépense le plus important, à savoir la demi-part accordée aux contribuables de plus de 74 ans.
Le gouvernement indiquait dans l'annexe « Voies et moyens » du PLF 2024 avoir prévu une évaluation de la demi-part fiscale des anciens combattants et de leurs veuves. Aucune information n'a cependant été transmise à ce sujet dans le cadre du PLF 2025.
3. Les indicateurs de performance de la mission : des résultats généralement bons, un nouvel indicateur pour le SMV
Plusieurs indicateurs appellent à des observations :
Le PLF 2025 voit l'introduction d'un indicateur 3.2, ajouté suite à l'adoption d'un amendement du rapporteur spécial au PLF 2024, indiquant la proportion de volontaires stagiaires recrutés pour le Service Militaire Volontaire allant jusqu'au bout de leur contrat d'engagement (ou le rompent prématurément du fait d'une insertion professionnelle rapide). Cet indicateur complète l'indicateur « historique » 3.1 qui indique la proportion de volontaires stagiaire ayant réussi à s'intégrer professionnellement pour ceux qui sont arrivés au bout de leur contrat d'engagement.
Les deux indicateurs combinés permettent ainsi de savoir, sur le nombre de volontaires recrutés, combiens sont arrivés au bout de la démarche et combien ont été intégrés.
La cible de 75 % indiquée sur l'objectif 3.2 n'appelle pas de remarque particulière et devrait être atteinte.
En ce qui concerne l'indicateur 1.1 « taux de satisfaction du jeune au regard de la journée défense et citoyenneté », cet indicateur est régulièrement doté d'un objectif très élevé, qui est atteint. Pour autant, sa signification apparaît limitée. Ainsi, malgré ses résultats toujours très élevés (taux de satisfaction toujours supérieur à 80 %) le ministère des armées indique qu'il considère que le contenu de la JDC n'est plus adapté aux attentes des jeunes et prévoit une refonte de celle-ci.
L'indicateur 5 « Fournir les prestations de l'ONaC-VG avec la meilleure efficacité possible » prévoit une baisse significative du nombre de titre à traiter par agent, du fait d'une réduction anticipée du nombre de dossier causée par un moindre engagement des troupes dans les opérations extérieures. Le nombre de dossier par agent passe ainsi de 3 150 en 2024 à 2 600 en 2025. Le temps de traitement des demandes reste inférieur de 15 jours à sa cible avec un délai de traitement moyen à environ 100 jours pour une cible de 115 jours.
S'agissant du délai de traitement des dossiers de PMI (indicateur 2.1), les résultats observés passent sous les objectifs de performance mais restent de manière générale très élevés (217 jours en moyenne sur l'année 2023 pour les nouvelles demandes pour un objectif de 230 jours). S'agissant d'une valeur moyenne, il n'est pas possible d'exclure que dans certains cas ces délais - très longs - soient encore plus importants. L'objectif visé en 2025, de 225 jours, est donc inférieur à la réalisation actuelle.
II. ANALYSE PAR PROGRAMME
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comporte 2 programmes :
Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » concentre l'immense majorité des crédits de la mission « Anciens combattants ». Ses crédits sont principalement affectés au paiement des rentes viagères dont bénéficient les anciens combattants, invalides de guerre et rapatriés. Cette facette du programme obéit à des données naturelles mais aussi à des mécanismes de revalorisation des droits ainsi financés.
En dehors de ces rentes, le programme contient :
- les crédits de la politique de mémoire, qui connaissent une baisse significative en 2025 (- 22 %). Cette baisse fait suite à un quasi-doublement des crédits entre 2023 et 2024 du fait de la commémoration du 80e anniversaire des débarquements et de la Libération ;
- les crédits affectés au lien armées-jeunesse, qui correspondent à la JDC et au SMV. Ces crédits sont en très forte augmentation (+ 57,3 %), compte tenu de la refonte du contenu de la JDC.
L'autre programme (le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale ») comprend le financement des moyens destinés à réparer les préjudices subis par les orphelins de victimes violences antisémites et d'actes de barbarie commis durant la seconde guerre mondiale et les spoliations du fait de l'application de lois antisémites. La très grande majorité de ces crédits couvre des rentes viagères à destination des orphelins, qui sont très âgés. La baisse du nombre de crédirentiers explique la diminution des crédits (- 3,16 %, les crédits passant de 88,1 millions d'euros en LFI 2024 à 85,3 millions d'euros en PLF 2025).
A. LE PROGRAMME 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION » : UN PROGRAMME AUX ACTIONS DIVERSES MAIS DONT LES CRÉDITS COUVRENT ESSENTIELLEMENT CELLES EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS ET DES INVALIDES
1. Des crédits hétéroclites, largement dominés par l'effort en faveur des anciens combattants
Le programme 169 comporte 5 actions aux crédits très inégaux :
- l'action 02 « PMI, droits et soutien aux invalides », disposant de 806,5 millions d'euros en AE et de 810,6 millions d'euros en CP ;
- l'action 03 « Reconnaissance envers le monde combattant », disposant de 812,3 millions d'euros en AE et CP ;
- l'action 07 « Action en faveur des rapatriés », disposant de 123,5 millions d'euros en AE et CP ;
- l'action 08 « Liens armées-jeunesse », disposant de 41 millions d'euros en AE et CP ;
- l'action 09 « Politique de mémoire », disposant de 33,1 millions d'euros en AE et CP.
Bien que les crédits du programme 169 sont, au niveau global, en baisse par rapport au PLF 2024, plusieurs aspects doivent être soulignés :
- les crédits liés aux pensions militaires d'invalidité suivent leur tendance baissière et diminuent de 2,37 %. Cette baisse est portée par la diminution des crédits des PMI elles-mêmes qui compensent par ailleurs une hausse des droits dérivés liés à l'invalidité (subvention de l'Institut national des Invalides, remboursement des réductions de transport et des prestations de sécurité sociale aux invalides) ;
- les crédits liés à l'allocation de reconnaissance du combattant sont globalement en baisse (- 1,34 %) du fait de la réduction des crédits de l'allocation elle-même (en baisse de 5,85 %) qui compense une hausse de la majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre et de la subvention de l'ONaCVG ;
- les crédits de l'action en faveur des rapatriés continuent d'augmenter en 2025 (+ 10,1 %) du fait de revalorisations des rentes viagères dont bénéficient les réfugiés et leurs veuves intervenues en 2024 ;
- les crédits de l'action « liens armées-jeunesse » connaissent eux une augmentation très significative, de 57,35 %. Celle-ci est liée à la volonté de refondre le programme de la JDC ;
- les crédits de la politique de mémoire sont en forte baisse, à - 22,85 %. Cette baisse fait suite à un quasi-doublement des crédits entre 2023 et 2024 (ces derniers avaient augmenté de 87,2 % sur cette période). Cette baisse s'explique par un programme mémoriel moins chargé en 2025 qu'en 2024, qui a vu la commémoration du 80e anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, de la Libération et de la Victoire.
2. Des crédits dédiés à l'effort en faveur des anciens combattants et invalides de guerre en baisse
Les crédits des actions 02 et 03 diminuent, au total, de 30,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 35,7 millions d'euros en CP entre la LFI 2024 et le PLF 2025.
Cette diminution s'explique, comme chaque année, par l'attrition de la population bénéficiaire. Cette diminution est partiellement compensée par une revalorisation de l'allocation de reconnaissance du combattant et des pensions militaires d'invalidité.
En effet, ces deux pensions sont indexées sur le point de pension militaire d'invalidité (point PMI), lui-même indexé sur l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI) de la fonction publique. Le point PMI avait une valeur de 15,90 euros au 1er janvier 2024 et sera revalorisé à 16,05 euros au 1er janvier 2025.
Les crédits affectés à la majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre, qui sont habituellement très dépendants du facteur démographique, connaissent cette année une hausse significative de 16,5 millions d'euros (soit + 8,5 %). Le projet annuel de performances indique à ce propos que la baisse de la démographie des bénéficiaires (aux alentours de - 6 % annuels) ne compense plus l'effet amplificateur de la revalorisation des taux de majoration légale (+ 5,4 % pour les rentes servies en 2023, sans indications pour 2024 ou 2025).
Évolution des crédits de paiement
d'intervention des actions 02 et 03
par type de prestation
(2024- 2025)
(en millions d'euros)
Dispositif |
LFI |
PLF 2025 |
Différence |
PMI |
690,3 |
662 |
- 28,3 |
Allocation de reconnaissance du combattant |
536,4 |
505 |
-31,4 |
Droits dérivés liés à l'invalidité |
38,8 |
40,3 |
1,5 |
Remboursement réductions de transport |
1,7 |
1,7 |
0 |
Remboursement prestations sécurité sociale |
80,8 |
80,8 |
0 |
Majoration des rentes mutualistes |
195 |
211,5 |
16,5 |
ONAC (action sociale) |
29 |
29 |
0 |
Total |
1 572 |
1 530,3 |
- 41,7 |
Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2025
En 2025, les économies se concentrent sur les pensions militaires d'invalidité et l'allocation de reconnaissance du combattant. Les crédits de de la rente mutualiste du combattant apparaissent en hausse alors qu'ils étaient en baisse depuis au moins 2017.
De plus, les droits liés aux pensions militaires d'invalidité (droits dérivés, remboursement de prestation) apparaissent en hausse du fait d'une augmentation des crédits prévus pour les soins médicaux gratuits et le remboursement des accidents ou affections présumés imputables au service. Néanmoins, l'augmentation se constate sur la base des prévisions et la consommation des crédits en 2024 semble supérieure de 5 millions d'euros à la prévision. Il était prévu 18,3 millions d'euros pour les soins médicaux gratuits en 2024, contre 19,8 millions d'euros en 2025, mais l'exécution 2024 devrait s'élever à 23,1 millions d'euros. Ainsi, la programmation 2025 s'inscrit en baisse par rapport aux crédits consommés en 2024.
Enfin, en ce qui concerne les crédits provisionnés au programme 169 à destination des opérateurs de la mission (non renseignés dans le tableau ci-dessus), les subventions destinées à l'ONaCVG connaissent une hausse de 23,3 millions d'euros. Cette augmentation est due à un renforcement des crédits consacrés à l'aide aux rapatriés ainsi qu'à une augmentation de 3,2 millions de la subvention pour charges de service public (SCSP) lié au dispositif des maisons ATHOS et à la couverture des charges de l'Office. Ce dernier indique néanmoins que cette augmentation de la SCSP ne couvre pas la totalité de ses suppléments de charge. Les crédits de fonctionnement courant de l'INI sont stables. L'INI dispose également d'un financement important qui n'est pas crédité au programme 169. Néanmoins celle-ci a du mal à couvrir son fonctionnement courant sur la base de ses subventions actuelles (cf. infra).
Une particularité liée à la « tuyauterie budgétaire » mérite attention
Le suivi des dépenses de PMI et de l'allocation de reconnaissance du combattant doit tenir compte de ce que la consommation des crédits inscrits à ce titre au programme 169 peut ne pas se traduire par des transferts équivalents au bénéfice des titulaires de droits en raison des modalités de la maquette budgétaire. Les dépenses sur crédits du programme 169 sont, en effet, versées en direction du compte d'affectation spéciale « Pensions » (en particulier du programme 743 de ce compte).
Elles en constituent les recettes, à partir desquelles sont effectués les versements effectifs aux bénéficiaires. Pour suivre la consommation des crédits correspondants du programme 169, il convient donc de mesurer les dépenses effectives du programme 743 qui correspondent aux recettes ainsi apportées à ce compte.
Le solde du CAS a été très largement mobilisé lors de l'exécution 2023 du fait de la non anticipation en LFI de la revalorisation réelle du point PMI au 1er janvier 2023. La même situation de non anticipation de la revalorisation réelle du point PMI au 1er janvier 2024 se pose pour l'exécution 2024, alors que le CAS apparaît déjà mobilisé. Le volume des crédits contenus dans le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » du CAS « pension » est ainsi passé de 17,52 millions d'euros au 31 décembre 2022 à 6,6 millions d'euros au 31 décembre 2023.
Source : Commission des finances, d'après la documentation budgétaire
a) Des extensions de droits de portée limitée ces dernières années, une revalorisation du point PMI en 2025 toujours inférieure à l'inflation
Au cours des dernières années, une série de mesures d'extension des droits en faveur des anciens combattants est intervenue. Les modifications apportées aux droits des anciens combattants (propres ou dérivés) n'ont eu qu'un assez faible impact sur la situation des anciens combattants et des invalides.
Les principaux efforts récents en faveur des anciens combattants se concentrent sur la dépense fiscale et ont essentiellement bénéficié aux veuves d'anciens combattants. Il s'agit des extensions du bénéfice de la demi-part fiscale des anciens combattants, réversibles aux veuves. En effet, jusqu'en 2023, le bénéfice de cette demi-part était conditionné par un critère d'âge de l'époux au moment de son décès, qui a été supprimé par la LFI pour 2023.
L'effort en faveur des rapatriés a cependant connu un renforcement significatif depuis 2022. Les crédits qui leur étaient dédiés pour 2023 (100,9 millions d'euros) représentent quasiment le quadruple de la programmation initiale pour 2022 (26 millions d'euros), et ces crédits continuent de se renforcer en 2025.
Évolutions intervenues depuis
2020 pour modifier
les droits des anciens combattants
Mesure |
Références |
Bénéficiaires |
Coût associés |
||
Pension militaire d'invalidité |
|||||
Réduction du nombre de points d'indice nécessaire (de 10 000 à 6 000) pour que l'ayant-cause puisse bénéficier d'une réversion de pension majoré prévue aux articles L. 141- 18 et L. 141- 21 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre |
Article 221 de la loi n° 2020- 1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 |
197 bénéficiaires potentiels |
5 248 € annuels, pour un coût global d'environ 1 M€ d'euros en année pleine. |
||
Revalorisation exceptionnelle de 35 centimes et modification des modalités de revalorisation du point PMI |
Article 174 de la loi n° 2021- 1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 |
Tous les bénéficiaires d'une allocation de reconnaissance du combattant ou d'une pension militaire d'invalidité |
30 millions d'euros |
||
Droit à réparation intégrale pour les militaires blessés du fait d'un évènement de guerre ou lors d'une mission opérationnelle |
Article 21 de la loi
n° 2023- 703 du 1er août 2023 relative
à la programmation militaire pour les années 2024 à
2030 |
Militaires blessés du fait d'un évènement de guerre ou lors d'une mission opérationnelle |
2 millions d'euros |
||
Extension du bénéfice d'un billet de train gratuit aux frères et soeurs aînés d'un militaire mort pour la France entre le lieu de résidence et la sépulture |
Article 217 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 |
Frère ou soeur ainé d'un militaire mort pour la France |
50 000 euros en année pleine |
||
Demi-part fiscale des anciens combattants |
|||||
Suppression de la condition d'âge minimum au décès du conjoint ancien combattant |
Article 8 de la loi n° 2022- 1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 |
Veuves dont le conjoint ancien combattant est décédé avant ses 65 ans |
Estimé à plus de 130 millions en PLF. Impact budgétaire nul constaté en exécution. |
||
Allocations versées aux anciens membres des forces supplétives et à leurs conjoints survivants |
|||||
Doublement de l'allocation viagère et de l'allocation de reconnaissance |
Arrêté du 21 décembre 2021 fixant à compter du 1er janvier 2022 le montant de l'allocation viagère définie par l'article 133 de la loi n° 2015- 1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 |
Harkis, autres supplétifs et leurs veuves |
19,2 millions d'euros en 2023 |
||
Suppression du délai de forclusion pour la demande de l'allocation viagère |
Loi n° 2022- 229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français |
Veuves de harkis n'ayant pas réalisé leur dossier d'allocation viagère dans les délais impartis |
|||
Dispositif de reconnaissance et réparation aux harkis, autres supplétifs et rapatriés du fait des conditions indignes d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage |
Loi n° 2022- 229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français |
30 000 à 35 000 demandes attendues |
45 millions d'euros en 2022, 60 millions d'euros en 2023 70 millions d'euros en 2024 et 2025 |
||
Augmentation du montant de l'allocation viagère et de l'allocation de reconnaissance dans certains cas |
Article 218 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 |
Harkis, autres supplétifs et leurs veuves |
Estimé en 2024 à 5,7 millions d'euros. 9,4 millions d'euros provisionnés par le PLF 2025. |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Il n'y a pas eu de mesure d'extension du bénéfice de la carte du combattant depuis la carte 62/64. Cette dernière avait conduit à la remise de 39 423 cartes du combattant. Depuis, les nouvelles attributions de la carte du combattant correspondent aux soldats en retour d'OPEX.
b) L'érosion du nombre de bénéficiaires à l'origine des baisses de crédits du programme 169
Deux populations doivent être distinguées : celle des bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (PMI) et celle des titulaires de l'allocation de reconnaissance du combattant. La PMI, contrairement à l'allocation de reconnaissance du combattant, voit son montant varier d'un attributaire à l'autre et est réversible à des ayants-cause. De plus, si les deux populations s'inscrivent dans une tendance baissière, elle ne se réalise pas de la même manière et n'entraîne pas les mêmes conséquences budgétaires.
De manière générale, ces deux populations diminuent fortement, d'environ 5,5 % par an pour les invalides de guerre et 8 % par an pour les anciens combattants depuis 2021.
Évolution du nombre des bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de l'allocation de reconnaissance du combattant (RC) (2006- 2025)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
(1) L'allocation de reconnaissance du combattant, une reconnaissance de la Nation dont les crédits diminuent au rythme du nombre de ses bénéficiaires
Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant sont les titulaires de la carte du combattant âgés de 65 ans ou plus.
Le nombre des titulaires de l'allocation de reconnaissance du combattant est en forte baisse, ce qui constitue le facteur principal de la réduction des crédits attribués cette l'allocation. Cette baisse démographique devrait s'établir à 8 % de l'effectif en 2024 et les prévisions pour 2025 pronostiquent une nouvelle baisse de même ampleur.
Les cartes attribuées pour un engagement postérieur à 1964 sont fortement minoritaires et les entrées dans le dispositif de l'allocation de reconnaissance du combattant des possesseurs de la carte atteignant 65 ans sont très loin de compenser les sorties du dispositif. Au 1er juillet 2024, 1 689 842 cartes du combattant avaient été attribuées au titre de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, contre 278 798 au titre d'un engagement au cours d'une OPEX. De plus, les 39 826 cartes du combattant attribuées suite à la reconnaissance de l'engagement des militaires en Algérie lors de la période 1962-1964 sont comptabilisées parmi les cartes du combattant attribuées au titre des OPEX. Il y avait donc au 1er juillet 2024 un peu mois de 240 000 cartes du combattant attribuées pour un engagement postérieur à 1964.
Répartition par conflit des cartes du combattants attribuées
Conflits |
Cartes du combattant attribuées au 1er juillet 2024 |
Première guerre mondiale et TOE |
4 425 379 |
Seconde guerre mondiale |
2 605 202 |
Guerres d'Indochine et de Corée |
211 060 |
Guerre d'Algérie, combats en Tunisie et au Maroc |
1 689 842 |
Opérations extérieures |
278 798 |
Total |
9 210 281 |
Source : ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire
Il y avait, au 1er janvier 2024, 667 200 titulaires de l'allocation de reconnaissance du combattant. Pour mémoire, l'allocation n'est versée qu'à compter de 65 ans.
Le nombre de bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant semble devoir continuer à fortement baisser jusqu'à ce qu'une stabilisation intervienne lorsque les entrées d'anciens combattants engagés en OPEX postérieurement à 1964 compenseront les sorties du dispositif. Cependant, le niveau de stabilisation est estimé à 500 000 ressortissants de l'ONaCVG, veuves comprises.
La trajectoire baissière de cette population est le facteur principal de diminution des crédits affectés à l'allocation de reconnaissance du combattant. Le second facteur de cette baisse est la revalorisation limitée de son point d'indice (voir infra) bien que cette dernière soit, sur le long terme, contrebalancée par l'augmentation du nombre de points de pensions militaires d'invalidité sur lequel est indexée l'allocation de reconnaissance du combattant, qui est passé de 33 points en 2006 à 52 points actuellement. Ces augmentations de points devaient néanmoins être des mesures de reconnaissance envers les anciens combattants et non pas un moyen de compensation du faible dynamisme du point PMI.
(2) Les pensions militaires d'invalidité, régime d'indemnisation recouvrant des situations très diverses et dont la population tend tout à la fois à diminuer et à se recomposer
La population des bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) comprend, outre les titulaires eux-mêmes, des ayants cause, pour l'essentiel des anciens conjoints auxquels s'ajoutent des orphelins et des ascendants. Les deux populations, ayants droit et ayants cause, se réduisent. Leur nombre devrait baisser de 5,4 % en 2024 et les projections démographiques prévoient une nouvelle baisse de 5,4 % en 2025.
La proportion des ayants cause, après s'être renforcée, tend à refluer. Ils représentaient 23,6 % des titulaires de PMI en 2023. Dans le même temps, la part des ayants cause dans les versements de PMI s'est stabilisée : ils recevaient 45 % de la valeur des PMI en 2023.
Évolution des titulaires et des
dépenses de PMI
entre 2006 et 2025
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Le taux d'élasticité5(*) de la baisse des crédits remonte après deux années d'élasticité nulle voire négative. Elle est faible en 2024 et devrait s'établir à 1,44 en 2025. La situation s'explique principalement par la structure particulière de la population bénéficiant de la PMI. Il existe une dispersion très nette des droits versés.
La dépendance du nombre de point au niveau d'invalidité du pensionnaire entraine une dispersion considérable des droits versés aux bénéficiaires. Il existe un éventail de valeurs indiciaires particulièrement large qui sert de base au calcul des pensions. L'échelle d'invalidité va ainsi de 10 % à 100 % + 100 degrés, chaque degré valant 10 % de taux d'invalidité. La grille servant de base pour l'attribution de point PMI est contenue dans l'annexe 1 au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Une répartition exhaustive par taux et par indice aboutit au constat que les pensions sont payées sur la base de plusieurs milliers d'indices pour les invalides et plusieurs centaines pour les conjoints.
Répartition par taux d'invalidité
des pensions militaires d'invalidité
et des victimes de la guerre en
paiement au 01/01/2024
Source : DGFiP, service des retraites de l'État, base des PMIVG 2024
Ainsi, si la population des bénéficiaires disposant des pensions les plus élevées subit une attrition plus forte que le reste des bénéficiaires de PMI, la baisse des dépenses constatée sera plus élevée que celle de la population globale des bénéficiaires.
Ces phénomènes ont conduit à une réduction forte de la valeur unitaire moyenne des PMI. Le ratio coût PMI/bénéficiaires était supérieur à 5 000 euros par bénéficiaire jusqu'en 2018. Ce dernier doit atteindre 4 700 euros par bénéficiaire en 2025. Dans le même sens, le montant moyen annuel d'une PMI valait 3 348 euros en 2024, ce qui correspond à un plus du double du montant médian annuel de la PMI la même année, de 1 548 euros.
Il est procédé depuis 2023, dans le cadre du Plan Blessé 2023-2027, à une révision du guide-barème des invalidités par brique d'infirmités visant à faciliter la réalisation de l'expertise médicale lors de l'instruction d'une demande de PMI. Le rapporteur spécial salue cette initiative et appelle à une simplification du barème des pensions, tant pour des raisons d'équité dans la détermination des allocations que pour permettre une application plus fluide des dispositions d'indemnisation.
La valeur des pensions en elles-mêmes, de manière générale, est assez peu évolutive, les PMI étant, comme l'allocation de reconnaissance du combattant, calculée sur la base de points de PMI dont la revalorisation est traditionnellement faible.
Cependant, au contraire de l'allocation de reconnaissance du combattant, le nombre de points dont bénéficient les pensionnaires de PMI dépend directement de leur taux d'invalidité et n'augmente pas dans le temps. Ainsi si l'augmentation du nombre de points PMI de l'allocation de reconnaissance du combattant a pu contrebalancer une revalorisation atone et très inférieure à l'inflation de ce point, ce n'est pas du tout le cas des pensionnaires d'une PMI qui voient la valeur de leur pension être grignotée année après année par l'inflation.
Les bénéficiaires d'une PMI ont ainsi vu la valeur de leur pension baisser de 4,5 % entre 2011 et 2023
Les pensions doivent être revalorisées de 0,94 % au 1er janvier 2025. Cette revalorisation est une fois de plus inférieure à l'inflation et représente une perte de valeur pour les PMI.
Rappels sur les pensions de réversion
Aux termes du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), pour ouvrir un droit à pension pour les ayants cause, il faut que le décès soit imputable au service, ou que le décès soit en relation avec une infirmité pensionnée ou que le militaire soit pensionné d'un taux supérieur ou égal à 60 %.
Les conjoints survivants ont droit à pension au taux dit « normal » (500 points) lorsque le décès est imputable au service ou en relation avec une infirmité pensionnée, ou que l'ouvrant droit était pensionné pour un taux d'invalidité de 85 % au moins.
Les conjoints dont le militaire était pensionné à un taux d'invalidité inférieur à 85 % et au moins égal à 60 % ont droit à une pension au taux dit « simple », soit les 2/3 de la pension au taux normal.
Cette pension a connu un mouvement de revalorisation très fort depuis 2004, passant d'une condition de soins constants de 15 à 10 ans et d'une pension s'élevant à 260 ou 350 points à 410 ou 500 points respectivement, selon que le conjoint invalide bénéficiait de l'allocation 5°bis°a ou 5°bis°b (art. L. 133- 1 CPMIVG).
La LFI 2021 a prévu une réduction du nombre de points d'indice nécessaire, ce dernier passant de 10 000 à 6 000, pour que l'ayant-cause puisse bénéficier d'une réversion de pension majorée prévue aux articles L. 141- 18 et L. 141- 21 du CPMIVG6(*).
Source : commission des finances
À l'issue de ce processus, les majorations de pensions accessibles sont les suivantes :
Conditions d'attribution de la majoration
spéciale et progression
du nombre de points d'indice de cette
majoration
(en euros)
Années de mariage ou de PACS et de soins donnés de manière constante, postérieures à l'ouverture de l'avantage prévu à l'article L. 133- 1 du CPMIVG |
Conjoint survivant ou partenaire lié par un PACS d'un grand invalide titulaire de l'allocation aux grands invalides |
|
Allocation GI n° 5 bis b |
Allocation GI n° 5 bis a |
|
Au moins 15 ans |
550 |
460 |
Au moins 20 ans |
600 |
510 |
Au moins 25 ans |
650 |
560 |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Une des conséquences de ces conditions est que le montant moyen des pensions de réversion versées aux ayants-cause est significativement plus important que le montant moyen des pensions versées aux invalides eux-mêmes, la très grande majorité d'entre eux bénéficiant de pension d'invalidité avec un taux faible.
Montants moyens et médians des PMI
versées aux invalides
et à leurs ayants-cause
Nombre |
Montant moyen mensuel |
Montant médian mensuel |
||
Invalides |
118 254 |
279 € |
129 € |
|
Conjoints survivants |
Taux normal |
22 766 |
808 € |
803 € |
Taux simple |
9 687 |
667 € |
677 € |
|
Orphelins |
Taux normal |
1 006 |
864 € |
1 008 € |
Taux simple |
184 |
844 € |
1 008 € |
Source : DGFiP, Service des retraites de l'État
c) Une revalorisation des pensions inférieure à l'inflation en 2025
Les PMI et l'allocation de reconnaissance du combattant sont toutes deux indexées sur un indice nommé point de pensions militaires d'invalidité (point PMI).
Le point PMI est désormais calculé au début de chaque année civile, sur la base d'une période de référence fixe et sans application rétroactive7(*). Cette période de référence s'étend, pour une revalorisation devant intervenir au 1er janvier de l'année, du 1 juillet de l'année n- 2 au 30 juin de l'année n- 1. Il est à noter que le passage du « rapport constant » aux modalités actuelles, s'il simplifie significativement le calcul de la valeur du point PMI et n'emporte que des conséquences financières modiques au niveau individuel, s'est fait en défaveur des pensionnés puisque les pensions sont désormais revalorisées de manière non-rétroactive sur une base annuelle plutôt que sur une base trimestrielle. Le point PMI est indexé sur l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI), publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique. L'ITB-GI est un agrégat fonction de l'évolution de l'indice de la fonction publique et de mesures catégorielles au prorata de leur incidence sur l'échelle indiciaire des fonctionnaires.
Suivant ce principe, le point PMI sera revalorisé de 15,90 euros à 16,05 euros au 1er janvier 2025.
Comparaison de l'évolution de l'allocation
de reconnaissance du combattant
avec l'hypothèse d'une indexation
sur l'inflation à nombre de points PMI fixe (2012-2024)
Source : réponse au questionnaire budgétaire
Le rapporteur spécial rappelle que contrairement à l'allocation de reconnaissance du combattant, les pensions militaires d'invalidité ne sont pas revalorisées par une augmentation du nombre de points. Ainsi, ces dernières connaissent une véritable baisse de valeur face à l'inflation. Par ailleurs, à plus court terme, la dernière revalorisation de point PMI remontant à 2018, l'allocation de reconnaissance du combattant a également connu une perte de valeur face à l'inflation.
Comparaison de la revalorisation du point PMI avec
l'hypothèse
d'une revalorisation indexée sur l'inflation et
conséquences
sur l'Allocation de reconnaissance du combattant et les
PMI
(en euros)
Source : Ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire
Il faut également souligner que le surcoût qu'entrainerait une revalorisation du point PMI resterait inférieur aux économies réalisées par la mission « Anciens combattants » du fait de la réduction de la population bénéficiaire sur la même période. Aussi une revalorisation du point PMI est tout à fait envisageable dans une trajectoire baissière des crédits totaux.
La revalorisation exceptionnelle du point PMI de l'année 2022 de 35 centimes supposée rattraper le retard de l'indexation ITB-GI face à l'inflation sur la période 2018- 2021 a retenu une hypothèse d'inflation de 0,6 % pour l'année 2021, soit une valeur inférieure à l'inflation tant prévue8(*) par le Gouvernement lui-même que celle constatée :
Hypothèse d'inflation retenue par le
gouvernement pour la revalorisation
du point PMI en 2022 et
conséquences sur les pensions militaires d'invalidité
et la
retraite du combattant
PMI : pension militaire d'invalidité.
RC : retraite du combattant, désormais appelée allocation de reconnaissance du combattant.
Lecture : Si le point PMI avait été indexé depuis 2018 sur l'inflation, sa valeur au 1er janvier 2019 aurait été de 14,72 euros au lieu de 14,57 euros selon le rapport constant.
L'inflation 2021 est celle qui était prévue par le LFSS 2021. Les dépenses 2021 résultent des prévisions du second suivi de gestion 2021. Les dépenses 2022 sont celles prévues par le projet de loi de finances pour l'année 2022.
Source : Tableau fourni par le ministère des armées en réponse au questionnaire du rapporteur spécial - session 2022
Ainsi, en l'absence de volonté politique particulière, la valeur réelle des rentes viagères servies aux invalides continue d'être grignotée année après année par l'inflation.
Le rapporteur estime que la situation particulière des invalides de guerre n'est pas satisfaisante et que des pistes permettant d'améliorer spécifiquement leur situation méritent d'être recherchées, notamment en période de forte inflation.
Le décret n° 2022-128 du 4 février 2022 modifiant les modalités de fixation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité prévoit la remise d'un rapport bisannuel comparant l'évolution constatée de la valeur du point de pension et de celle de l'indice des prix à la consommation hors tabac, dont la première itération devait être publiée en 2024. Le ministère des armées indique qu'au 23 octobre 2024, ce rapport est en cours de validation et que ses conclusions n'ont pas été rendues.
d) Une déformation des équilibres de la politique de reconnaissance en faveur du monde combattant malgré des avantages peu mobilisés
Les interventions en faveur des anciens combattants financées par le programme 169 sont composites. Certaines, à vocation universelle (PMI, l'allocation de reconnaissance du combattant), sont versées à tous ceux qui réunissent des conditions objectives tenant à leur situation de combattant ou de santé et à raison de celles-ci.
Les rentes mutualistes du combattant impliquent un choix du bénéficiaire et sont variables, indépendamment de la seule situation d'ancien combattant. Elles concernent que 234 837 bénéficiaires en 2025 (contre 247 289 en 2024).
La rente mutualiste
La retraite mutualiste du combattant, devenue rente mutualiste du combattant, bénéficie d'un certain nombre d'avantages, de nature fiscale ou liés au régime de majoration légale institué par la loi du 4 mai 1948.
Les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leurs revenus imposables, dans la limite d'un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d'une rente donnant lieu à majoration de l'État.
Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère (mais sans limite de plafond de ressources), d'une majoration spécifique de l'État de 12,5 % à 60 % selon le titre détenu et sa date d'obtention.
Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond, dit « plafond majorable » égal à 125 points de PMI (en hausse de 1 987,50 euros en 2024 à 2 006,25 euros en 2025). Ces revalorisations pèsent cependant sur les budgets de l'année n+ 1 car les organismes mutualistes versent les majorations aux souscripteurs et sont remboursés l'année suivante par l'État. Ainsi, le budget 2024 est-il basé sur le plafond 2023 et le plafond 2024 sera pris en compte pour le budget 2025.
La rente mutualiste se cumule avec toutes les autres pensions et retraites. Elle est exonérée d'impôt pour sa part inférieure au plafond légal. Au-delà de ce plafond, le régime fiscal est celui de l'assurance-vie.
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
Or, cet avantage mobilise une part importante des dotations en faveur des anciens combattants : 211,5 millions d'euros en 2025, soit un montant équivalent à 42 % des crédits dédiés à l'allocation de reconnaissance du combattant.
La part de la charge budgétaire liée aux majorations de rentes mutualistes augmente plus ou moins vite chaque année, en fonction de la baisse constatée par ailleurs pour les PMI et l'allocation de reconnaissance du combattant. En 2025, la hausse est particulièrement forte, la majoration des rentes mutualiste étant en augmentation. Cette majoration représente désormais 11,6 % des crédits du programme 169 contre 8 % en 2011.
Les dépenses correspondantes connaissent ainsi une certaine stabilité, contrairement aux autres prestations du programme.
Évolution de la charge des avantages
attribués aux rentes mutualistes
des anciens combattants et des
effectifs bénéficiaires (2009-2025)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les PAP « Anciens combattants »
Le faible niveau de revalorisation du point PMI mentionné plus haut a toutefois, comme pour les autres prestations liées à la valorisation du point de PMI, limité la dynamique de cette dépense.
Il est permis de s'interroger sur les facteurs expliquant le faible recours à la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un tel complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État. À ce stade, le rapporteur spécial se limitera à relever que cette absence de recours au dispositif conduit à des économies significatives.
3. Les crédits des actions en faveur des rapatriés continuent leur progression en 2025
L'action en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés a connu un renforcement exceptionnel en 2022. Ainsi, le montant de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère a été doublé par voie réglementaire et la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées a levé le délai de forclusion de l'allocation viagère tout en créant une indemnité de réparation des préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans des camps et des hameaux de forestage. Le texte initial du PLF 2022 prévoyait une dotation de 26,6 millions d'euros pour les actions en faveur des rapatriés. Une provision supplémentaire de 50 millions d'euros a été votée lors de l'examen du texte en prévision du dispositif de la loi du 23 février 2022.
Le texte de la LFI 2023 prévoyait quant à lui une dotation de 100,9 millions d'euros pour les actions en faveur des rapatriés. Sur une période d'un an, les moyens de la politique de reconnaissance et réparation en faveur des rapatriés ont presque été quadruplés.
Les crédits de l'action 07 « Actions en faveur des rapatriés » avaient continué leur progression en 2024, en s'établissant à 112,2 millions d'euros (AE = CP), soit une nouvelle augmentation de 11,2 % par rapport à leur niveau de 2023.
En 2025, les crédits de l'action 07 continuent de progresser pour s'établir à 123,5 millions d'euros, soit une nouvelle augmentation de 10,1 %. Cette augmentation est due aux revalorisations des allocations viagères des rapatriés intervenues en 2024. Les crédits dédiés au dispositif de réparation prévu par la loi de février 2022 restent stables malgré un surcout de 41 millions d'euros entrainé par une décision de la CEDH.
a) Des crédits dominés par des pensions viagères et le dispositif d'indemnisation du fait de l'accueil indigne en France des harkis, autres supplétifs ou rapatriés
Les crédits en faveur des rapatriés sont à 99 % dédiés à l'allocation de reconnaissance, l'allocation viagère et au droit à réparation du fait des conditions d'accueil indignes en France.
Deux allocations aux noms très proches existent :
- L'allocation de reconnaissance du combattant, dont bénéficient les titulaires de la carte du combattant de plus de 65 ans.
- L'allocation de reconnaissance, dont bénéficient les harkis en ayant fait la demande. Depuis le 1er janvier 2024, tous les harkis bénéficient d'une rente. Auparavant, certains avaient fait le choix de percevoir l'allocation sous forme de capital et ne percevaient en conséquence pas de rente. Néanmoins, les harkis qui avaient fait le choix d'un versement en capital total ou partiel ont une rente moins importante que les harkis ayant choisi de bénéficier de l'allocation exclusivement sous forme de rente.
L'allocation viagère est une allocation dont bénéficient les veuves de harkis en ayant fait la demande. Depuis le 1er janvier 2024, toutes les veuves bénéficient de cette allocation sous la forme d'une rente d'un montant équivalent à celui de l'allocation de reconnaissance sous forme de rente exclusive.
Les trois allocations sont viagères.
Source : commission des finances
L'action contient également divers soutiens, tels que des aides à la formation professionnelle, des aides au désendettement, des aides spécifiques aux conjoints survivants, des remboursements de cotisations retraites complémentaires ou encore des mesures de sauvegarde du toit familial. Ces différentes aides ne représentent cependant que 700 000 euros annuels.
Le dispositif de réparation du fait des conditions d'accueil indignes en France a été créé par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées. Il donne lieu au paiement d'indemnités sous forme de capital. Il a vocation à disparaitre après traitement des demandes. Lors de l'adoption de la loi, il était estimé que 50 000 dossiers devraient être déposés pour un coût global estimé à 300 millions d'euros. L'ONaCVG établissait lui une estimation de 40 000 dossiers. De plus, le dispositif a été étendu en 2023 par décret9(*).
La CEDH a rendu une décision « Tamazount » le 4 avril 2024, dans laquelle elle considère que certaines indemnités consenties dans le cadre de ce dispositif étaient trop faibles. Ces dossiers devront faire l'objet d'un réexamen. Le surcoût de la décision est estimé à 41 millions d'euros. Le Gouvernement a fait le choix de conserver des crédits stables pour ce dispositif, aussi sur 70 millions d'euros, seuls 29 millions d'euros pourront permettre le traitement de nouveaux dossiers. De plus, 18 millions d'euros ont été annulés sur ce dispositif en 2024.
Le scénario actuel amène à une continuation du dispositif jusqu'à 2028 ou 2029, pour lisser la dépense.
Les allocations de reconnaissance et viagères sont des allocations destinées respectivement aux harkis, moghaznis et autres membres des formations supplétives et à leurs veuves. 31,1 millions d'euros sont prévus pour l'allocation de reconnaissance en 2025, en hausse de 9,4 millions d'euros par rapport à 2024 et 21,7 millions d'euros sont prévus pour l'allocation viagère en 2025, en hausse de 1,8 million d'euros par rapport à 2024.
b) Une augmentation structurelle du niveau des crédits en faveur des rapatriés
La levée de la forclusion, le doublement des allocations, le versement d'une rente viagère aux allocataires ayant à l'origine fait le choix d'un versement en capital et l'alignement des rentes des veuves sur le niveau le plus favorable aura des conséquences de long, voire très long terme sur l'action 07.
En effet, ces allocations sont viagères et, comme pour les rentes versées aux anciens combattants et invalides de guerre, les crédits qui y sont consacrés ne baisseront qu'avec la diminution du nombre de bénéficiaires du fait de l'âge. En outre, contrairement à l'allocation de reconnaissance du combattant, les conjoints survivants d'un bénéficiaire de l'allocation de reconnaissance peuvent bénéficier d'une allocation viagère d'un montant équivalent à la mort de leur époux. Ainsi, le déclin démographique des bénéficiaires de ces deux allocations sera probablement plus lent que celui des bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant.
4. Les crédits affectés à l'action liens armées-jeunesse connaissent une hausse significative mais la JDC et le SMV restent largement financés par la mission « Défense »
Le budget 2025 de l'action 08 « Liens armées-jeunesse » du programme 169 s'établit à 41 millions d'euros en AE et CP, en hausse de 15 millions d'euros (+ 57,35 %) par rapport à 2024.
Il se compose de deux unités opérationnelles respectivement dédiées à la journée défense et citoyenneté (JDC) et au service militaire volontaire (SMV). Les crédits de l'action sont principalement consacrés au financement de la JDC, qui absorbe plus de 90 % de ses dotations.
L'augmentation des crédits porte exclusivement sur la JDC, dont la dotation augmente de 15 millions d'euros en AE et CP. Les moyens du SMV sont eux inchangés. Cette augmentation porte en réalité sur une partie largement minoritaire du financement de ces dispositifs.
Les crédits de l'action 08 font l'objet d'abondements massifs en provenance de la mission « Défense », de collectivités territoriales ou de fonds de concours. En 2024, ces deux dispositifs coutaient au total plus de 150 millions d'euros, dont seuls 24,5 millions d'euros étaient financés par la mission « Anciens combattants ».
a) Le service militaire volontaire : 3,4 millions d'euros inscrits au budget de la mission mais, au total, un budget de plus de 50 millions d'euros
Le Service Militaire Volontaire (SMV) est une action du ministère de la défense nationale visant à accueillir des jeunes en situation de précarité sociale dans une structure d'accompagnement de type militaire et ayant pour but de les intégrer dans le monde du travail. Des jeunes de 18 à 25 ans se trouvent placés en internat sous statut militaire. Ils suivent une formation militaire sans entrainement au combat, bénéficient d'une remise à niveau scolaire puis d'une formation professionnelle, le tout sous encadrement militaire.
Pérennisé à compter du 1er janvier 2019 par la loi n° 2018- 607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, ce dernier visait un objectif d'accueil de 1 500 « volontaires stagiaires » en 2024. Néanmoins ; en exécution, les promotions comptent 1 000 à 1 200« volontaires stagiaires » et l'année 2024 ne semble pas devoir faire exception.
Le budget de la mission prévoit pour le SMV 3,41 millions d'euros en 2025 contre 3,34 millions d'euros en 2024. Les crédits de la mission apparaissent donc stables. Cependant, les dépenses en exécution du SMV, après prise en compte de ses autres sources de financement, s'élevaient à 53 millions d'euros en 2022 et 56 millions d'euros en 202310(*), dont 9 millions d'euros proviennent de fonds européens. La masse salariale du dispositif, prise en charge par la mission « Défense », s'élève à 35 millions d'euros, pensions comprises. Les collectivités territoriales ont financé le dispositif à hauteur de 3,90 millions d'euros en 2023.
Le SMV ne couvre pas les collectivités d'outre-mer, qui disposent du service militaire adapté (SMA), plus ancien et ayant directement inspiré le SMV. Le budget du SMA ne relève pas de la présente mission.
b) La JDC : une hausse des crédits de la mission et une baisse du coût du dispositif
(1) Des crédits pour 2024 en légère hausse non représentatifs du coût réel du dispositif
La journée « défense et citoyenneté » (JDC) est une obligation à laquelle chaque Français doit déférer avant ses 18 ans. Elle succède au service militaire et prend, dans son format normal, la forme d'une journée de présentation ayant vocation à diffuser l'esprit de défense auprès des jeunes. Elle est mise en oeuvre par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ). Un certificat de participation est remis en fin de journée et ce dernier est obligatoire pour l'inscription aux examens et concours soumis au contrôle de l'autorité publique. Un jeune qui n'aurait pas suivi la JDC a toujours la possibilité de régulariser sa situation jusqu'à 25 ans.
Les crédits de la JDC connaissent une augmentation très significative de 15 millions d'euros (+ 66 %) du fait d'une refonte du dispositif.
Le ministère indique qu'il s'agit de « recentrer la JDC sur le renforcement du lien Nation-armées et sur l'attractivité des métiers de la défense. À cette fin, de nouvelles modalités seront adoptées, basées sur des échanges directs avec les militaires et s'appuyant sur des ateliers innovants (dialogue immersif avec les armées en réalité virtuelle, tir sportif, jeux de rôle) mis en oeuvre sur davantage de sites militaires. »
La JDC bénéficie également de très importants financements de la mission « Défense ». Ces derniers s'élevaient à 84,1 millions d'euros en 2023, pour un coût moyen par participant de 128,49 euros.
(2) La JDC, une action clé de la lutte contre le décrochage scolaire et la marginalisation qui mérite d'être mieux suivie
Une des missions attribuées à la JDC est la détection de la marginalisation et de l'illettrisme de certains jeunes. La JDC apparaît particulièrement pertinente pour cette mission puisqu'il s'agit d'un point de passage obligé pour tous les jeunes d'une tranche d'âge, y compris en situation de déscolarisation.
La direction du service national et de la jeunesse intervient ainsi en aval du dispositif de repérage des « décrochés scolaires » en informant les appelés identifiés lors de la JDC, afin de contribuer à ce que « tout jeune de seize à dix-huit ans sorti sans diplôme du système de formation initiale et sans emploi soit effectivement inscrit dans un parcours de formation, d'accompagnement ou d'exercice d'une activité d'intérêt général lui permettant de préparer son entrée dans la vie active ». La JDC alimente également une base de données mise à disposition des coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire.
Source : réponse au questionnaire budgétaire, session 2017
Environ 2 à 3 % de chaque classe d'âge ne participe pas à la JDC, soit plus de 16 000 jeunes par année de naissance.
(3) Le SNU, un dispositif dont l'articulation avec la JDC reste incertaine
Le service national universel a été créé en 2019 et avait vocation, en cas de généralisation, à se substituer à la JDC. De plusieurs jours, le séjour du SNU est significativement plus long et couteux que la JDC. Le SNU prévoit notamment une « Journée Défense et Mémoire » (JDM), qui doit remplacer l'actuelle JDC, avec une prise en compte plus forte des enjeux de mémoire et de résilience.
En l'état actuel des choses, et sous réserve d'une absence de suppression du SNU, les deux dispositifs coexistent. Si le SNU est disponible sur la totalité du territoire national à tous les élèves de seconde, il est toujours réalisé sur la base du volontariat alors que la JDC reste obligatoire et systématique.
Il sera désormais possible de ne pas réaliser de JDC pour les jeunes ayant réalisé un séjour de cohésion du SNU. Ces derniers recevront une équivalence JDC lors de leur recensement.
Le SNU relève du budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative. ».
5. Une baisse franche des crédits « Politique de mémoire » à la suite du programme commémoratif exceptionnel de l'année 2024
La définition et la conduite de la politique de mémoire sont assurées par les services de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA). La mise en oeuvre nationale du volet commémoration est directement réalisée par la DMCA et sa mise en oeuvre locale est déléguée à l'ONaCVG. La mise en oeuvre de la politique de la pierre relève aussi de l'ONaCVG.
L'action « mémoire » compte depuis le PLF 2024 deux sous-actions, numéroté 01 et 02. L'action 02 porte les crédits dédiés au Conseil national des communes « Compagnon de la libération » et représente 5 % des crédits avec 1,7 millions d'euros, un montant identique à 2024.
La sous-action 01 correspond au périmètre historique de l'action « mémoire », recouvre un spectre assez large d'actions et fait l'objet d'un financement budgétaire pouvant s'avérer très variable d'une année sur l'autre, dépendant directement de l'actualité mémorielle. L'année 2024 avait ainsi connu un quasi doublement des crédits du fait d'une programmation mémorielle exceptionnelle liée aux 80 ans du débarquement de Normandie et aux combats de la Libération. Les crédits de l'année 2025 connaissent assez logiquement une baisse du fait d'une programmation mémorielle moins riche. Ses crédits passent ainsi de 40,7 millions d'euros en 2024 à 33,1 millions d'euros en 2025, soit une diminution de 22,8 %. Pour autant, malgré cette baisse, 2025 reste une année mémorielle assez forte avec un financement « conjoncturel » de 9,8 millions d'euros.
La sous-action 01 est divisée en deux opérations stratégiques (OS) : l'OS « Mémoire » et l'OS « Sépultures de guerre et lieux de mémoire ». Pour 2025, 14,8 millions d'euros sont consacrés à l'OS mémoire (contre 23,8 millions d'euros en 2023) et 16,6 millions d'euros à l'OS sépultures (contre 16,9 millions d'euros en 2024).
a) Les crédits de l'OS sépultures de guerre et lieux de mémoire stables en 2025
L'OS « sépultures de guerre et lieux de mémoire » correspond principalement à des opérations de rénovation et d'entretien, dont l'ONaCVG a la charge, depuis que l'édification du monument d'hommage aux soldats morts pour la France lors des OPEX est achevée.
Outre l'entretien courant des nécropoles et carrés militaires, l'ONACVG a lancé un programme de rénovation des hauts lieux de la mémoire nationale évalué initialement à 8 millions d'euros sur 4 ans.
Cette OS avait connu une augmentation de ses crédits en 2024 du fait de l'inflation, passant de 13,6 millions d'euros en 2023 à 16,9 millions d'euros en 2024. Néanmoins, 8 millions d'euros ont été annulés en 2024. Plusieurs restaurations d'envergures de nécropoles et de carrés militaires ont dû être repoussées du fait de cette annulation.
Ce montant est en très légère baisse en 2025, les crédits de l'OS s'inscrivant à 16,3 millions d'euros.
Le respect de l'enveloppe budgétaire prévue risque de provoquer des retards dans la réalisation des travaux d'entretien du patrimoine mémoriel, notamment à la vue de l'importante annulation réalisée en 2024, alors que certaines nécropoles, par exemple celle de Luynes, par ailleurs concernée par les reports de 2024, sont déjà mal entretenues.
Le rapporteur spécial tient ici à saluer la contribution des bénévoles de toutes provenances, qui apportent un concours précieux et particulièrement estimable à la nécessaire conservation de ces hauts lieux de mémoire.
Au demeurant, il tient à rappeler l'implication forte des bénévoles des associations et de leurs porte-drapeaux dans la tenue des actions mémorielles. Il appelle à toute action permettant à ces associations de forger des liens avec les jeunes générations afin de rendre possible une continuité de cet engagement dans le temps.
b) L'OS « Mémoire », des crédits en baisse significative pour l'année 2025
La programmation mémorielle pour l'année 2025 portera essentiellement sur la Victoire et les combats de l'année 1945 (libération des poches de résistance allemandes de l'Atlantique et de la Manche, poche de Colmar, etc...).
À l'échelle de l'OS, la baisse des crédits pour 2025 est de 38 %. Ces derniers passent de 23,8 millions d'euros en 2024 à 14,8 millions d'euros en 2025. Le rapporteur précise néanmoins que l'année 2025 compte toujours 9,8 millions d'euros de dépenses liées aux commémorations de la Victoire.
En plus de ces commémorations ponctuelles, des cérémonies nationales sont tenues chaque année. Leur nombre a significativement augmenté ces dernières années. Il n'y avait que 6 journées commémoratives nationales en 1993, contre 17 aujourd'hui, dont 11 ont été instituées par des textes législatifs ou réglementaires.
Coût des 11 cérémonies nationales
(en euros)
Cérémonie |
2024 |
19 mars, journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc |
49 486 € |
28 avril, journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation |
85 650 € |
8 mai, commémoration de la victoire de 1945 |
129 417 € |
12 mai, fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme |
0 € |
27 mai, journée nationale de la Résistance |
0 € |
8 juin, journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine |
147 958 € |
18 juin, journée nationale commémorative de l'appel du général de Gaulle le 18 juin 1940 à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l'ennemi |
184 046 € |
21 juillet, journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France |
110 309 € |
25 septembre, journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives |
154 512 € |
11 novembre, commémoration de l'armistice de 1918 et hommage à tous les morts pour la France |
322 600 € |
5 décembre, journée nationale d'hommage aux « morts pour la France », aux rapatriés d'Afrique du Nord, aux personnes disparues, aux populations civiles victimes de massacres ou d'exactions et aux victimes civiles de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie |
63 457 € |
Cérémonie d'hommage à Jean Moulin célébrée traditionnellement le 17 juin |
17 218 € |
Source : ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire
6. Les opérateurs du programme, soumis à une budgétisation qui suscite l'inquiétude quant à la soutenabilité de leurs comptes
Le programme 169 compte trois opérateurs :
- l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) ;
- l'Institution nationale des Invalides (INI) ;
- le Conseil national des communes « Compagnon de la libération ».
L'ONaCVG est l'opérateur principal du programme 169. Il a la charge de mettre en oeuvre les politiques de reconnaissance et réparation en faveur des anciens combattants et la mise en oeuvre des volets local et immobilier de la politique de mémoire.
L'INI prend en charge les blessés militaires, soit pour une réhabilitation, soit pour un accueil comme pensionnaire en cas de grand handicap.
Le Conseil national des communes « Compagnon de la libération » a « pour mission d'assurer les traditions des Compagnons de la Libération, d'en conserver la mémoire, de gérer le musée, d'organiser les cérémonies commémoratives de l'appel du 18 juin et de la mort du Général de Gaulle, de participer à l'aide morale et matérielle apportée aux veuves et enfants de Compagnons de la Libération ainsi qu'aux médaillés de la Résistance et à leurs familles. L'Ordre de la Libération développe l'esprit de défense à travers l'exemple de l'engagement des Compagnons de la Libération. »11(*).
Le Conseil réalise essentiellement un travail de mémoire en lien avec l'action de la Résistance. Ces actions semblent assez redondantes avec les missions de l'ONaCVG, aussi l'absorption du Conseil dans l'Office mériterait d'être envisagée.
a) L'évolution des crédits et des plafonds d'emploi des opérateurs de la mission
(1) Des crédits en augmentation en raison du renforcement des actions en faveur des harkis mais qui permettent difficilement de couvrir le fonctionnement courant des opérateurs
L'année 2025 est marquée par une augmentation des dotations.
L'ONaCVG en particulier voit ses crédits attribués au titre du programme 169 augmenter de 20 millions d'euros, soit une hausse de 13,2 % par rapport à 2024. Cette hausse est essentiellement due à la revalorisation de l'action en faveur des rapatriés et à un transfert visant à renforcer son action sociale en faveur des pupilles.
La subvention pour charges de service public (SCSP) est, elle, en hausse de 3,2 millions d'euros. Cette progression trouve des origines multiples : renforcement du dispositif ATHOS, entretien des Hauts Lieux de la Mémoire Nationale et sépultures de guerre et 450 000 euros prévus pour le relogement de services départementaux. Néanmoins, cette augmentation ne couvre pas la totalité des augmentations de charge de l'Office, notamment les revalorisations des rémunérations de ses agents. L'Office indique que son niveau de trésorerie est trop faible pour compléter sa SCSP.
Les crédits qui lui sont transférés depuis le programme 158 sont en légère baisse, de 2,9 millions d'euros (- 3,4 %), principalement du fait de la diminution du nombre des crédirentiers bénéficiant des dispositifs dont les crédits sont transférés.
Les crédits à destination de l'INI doivent être distingués entre la SCSP et la subvention pour charge d'investissement (SCI). La SCSP est globalement stable d'une année à l'autre et son montant de 14,4 millions d'euros en 2025 (AE=CP) est quasi-équivalent à son montant en 2024 (+ 4 000 euros).
La SCI, au contraire, est extrêmement variable d'une année à l'autre car l'INI s'est engagée dans un grand programme de rénovation et de réhabilitation de ses locaux. Aussi les mouvements de la SCI d'une année sur l'autre varient du tout au tout mais s'inscrive dans le cadre d'un schéma directeur immobilier dont le coût total est actuellement estimé à 62,16 millions d'euros. Les CP de la SCI s'élevaient à 9,2 millions d'euros en 2024 et s'élèvent à 11,3 millions d'euros en 2025. Au niveau des AE, 0 euros d'AE étaient prévus pour la SCI en 2024 et 7,2 millions d'euros d'AE sont prévus en 2025. À ces travaux doivent également s'ajouter une rénovation du bâtiment Robert de Cotte, pour laquelle un budget global de 21,7 millions d'euros est prévu.
En plus des crédits du programme 169, l'INI reçoit une dotation annuelle de fonctionnement de 14,4 millions d'euros allouée par le ministère de la santé et de la prévention et génère un peu plus de 10 millions d'euros de recettes propres, portant ainsi le montant des crédits disponibles pour son fonctionnement courant à environ 40 millions d'euros. Son budget initial 2023 s'élevait, hors dépenses d'investissement, à 40,4 millions d'euros en AE et 40,3 millions d'euros en CP. Son budget en exécution a néanmoins été inférieur à cette prévision en raison d'une sous-réalisation des recettes propres de l'INI. Une situation similaire risque de se présenter en 2024. En tout état de cause, une mauvaise réalisation sur les recettes propres de l'INI amène ses ressources à un niveau inférieur à celui de ses dépenses courantes.
Les crédits fléchés pour financer le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » sont identiques à ceux de 2024 à 1,74 million d'euros.
(2) Un plafond d'emplois stable mais sous-exécuté en 2025, après une période de baisse importante
Les opérateurs du programme ont connu de fortes baisses d'ETPT au cours des dernières années. Une diminution de 127 ETPT est constatée en exécution de 2019 à 2022.
A contrario, depuis 2022 le plafond d'emplois autorisés est stable. Cette stabilisation est notamment due à un rebond du nombre d'ETPT de l'ONaCVG pour faire face à la nécessité de traiter les dossiers d'indemnisation au titre de la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées.
Il faut également signaler que les autorisations d'emplois sont systématiquement sous-exécutées sur la période 2019-2023.
Évolution des emplois ouverts aux deux
principaux opérateurs du programme
en loi de finances
(2019-2025)
LFI 2019 |
LFI 2020 |
LFI 2021 |
LFI 2022 |
LFI 2023 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
|
INI |
432 |
418 |
421 |
420 |
419 |
419 |
419 |
dont sous plafond |
424 |
418 |
412 |
411 |
410 |
410 |
410 |
ONAC-VG |
895 |
845 |
827 |
804 |
802 |
805 |
805 |
dont sous plafond |
878 |
845 |
801 |
778 |
775 |
779 |
779 |
Total |
1 327 |
1 263 |
1 248 |
1 224 |
1 221 |
1 224 |
1 224 |
dont sous plafond |
1 302 |
1 263 |
1 213 |
1 189 |
1 185 |
1 189 |
1 189 |
Source : la commission des finances, d'après les documents budgétaires
Évolution des emplois
exécutés des deux principaux opérateurs du programme
(2019-2023)
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
INI |
416 |
407 |
399 |
395 |
388 |
ONAC-VG |
877 |
836 |
798 |
771 |
765 |
Total |
1 293 |
1 243 |
1 197 |
1 166 |
1169 |
Source : la commission des finances, d'après la documentation budgétaire
b) L'ONaCVG, un acteur incontournable pour la mise en oeuvre des crédits de la mission en cours de restructuration
(1) L'ONaCVG, un acteur essentiel dans la mise en oeuvre des actions de la mission « Anciens combattants »
L'ONaCVG est un établissement public sous tutelle du ministère des armées. Il a pour mission de servir au mieux les intérêts de ses ressortissants. Ces derniers recouvrent des situations très différentes, pouvant appartenir à 19 catégories différentes. Il s'agit pour l'essentiel d'anciens combattants, de prisonniers de guerre, de victimes civiles et de leurs ayants cause. Aux catégories historiques doivent malheureusement désormais s'ajouter les victimes de terrorisme.
L'ONaCVG dispose d'une gouvernance collégiale particulière puisqu'il est géré conjointement par l'autorité de tutelle, représentée notamment par la secrétaire d'État chargée de la mémoire et des anciens combattants qui dirige le conseil d'administration, et par les associations d'anciens combattants et mémorielles, de manière paritaire. Cette forme de gouvernance donne ainsi directement voix aux ressortissants de l'ONACVG pour les décisions qui les concernent.
L'office dispose enfin d'un maillage territorial important puisqu'avec 104 services déconcentrés, il est présent dans chaque département, en outre-mer, en Algérie et au Maroc. Le service de Tunisie a été fermé en 2020. Ce maillage se justifie par la mission d'accueil par l'ONaCVG de ses ressortissants ainsi que par la nécessité de maintenir des liens forts avec les associations d'anciens combattants locales, ce tissu associatif comprenant près de 8 000 associations, dont 7 500 locales.
La réalisation d'un nombre assez important de missions, parfois assez disparates, est confiée à l'office. Il est ainsi responsable :
- de la mise en oeuvre des mécanismes de reconnaissance et de réparation en faveur de ses ressortissants (attribution de la carte du combattant, réversion de l'allocation de reconnaissance du combattant et de la PMI, attribution de titres tels que « Mort pour la France », etc...) ;
- du soutien au monde combattant, notamment en apportant un soutien moral et matériel à ses ressortissants et en subventionnant ses associations ;
- de la reconnaissance des pupilles de la Nation et de la République et de leur suivi ;
- de l'exercice de missions de mémoire : entretien des sépultures militaires (carrés militaires, cimetières, nécropoles et monuments aux morts) et hauts lieux de la mémoire nationale ainsi que la mise en oeuvre locale du versant commémoratif de la politique de mémoire ;
- de la mise en oeuvre des droits des rapatriés et des membres des forces supplétives d'Afrique, ainsi que leurs descendants. L'ONaCVG est le guichet unique pour toutes les actions publiques les concernant ;
- l'Office participe au conseil d'administration du Bleuet de France depuis le 1er janvier 2023, date marquant la création du fonds de dotation du même nom. Avant le 1er janvier 2023, l'Office gérait directement l'oeuvre nationale du Bleuet de France. ;
- il se voit transférer les crédits du programme 158 pour la mise en oeuvre effective des indemnisations ;
- depuis juillet 2023, l'Office s'est vu confier le pilotage du dispositif ATHOS d'accompagnement des blessés psychiques après leur départ de l'institution militaire, qui était précédemment à la charge de l'armée de terre.
L'ONaCVG est également un acteur de référence pour le volet mémoire de toute action de lien entre la Nation et ses armées. Il est ainsi amené à intervenir lors de la JDC ou du SNU, dans des concours scolaires comme le concours national de la résistance et de la déportation, ainsi que dans d'autres actions plus ponctuelles comme l'action « Aux sports jeunes citoyens ! ».
(2) Des crédits en augmentation compensant partiellement les hausses de charge de l'ONaCVG en 2025
Le Contrat d'objectifs et de Performance (COP) 2020-2025 de l'ONaCVG avait inscrit l'Office dans une trajectoire de réduction de ses coûts. Les dépenses de l'Office devaient passer de 123,4 millions d'euros en 2021 à 113,1 millions d'euros en 2025, dépenses d'intervention incluses.
Il faut relever qu'à ce stade, les prévisions budgétaires du COP sont dépassées. Plusieurs raisons expliquent le non-respect de cette trajectoire, notamment la revalorisation des crédits en faveur des rapatriés (+ 80 millions d'euros sur la période), l'inflation et de nouvelles compétences (maisons ATHOS et nouvelles catégories de pupilles). Le non-respect de la trajectoire du COP ne relève donc pas de choix gestionnaires de l'Office.
Les crédits transférés à l'Office au titre du programme 169 sont de nouveau en augmentation en 2025. Elles avaient augmenté de 137 millions d'euros à 151,2 millions d'euros (AE=CP) de 2023 à 2024. Ces derniers s'établissent à 171,2 millions d'euros en 2025. Cette augmentation est liée au renforcement des moyens de la politique d'indemnisation des rapatriés et de la politique de solidarité en faveur des pupilles.
Même la subvention pour charges de service public, dont il était prévu que le montant reste stable à 55 millions d'euros à partir de 2021, a augmenté du fait de l'attribution de la mission ATHOS à l'office, de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et d'une augmentation de ses effectifs rendue nécessaire par le traitement des dossiers d'indemnisation des rapatriés. L'Office indique qu'en 2025, la totalité de ses augmentations de charge n'est pas couverte par l'augmentation de sa SCSP.
Le rapporteur spécial rappelle que le fonds de roulement et la trésorerie de l'ONaCVG, longtemps excédentaires, avaient été mises à contribution ces dernières années. Ils ne permettent plus aujourd'hui de compléter la SCSP comme ce fut le cas sur la période 2019-2024.
Évolution du fonds de roulement de l'ONaCVG (2017- 2023)
(en millions d'euros)
Exécuté |
Exécuté |
Exécuté |
Exécuté |
Exécuté |
Exécuté |
Budget initial |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
41,26 |
36,30 |
18,31 |
22,12 |
47,26 |
29,53 |
6,17 |
Source : ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire
Évolution de la trésorerie non fléchée de l'ONaCVG (en M€)
(en millions d'euros)
Exécuté |
Exécuté |
Exécuté |
Exécuté |
Exécuté |
Budget initial |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
19,41 |
7,95 |
7,39 |
10,98 |
10,24 |
2,74 |
Source : ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire
(3) Une restructuration ayant permis une plus grande efficacité de l'ONaCVG dans son traitement des dossiers
Comme indiqué, le COP 2020- 2025 vise à entraîner une restructuration de l'ONAC-VG. Ce dernier lui attribue ainsi 5 missions :
- assurer le meilleur service aux ressortissants ;
- ancrer la politique de mémoire et de citoyenneté dans les territoires ;
- renforcer l'accompagnement des combattants dans la durée ;
- porter une nouvelle ambition pour le Bleuet de France ;
- poursuivre la modernisation de l'Office.
Le point saillant de ces attributions est la poursuite de la modernisation de l'Office, qui porte des conséquences directes sur les quatre points précédents.
Dans le cadre de sa « nouvelle ambition », l'oeuvre nationale du Bleuet de France a été transformée au 1er janvier 2023 en fonds de dotation afin de se mettre en régularité avec les règles de gestion publique suite à des critiques adressées par la Cour des comptes. L'ONaCVG siège à son conseil d'administration en tant que membre fondateur.
La modernisation de l'office doit ensuite permettre de concilier meilleur service et moindres coûts, notamment grâce à un plus grand recours à la numérisation qui permet de centraliser le traitement des demandes de cartes dans les services du département de reconnaissance et de réparation de Caen et le déploiement de nouveaux outils de gestion.
Des gains d'efficacité significatifs ont été réalisés grâce à la dématérialisation : le délai moyen de traitement des dossiers qui s'inscrivait à 145 jours en 2020 est descendu à 91 jours en 2021, soit 54 jours de moins en moyenne et 44 jours de moins que la cible du PAP de 135 jours.
Les exécutions subséquentes se sont maintenues aux alentours de 100 jours. Le rapporteur salue vivement ces résultats.
Suite à la réduction des effectifs de l'ONaCVG, quelques 400 ETPT restent répartis sur les 104 antennes locales de l'office. L'ONaCVG estime ces effectifs suffisants pour la mise en oeuvre de ses missions. Cependant, il souligne quelques difficultés ponctuelles à reclasser certains agents dont le poste est supprimé et qui doivent continuer à être payés par l'ONaCVG. Cette réduction aura également eu pour conséquence la relocalisation des antennes de l'ONaCVG dans des locaux d'autres administrations, notamment des préfectures. Elle a également pour conséquence un nombre très réduit d'agents dans chaque antenne locale, ce qui peut provoquer des difficultés en cas d'absences. Le niveau actuel des emplois réparti sur le réseau territorial de l'ONaCVG ne pourra pas faire l'objet de nouvelles réductions sans suppression d'antennes ou dégradation significative du service.
c) L'Institution Nationale des Invalides, un acteur unique et irremplaçable pour la prise en charge des invalides de guerre
L'Institution Nationale des Invalides est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des armées. Elle est chargée de trois missions :
- accueillir les invalides bénéficiaires des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- dispenser des soins en hospitalisation ou en consultation aux malades et aux blessés en vue de leur réadaptation fonctionnelle, professionnelle et sociale ;
- participer aux études et à la recherche sur l'appareillage des handicapés.
Plusieurs remarques doivent être formulées sur les crédits affectés à l'INI.
Les ressources de l'INI proviennent de différentes sources :
- une dizaine de millions d'euros de revenus propres par an ;
- une dotation annuelle de fonctionnement (DAF) allouée par le ministère de la santé et de la prévention pour financer la part des dépenses prises en charge par le régime d'assurance maladie. Son montant en 2024 était de 14,4 millions d'euros ;
- de crédits transférés issus du programme 169, ces derniers s'élevant à 21,6 millions d'euros en AE et 25,7 millions d'euros en CP en 2025, dont 14,4 millions d'euros de subvention pour charges de service public (SCSP).
Les crédits transférés au titre du programme 169 recouvrent deux aspects : la SCSP et des financements pour la mise en oeuvre de la rénovation immobilière de l'institution.
La SCSP en 2025 est d'un montant équivalent à celle de 2024.
À ces ressources s'ajoutent, en 2024, 7,2 millions d'euros en AE et 11,3 millions d'euros en CP de subvention pour charges d'investissement, en provenance du programme 169.
Le COP 2022-2026 de l'INI a défini deux grands axes :
- la création d'une offre de soin en continuation et en complémentarité du service de santé des armées et prenant notamment en compte les blessures psychiques, qui n'étaient pas prises en compte jusqu'à présent ;
- la mise en oeuvre de son schéma directeur d'infrastructure (SDI) prévoyant une rénovation et la réhabilitation de la quasi-totalité des bâtiments que comportent les invalides.
Le coût total du SDI est actuellement évalué à 62,16 millions d'euros, l'évaluation initiale étant de 51 millions d'euros. 12,7 millions d'euros sont financés sur des ressources propres de l'INI, auxquels doivent s'ajouter les 21,7 millions d'euros prévus pour la réalisation de travaux supplémentaires dans le bâtiment Robert de Cotte.
S'agissant de ses ressources propres, l'INI fait face à plusieurs difficultés. Le centre des pensionnaires connait une baisse de la population des personnes pouvant prétendre au bénéfice d'un hébergement aux invalides, le centre de réhabilitation subit une baisse d'activité du fait d'un non-renouvellement de personnels médicaux et paramédicaux et le centre d'appareillage a connu une baisse d'activité suite à son déménagement de Créteil à Paris. Ces différents facteurs entraînent une réduction des ressources propres de l'INI qui se sont finalement élevées à 8,6 millions d'euros en 2023 (pour une prévision à 12,4 millions d'euros). L'INI indique que ces difficultés ont continué en 2024.
En conséquence, l'INI a dû geler tous ses investissements hors SDI et doit présenter un plan de redressement.
L'INI voit également ses effectifs se réduire. L'INI disposait ainsi d'un plafond d'emplois de 432 ETPT en 201912(*) et de 419 ETPT pour 2025. Les effectifs réels de l'INI sont par ailleurs systématiquement inférieurs aux autorisations budgétaires, l'INI ne disposait ainsi que de 388 ETPT en 2023.
L'INI indique que cette sous-exécution de son plafond d'emploi est dû à un manque d'attractivité de l'Institution face au secteur privé pour recruter des personnels médicaux et paramédicaux. Cette sous-exécution entraîne par ailleurs une baisse des recettes propres de l'INI du fait d'un volume d'activité moindre de son centre de réhabilitation.
Le rapporteur spécial tient à souligner la particularité des missions de l'INI qui doit aider à la reconstruction de pensionnaires, lesquels doivent être très entourés. Aussi le taux d'encadrement de l'INI, qui est certes supérieur à celui d'établissements comparables, n'apparaît pas disproportionné au regard de la mission dont l'institution a la charge.
B. LE PROGRAMME 158 : UNE ENVELOPPE PLUS LIMITÉE ET ÉGALEMENT EN BAISSE
Le programme 158 finance les réparations aux victimes de spoliations et aux orphelins de victimes de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie perpétrés pendant la seconde guerre mondiale.
Il recouvre deux actions correspondant à trois indemnisations : l'action 01 « indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliation du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation » et l'action 02 « indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale », étant précisé que l'indemnisation de l'action 02 s'adresse aux orphelins des victimes d'actes de barbarie.
Les crédits affectés à ce programme s'inscrivent dans une trajectoire baissière : 91,5 millions d'euros (AE=CP) pour la LFI 2023, 88,1 millions d'euros pour la LFI 2024 et 85,35 millions d'euros pour le PLF 2025. La grande majorité de ces crédits finance les rentes d'indemnisation des orphelins de victimes de violences antisémites ou d'actes de barbarie : 74,1 millions d'euros y sont consacrés pour le PLF 2025, soit 87 % des crédits du programme. La trajectoire baissière des crédits du programme s'explique essentiellement par la baisse du nombre des crédirentiers, qui sont en moyenne très âgés.
Ces crédits sont très majoritairement des crédits d'intervention qui sont reversés à l'ONaCVG, qui a la charge du paiement concret des indemnités. L'ONaCVG a ainsi bénéficié d'un transfert de crédits de 83,3 millions d'euros (AE et CP) en provenance du programme 158.
17 ETPT sont rémunérés par le programme 158, un nombre stable par rapport à 2024. La CIVS compte également 24 collaborateurs qui ne sont pas sous plafond d'emploi, dont la rémunération est portée par les crédits du programme 158. Ces derniers ne représentent cependant que 20 % des crédits de titre 2 de la CIVS, les 80 % restant servant à rémunérer les 17 ETPT prévus en loi de finances. Ces 24 collaborateurs sont les membres du collège délibérant de la CIVS, les magistrats instructeurs, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement.
1. Indemnisation des orphelins : la réduction du nombre de crédirentiers
Cette réparation recouvre l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes antisémites de l'action 01 et l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale de l'action 02. Ces deux types d'indemnisation sont ici regroupés car ils obéissent à des régimes identiques.
Les droits afférents aux orphelins d'actes antisémites ont été aménagés en 2000 et sont régis par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 sur les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes antisémites. Les droits prévus par l'action 02 ont été eux aménagés en 2004 et sont régis par le décret n° 2004- 751 du 27 juillet 2004.
Les orphelins allocataires peuvent choisir entre une indemnisation en capital, s'élevant à 27 440,82 euros, et une rente viagère mensuelle. La rente viagère est revalorisée de 2,5 % par an. Cette dernière valait 678,94 euros au 1er janvier 2024 et son montant prévu pour 2025 est de 695,91 euros. Ces indemnisations sont exonérées d'imposition sur le revenu.
La modalité de revalorisation de cette rente est déliée de toute considération de nature économique et est traditionnellement plus dynamique que l'inflation. C'est le cas en 2024, après deux années 2022 et 2023 où l'inflation, particulièrement importante, avait été plus dynamique.
L'instruction des dossiers est réalisée par le département « reconnaissance et réparations » de l'ONaCVG. Les décisions accordant une mesure de réparation financière relèvent réglementairement du Premier ministre et le paiement des indemnisations est réalisé par l'ONaCVG. Dans ce cadre, les crédits servant aux indemnisations sont reversés à l'ONaCVG par les services du Premier ministre. Ainsi, l'immense majorité des crédits affectés au programme 158 est in fine reversée à l'ONaCVG.
17 907 demandes ont été déposées depuis 200013(*) au titre de l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes antisémites, dont seulement 4 depuis 2022. Aucune n'a été déposée lors du premier semestre de 2024. 13 664 décisions d'attribution et 703 rejets ont été prononcés. 205 contestations ont été déposées à l'encontre des décisions de rejet. Toutes ont été rejetées par le juge administratif.
En ce qui concerne le dispositif de l'action 02, 34 799 demandes ont été déposées depuis 200414(*), dont 3415(*) depuis 2022. 22 810 décisions d'attribution ont été prononcées. 1 044 recours ont été formés contre ces décisions, dont 492 recours portant sur une demande de revalorisation du capital ou de rétroactivité de la rente. Aucun de ces 492 recours n'a prospéré. Les 552 recours restants contestent une décision de rejet. Seuls 30 recours ont abouti à une annulation.
Si de nouvelles demandes au titre de ces deux dispositifs continuent d'être enregistrées, le nombre de ces dernières est particulièrement faible. Étant donné qu'une absence de réponse dans un délai de 4 mois vaut décision de rejet et que le nombre de nouveaux dossiers est désormais particulièrement faible, les crédits affectés à ces indemnités ont désormais vocation à baisser au rythme du nombre des crédirentiers.16(*)
3 278 personnes sont actuellement crédirentières du dispositif d'indemnisation des orphelins de victimes d'actes antisémites et 5 534 autres le sont du dispositif de l'action 02.
2. La nécessité d'une réforme d'équité du dispositif de l'action 02 relatif à l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie
Le rapporteur spécial estime que le dispositif d'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie pourrait être étendu, les dispositions du décret ouvrant des droits aux orphelins de « victimes d'actes de barbarie », notion définie comme des personnes « placées dans l'incapacité de se défendre et qui sont décédées du fait d'actes n'entrant pas dans le cadre d'un affrontement armé et relevant de la plus extrême inhumanité »
Cette définition exclut notamment :
- les membres de la Résistance ;
- les membres de l'armée régulière ;
- les orphelins de victimes des bombardements et des affrontements armés entre Allemands et Alliés.
3. La réparation des spoliations antisémites, une budgétisation en fonction des dossiers traités par la CIVS
Le décret n° 2018- 829 du 1er octobre 2018 modifiant le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 sur la réparation des spoliations antisémites régit le régime de ces indemnités. Il institue auprès du Premier ministre la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), chargée « de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées ». Une modification de 2018 étend les compétences de la CIVS.
Les crédits affectés à ce pan de l'action 01 sont minoritaires dans le programme. Ils s'élèvent à 11,2 millions d'euros (en AE = CP) pour 2025, en légère hausse par rapport à la dotation de 2024 qui s'élevait à 10,8 millions d'euros. Les crédits affectés aux spoliations sont directement facteur des dossiers en cours de traitement et peuvent varier fortement d'une année sur l'autre, indépendamment de toute considération gestionnaire.
Les indemnités accordées peuvent être mises à la charge de l'État français ou, en application des accords de Washington passés entre le Gouvernement des États-Unis et celui de la France, le 21 mars 2001, imputées sur les fonds du Fonds social juif unifié lorsqu'il s'agit d'indemniser des avoirs bancaires spoliés.
Deux tendances de fond se dégagent cependant : la première est une baisse du nombre de recommandations annuelles. Moins de 1 000 recommandations sont prononcées en 2010, moins de 500 en 2013 et moins de 200 depuis 2021. La deuxième, conséquence de la première, est que les prévisions d'indemnisations sont, malgré des variations annuelles parfois fortes, globalement en baisse.
La CIVS a cependant connu un rebond budgétaire en 2018 du fait de l'entrée en vigueur du décret n° 2018- 829 du 1er octobre 2018, qui prévoit une faculté d'auto-saisine de la CIVS. Le même décret permet également au ministère de la Culture de saisir la CIVS en matière de biens culturels.
Cette faculté d'auto-saisine, que le rapporteur avait appelée de ses voeux dans son rapport sur la CIVS17(*), a été mise en oeuvre 10 fois depuis l'entrée en vigueur du décret.
La CIVS se coordonne avec la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) du ministère de la culture. CIVS et M2RS ont signé une convention le 1er juillet 2019 pour coordonner leur action.
Dans ce cadre :
- la M2RS peut saisir la CIVS ;
- la CIVS peut confier les recherches de provenance pour les dossiers de spoliations culturelles au M2RS. 47 dossiers ont ainsi été confiés au 31 juillet 2024. La CIVS et la M2RS se rencontrent tous les trimestres pour un suivi partagé des cas de spoliation dont la CIVS a confié l'instruction à la M2RS ;
- la CIVS et la M2RS partagent leurs ressources d'archives et leurs travaux de recherche.
La distinction entre les deux entités relève de leurs périmètres respectifs : la CIVS est compétente pour toute spoliation antisémite sous l'occupation et la M2RS est compétente pour toute spoliation de bien culturel entre 1933 et 1945.
Si le rapporteur salue le degré élevé de coordination entre les deux entités, l'intégration importante de leurs activités respectives le conduit à s'interroger sur la pertinence de l'existence de deux entités distinctes ayant en charge de missions très similaires et travaillant en partie sur les mêmes dossiers.
Une difficulté doit être mise en exergue : celle des parts réservées. La situation se présente dans le cas où, se prononçant sur une demande d'indemnisation, la CIVS constate l'existence d'une pluralité d'ayants droit sans pour autant les identifier précisément. L'hypothèse est courante étant donné que chaque génération supplémentaire augmente le nombre d'ayants droits et que les spoliations ont eu lieu il y a environ 80 ans. La Cour des comptes, dans un rapport de septembre 2011, avait ainsi relevé que sur les 30 000 dossiers examinés alors par la CIVS, une recommandation sur deux comportait des parts ainsi réservées, sans qu'un suivi attentif de ces parts ne soit mis en oeuvre.
Valant 27,5 millions d'euros à la fin de l'année 2015, le montant total des parts en attente de versement s'élevait à 24,4 millions d'euros au 31 juillet 2024. Il est précisé que plus de 3 millions d'euros ont été versés au titre des parts réservés sur cette période mais que les recommandations réalisées entre-temps par la CIVS augmentent le volume des parts réservées devant être versées.
En toute hypothèse, le montant des parts réservées demeure considérable et il doit être déduit des évaluations rendant compte de l'activité d'indemnisation de la commission. Depuis l'entrée en vigueur du décret du 5 janvier 2024 instituant une commission pour la restitution des biens et l'indemnisation des victimes de spoliations antisémites et pris en application des articles L. 115-3, L. 115-4 et L. 451-10-1 du code du patrimoine, la recherche des ayants droit figure désormais parmi les compétences explicites de la CIVS.
Outre le travail toujours en cours de mise à jour des parts réservées, la CIVS a conclu avec le Cercle des généalogistes juifs une convention visant à identifier les bénéficiaires potentiels de ses recommandations. Par ailleurs, un mécénat de compétence a été mis en oeuvre par le ministère de la culture avec des experts de la généalogie.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 24 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Je salue la présence parmi nous de Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - Je commencerai en indiquant que je n'ai reçu qu'hier les réponses à mon questionnaire budgétaire portant sur le programme 169 de la mission « Anciens combattants ». En revanche, j'ai reçu avant la date limite, fixée au 10 octobre, la totalité des réponses au questionnaire portant sur le programme 158, le second de la mission.
Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » continuent de diminuer légèrement, de 16,5 millions d'euros en 2025, pour la deuxième année consécutive. La mission représente une masse financière globale de 1,9 milliard d'euros.
Je salue moi aussi la présence de Jocelyne Guidez, qui préside par ailleurs le groupe d'études « Monde combattant et mémoire ».
Comme chaque année, la baisse des crédits est la conséquence de la baisse de la population des bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant, anciennement appelée retraite du combattant, et de la pension militaire d'invalidité. Ces deux pensions, qui concentrent 1,17 milliard d'euros, sont versées respectivement aux titulaires de la carte du combattant et aux militaires et anciens militaires souffrant d'une invalidité du fait de leur engagement. Ces deux populations ont en commun d'être en moyenne très âgées et de diminuer fortement chaque année.
Ces deux pensions sont par ailleurs déterminées en fonction du point de pension militaire d'invalidité (PMI), qui est indexé sur les rémunérations publiques. Ce dernier sera revalorisé de 0,94 % le 1er janvier 2025, passant ainsi de 15,90 à 16,05 euros. Cette revalorisation est inférieure à l'inflation et ne remet pas en cause la trajectoire des crédits de la mission.
Plusieurs mouvements méritent d'être soulignés à l'occasion du projet de loi de finances pour 2025.
Les crédits de la rente mutualiste du combattant, une rente majorée par l'État et assortie d'avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les anciens combattants, sont cette année en hausse, alors que celle-ci suivait traditionnellement la trajectoire baissière de l'allocation de reconnaissance du combattant pour les mêmes raisons démographiques. Le projet annuel de performances indique que la baisse de la démographie des bénéficiaires ne compense plus l'effet amplificateur de la revalorisation des taux de majoration légale. Cette hausse est significative, avec un montant de 16,5 millions d'euros, soit une hausse de 8,5 %.
L'effort en faveur des harkis et autres rapatriés continue d'augmenter à la suite du renforcement exceptionnel dont il avait fait l'objet en 2022. L'augmentation des crédits en 2025, pour un montant de 11,3 millions d'euros, est la conséquence d'un renforcement des crédits dédiés aux rentes viagères des rapatriés et de leurs veuves.
J'en viens au dispositif de réparation prévu par la loi du 23 février 2022, qui vise à indemniser les rapatriés du fait de leur conditions d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage. Le 4 avril 2024, dans une décision Tamazount, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a obligé la France à réexaminer certains dossiers et à verser des indemnités plus importantes à certains rapatriés. Le coût budgétaire supplémentaire entrainé par cette décision est estimé à 41 millions d'euros. Cependant, les crédits de ce dispositif restent stables, le Gouvernement ayant choisi de lisser la dépense dans le temps.
Les crédits dédiés à la Journée défense et citoyenneté (JDC) sont en forte hausse - 15 millions d'euros -, elle doit faire l'objet d'une refonte.
Les crédits liés à la mémoire subissent, quant à eux, une baisse de 9,3 millions d'euros, car la programmation mémorielle de l'année 2025 est moins importante que celle de l'année 2024, durant laquelle avaient été célébrés les 80 ans des débarquements et de la Libération. Je saisis cette occasion pour saluer les bénévoles oeuvrant dans les associations patriotiques et de mémoire, ainsi que tous les porte-drapeaux.
J'attire cependant votre attention sur les crédits de l'entretien du patrimoine mémoriel militaire de l'État. Si leur montant est stable entre 2024 et 2025, à hauteur de 16,6 millions d'euros, 8 millions d'euros de crédits ont été annulés en 2024. Les contraintes budgétaires entraînent des retards dans l'entretien des sépultures militaires. De nombreuses associations, parmi lesquelles le Souvenir français, participent à ce travail important.
Dernier point de vigilance : au cours des années précédentes, la trésorerie du principal opérateur de la mission - l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) - avait été mise à contribution pour réduire les crédits lui étant destinés en loi de finances. En conséquence, ses marges de manoeuvre sont très réduites pour aborder le contexte actuel de contrainte budgétaire.
Autre opérateur de l'État, l'Institution nationale des invalides (INI) fait également face à des difficultés - elle les estime conjoncturelles - pour maintenir son niveau d'activité, avec une baisse de ses ressources propres et une situation budgétaire actuellement tendue. En particulier, elle a dû geler toutes ses dépenses d'investissement hors schéma directeur immobilier.
Enfin, dans le cadre de la maîtrise des comptes publics, je propose un amendement de crédits d'appel qui vise à confier à l'ONaCVG le soin d'assurer la mémoire et les missions de l'Ordre de la Libération. Cette mission est actuellement confiée à une structure administrative ad hoc, le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », qui est le troisième opérateur de la mission ; ses tâches apparaissent redondantes avec celles de l'opérateur de droit commun de la politique de mémoire, l'ONaCVG. Le montant de l'économie envisagée est très modique - 1 million d'euros -, mais celle-ci s'inscrit dans une logique de rationalisation administrative.
Je vous propose d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par l'amendement de crédit que je vous ai présenté.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - Je remercie le rapporteur spécial pour la qualité de son travail ; nous échangeons régulièrement ensemble.
La très légère baisse de 1,1 % par rapport à 2024 des crédits de cette mission s'explique, comme chaque année, par le poids des pensions militaires d'invalidité et de l'allocation de reconnaissance du combattant, dont les dépenses se réduisent mécaniquement par la diminution du nombre de bénéficiaires.
Notre combat doit se concentrer sur la valeur du point de PMI. Je constate que la revalorisation de 0,94 % prévue cette année est plus importante que la version initiale du projet de loi de finances pour 2024. Toutefois, l'augmentation resterait en deçà de l'inflation - je le déplore.
Je tiens également à souligner deux postes de dépenses qui augmentent et qui me paraissent importants. Dans cette période de maîtrise de la dépense publique, je tiens à vous rassurer en soulignant que ces lignes budgétaires ne sont pas pour autant phénoménales.
Il est proposé une hausse de 15 millions d'euros des crédits consacrés à la JDC. Le Gouvernement annonce une refonte complète de cette journée afin de susciter davantage d'intérêt pour les carrières de la défense. Nous ne pouvons effectivement pas faire l'économie d'une réflexion sur l'organisation et la finalité de la JDC. Ce projet va donc a priori dans le bon sens.
J'en viens à la subvention versée par l'ONaCVG en faveur du dispositif des maisons Athos. Le projet de loi de finances prévoit une nouvelle augmentation des crédits à hauteur de 1 million d'euros, après celle de 2024 ; je m'en réjouis. Pour m'être déplacée très récemment à la maison Athos de Bordeaux, je dois dire que ce dispositif remplit parfaitement son rôle d'accompagnement et de reconstruction de nos militaires blessés psychiquement. Les maisons Athos et leurs équipes remplissent une fonction utile et bénéfique qu'il convient de soutenir.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pourquoi ne pas créer une mission de contrôle sur les missions exercées par l'ONaCVG ? Certains services départementaux semblent plus actifs que d'autres.
Je pense par ailleurs qu'il ne faut pas essayer de mener cinq objectifs simultanément avec une multitude d'organismes, qui, in fine, perdent de leur efficience et n'atteignent pas leur cible.
Monsieur Laménie, la simplification et la mutualisation entre les différents opérateurs ont-elles été menées à leur terme pour gagner en efficacité ?
Mme Isabelle Briquet. - Merci aux rapporteurs pour leur travail.
La baisse des crédits de ce budget est logique, car elle est liée à la diminution des ayants droit.
La poursuite de la mise en oeuvre du droit à réparation des harkis est une bonne chose. Celle-ci est parfois contrainte : la décision de la CEDH en témoigne. Il importe que la réparation puisse s'effectuer dans les meilleures conditions possibles.
Dans la continuité de la commémoration du 80ème anniversaire des débarquements et de la Libération, nous saluons le maintien des subventions en faveur des hauts lieux de mémoire. Dans la Haute-Vienne, le sujet mémoriel est de première importance avec la restauration du village martyr d'Oradour-sur-Glane.
En ces temps où l'on recherche des économies, je souhaite notamment une évaluation du SNU : déterminer l'efficacité de toutes ces politiques publiques est un premier pas à cet égard. Qu'en pensez-vous, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Olivier Paccaud. - Dans la lignée des propos de Mme Briquet, la réparation envers les rapatriés est un élément très important. La décision de la CEDH entraîne un coût supplémentaire pour les finances publiques à hauteur de 41 millions d'euros. Combien de dossiers sont-ils concernés ? Quel est leur montant moyen ?
M. Michel Canévet. - Je félicite à mon tour nos deux rapporteurs pour leur exposé.
Je salue les efforts de rationalisation proposés. Les dépenses fiscales liées à cette mission sont-elles susceptibles d'évoluer ?
Pourquoi les moyens alloués à la JDC augmentent-ils autant ? Est-ce en raison de l'augmentation du nombre de jeunes concernés ? SNU, service militaire volontaire et JDC : certes, les objectifs de ces dispositifs ne sont pas forcément identiques, mais ne faudrait-il pas réfléchir à une rationalisation de l'action en direction de la jeunesse ? Nous devons réfléchir aux moyens de sensibiliser les jeunes à l'intérêt de la défense nationale et de l'action au service de la collectivité. En tout état de cause, évitons ce fonctionnement en silo.
Je pense qu'une partie des travaux effectués au profit de l'INI concerne le site des Invalides à Paris. Certes, il est logique d'entretenir notre patrimoine national, mais quid des crédits alloués à l'INI ? Sont-ils suffisants pour poursuivre les travaux de rénovation ? J'ai noté qu'un contrat d'objectifs et de moyens (COM) avait été signé pour la période 2022-2026 : où en est-on ?
Mme Christine Lavarde. - Mme Guidez a mis en avant l'augmentation des crédits de la JDC. J'ai fait partie des premières fournées ; à l'époque, cela s'appelait la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD) et la session durait une seule journée. Cette dernière était consacrée le matin à la lutte contre l'illettrisme ; l'après-midi avait pour objectif de donner aux jeunes l'envie de rejoindre les formations militaires.
Quelles actions nouvelles sont-elles prévues grâce à ces moyens supplémentaires ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, l'ONaCVG et l'INI sont les principaux opérateurs de cette mission. Nous avions réalisé un contrôle budgétaire sur l'ONaCVG voilà deux ans ; il importe aujourd'hui de voir si nos recommandations ont été mises en oeuvre.
Je suis d'accord avec vous : d'un département à l'autre, les activités sont variables. Cela dépend souvent des liens tissés entre les agents des services départementaux - en général, de deux à quatre personnes - avec les associations patriotiques et de mémoire et l'éducation nationale. Je rappelle que l'ONaCVG est présente en métropole, en outre-mer et en Afrique du Nord.
Aux termes du contrat d'objectifs 2022-2027, les effectifs de l'organisme ont baissé : L'Office a un plafond de 800 équivalents temps plein (ETP) en 2025, contre 900 en 2019. Les 104 services de l'ONaCVG dans les territoires comptent environ 400 ETP. Certains départements n'ont plus aucune présence militaire, hormis le délégué militaire départemental - et les gendarmes, bien sûr, qui sont des militaires, même s'ils dépendent du ministère de l'intérieur ; le rôle des antennes de l'ONaCVG est donc important.
L'organisme a développé de nouvelles compétences. Ainsi, Mme Guidez a évoqué l'exemple des maisons Athos. Pour ma part, je citerai l'indemnisation des rapatriés : cette nouvelle mission représente des ETP supplémentaires.
Madame Briquet, monsieur Paccaud, vous avez évoqué le droit à réparation, à la suite de la décision de la CEDH, qui, dans la décision Tamazount, considère que l'indemnité prévue par le dispositif de réparation n'est pas suffisante pour les rapatriés qui ont séjourné dans le camp de Bias. Celle-ci, définie par la loi du 23 février 2022, s'élève à 3 000 euros pour la première année de vie dans un camp ; à cette somme il convient d'ajouter 1 000 euros pour chaque année supplémentaire. La CEDH considère que l'indemnisation doit s'élever à 4 000 euros par année passée dans le camp. Le surcoût pour l'État de cette décision est estimé à 41 millions d'euros.
Nous ne connaissons pas le nombre exact de dossiers ; le coût moyen de chacun d'entre eux est estimé entre 30 000 et 60 000 euros ; en moyenne, les personnes sont restées dans le camp entre 7 et 15 ans.
Madame Briquet, vous avez évoqué le financement des hauts lieux de mémoire par l'État. Ponctuellement, l'ONaCGV peut y contribuer, sans oublier l'apport des collectivités territoriales.
Monsieur Canévet, madame Lavarde, vous avez évoqué la JDC. Voilà quelques années, la Cour des comptes avait publié un rapport sur le sujet. Il s'agit d'une des actions devant entretenir le lien entre les armées et la jeunesse. N'oublions pas les nombreuses autres initiatives en faveur de la jeunesse, comme les cadets de la gendarmerie, les jeunes sapeurs-pompiers ou les classes défense.
La JDC revêt bien sûr un aspect militaire, mais elle a également été utilisée pour mener d'autres actions, comme la détection de l'illettrisme, la lutte contre les préjugés ou des actions de sensibilisation au profit du développement durable et de l'écologie, entre autres. Elle représente un budget de 97 millions d'euros en 2024, avec un coût par jeune de 130 euros environ. Pour le moment, nous ne savons pas précisément à quoi correspond la hausse de 15 millions d'euros, mais il s'agirait de « remilitariser » le dispositif dans un contexte où les armées ont du mal à suffisamment recruter.
Le SNU relève quant à lui du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Il se déroule sur une semaine et ne se situe pas dans le même ordre de grandeur budgétaire.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Le SNU a été mis en avec la volonté de remplacer le service militaire. Malheureusement, tous les jeunes ne peuvent pas en bénéficier, car le SNU n'est pas obligatoire. De plus, nous ne disposons pas d'infrastructures en nombre suffisant ; bien souvent, ce sont les communes qui apportent leur concours à la bonne marche du dispositif.
Malheureusement, le SNU n'attire pas suffisamment de jeunes. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur son efficacité, compte tenu de son coût, qui s'élève à 4 000 euros par jeune. Je regrette que le SNU n'ait pas été rendu obligatoire, à l'instar du service militaire, qui favorisait le brassage de toutes les catégories sociales. Le SNU aurait gagné en efficacité.
Le service militaire volontaire (SMV) est une initiative très importante, qui accueille de nombreux jeunes déscolarisés afin de les remettre en selle. Il faut tout faire pour conserver ce dispositif.
Marc Laménie l'a rappelé, la JDC est un moyen efficace pour détecter les jeunes en situation d'illettrisme, alors qu'il est très difficile de recenser les personnes qui ne savent ni lire ni compter ; telle était également l'une des missions assignées au service militaire. Il convient aussi de préciser que d'autres jeunes veulent en savoir davantage sur l'armée, par exemple sur la géopolitique ou sur le maniement des armes.
Si le SNU devait être supprimé - je ne me prononce pas sur cette question -, il faudrait que la JDC dure plus qu'une journée.
M. Claude Raynal, président. - Nous allons procéder au vote de l'amendement II-32 (FINC.1) déposé sur l'article 42.
M. Michel Canévet. - L'Ordre de la Libération doit-il être rattaché à l'ONaCVG, comme le prévoit l'amendement ? Nous avons évoqué tout à l'heure les principaux opérateurs de la mission. Il convient de choisir le bon organisme de rattachement.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - C'est le sujet que j'aborde avec cet amendement.
Monsieur Canévet, vous avez évoqué également dans l'une de vos questions le site des Invalides, dont l'entretien revient à l'INI. Les travaux du site des Invalides sont nécessaires, car la préfecture de police a émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de la quasi-totalité du site pour des raisons de sécurité. Le coût de ces travaux s'élève à 62 millions d'euros, dont 12 seront prélevés sur la trésorerie de l'INI. De nouveaux travaux sont prévus, au profit du bâtiment Robert de Cotte, pour un montant de 22 millions d'euros.
L'amendement II-32 (FINC.1) est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sous réserve de l'adoption de son amendement.
*
* *
Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
LISTE DES
PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Le présent rapport n'a pas fait l'objet d'audition.
Liste des contributions écrites :
- Office national des anciens combattants
- Institution nationale des Invalides
- Souvenir Français
- Union Nationale des Combattants
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html
* 1 La totalité des réponses au questionnaire budgétaire relatif au programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » a été remise dans les délais prévus par la LOLF.
* 2 Dispositif dont peuvent bénéficier les anciens combattants et les détenteurs d'un titre de reconnaissance de la Nation et assis sur le même point d'indice que les PMI et l'allocation de reconnaissance du combattant.
* 3 Le cas de 2024 est particulier, la prédiction de la LFI était à la baisse, mais l'exécution devrait finalement s'inscrire en hausse par rapport à 2023. La prévision 2025 n'est en hausse que de 4 millions d'euros par rapport aux dernières estimations d'exécution 2024.
* 4 L'essentiel de ces crédits et la totalité de l'augmentation vont à la Journée de Défense et de citoyenneté.
* 5 L'élasticité est le rapport entre baisse du nombre de bénéficiaires et baisse des crédits. Lorsqu'une baisse de 5 % des bénéficiaires entraine une baisse de 5 % des crédits, l'élasticité est nulle. Si cette même baisse de bénéficiaires entraine une baisse de 7,5 % des crédits, l'élasticité est de 1,5.
* 6 Art. 221 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021
* 7 Avant le décret n° 2022-128 du 4 février 2022 modifiant les modalités de fixation de la valeur du point PMI, il était calculé selon le principe du « rapport constant », soit une révision trimestrielle et avec effet rétroactif.
* 8 L'article 2 du PLF 2022 retenait une hypothèse de 1,4 % d'inflation sur 2021.
* 9 Décret n° 2023-890 du 21 septembre 2023 relatif à l'extension du périmètre d'application du mécanisme de réparation confié à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil et de droit local et les membres de leurs familles et aux modalités d'organisation de cette instance.
* 10 Pensions comprises.
* 11 Documentation budgétaire, PAP 2023 mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
* 12 RAP Anciens combattants, 2019.
* 13 Au 30 juin 2024.
* 14 Au 30 juin 2024.
* 15 Les deux dispositifs indemnisant des préjudices subis pendant la deuxième guerre mondiale, la très grande majorité des personnes susceptible de demander une indemnité l'a déjà fait et très peu de demandeurs potentiels demeurent, expliquant le nombre très faible de nouvelles demandes.
* 16 Cette baisse est cependant ralentie par la revalorisation automatique de 2,5 % des rentes au 1er janvier de chaque année.
* 17 Rapport d'information n° 550 (2017-2018) de M. Marc LAMÉNIE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juin 2018.