B. LE PROGRAMME 209 : UN PROGRAMME AUX MESURES DISCRÉTIONNAIRES LARGEMENT MISES À CONTRIBUTION DANS LES MESURES D'ÉCONOMIE
Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mise en oeuvre des opérations de coopération bilatérale, multilatérale et communautaire.
Ce programme porte l'essentiel de l'effort de réduction des crédits de la mission sur l'exercice 2025. En effet, ses moyens budgétaires devraient reculer de 1,05 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 855,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de respectivement 33 % et 26,2 %. Le programme se trouve ainsi amputé d'un tiers de ses moyens par rapport à l'exercice précédent. Cette consolidation budgétaire du programme repose essentiellement sur :
- une contraction des contributions internationales portées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ;
- une modération de l'aide-projet portée par l'Agence française de développement et le ministère ;
- un resserrement conséquent de l'aide humanitaire, marqué par la suppression de la réserve pour crises majeures.
Évolution des crédits du
programme 209 - Solidarité
à l'égard des
pays en développement
(en millions d'euros - en pourcentage)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
Variation en pourcentage |
|||||
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
3 179,9 |
3 265,5 |
2 131,1 |
2 410 |
- 1 048,8 |
- 855,5 |
- 33% |
- 26,2% |
Coopération multilatérale |
703,6 |
796,1 |
441 |
571 |
- 262,6 |
- 225,1 |
- 37,3% |
- 28,3% |
Coopération bilatérale |
2 191,3 |
2 184,3 |
1 546 |
1 694,9 |
- 645,2 |
- 489,5 |
- 29,4% |
- 22,4% |
Coopération communautaire |
285 |
285 |
144,1 |
144,1 |
- 140,9 |
- 140,9 |
- 49,4% |
- 49,4% |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
L'amendement qui devrait être déposé par le Gouvernement sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » suit également cette orientation. Les deux tiers des 641 millions d'euros de coupes additionnelles devraient ainsi porter sur le programme 209, pour 433 millions d'euros.
Répartition prévisionnelle des mesures d'économies portées par l'amendement de crédits du Gouvernement
(en millions d'euros et en pourcentage)
PLF 2025 |
PLF 2025 - post amendement de crédits |
Variation en pourcentage |
||||
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
2 131,1 |
2 410 |
1 697,2 |
1 975,5 |
-20,4% |
-18% |
Coopération multilatérale |
441 |
571 |
237,7 |
272,5 |
-46,1% |
-52,3% |
Coopération bilatérale |
1 546 |
1 694,9 |
1 315,4 |
1 558,9 |
-14,9% |
-8% |
Coopération communautaire |
144,1 |
144,1 |
144,1 |
144,1 |
- |
- |
Source : commission des finances d'après les auditions
1. Une forte contraction des contributions, majoritairement volontaires, portées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Les versements multilatéraux du programme 209 devraient baisser de 37 % en autorisations d'engagement et de 28 % en crédits de paiement. Cette contraction, plus conséquente sur le programme 209 que pour les contributions du programme 110, s'explique essentiellement en raison du statut des contributions versées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangère sur ce programme. Il s'agit en effet très majoritairement de contributions volontaires.
Les contributions du programme 209 sont regroupées en trois grands ensembles : les contributions à la Francophonie, les contributions volontaires aux Nations unies et les « autres contributions volontaires ».
S'agissant des contributions au système onusien, hors domaine humanitaire dont l'ensemble des crédits est traité infra, il importe de noter que la baisse des versements de la France (- 89,5 millions d'euros en AE et - 122 millions d'euros en CP) devrait conduire à la suppression ou à la non-reconduction de petites contributions à des initiatives onusiennes. En 2024, la France avait par exemple participé à hauteur d'un million d'euros au Réseau P4H, en matière de santé, ou pour des montants d'un million d'euros en AE et de 400 000 euros en CP à l'Agenda des Nations unies pour l'identité juridique. La restriction des marges de manoeuvre budgétaires se traduit ainsi par une réduction de la participation à de petites entités.
Concernant la catégorie des « autres contributions volontaires », la diminution des crédits est encore plus significative avec une baisse de 43 % des AE (- 138,7 millions d'euros) et de 27 % des CP (- 99 millions d'euros). L'analyse des contributions à venir sur 2025 est cependant rendue complexe par l'absence de détails des versements dans le projet annuel de performances.
2. Un recul de l'aide humanitaire qui remet en cause l'objectif de porter à un milliard d'euros cette catégorie d'aide en 2025
Selon le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, l'aide humanitaire vise à « assurer l'assistance et la protection des personnes vulnérables et à répondre aux besoins fondamentaux des populations affectées par une catastrophe naturelle ou un conflit ». Ces besoins fondamentaux regroupent l'accès à l'eau, à des soins médicaux ou à la nourriture.
L'aide humanitaire de la France se caractérise par un fort morcellement de ses canaux de financement. Elle repose sur des instruments directement pilotés par le centre de crise et de soutien (fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation), la direction de la mondialisation (aide alimentaire programmée), l'AFD (Fonds Minka) et sur les contributions volontaires aux Nations unies. Jusqu'au projet de loi de finances pour 2025, ces enveloppes pouvaient également être abondées par la provision pour crises majeures. L'ensemble de ces crédits est porté par le programme 209 :
- pour son versant bilatéral, sur l'opération budgétaire « Gestion et sortie de crises » et l'opération budgétaire dédiée à l'aide projet ;
- pour sa partie multilatérale, sur l'opération budgétaire « contributions volontaires aux Nations unies ».
Évolution des crédits liés à l'aide humanitaire entre 2018 et 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Depuis 2018, l'aide humanitaire française a connu une très forte hausse, accompagnant la progression générale des crédits de l'aide au développement. Les crédits dédiés à cette aide d'urgence ont ainsi été multiplié par cinq sur la période 2018-2024. Ce bondissement de l'aide humanitaire a permis à la France de se placer au dixième rang des bailleurs internationaux.
La programmation stratégique de la politique de développement française prévoyait une poursuite de cet effort. Ainsi, les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement de juillet 2023 fixait comme objectif d'atteindre une cible d'un milliard d'aide humanitaire en 2023. La stratégie humanitaire de la République française pour les années 2023 à 202729(*), rendue publique à la fin de l'année 2023, a réitéré cet objectif.
L'exercice 2025 devrait, en toute vraisemblance, mettre un coup d'arrêt à cette ambition. Avec 500 millions d'euros de crédits ouverts dans le projet de loi de finances, le niveau de l'aide d'urgence baisserait quasiment de moitié et reviendrait à son niveau de 2022.
En se reportant sur l'opération budgétaire « Gestion et sortie de crises », il est aisé d'observer la rétractation des moyens pour l'année 2025. L'aide alimentaire programmée, instrument spécifiquement dédié à la lutte contre l'insécurité alimentaire, recule ainsi de 20 millions. C'est toutefois l'instrument le plus récent de l'aide humanitaire, la provision pour crises majeures, qui porte l'essentiel de la réduction des crédits puisque cette enveloppe fait l'objet d'une suppression. Intervenant en complément des autres instruments d'aide humanitaire, la provision pour crises majeures est une réserve d'urgence inscrite au sein du programme 209 depuis 2022. Elle permettait d'abonder des lignes budgétaires existantes, en premier lieu l'aide alimentaire programmée, le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation et les contributions volontaires aux Nations unies, pour faire face à des engagements humanitaires ou sanitaires imprévus sans nécessité de demander l'ouverture de nouveaux crédits en cours de gestion.
Doté de 270 millions d'euros en AE=CP en LFI pour 2023 comme en LFI pour 2024, cette enveloppe avait fait l'objet de critiques tant par la commission des finances30(*) que par la Cour des comptes31(*). Si l'utilité d'un instrument de souplesse budgétaire permettant de parer aux urgences humanitaires n'était pas contesté, le montant des crédits inscrits paraissait démesuré (7,9 % des crédits du programme 209 en 2023). De plus, cet instrument finançait des engagements non identifiables au stade de la programmation et échappait ainsi, dans sa ventilation, à l'autorisation parlementaire.
Interrogée sur cette suppression, la direction générale de la mondialisation a regretté l'abandon de ce dispositif de souplesse budgétaire. Pour autant, la fin de cette enveloppe a permis de relativement préserver les autres canaux d'aide humanitaire.
Ainsi, le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), géré par le centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, est exclu de la baisse des moyens du programme et voit même son enveloppe augmentée de 20 millions d'euros. Le FUHS perd cependant, avec la provision pour crises majeures, une réserve d'urgence conséquente qui lui permettait d'absorber les crises humanitaires les plus aigües. La préservation des crédits du FUHS traduit le mouvement de recentrement de l'aide humanitaire de la France au sein du centre de crise et de soutien.
Comparaison des dotations de crédits de
l'opération budgétaire
« Gestion et sortie de
crise » entre 2024 et 2025
(en millions d'euros)
Note : année 2024 à gauche et année 2025 à droite.
Source : commission des finances
S'agissant du volet multilatéral de l'aide humanitaire, constitué par les contributions volontaires aux entités des Nations unies menant des actions d'urgence et de stabilisation, les versements devraient décroitre d'un quart. Un montant de 150 millions d'euros en AE=CP est ainsi inscrit dans le projet de loi de finances contre 200 millions l'année dernière.
Pour les années à venir, la baisse des financements de l'aide humanitaire devra être compensée par des efforts en termes de coordination entre les différents canaux d'aide. La forte progression des crédits ces dernières années n'a pas été accompagnée par des moyens de gestion adaptés. Le bilan de la précédente stratégie humanitaire de la République française soulignait à cet égard que « le manque de moyens dédiés pour accompagner cette montée en puissance de l'aide humanitaire et la difficile coordination des financements, vont à l'encontre des engagements pris par la France »32(*). En ce sens, la création en 2023 d'une Task Force de l'aide humanitaire, sous l'égide du centre de crise et de soutien, devrait permettre une meilleure coordination entre les différents guichets de l'aide française.
Les rapporteurs spéciaux émettent toutefois des doutes sur le réalisme de la programmation de l'aide humanitaire pour 2025. La multiplication des crises internationales ces dernières années, en particulier au Proche Orient, a contribué à la progression des dépenses d'urgence de la mission « Aide publique au développement ». Pour autant, il est probable qu'en cas de survenance d'une crise humanitaire en cours d'année, les lignes de crédits dédiées à l'aide humanitaire soient abondées par des ouvertures ou des redéploiements de crédits.
3. Une baisse de l'aide-projet principalement supportée par l'Agence française de développement
L'aide-projet est définie, selon les pays concernés et les bénéficiaires, comme :
- des dons accordés aux pays les plus pauvres ;
- des prêts à conditions très favorables, accordés aux États ou à des entreprises avec l'aval des États dans les pays à revenu intermédiaire ;
- des prêts accordés à des entreprises ou à des banques, sans l'aval des États, à des conditions améliorées ou à des conditions proches de celles du marché.
Entre 2019 et 2024, le niveau de l'aide-projet, qui se décline entre l'aide-projet géré par l'Agence française de développement et l'aide-projet gérée directement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a connu un renforcement significatif et a dépassé le milliard d'euros en 2023. Cette hausse s'inscrit dans le cadre de la réalisation de l'objectif d'un renforcement de la « composante don » de l'aide publique au développement fixé par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement de février 2018, d'une part, et par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement, d'autre part.
Le projet de loi de finances pour 2025 réduit largement l'enveloppe d'aide-projet, principalement pour sa part portée par l'AFD. Les moyens proposés se situent à 900,8 millions d'euros en AE et 1,1 milliard d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 26,5 % et de 7,9 %.
S'agissant de l'aide-projet gérée par l'AFD, l'enveloppe proposée se situe à 760 millions d'euros d'autorisations d'engagement (- 27 %) et 936,8 millions d'euros en crédits de paiement (- 5 %). Le guichet ONG est davantage affecté que le don-projet et se situe à 153 millions d'euros en 2025. Il est probable que cette baisse des crédits gérés par l'AFD conduira cette dernière à réduire son plan d'affaires en matière d'aide-projet.
La baisse des crédits est plus significative sur les autorisations d'engagement en raison de l'importance des restes-à-payer pour des projets engagés au cours des années précédentes. Dans les années à venir, le besoin en crédits de paiements visant à honorer les engagements antérieurement pris devrait demeurer important et constituer un facteur de rigidité pour l'évolution des crédits de la mission.
Les divers dispositifs d'aide-projet gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ont été regroupés au sein de l'appellation « Fonds Équipe France ». Cette rationalisation des instruments a permis une relative préservation des moyens du ministère en comparaison de l'enveloppe allouée à l'AFD, le Fonds Équipe France étant doté en 2025 de 135 millions d'euros en AE=CP contre 180 millions d'euros pour le total des instruments fusionnés en 2024.
4. Une extinction programmée des dépenses de la mission concourant au Fonds européen de développement
Les crédits demandés au titre de la coopération communautaire, qui correspondent à la participation de la France au Fonds européen de développement (FED), continuent de reculer en 2025 pour se situer à 144,1 millions d'euros en AE=CP contre 285 millions d'euros l'année passée.
Cette contraction continue était attendue dans la mesure où, dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP), le FED a été remplacé par un nouvel instrument, le NDICI33(*)/L'Europe dans le monde, doté de 79,5 milliards d'euros pour la période du CFP. Les financements dédiés à ce nouvel instrument seront supportés par le prélèvement sur recettes versé au profit de l'Union européenne (PSR-UE) et ne seront donc pas retracés par la présente mission.
Néanmoins, la pluriannualité de la programmation du FED implique que des versements devront être opérés par la France au moins jusqu'en 2028, date à partir de laquelle l'ensemble des restes à payer auront été apurés.
* 29 Centre de crise et de soutien, Stratégie budgétaire de la République française 2023-2027.
* 30 Contribution sur la mission « Aide publique au développement » de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet au rapport général n° 220 (2023-2024), fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2024, déposé le 19 décembre 2023.
* 31 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Aide publique au développement, avril 2024.
* 32 Groupe URD, Revue stratégique, « Bilan des engagements de la stratégie humanitaire de la République française 2018-2022 : une aide humanitaire plus efficace face aux crises de demain ? », janvier 2023.
* 33 Pour Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument.