- L'ESSENTIEL
- I. LES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA MISSION :
L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT SOUS LA CONTRAINTE D'UN EFFET DE
BALANCIER BUDGÉTAIRE
- A. PRINCIPES ET STRUCTURES DE L'AIDE PUBLIQUE AU
DÉVELOPPEMENT
- 1. Définir l'aide publique au
développement
- 2. Les efforts en dépenses engagés
par la France depuis 2018 lui avaient permis de progresser parmi les principaux
donateurs
- 3. Une mission budgétaire qui ne regroupe
qu'une partie des dépenses françaises en matière d'aide au
développement
- 4. Quelle doctrine française pour
l'APD ?
- 1. Définir l'aide publique au
développement
- B. APRÈS UNE PROGRESSION MASSIVE CES
DERNIÈRES ANNÉES, LA MISSION EST FORTEMENT MISE À
CONTRIBUTION AU TITRE DU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES
- C. LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU
DÉVELOPPEMENT » À L'HEURE DES CHOIX
- 1. Une mission dont les dépenses sont
contraintes par le niveau des contributions internationales
- 2. L'Agence française de
développement, bras armé de l'APD française,
confrontée à un recul de ses moyens
- 3. La réduction des moyens de l'APD
française appelle un renforcement de l'évaluation de cette
politique publique
- 1. Une mission dont les dépenses sont
contraintes par le niveau des contributions internationales
- A. PRINCIPES ET STRUCTURES DE L'AIDE PUBLIQUE AU
DÉVELOPPEMENT
- II. LES CRÉDITS DE LA MISSION
« AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
- A. LE PROGRAMME 110 : DES BAISSES DE
CRÉDITS MODÉRÉES PAR LA RIGIDITÉ DES
DÉPENSES PORTÉES PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET
DES FINANCES
- B. LE PROGRAMME 209 : UN PROGRAMME AUX
MESURES DISCRÉTIONNAIRES LARGEMENT MISES À CONTRIBUTION DANS LES
MESURES D'ÉCONOMIE
- 1. Une forte contraction des contributions,
majoritairement volontaires, portées par le ministère de l'Europe
et des affaires étrangères
- 2. Un recul de l'aide humanitaire qui remet en
cause l'objectif de porter à un milliard d'euros cette catégorie
d'aide en 2025
- 3. Une baisse de l'aide-projet principalement
supportée par l'Agence française de développement
- 4. Une extinction programmée des
dépenses de la mission concourant au Fonds européen de
développement
- 1. Une forte contraction des contributions,
majoritairement volontaires, portées par le ministère de l'Europe
et des affaires étrangères
- C. LE PROGRAMME 365 : UNE
OPÉRATION BUDGÉTAIREMENT NEUTRE POUR LES FINANCES DE
L'ÉTAT
- D. LE PROGRAMME 370 : LA POURSUITE DE LA
RESTITUTION DES BIENS MAL ACQUIS
- E. LE PROGRAMME 384 : UNE
INÉVITABLE ET TARDIVE REBUDGÉTISATION DU FONDS DE
SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT
- A. LE PROGRAMME 110 : DES BAISSES DE
CRÉDITS MODÉRÉES PAR LA RIGIDITÉ DES
DÉPENSES PORTÉES PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET
DES FINANCES
- III. LES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS
FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS
ÉTRANGERS »
- I. LES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA MISSION :
L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT SOUS LA CONTRAINTE D'UN EFFET DE
BALANCIER BUDGÉTAIRE
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 144 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS |
Rapporteurs spéciaux : MM. Michel CANÉVET et Raphaël DAUBET |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
I. UNE MISSION « AIDE PUBLIQUE DÉVELOPPEMENT » CONFRONTÉE À UN MOUVEMENT DE BALANCIER BUDGÉTAIRE
A. LES CRÉDITS DE LA MISSION ONT QUASIMENT DOUBLÉ DEPUIS 2018
Depuis 2017, la progression de son aide publique au développement a permis à la France de se positionner parmi les donateurs majeurs. Les dépenses totales d'APD, au-delà de la seule mission budgétaire « Aide publique au développement », ont en effet augmenté de 40 % sur la période 2017-2023. Si l'on comptabilise l'aide versée en termes de proportion du revenu national brut, la France, avec une APD équivalente à 0,50 % de son RNB, excède la moyenne des pays du comité de l'aide au développement (CAD) de l'OCDE (0,36 %) en 2024.
Évolution des crédits de la mission sur la période 2018-2025
(en millions d'euros - en autorisations d'engagement et en crédits de paiement)
Note n° 1 : les montants indiqués sont en exécution pour les années 2018 à 2023 et en prévision pour les années 2024 et 2025.
Note n° 2 : pour 2024, les montants correspondent à la loi de finances initiale et pour 2025, les montants en AE et en CP ne comprennent pas les crédits du nouveau programme 384 « Fonds de solidarité pour le développement » ni l'annonce d'une baisse additionnelle de 641 millions d'euros de CP.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Pour autant, en 2025, les crédits de la mission se situent en forte baisse.
La réduction du volume de la mission APD a été amorcée dès février 2024, avec 742 millions d'euros annulés en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit 13 % de l'enveloppe initiale votée quelques semaines plus tôt.
B. LA MISSION EST FORTEMENT MISE À CONTRIBUTION POUR LE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES
Dans le PLF 2025, les crédits demandés au titre de la mission « Aide publique au développement » s'élèvent à 5,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 5,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Corrigé d'ajustements de périmètre, à savoir la rebudgétisation du Fonds de solidarité pour le développement, la baisse des crédits de la mission « Aide publique au développement » est de l'ordre de 19 % en autorisations d'engagement et de 23 % en crédits de paiement. La trajectoire fixée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales paraît définitivement caduque.
Évolution des crédits de la mission
aide publique au développement
entre 2024 et 2025
(en millions d'euros et pourcentage)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
Variation |
|||||
Programme/action |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
110 - Aide économique et financière au développement |
2 787,1 |
2 337,9 |
2 519,2 |
1 720,7 |
- 267,9 |
- 617,2 |
- 9,6 % |
- 26,4 % |
365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement |
150 |
150 |
145 |
145 |
- 5 |
- 5 |
- 3,33 % |
- 3,33 % |
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
3 179,9 |
3 265,5 |
2 131,1 |
2 410 |
- 1 048,8 |
- 855,5 |
- 33 % |
- 26,2 % |
370 - Restitution des biens mal-acquis |
6,1 |
6,1 |
140,3 |
140,3 |
134,2 |
134,2 |
2 200 % |
2 200 % |
384 - Fonds de solidarité pour le développement |
- |
- |
738 |
738 |
- |
- |
- |
- |
Total - Mission « Aide publique au développement » |
6 123,2 |
5 759,5 |
5 673,7 |
5 154 |
- 449,5 |
- 605,5 |
- 7,3 % |
- 10,5 % |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Cette évolution « en cloche » vient ramener le volume de la mission à un niveau antérieur à 2021. Si l'on se réfère à la cible de part du RNB, le niveau d'aide au développement française devrait se situer à 0,45 % du revenu national brut en 2025. Par ailleurs, une nouvelle baisse de l'enveloppe annoncée par le Gouvernement pour un montant de 641 millions d'euros en crédits de paiement, conduirait la mission à se situer en 2025 à 3,8 milliards d'euros1(*), soit une baisse de 34,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
Compte tenu du montant des engagements pluriannuels ouverts depuis 2017, le PLF 2025 n'opère pas stricto sensu un retour aux moyens disponibles en 2021. Les marges de manoeuvre des gestionnaires seront bien plus limitées du fait du volume des restes-à-payer en matière de contributions internationales, des prêts bonifiés et d'aide projet.
Pour tirer les conséquences de cette baisse conséquente, il apparaît désormais indispensable de renforcer l'évaluation de notre politique de développement pour identifier les dépenses prioritaires. Une revue de dépenses des contributions internationales, dont le total représente 41 % de notre APD en 2024, au bénéfice de 271 entités, semble également incontournable. Il paraît probable que les objectifs ambitieux fixés en 2023 par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) devront faire l'objet d'une révision qui, cette fois-ci, ne pourra faire abstraction d'une association du Parlement.
II. LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » À L'HEURE DES CHOIX
A. UNE RIGIDITÉ DES DÉPENSES QUI LIMITE LA BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 110
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances. Les montants de crédits demandés diminuent de 267,9 millions d'euros en AE et de 617,2 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 9,6 % et de 26,4 %.
Restes à payer sur les autorisations
d'engagement
antérieures à 2025 du programme
110
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Par rapport au programme 209, le programme 110 présente une structuration des dépenses davantage contrainte.
Il porte en effet une part conséquente de contributions internationales à des institutions multilatérales de développement pour lesquels les engagements portent généralement sur trois ans.
En ce sens la contribution française de 481 millions d'euros en CP à la 20e reconstitution de l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale, tire les dépenses du programme à la hausse.
En revanche d'autres instruments jugés moins prioritaires et plus pilotables sont abandonnés à l'image des contributions aux fonds fiduciaires de la Banque mondiale.
B. LE PROGRAMME 209, PORTÉ PAR LE MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PERD A MINIMA UN TIERS DE SES MOYENS
Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il porte l'essentiel de l'effort de réduction des crédits de la mission sur l'exercice 2025. En effet, ses moyens budgétaires devraient reculer de 1,05 milliard d'euros en AE et de 855,5 millions d'euros en CP, soit une baisse de respectivement 33 % et 26,2 %. En outre, les deux tiers des 641 millions d'euros de coupes additionnelles devraient porter sur le programme 209, pour 433 millions d'euros.
Tout d'abord, cette contraction budgétaire devrait reposer sur une contraction des contributions internationales portées par le MEAE, essentiellement des contributions volontaires au système des Nations unies.
Ensuite, le projet de loi de finances propose une modération de l'aide-projet, principalement celle gérée par l'AFD dont l'enveloppe se situe à 760 millions d'euros d'AE (- 27 %) et 936,8 millions d'euros de CP (- 5 %).
Enfin, le PLF 2025 acte un renoncement à l'objectif d'un milliard d'aide humanitaire en 2025 en réduisant de moitié cette assistance d'urgence. La majorité de cette baisse repose sur la suppression de la provision pour crises majeures, instrument de souplesse budgétaire critiqué.
Évolution des crédits liés à l'aide humanitaires entre 2018 et 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
C. L'INÉVITABLE REBUDGÉTISATION DU FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT
La création du nouveau programme budgétaire 384 « Fonds de solidarité pour le développement » tire, tardivement, les conséquences de la réforme de la Lolf qui prohibe désormais l'affectation d'imposition de toute nature à un tiers ne disposant pas de la personnalité morale et dont les missions de service public n'ont pas de lien avec l'objet de la taxe. Pour cette raison le Fonds de solidarité pour le développement », jusqu'alors alimenté par une fraction de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières2(*), a fait l'objet d'une rebudgétisation, à hauteur de 738 millions d'euros.
III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »
Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les prêts consentis à des États dans une logique d'aide publique au développement, à l'exception du compte 854 relatif à la participation de la France au désendettement de la Grèce et qui ne supporte plus aucune dépense. Ces crédits évoluent faiblement en 2025 et n'appellent pas d'observation particulière.
Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Thomas Dossus, vice-président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et du compte de concours financiers.
Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
Au 10 octobre 2024, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 5 % des réponses portant sur la mission « Aide publique au développement » et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux.
I. LES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA MISSION : L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT SOUS LA CONTRAINTE D'UN EFFET DE BALANCIER BUDGÉTAIRE
A. PRINCIPES ET STRUCTURES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
1. Définir l'aide publique au développement
La notion d'aide publique au développement (APD) est née dans les années 1960. Selon Hubert de Milly3(*), actuellement conseiller scientifique auprès de l'Agence française de développement (AFD), le concept d'une politique d'aide publique au développement (APD) a émergé de quatre champs de réflexion :
- une réflexion économique, qui repose sur le constat d'un déficit d'épargne domestique dans les pays dits « sous-développés » ;
- une réflexion morale sur la redistribution des richesses entre « Nord » et « Sud » ;
- une réflexion géopolitique, qui perçoit l'aide au développement comme un levier d'influence ;
- une réflexion « territoriale », qui vise à mettre en valeur les territoires des pays en développement.
L'aide publique au développement (APD) constitue un agrégat statistique défini par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Elle est ainsi constituée de tous les apports en ressources - monétaire, en expertise ou en nature - qui sont fournis aux pays et territoires figurant sur une liste des bénéficiaires de l'APD (aide bilatérale) ou à des institutions multilatérales (aide multilatérale).
En outre, l'aide doit répondre aux conditions suivantes :
- émaner d'organismes publics ou agissant pour leur compte ;
- avoir pour objectif essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires ;
- être assortie de conditions d'octroi favorables, plus particulièrement dans le cas de prêts.
L'APD peut prendre plusieurs formes et notamment :
- l'octroi de subventions directes ;
- l'octroi de prêts à conditions préférentielles (« prêts concessionnels ») ;
- l'allègement de dette d'un débiteur ;
- la réalisation de projets au profit d'un bénéficiaire ;
- la prestation de ressources techniques ou d'expertise ;
- la prise en charge du coût représenté par l'accueil de réfugiés ressortissants des pays bénéficiaires de l'APD ;
- la prise en charge du coût de l'accueil et de la scolarisation d'étudiants ressortissants de pays bénéficiaires.
La comptabilisation de l'APD réalisée au titre d'une année incombe à chaque pays dans le cadre fixé par le CAD de l'OCDE. Par ailleurs, l'organisation procède à la collecte et à l'agrégation des données relatives à l'APD par pays afin de mesurer et de comparer l'effort réalisé ainsi que la nature et la destination des aides.
2. Les efforts en dépenses engagés par la France depuis 2018 lui avaient permis de progresser parmi les principaux donateurs
Depuis 2017, la progression de son aide publique au développement a permis à la France de se positionner parmi les donateurs majeurs. Les dépenses totales d'APD, au-delà de la seule mission budgétaire « Aide publique au développement », ont en effet augmenté de 40 % sur la période 2017-2023. Si l'on comptabilise l'aide versée en termes de proportion du revenu national brut, la France, avec une APD équivalente à 0,50 % de son RNB excède la moyenne des pays du CAD (0,36 %). Pour autant, ce niveau de 0,50 % est en-deçà de la cible de 0,70 % fixée par l'Organisation des Nations unies et retenue par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Classement des pays donateurs d'aide publique
au développement en 2023 en fonction des montants engagés
(en milliards de dollars)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Toutefois, le tassement de l'aide au développement française, amorcé en 2024 et poursuivi par le présent projet de loi de finances, a conduit au recul de la position française dans le classement des donateurs les plus importants. En effet, en 2023, avec 14,2 milliards d'euros de dépenses éligibles à l'aide au développement au sens du Comité de l'aide au développement de l'OCDE, la France se plaçait en cinquième position des bailleurs internationaux, contre la quatrième position en 2022. Le Royaume-Uni dépasse ainsi la France en 2023.
3. Une mission budgétaire qui ne regroupe qu'une partie des dépenses françaises en matière d'aide au développement
Le total de l'aide publique au développement française excède le périmètre de la seule mission « Aide publique au développement ». En 2024, les crédits de la mission APD ne représentaient que 39 % du total de l'APD française. Des dépenses issues d'autres missions du budget de l'État remplissent en effet les critères d'éligibilité à la comptabilisation des dépenses d'APD. Au total, le document de politique transversale relatif à la politique de développement recense 24 programmes budgétaires contribuant à ce type de versements.
Les canaux de financement de l'aide publique au développement de la France
(en millions d'euros et en pourcentage)
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Crédits budgétaires |
6 363 |
7 706 |
8 914 |
9 308 |
10 546 |
9 689 |
9 597 |
Mission Aide publiques au développement (hors prêts) |
2 297 |
2 726 |
3 117 |
3 918 |
4 664 |
4 615 |
4 369 |
Prêts bilatéraux de l'AFD au secteur public |
1 131 |
1 364 |
2 280 |
1 722 |
1 822 |
1 301 |
1 406 |
Instruments du secteur privé (prêts, prises de participation) |
428 |
564 |
571 |
918 |
621 |
198 |
233 |
Autres missions budgétaires |
2 506 |
3 052 |
2 946 |
2 750 |
3 439 |
3 575 |
3 590 |
Autres prêts |
709 |
146 |
334 |
261 |
424 |
273 |
177 |
Contrats de désendettement (décaissements) |
319 |
366 |
139 |
117 |
151 |
289 |
431 |
Contribution financée par le budget de l'Union européenne |
1 476 |
1 451 |
1 658 |
1 948 |
2 486 |
2 495 |
3 116 |
Allègement de dette |
57 |
18 |
333 |
- |
5 |
- |
50 |
Dons de doses de vaccins contre le covid- 19 |
- |
- |
- |
269 |
255 |
65 |
- |
Fonds de solidarité pour le développement |
835 |
733 |
494 |
663 |
747 |
738 |
738 |
Total budget de l'État et de ses agences |
9 759 |
10 421 |
11 872 |
12 565 |
14 613 |
13 549 |
14 110 |
Collectivités territoriales et agences de l'eau |
131 |
138 |
138 |
144 |
190 |
199 |
202 |
Frais administratifs de l'AFD hors rémunération des opérations de l'AFD pour le compte de l'État |
394 |
349 |
384 |
402 |
425 |
461 |
515 |
Total de l'aide publique au développement |
10 284 |
10 908 |
12 394 |
13 112 |
15 228 |
14 209 |
14 827 |
En % du revenu national brut |
0,43 |
0,44 |
0,53 |
0,51 |
0,56 |
0,50 |
0,50 |
Source : document de politique transversale consacré à la politique d'aide au développement annexé au projet de loi de finances pour 2024
Cette comptabilisation au sens large des dépenses d'aide publique au développement permet d'expliquer la relative stabilité du total de l'aide au développement française. Alors que les crédits de la mission APD sont en décrue depuis 2023, la contribution des autres missions budgétaires et les dépenses extérieures au budget de l'État permet de compenser partiellement cette baisse. La progression de l'APD française entre 2023 et 2024 s'explique ainsi en partie par la hausse des dépenses d'aide au développement portée par la contribution française au budget de l'Union européenne.
L'APD française portée par les collectivités territoriales
L'aide publique au développement des collectivités territoriales regroupe les dépenses destinées aux pays éligibles à l'aide au développement et qu'elles engagent sur fonds propres. Elle correspond à des projets de coopération décentralisée mais également au versement de subventions à des associations ou à des organisations multilatérales.
Sont également comptabilisées les actions menées en faveur de la sensibilisation au développement ou de l'accueil des populations réfugiées qui représentent, en pratique, plus de la moitié de l'aide publique au développement des collectivités territoriales.
Évolution de l'aide publique au développement des collectivités territoriales depuis 2015
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
En 2023, les collectivités territoriales devraient avoir consacré 183 millions d'euros au financement de l'aide au développement, soit une augmentation de 5 % par rapport à l'année 2022. Il s'agit d'une relative stabilisation de l'APD des collectivités, qui avaient fortement accru leurs dépenses en la matière entre 2021 et 2022 (+ 38 %) pour financer l'accueil des réfugiés ukrainiens. Les dépenses en faveur de l'accueil des réfugiés ont ainsi représenté près de 65 % de l'aide au développement en matière de coopération décentralisée sur l'exercice 2022.
Selon les dernières données disponibles, l'aide au développement des collectivités territoriales s'est principalement portée sur l'Afrique de l'Ouest (15,78 millions d'euros), l'Europe (6,85 millions d'euros), l'Afrique de l'Est (5,53 millions d'euros), l'Afrique du Nord (3,18 millions d'euros) et l'Afrique centrale (2,98 millions d'euros). Cette répartition se retrouve dans la liste des dix pays bénéficiant le plus de l'aide publique au développement des collectivités territoriales, à savoir : l'Ukraine (5,62 millions d'euros), le Sénégal (3,13 millions d'euros), le Burkina Faso (2,98 millions d'euros), Madagascar (2,93 millions d'euros), le Mali (2,56 millions d'euros), la Guinée (1,99 million d'euros), le Togo (1,77 million d'euros), le Bénin (1,72 million d'euros), le Maroc (1,46 million d'euros) et le Liban (1,24 million d'euros).
Source : commission des finances
4. Quelle doctrine française pour l'APD ?
a) La gouvernance de la politique française de développement
Le pilotage de la politique française de développement repose sur deux instances : le Conseil présidentiel du développement et le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid).
Réuni pour la première fois en décembre 2020, le Conseil présidentiel du développement a été institué par le Cicid du 8 février 2018 pour renforcer le pilotage de la politique de développement de la France. Il arbitre, sous la direction du président de la République, les décisions stratégiques de la politique de développement.
Institué par le décret n° 98-66 du 4 février 1998, le Cicid définit les grandes orientations de la politique de développement. Présidé par la Première ministre, il réunit les principaux ministères concernés par la politique de développement. Son secrétariat est assuré conjointement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'intérieur. L'AFD peut être associée à ses réunions.
Si cette organisation laisse envisager un partage des tâches entre le président de la République, définissant les grandes décisions stratégiques dans le CPD, et le Premier ministre, établissant avec les administrations concernées les grandes orientations au sein du Cicid, force est de constater que l'échelon présidentiel domine. Le Cicid apparaît en effet davantage comme une chambre d'enregistrement des orientations du CPD. Le rapport d'enquête de la Cour des comptes remis à la commission des finances sur le financement de l'action multilatérale de la France a confirmé l'absence de Matignon dans la coordination interministérielle de la politique de développement et une concentration excessive des arbitrages au sein de la cellule diplomatique de la présidence de la République4(*).
Organisation de la gouvernance de l'aide publique au développement
Note : ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), ministère de l'économie et des finances (ex-ministère de l'économie, des finances et de la relance - MEFR), coordination nationale des conseils de développement (CNCD), national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI).
Source : schéma transmis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Les conclusions de la réunion du Conseil présidentiel du développement en mai 2023 et du Cicid en juillet 2023 ont permis de fixer les orientations stratégiques du politique de développement. Le Conseil présidentiel du développement a décidé d'une doctrine déclinée en dix objectifs prioritaires, faisant l'objet d'indicateurs et de résultats à attendre, qui sont :
- accélérer la sortie du charbon et financer les énergies renouvelables dans les pays en développement et émergents pour limiter le réchauffement climatique global à 1,5° C ;
- protéger les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité, dans les forêts et l'Océan, pour préserver la planète ;
- investir dans la jeunesse en soutenant l'éducation et la formation des professeurs dans les pays en développement ;
- renforcer la résilience face aux risques sanitaires, y compris les pandémies, en investissant dans les systèmes de santé primaires et en appuyant la formation des soignants dans les pays fragiles ;
- promouvoir l'innovation et l'entreprenariat africain qui participent au destin partagé entre les jeunesses d'Europe et d'Afrique ;
- mobiliser l'expertise et les financements privés et publics pour les infrastructures stratégiques, de qualité et durables dans les pays en développement ;
- renforcer la souveraineté alimentaire, notamment en Afrique ;
- soutenir partout les droits humains, la démocratie et lutter contre la désinformation ;
- promouvoir les droits des femmes et l'égalité femmes-hommes, notamment en soutenant les organisations féministes et les institutions de promotion des droits des femmes ;
- aider nos partenaires à lutter contre l'immigration irrégulière et les filières clandestines.
En dépit de la forte baisse de la dotation budgétaire de la mission APD pour 2025, les documents budgétaires confirment que les objectifs stratégiques et géographiques de la mission demeurent inchangés. Pour autant, les ambitions affichées par les conclusions du Cicid de juillet 2023 contrastent fortement avec les moyens mis en oeuvre. Dès la loi de finances pour 2024, les crédits de la mission APD avaient en effet entamé un tassement.
À cet égard, les rapporteurs regrettent une gouvernance particulièrement centralisée de la politique de développement. Le fonctionnement du Cicid, en particulier, dont les réunions sont sporadiques et servent essentiellement à enregistrer les orientations fixées par le CPD, est regrettable.
b) Les priorités géographiques de l'APD
S'agissant des années à venir, le CICID du 18 juillet 2023 a acté la suppression de la liste des dix-neuf pays prioritaires de l'aide au développement fixée par le CICID du 8 février 20185(*). Cette liste exhaustive est remplacée par une cible de concentration de l'effort financier bilatéral de l'État à destination des pays les moins avancés à hauteur de 50 % et ce, à partir de 2024.
Les pays les moins avancés (PMA) constituent une catégorie d'États, établie depuis 1971 par les Nations unies, regroupant des États jugés très défavorisés dans leur processus de développement. La qualification de PMA repose sur trois critères principaux : le revenu brut par habitant, le capital humain et la durabilité économique. Ces États sont particulièrement exposés à la pauvreté et au risque de sous-développement. Cette situation les rend également fortement sensibles aux chocs économiques, aux catastrophes naturelles et aux troubles politiques.
Actuellement, 46 États sont considérés comme des PMA par le Comité des politiques de développement (CPD), un organe subsidiaire du Conseil économique et social des Nations unies : Afghanistan, Angola, Bangladesh, Bénin, Bhoutan, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Tchad, Comores, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Haïti, Îles Salomons, Kiribati, Lesotho, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Népal, Niger, Rwanda, Sao Tome et Principe, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan du Sud, Soudan, Timor oriental, Togo, Tuvalu, Ouganda, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République démocratique populaire Lao, République unie de Tanzanie, Yémen, Zambie. Depuis 1971, seuls six États sont sortis de la liste des PMA : le Botswana en 1994, le Cap-Vert en 2007, les Maldives en 2011, Samoa en 2014, la Guinée équatoriale en 2017 et Vanuatu en 2020.
Les PMA se caractérisent par une forte dépendance aux financements issus de l'aide publique au développement. Selon les données de l'OCDE, sur la période 2018-2019, près de 61 % des financements externes reçus par les 46 pays les moins avancés étaient issus de l'APD, contre 12 % en moyenne pour l'ensemble des États du monde.
Liste des dix principaux pays
bénéficiaires de l'APD bilatérale
de la France en
2022
(en millions d'euros)
Pays bénéficiaire |
Montant de l'aide bilatérale |
Côte d'Ivoire |
447 millions d'euros |
Maroc |
396,6 millions d'euros |
Cameroun |
248 millions d'euros |
Ukraine |
240,4 millions d'euros |
Égypte |
203,4 millions d'euros |
Sénégal |
196 millions d'euros |
Bangladesh |
142,4 millions d'euros |
Liban |
142 millions d'euros |
Algérie |
131,6 millions d'euros |
Brésil |
121,6 millions d'euros |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
L'atteinte de l'objectif de concentration de l'aide sur les 46 PMA demeure encore incertaine compte tenu de la forte baisse des moyens de la mission. Une grande partie de l'APD française demeure, de surcroît, orientée vers les « très grands émergents », à savoir l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique et la Turquie.
L'aide apportée par la France au Mali, au
Burkina Faso et au Niger,
une suspension géopolitique
La dégradation des liens bilatéraux entre la France et certains États du Sahel a conduit à une suspension partielle des versements d'aide au développement opérés par la France. Trois États, le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont concernés. Il s'agit d'un des premiers exemples de suspension par la France de son aide au développement pour des raisons géopolitiques.
S'agissant du Mali, la France, confrontée à la pénétration de la milice Wagner et à la montée du risque de détournement de l'aide par la junte, a décidé début 2022 de suspendre les projets de coopération transitant par les autorités. Cette mesure a été élargie à l'ensemble de l'aide au développement à l'automne 2022. En retour, l'État malien a interdit tout financement ou appui matériel et technique français aux organismes de la société civile opérant au Mali. L'AFD a pu mener la clôture dans le respect des contrats de l'ensemble de ses projets.
Concernant le Burkina Faso, l'aide publique au développement a été suspendue en août 2023. L'AFD n'est pas encore parvenue à finaliser la clôture de ses projets en raison de l'attitude non-collaborative des autorités locales. De même, au Niger, l'APD française a pris fin en juillet 2023. Un dialogue à niveau technique en vue de la clôture collaborative des projets AFD est en cours.
Dans ces trois États, la seule aide maintenue est l'aide humanitaire, qui répond aux besoins de base des populations. Cette assistance ne transite que par les organisations de la société civile.
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
c) Un débat croissant vers une « transactionnalité » de l'aide au développement : le soutien aux entreprises et la question migratoire
Contraints par l'obligation de déliement de l'aide, posée par l'OCDE, l'administration et les opérateurs abordent désormais l'aide au développement sous l'angle de la promotion de nos intérêts et de nos valeurs, dans une approche plus « partenariale » avec les États bénéficiaires.
En premier lieu, la France s'efforce d'associer à sa politique de développement une dimension de soutien aux entreprises et aux filières stratégiques de notre économie. Il s'agit de mobiliser le secteur privé dans une logique de « double dividende » : en encourageant des investissements privés dans des États éligibles à l'APD, d'une part, et en soutenant l'internationalisation des entreprises françaises. Sur la période récente 2019-2023, la part de marché des entreprises françaises sur les appels d'offres internationaux financés par l'AFD6(*) s'élève à 51 %, soir un total de 800 marchés et de 2,5 milliards d'euros.
Cette approche de soutien au secteur privé a été formalisée dans les conclusions du Cicid de juillet 2023. Ce dernier a fixé un objectif de 60 % du taux de participation des entreprises françaises aux appels d'offre internationaux et a entrepris la mise en place d'une comitologie pour faciliter la projection internationale de sept filières stratégiques (ville durable, santé, agriculture, transports, numérique, transition énergétique, industries culturelles et créatives).
De même, le mandat du groupe AFD comprend désormais une dimension économique renforcée, notamment en renforçant les critères sociaux et environnementaux, plus favorables aux entreprises françaises, dans les appels d'offre du groupe.
En second lieu, la politique d'aide au développement est considérée comme un levier potentiel pouvant être mobilisé plus directement pour améliorer la maîtrise des flux d'immigration irrégulière. En ce sens, le dixième objectif porté par le Conseil présidentiel pour le développement de 2023 visait à « Aider nos partenaires à lutter contre les réseaux d'immigration clandestine ». Une stratégie interministérielle « migrations et développement » 2023-2030 a été réalisée pour définir l'approche française sur les liens entre migrations et développement.
L'aide au développement prend en compte les enjeux migratoires sur deux plans.
Sur le plan de l'orientation des projets, d'une part, l'APD peut être dirigée vers les causes profondes susceptibles d'entraîner des déplacements migratoires. Le cadre théorique et institutionnel en la matière est fixé par le plan d'action conjoint de La Valette (PACV), issu du sommet Union européenne-Afrique de novembre 2020 à La Valette. Le PACV comprend cinq domaines visant à renforcer la gouvernance des migrations entre le continent africain et l'Europe :
- « Avantages des migrations en termes de développement et lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personne déplacées » ;
- « Migration légale et mobilité » ;
- « Protection et asile » ;
- « Prévenir la migration irrégulière, le trafic de migrants et la traite des êtres humains et lutter contre ces phénomènes » ;
- « Retour, réadmission et réintégration ».
Récemment, la doctrine française a évolué vers une orientation des projets vers les piliers 4 (prévenir la migration irrégulière) et 5 (retour, réadmission et réintégration) du plan d'action conjoint. Dans cette perspective, les financements d'aide au développement en matière migratoire ont progressé afin qu'ils soient mis en oeuvre :
- par les opérateurs publics (groupe AFD, Office français de l'immigration et de l'intégration, Office française de protection des réfugiés et apatrides...). Sur la période 2024-2027, près de 150 millions d'euros ont été fléchés vers les piliers 4 et 5 du PACV ;
- par les instruments bilatéraux du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ;
- par la mobilisation de financements européens.
Entre 2023 et 2024, le nombre de projets engagés sur les piliers 4 et 5 du plan d'action de La Valette a progressé de 166 % et le volume de financement de 213 %.
Suivi des financements consacrés aux
piliers 4 et 5
du plan d'action conjoint de La Valette
(en millions d'euros)
Exercice 2023 |
Exercice 2024 |
||
Pilier 4 |
Programme 209 |
17,11 millions d'euros |
27,76 millions d'euros |
Crédits européens mobilisés par le groupe AFD |
17,4 millions d'euros |
60,45 millions d'euros |
|
Total |
34,51 millions d'euros |
88,71 millions d'euros |
|
Pilier 5 |
Programme 209 |
- |
17,75 millions d'euros |
Crédits européens mobilisés par le groupe AFD |
3,9 millions d'euros |
13,9 millions d'euros |
|
Total |
3,9 millions d'euros |
31,65 millions d'euros |
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Sur le plan des relations bilatérales avec les pays bénéficiaires, d'autre part, la question d'une mobilisation de l'APD comme un levier de négociation est aujourd'hui portée dans le débat public. Cette problématique soulève une question de compatibilité avec le principe de déliaison de l'aide. Les règles de comptabilité de l'aide au développement fixées par l'OCDE prohibent en effet le conditionnement des projets d'aide à des objectifs migratoires. L'efficacité du levier de l'APD demeure toutefois incertaine, comme le relevait la Cour des comptes dans son rapport sur la politique de lutte contre l'immigration irrégulière7(*), à propos des relations entre la France et les Comores.
L'utilisation de l'APD dans une perspective migratoire pourrait faire l'objet d'une réflexion plus approfondie dans le cadre de travaux de contrôle.
B. APRÈS UNE PROGRESSION MASSIVE CES DERNIÈRES ANNÉES, LA MISSION EST FORTEMENT MISE À CONTRIBUTION AU TITRE DU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES
1. La trajectoire des dépenses d'APD, fixée dans la loi de programmation du 4 août 2021, a fait l'objet d'une révision dès juillet 2023
La loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a fixé comme objectif, à son article 2, de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement en 2025, avec une cible intermédiaire de 0,55 % en 2022. Cet objectif intermédiaire a été atteint en 2022 avec une APD équivalente à 0,56 % du RNB.
Évolution de la part de l'aide publique au
développement
dans le RNB de la France
(en pourcentage)
2023 |
2024 |
2025 |
|
Trajectoire prévue par la loi de programmation du 4 août 2021 |
0,61 |
0,66 |
0,70 |
Exécution (constatée ou évaluée) |
0,50 |
0,50 |
n.a. |
Source : commission des finances à partir des documents budgétaires
Toutefois, la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement de juillet 2023 a conduit à reporter à 2030 l'objectif de 0,7 % du RNB. Cette révision, décidée sans consultation ni information du Parlement, a reposé sur le constat d'une impossibilité d'atteinte de la cible. La réalisation de la trajectoire aurait en effet, selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, nécessité une augmentation massive du volume d'APD, de l'ordre de 6,2 milliards d'euros.
La remise en cause de la trajectoire de la loi de programmation n'est en rien surprenante. La dégradation du contexte macroéconomique international a conduit d'autres bailleurs à réviser à la baisse leurs prévisions de dépenses d'aide au développement. À titre d'exemple, la Suède et la Norvège, deuxième et troisième donateurs du CAD en part de RNB, avaient adopté un objectif d'APD à 1 % de leurs RNB respectifs. Compte tenu de l'inflation, qui gonfle mécaniquement le RNB, la Norvège envisage d'adopter un objectif de 0,75 % et la Suède a renoncé à tout objectif chiffré. De même, en raison de la dégradation de la conjoncture économique et des comptes publics, le Royaume-Uni a adopté une cible de 0,5 % du RNB en 2021, contre 0,7 % auparavant.
Évolution de l'aide au développement de la France sur la période 2017-2023
(en milliards d'euros à gauche, en pourcentage du RNB à droite)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
En tout état de cause, les rapporteurs spéciaux rappellent les observations de leur collègue Jean-Claude Requier, rapporteur pour avis de la commission des finances sur le projet de loi de programmation en 2021 qui avait, en effet, souligné au moment de son examen, le caractère très relatif d'une cible exprimée en part de RNB. Tout d'abord, le respect de cette cible est corrélé au niveau du RNB, qui fluctue selon la conjoncture économique. Ensuite les travaux économiques ont démontré que l'objectif de 0,7 % est davantage fondé sur un niveau politiquement acceptable que sur des évaluations macroéconomiques8(*). Enfin, l'évolution de certaines composantes de l'aide au développement est difficilement prévisible.
2. Une mission budgétaire fortement touchée par les annulations de crédits de février 2024
Confronté au dérapage des finances publiques, le précédent Gouvernement a procédé à l'annulation de près de 10 milliards d'euros de crédits budgétaires par le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits. Avec 742 millions d'euros annulés en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, la mission « Aide publique au développement » a figuré parmi les missions budgétaires les plus sollicitées par ce plan d'économies d'urgence. Près de 13 % des crédits de paiement inscrits en programmation initiale ont ainsi été annulés moins de deux mois après l'adoption de la loi de finances pour 2024.
Plus précisément, le décret du 21 février 2024 a annulé :
- 250 millions d'euros en AE et 200 millions en CP sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement » ;
- 492 millions d'euros en AE et 542 millions en CP sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ».
Ces annulations sont apparues en profond décalage avec les arguments avancés par le Gouvernement au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, en réponse aux propositions d'économies de la commission des finances du Sénat. Un amendement de crédits porté par les rapporteurs spéciaux des crédits de la mission, Michel Canévet et Raphaël Daubet, proposait en effet de réduire de 200 millions d'euros le montant total de la mission. Cet amendement ciblait plus particulièrement l'aide-projet de l'Agence française de développement et la provision pour crises majeures. Si le Gouvernement avait, à l'époque, émis un avis négatif en indiquant que l'adoption de l'amendement « déstructurerait totalement le programme 209 », les baisses de crédits décidées en février ont précisément porté sur ces enveloppes.
3. Un retour au niveau des crédits de la mission antérieur à 2021
Pour 2025, les crédits demandés au titre de la mission « Aide publique au développement » s'élèvent à 5,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 5,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Pour mémoire, en 2024, les AE représentaient 6,1 milliards d'euros et les CP, 5,8 milliards d'euros. Il s'agit ainsi d'une baisse de 7 % en AE et de 10 % en CP.
Évolution des crédits de la mission
aide publique au développement
entre 2024 et 2025
(en millions d'euros et pourcentage)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
Variation en pourcentage |
|||||
Programme/action |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
110 - Aide économique et financière au développement |
2 787,1 |
2 337,9 |
2 519,2 |
1 720,7 |
- 267,9 |
- 617,2 |
- 9,6% |
- 26,4% |
Aide économique et financière multilatérale |
611,8 |
1 490,3 |
1 378,4 |
1 031,4 |
766,6 |
- 458,9 |
125,3% |
- 30,8% |
Aide économique et financière bilatérale |
2 175,3 |
734 |
1 140,9 |
636,6 |
- 1 0345 |
- 97,5 |
- 47,6% |
- 13,3% |
Traitement de la dette des pays pauvres |
0 |
113,6 |
0 |
52,7 |
0 |
- 60,9 |
- |
- 53,6% |
365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement |
150 |
150 |
145 |
145 |
- 5 |
- 5 |
- 3,33% |
- 3,33% |
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
3 179,9 |
3 265,5 |
2 131,1 |
2 410 |
- 1 048,8 |
- 855,5 |
- 33% |
- 26,2% |
Coopération multilatérale |
703,6 |
796,1 |
441 |
571 |
- 262,6 |
-225,1 |
- 37,3% |
- 28,3% |
Coopération bilatérale |
2 191,3 |
2 184,3 |
1 546 |
1 694,9 |
- 645,2 |
- 489,5 |
- 29,4% |
- 22,4% |
Coopération communautaire |
285 |
285 |
144,1 |
144,1 |
- 140,9 |
- 140,9 |
- 49,4% |
- 49,4% |
370 - Restitution des biens mal-acquis |
6,1 |
6,1 |
140,3 |
140,3 |
134,2 |
134,2 |
2 200% |
2 200% |
384 - Fonds de solidarité pour le développement |
- |
- |
738 |
738 |
- |
- |
- |
- |
Total - Mission « Aide publique au développement » |
6 123,2 |
5 759,5 |
5 673,7 |
5 154 |
- 449,5 |
- 605,5 |
- 7,3% |
- 10,5% |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Cette baisse est d'autant plus importante lorsque l'on retraite les évolutions de périmètre de la mission. Entre 2024 et 2025, deux évolutions significatives ont en effet affecté le volume de la mission APD :
- d'une part, les dépenses de personnel concourant au programme 209 ont été transférées sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État », dans un souci de centralisation des dépenses de titre 2 relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur un même programme support. En 2024, ces dépenses s'élevaient à 161,4 millions d'euros ;
- d'autre part, le Fonds de solidarité pour le développement fait l'objet d'une rebudgétisation par le projet de loi de finances pour 2025 au sein d'un nouveau programme budgétaire 384, doté de 738 millions d'euros en AE=CP. Jusqu'alors, ce fonds extrabudgétaire, géré par l'Agence française de développement, était abondé par l'affectation d'une partie du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et de la taxe sur les transactions financières (TTF). Désormais, aux termes de l'article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), dans sa version issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, à compter du 1er janvier 2025, l'affectation d'impositions de toutes natures à un tiers « ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale ». Ce n'est pas le cas de ce fonds, l'affectation devait donc être remise en cause.
Évolution des crédits de la mission sur la période 2018-2025
(en millions d'euros - en autorisations d'engagement et en crédits de paiement)
Note n° 1 : les montants indiqués sont en exécution pour les années 2018 à 2023 et en prévision pour les années 2024 et 2025.
Note n° 2 : pour 2025, les montants en AE et en CP ne comprennent pas les crédits du nouveau programme 384 « Fonds de solidarité pour le développement ».
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Par rapport à l'exercice précédent, le décrochage des crédits de la mission est flagrant. Corrigé de ces ajustements de périmètre, la baisse des crédits de la mission « Aide publique au développement » est de l'ordre de 19 % en autorisations d'engagement et de 23 % en crédits de paiement. Cet ajustement budgétaire conséquent vient ramener le volume de la mission à un niveau antérieur à 2021. Si l'on se réfère à la cible de part du RNB, le niveau d'aide au développement française devrait se situer à 0,45 % du revenu national brut en 2025.
Évolution des crédits de la mission
entre la loi de finances initiale pour 2024
et le projet de loi de
finances pour 2025
(en crédits de paiement et en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Cette tendance baissière est accentuée par les annonces du Gouvernement, qui entend opérer une économie additionnelle de 641 millions d'euros en crédits de paiement par voie d'amendement sur la mission « Aide publique au développement ». Si cette nouvelle baisse était confirmée au cours des débats, le montant des CP de la mission se situerait en 2025 à 3,8 milliards d'euros, soit une baisse de 34,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
Si le détail exact d'imputation de ces baisses de crédits sur la mission n'est pas encore connu, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a indiqué aux rapporteurs spéciaux qu'il entend préserver en priorité ses capacités bilatérales. La réduction des contributions multilatérales dès 2025 impliquera toutefois un travail ligne à ligne d'identification de la nature juridique des engagements pris auprès des fonds verticaux et des organisations internationales pour déterminer si une annulation, réduction ou report du versement est possible.
La position des rapporteurs spéciaux
La position du rapporteur spécial Michel Canévet :
La très forte contraction des crédits de la mission « Aide publique au développement » sur l'exercice 2025 constitue le revers d'une trajectoire de dépenses trop ambitieuse ces dernières années.
Le doublement des moyens de la mission APD depuis 2017 a constitué une marche budgétaire trop importante au regard des capacités de décaissement des ministères et de l'AFD. Certaines enveloppes de la mission connaissaient en ce sens une sous-exécution chronique. De même, l'augmentation des moyens ne s'est pas accompagnée d'une vision claire de notre politique de développement. Les ministères et opérateurs se sont trouvés confrontés à des injonctions contradictoires. À titre d'illustration, la loi de programmation a fixé une cible d'augmentation de la part de notre APD versée par le canal bilatéral. Or, l'aide multilatérale représentait encore 41 % du total de l'APD en 2024. La France contribue à 271 entités, ce qui soulève un risque de doublonnage des versements et de dispersion de l'aide.
Certes, cette progression continue des crédits budgétaires s'est faite selon une trajectoire déterminée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Néanmoins, sa mise en oeuvre apparaît en complète contradiction avec le redressement nécessaire de nos finances publiques. En outre, il importe de noter qu'une très grande partie des objectifs fixés par la loi de programmation n'ont pas été appliqués. Le Gouvernement précédent s'est davantage concentré sur la hausse des dépenses que sur les critères plus qualitatifs approuvés par le Parlement. Pour ne citer qu'un exemple, les capacités d'évaluation de notre politique de développement demeurent aujourd'hui très inférieures à la perspective tracée par la loi de programmation.
La France est loin d'être un cas isolé. Plusieurs pays européens ont récemment revu à la baisse leurs objectifs d'aide au développement. Dans un contexte budgétaire contraint, les objectifs de dépenses doivent toujours être réexaminés, sans sanctuarisation aucune. Le niveau des crédits en 2025 demeurera supérieur, en tout état de cause, au volume de la mission en 2020. La progression des moyens de la mission n'est donc nullement effacée.
Les coupes franches appellent une ligne claire. Il importe désormais d'opérer des arbitrages précis et de davantage cibler nos contributions. Le renouvellement de nombreux fonds multilatéraux en 2026 sera notamment pour la France l'occasion de sélectionner les structures dans lesquelles il sera pertinent de continuer à s'investir. Si l'influence au sein des organisations internationales se mesure au volume de notre participation, nous devons choisir celles dans lesquelles il importe le plus de peser. De même, l'installation de la commission d'évaluation devrait nous permettre d'identifier les vecteurs les plus efficients de notre aide.
La position du rapporteur spécial Raphaël Daubet :
Si la trajectoire de dépenses fixée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ne paraît plus réaliste au regard de la situation de nos finances publiques, force est de constater que l'effort demandé à la mission « Aide publique au développement » est disproportionné.
Avant même l'application des nouvelles coupes annoncées par voie d'amendement par le Gouvernement, les moyens de la mission reculent d'un tiers par rapport à l'année 2024. Les crédits de paiement du programme 209, qui portent les dépenses d'intervention du ministère de l'Europe et des affaires étrangères seront diminués de 40 % après application des baisses additionnelles.
Ce renoncement aux objectifs de la loi de programmation du 4 août 2021 est d'autant plus surprenant que d'autres lois de programmation comme la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur9(*), la loi de programmation militaire10(*) et la loi de programmation du ministère de la justice11(*) sont préservées des coupes. Pourtant, au même titre que la justice, la police et la défense, la diplomatie figure parmi les monopoles régaliens de l'État12(*).
De plus, l'APD répond à des besoins importants, tant du point de vue des États bénéficiaires que de la France. Du côté des bénéficiaires, la multiplication des crises et leur inscription dans le temps déstabilise de nombreux États pour lesquels l'assistance financière internationale est cruciale. L'exemple récent du Liban est significatif. En retour, l'effondrement de la sécurité et de la santé dans ces États multiplie les enjeux pour notre pays en particulier sur le plan de la sécurité sanitaire et au regard de la question migratoire.
En outre, le recul de l'aide au développement de la France place notre pays en difficulté vis-à-vis de notre engagement dans le multilatéralisme. L'influence dans les instances internationales est évaluée en fonction de la participation financière. Une baisse soudaine et drastique de nos versements signifiera l'effacement de la France des enceintes multilatérales. Sur le plan bilatéral, la plus grande sélection des projets conduira à une dégradation de nos relations avec certains États dans des régions stratégiques.
Il paraît nécessaire de souligner le retour en trompe-l'oeil au niveau de dépenses de 2021. Par rapport à l'exercice 2021, les dépenses de 2025 seront bien plus contraintes par les engagements des années passées. Les marges de manoeuvre discrétionnaires dont disposent les administrations se trouveront considérablement réduites. C'est notamment le cas de l'aide humanitaire, qui vise à répondre aux besoins essentiels des populations en période de crise.
C. LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » À L'HEURE DES CHOIX
1. Une mission dont les dépenses sont contraintes par le niveau des contributions internationales
Les contributions internationales correspondent à des versements financiers de trois types : les contributions obligatoires ou volontaires au budget des organisations internationales, les contributions à des fonds fiduciaires ou concessionnels et les prises de participation au capital de banques de développement. Elles sont majoritairement portées (66 %) par les programmes 110 et 209 de la mission « Aide publique au développement », par le Fonds de solidarité pour le développement et par le programme 105 de la mission « Action extérieure de l'État ». La Cour des comptes, dans son rapport d'enquête sur le financement de l'action multilatérale, remis à la commission des finances, identifiait trois logiques d'action de ces contributions :
- une logique d'influence politique, soit la capacité pour un État à peser dans les grandes institutions multilatérales, en premier lieu le système des Nations unies ;
- une logique d'aide au développement, définie par l'OCDE comme l'aide fournie par les États dans le but exprès de promouvoir le développement économique et d'améliorer les conditions de vie dans les pays en développement13(*) ;
- une logique de préservation des biens publics mondiaux14(*), comme la santé publique ou la sécurité alimentaire, ne pouvant relever d'une seule logique de marché.
Évolution des contributions multilatérales sur la période 2017-2023
(en millions d'euros et en pourcentage)
Note : ce total regroupe les contributions relevant des programmes budgétaires 110, 209 et du Fonds de solidarité pour le développement ainsi celles relevant du programme 105 de la mission « Action extérieure de l'État ».
Source : commission des finances d'après l'enquête de la Cour des comptes
La période 2017-2023 se caractérise par une progression de près de 46 % du total des contributions internationales sur ce périmètre. Le montant des versements français à la sphère multilatérale représentait 4,4 milliards d'euros en 2023. La France opère des versements à 271 entités internationales, dont seulement 19 existaient avant 1945.
Cette augmentation significative s'explique essentiellement, sur le plan multilatéral, par les efforts conséquents entrepris en matière d'aide publique au développement depuis 2017.
Du point de vue des organisations destinataires des versements de la France, la progression des contributions françaises a principalement bénéficié à deux catégories d'organismes :
- d'une part, la France s'est davantage engagée au sein du système onusien, avec une progression de 43 % de ses contributions depuis 2017. Il s'agit tout particulièrement des contributions volontaires aux entités des Nations unies intervenant en matière d'aide humanitaire et de la participation française ;
- d'autre part, la France a multiplié les contributions en faveur de nouvelles entités issues de la coopération intergouvernementale. Depuis 2021, cette catégorie des « autres entités » est la première bénéficiaire des contributions françaises, avec 1,3 milliard d'euros en 2023. Cette évolution illustre la priorité donnée aux fonds thématiques et aux partenariats ad hoc dans le cadre du renforcement de notre politique d'aide au développement. Néanmoins, la multiplication de ce type de structures conduit mécaniquement à la mise en place d'un nouveau siège et d'un secrétariat, avec les coûts de gestion qu'ils impliquent. De plus, le foisonnement de telles initiatives porte un risque de redondance.
Répartition des contributions
multilatérales de la France
selon le type d'entité
bénéficiaires
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après l'enquête de la Cour des comptes
L'augmentation continue des contributions internationales depuis 2017 contribue à une rigidification des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Pour rappel, les contributions internationales se divisent entre :
- les contributions obligatoires, qui découlent d'un engagement en droit international public, généralement un traité ou un accord international. L'approbation des traités ou accords engageant les finances de l'État doit, pour mémoire être soumises à l'accord du Parlement ;
- les contributions volontaires, qui ne découlent pas d'engagements juridiques formels, mais d'engagements politiques.
Au sens du droit budgétaire, il est indéniable que les contributions obligatoires constituent des dépenses obligatoires15(*). Le caractère obligatoire ou non des contributions volontaires est plus difficile à déterminer. Au sein du référentiel budgétaire et comptable de l'État, les contributions volontaires sont classées parmi les dépenses non-obligatoires. Pour autant, le caractère flexible des contributions volontaires se trouve relativisé par l'engagement politique de leur annonce. La remise en cause d'une contribution volontaire découlant d'une annonce opérée au plus haut de l'État et faisant l'objet d'un décaissement pluriannuel paraît complexe.
La possible remise en cause des engagements multilatéraux interroge d'autant plus que les contributions multilatérales représentent une part significative de nos dépenses d'aide au développement.
La maîtrise du volume des versements internationaux implique notamment de définir une doctrine claire d'articulation entre les différents canaux de l'APD française (bilatéral, multilatéral et européen). L'élaboration d'une telle doctrine figurait parmi les objectifs fixés par la loi de programmation du 4 août 2021. Cet objectif a été confirmé par la réunion en juillet 2023 du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qui a fixé comme horizon la définition d'une stratégie « fin 2023 ». Cependant, à ce jour, cet engagement n'a pas été concrétisé, comme une grande partie des dispositifs prévus par la loi de programmation.
Principaux avantages respectifs du recours aux canaux bilatéraux et multilatéraux de l'aide publique au développement
Canal multilatéral |
Canal bilatéral |
- Soutien à des zones géographiques où les liens bilatéraux sont moins prononcés (ex : Amérique du Sud) ; - Structuration de partenariats avec des pays alliés ; - Substitution au canal bilatéral dans des zones où la présence française est contestée ; - Financement de problématiques à portée universelle ; - Financement d'organismes porteurs de normes. |
- Soutien à des partenaires traditionnels de la France ; - Investissement dans des thématiques sur lesquelles la France se positionne en avant-garde ; - Visibilité de l'aide française. |
Source : commission des finances
Le tableau supra présente différents critères, avancés par les administrations, qui permettent d'arbitrer entre un recours au canal bilatéral et un recours au canal multilatéral.
Si l'élaboration du budget de la mission pour l'exercice 2025 s'est attachée à ne pas remettre en cause les contributions annoncées et engagées, le renouvellement d'un certain nombre de contributions internationales à l'horizon 2026 sera l'occasion pour le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères de proposer des arbitrages quant au renouvellement de ces versements.
Les recommandations de la commission des finances du Sénat sur le financement de l'action multilatérale de la France
Au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), la commission des finances du sénat a demandé en janvier 2024 à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur le financement des actions multilatérales de la France. Remis à la commission le 25 septembre 2024, le rapport d'enquête souligne les limites de la gestion de nos versements multilatéraux. Il identifie un paradoxe dans le financement des actions multilatérales de la France : alors que ces dernières visent à répondre à des logiques de long terme d'influence politique, d'aide publique au développement et de protection des biens publics internationaux, elles font l'objet d'une gestion et d'un pilotage court-termiste.
Plusieurs facteurs expliquent ce décalage : premièrement, une carence, au niveau interministériel, d'outils de compilation et de suivi des contributions internationales gérées par les différents ministères ; deuxièmement, une absence de doctrine d'articulation entre les canaux bilatéraux et multilatéraux de notre aide publique au développement ; troisièmement, une forte centralisation de la prise de décision au niveau de la Présidence de la République.
En se fondant sur les données transmises par la Cour, la commission des finances a émis cinq recommandations :
- Finaliser, dans les plus brefs délais, une stratégie d'articulation des canaux bilatéraux et multilatéraux de l'aide publique au développement française ;
- Constituer un tableau de bord interministériel, recensant l'ensemble des contributions internationales de la France et leurs échéances, qui serait publié dans un document de politique transversale annexé au projet de loi de finances ;
- Confier au comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) le pilotage de nos contributions internationales ;
- Réviser les indicateurs de performance des programmes 105, 110 et 209 pour, d'une part, harmoniser ceux relatifs aux frais de gestion et, d'autre part, étendre les indicateurs de performance transversaux aux trois programmes budgétaires ;
- Réaliser, sous la forme d'une revue de dépenses, une évaluation de l'ensemble de nos contributions internationales afin de déterminer celles dont le renouvellement ne serait pas pertinent.
Source : commission des finances
2. L'Agence française de développement, bras armé de l'APD française, confrontée à un recul de ses moyens
L'Agence française de développement (AFD) est l'opérateur pivot de la politique de coopération et de développement de la France. Il s'agit d'un organisme disposant à la fois du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC)16(*) et, depuis 2018, de celui de société de financement, soumis au cadre prudentiel applicable à cette catégorie de société.
Le modèle d'une agence de mise en oeuvre de la politique d'aide au développement se retrouve dans d'autres pays européens. En Allemagne, il existe deux agences assurant le déploiement de l'APD : la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW)17(*), agence de coopération financière, et la Deutsche Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit (GiZ)18(*), agence de coopération technique. À l'inverse, il n'existe pas de telle agence au Royaume-Uni.
À noter que l'AFD, à l'instar d'Expertise France et de tous les organismes intervenant sur la mission, n'est pas considérée comme un opérateur au sens de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf). Le « jaune » opérateur, annexé au projet de loi de finances de l'année, ne mentionne pas cet organisme.
Ventilation géographique de
l'activité du groupe
Agence française de développement
en exécution 2023
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Il convient de rappeler que l'Agence ne reçoit aucune dotation de fonctionnement de la part de l'État et que l'ensemble des crédits qui lui sont versés le sont pour la mise en oeuvre ou la rémunération des frais associés à la politique de développement.
En effet, pour plus de 90 %, les crédits budgétaires versés en autorisations d'engagement le sont au titre de :
- la bonification des prêts concessionnels accordés par l'agence à des États ou des organisations internationales ;
- la mise en oeuvre des interventions de la France en dons-projets, le financement des ONG et l'assistance technique dans le cadre de la coopération bilatérale ;
- la rémunération, par l'État, du service rendu par l'AFD.
Montant des crédits budgétaires versés à l'Agence française de développement
(en millions d'euros)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
|||
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Programme 110 - Aide économique et financière au développement |
1 833,94 |
520,28 |
1 897,5 |
662,5 |
Programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
1 064,79 |
1 017,05 |
856,08 |
1 032,85 |
Programme 365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement |
150 |
150 |
150 |
150 |
Programme 123 - Conditions de vie en outre-mer |
72,35 |
38,73 |
23,35 |
32,95 |
Programme 853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social |
- |
150 |
- |
145 |
Total |
3 121,1 |
1 876,06 |
2 926,93 |
2 023,3 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Par rapport à l'exercice 2024, le montant des crédits alloués à l'AFD est relativement stable dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2025. Pour autant, deux lignes budgétaires mises en oeuvre par l'agence sont significativement réduites :
- d'une part, les crédits de bonifications d'intérêt versées par l'État pour abaisser le taux d'intérêt des prêts octroyés par l'Agence française de développement sur le programme 110 se situent à 962 millions d'euros en AE (- 43 %) et à 286 millions d'euros en CP (- 25 %) comme détaillé supra ;
- d'autre part, les crédits alloués à l'aide-projet mise en oeuvre par l'agence, sur le programme 209, s'élèvent à 900,8 millions d'euros en AE ( 26,5 %) et 1,1 milliard d'euros en CP (- 7,9 %).
Selon l'Agence française de développement, ces coupes budgétaires, notamment sur l'aide-projet devraient complexifier la mise en oeuvre des objectifs fixés par le Cicid, notamment au regard des priorités géographiques et thématiques de l'aide. La baisse de l'enveloppe d'aide-projet, en particulier, devra donner lieu à des arbitrages significatifs.
Le nouveau siège de l'AFD : rien de nouveau sous le soleil d'Austerlitz
Le 30 janvier 2020, le conseil d'administration de l'AFD a approuvé l'acquisition de 50 000 m² de bureau au sein du complexe en cours de construction de la zone d'aménagement Paris-Rive Gauche.
Pour mémoire, la direction de l'immobilier de l'État a validé, à l'automne 2019, les quatre orientations stratégiques proposées par l'AFD, dont l'objectif était de rationaliser et d'optimiser le fonctionnement de l'immobilier du groupe :
- regrouper les entités du groupe, actuellement réparties sur six implantations, sur un site unique ;
- optimiser les surfaces utilisées, via la mise en place d'un dispositif de « flex-office », permettant une baisse des surfaces occupées à ce jour de l'ordre de 20 % ;
- aligner les surfaces utilisées sur les normes de l'État (12m²/poste de travail) ;
- acquérir en pleine propriété les futurs bureaux, au regard de l'avantage économique que présente cette option par rapport à une location.
L'investissement net réalisé par l'AFD s'élèverait, pour ce projet à 550 millions d'euros après cession ou mise en location des bâtiments actuels. Vos rapporteurs avaient évalué à un milliard d'euros le coût de l'opération, ce dernier étant calculé après cessions envisagées des sites actuels propriétés de l'AFD.
Par ailleurs, le projet comprend près de 8 000 mètres carrés de surface excédentaire par rapport aux besoins de l'agence. L'AFD a indiqué travailler à l'identification de locataires afin de valoriser les surfaces excédentaires. Cette démarche appelle deux remarques de la part des rapporteurs :
- premièrement, le total de la surface excédentaire illustre le caractère disproportionné de ce projet dont l'ampleur paraît incongrue dans le contexte budgétaire actuel ;
- deuxièmement, à ce stade, l'AFD n'a toujours pas été en mesure de fournir aux rapporteurs des éléments probants quant aux futurs locataires. L'agence indique, comme l'année dernière, que des discussions seraient en cours avec certaines organisations internationales sans qu'aucun engagement n'ait été pris.
Source : commission des finances
La programmation pluriannuelle des crédits budgétaires alloués à l'AFD, via les programmes 110 et 209, est déterminée dans un cadre triennal par les contrats d'objectifs et de moyens (COM) signés entre l'État et l'organisme. Le pilotage stratégique de l'agence apparait d'autant plus complexe qu'il repose sur deux entités de tutelle, dont les moyens et les visions peuvent diverger.
Or, la signature du prochain COM entre l'AFD et ses cotutelles est sans cesse repoussée. Le dernier objectif calendaire en date visait une adoption du COM par le conseil d'administration de l'agence, après consultation des parlementaires, à l'été 2024. La dissolution de l'Assemblée nationale a mis à mal cet objectif, d'autant que la baisse conséquente des moyens alloués à l'AFD devrait conduire à revoir les objectifs chiffrés contenus dans le projet de contrat.
La gestion de la tutelle de l'AFD par le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères peut, par ailleurs, conduire à des divergences de points de vue entre l'administration et la direction de l'agence. Dernièrement, l'examen par le conseil d'administration du financement d'un projet de développement en Égypte, mené par des entreprises chinoises partiellement implantées au Xinjiang, a conduit à un désaccord entre les cotutelles et l'AFD. Cette dernière défendant la poursuite du projet, finalement rejeté par le Conseil d'administration.
3. La réduction des moyens de l'APD française appelle un renforcement de l'évaluation de cette politique publique
a) Le constat d'un renforcement des moyens internes d'évaluation en matière d'APD
Le contexte de forte hausse des crédits d'aide publique au développement sur la période 2017-2023 a fort heureusement conduit les administrations chargées de la mise en oeuvre de cette politique à renforcer leurs moyens internes d'évaluation.
Chacune de ces trois entités dispose en son sein d'une unité d'évaluation :
- l'« unité d'évaluation des activités de développement » au sein de la direction générale du Trésor ;
- le « pôle de l'évaluation et de la performance » du MEAE ;
- le « département de l'évaluation et de l'apprentissage » de l'AFD.
Les rapporteurs spéciaux déplorent toutefois une dispersion des capacités d'évaluation entre les différents services. Au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, les différentes directions chargées du suivi de la politique de développement se sont dotées de capacités d'évaluation et de suivi de la redevabilité sans pour autant mutualiser leurs moyens.
En réalité, les deux ministères et l'Agence française de développement demeurent dépendants de prestataires extérieurs pour mener des évaluations plus poussées des instruments de l'aide au développement. La direction du budget a clairement indiqué que le montant des dépenses de cabinets de conseil et de prestations d'évaluation externes devrait encore doubler avec la mise en place de la commission d'évaluation de l'aide au développement.
b) Une concrétisation bien trop lente des exigences de la loi de programmation en matière d'évaluation
Soucieuse d'assurer un suivi plus précis des dépenses d'aide publique au développement, la loi de programmation du 4 août 2021 a prévu plusieurs dispositifs d'évaluation de l'APD française dont :
- la publication d'un rapport annuel relatif à la politique de développement de la France, remis chaque 1er juin au Parlement et faisant l'objet d'un débat en séance publique dans les deux assemblées19(*).
- la création d'une base de données ouverte sur l'aide publique au développement bilatérale et multilatérale20(*), rapidement installée et pilotée conjointement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'économie et des finances ;
- la mise en place d'une commission d'évaluation de l'aide publique au développement, chargée de mener « des évaluations portant sur l'efficience, l'efficacité et l'impact des stratégies, des projets et des programmes d'aide publique au développement financés ou cofinancés par la France »21(*) et de contribuer à la redevabilité de notre politique de développement.
Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent que partager le constat porté par le document de politique transversale consacré à la politique de développement selon lequel « le renforcement de l'évaluation et de la redevabilité de la politique de développement répond à un impératif démocratique », force est de constater, plus de trois ans après l'adoption de la loi de programmation, que les résultats sont particulièrement limités.
Il a ainsi fallu attendre juin 2024 pour que le Gouvernement transmette pour la première fois le « rapport annuel sur la politique de développement et de solidarité internationale de la France ». En sus de cet envoi tardif, le rapport se fonde sur des données anciennes, issues de l'année 2021. De surcroît, son contenu se rapproche fortement de celui d'un rapport annuel de performances. Il ne contient pas de véritables évaluations d'impact des financements de l'aide au développement française si ce n'est de très courts encadrés sur des projets précis sans indication aucune quant aux crédits engagés.
En outre, confronté à l'inertie du précédent Gouvernement dans la mise en place de la commission d'évaluation de l'aide au développement, le Parlement a dû se saisir de cette question pour imposer son installation. La loi n° 2024-309 du 5 avril 202422(*), issue d'une proposition de loi déposée par le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges, a ainsi décidé le rattachement de la commission au ministère chargé des affaires étrangères. Les retards pris dans l'installation de cette commission tenaient en effet à la composition de cette instance et à son rattachement à la Cour des comptes, une telle structure de contrôle se trouvant nécessairement dépendante de « l'expertise des ministères de tutelle et de l'AFD, et donc de l'exécutif, pour conduire ses travaux d'évaluation »23(*).
Les rapporteurs spéciaux estiment que la présence de parlementaires dans cette commission constitue une garantie d'indépendance de cette instance par rapport à l'exécutif. L'installation de cette commission est d'autant plus attendue par le Parlement que le V de l'article 12 de la loi de programmation du 4 août 2021 prévoit que le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat peuvent saisir la commission de demandes d'évaluation.
La loi du 5 avril 2024 précise également, dans son article unique, les compétences de la commission d'évaluation, dont la mission est de contrôler « la pertinence des projets et programmes d'aide publique au développement au regard des ambitions et des objectifs prévus par la loi » et d'en examiner « les résultats pour apprécier leur efficacité, tant sur le plan financier que vis-à-vis des priorités de la politique extérieure et de coopération ainsi que des intérêts à l'étranger de la France ».
II. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
A. LE PROGRAMME 110 : DES BAISSES DE CRÉDITS MODÉRÉES PAR LA RIGIDITÉ DES DÉPENSES PORTÉES PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances et, plus particulièrement, à la direction générale du Trésor, pour la mise en oeuvre des actions relevant de l'aide publique au développement.
Les montants de crédits demandés diminuent de 267,9 millions d'euros en AE et de 617,2 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 9,6 % et de 26,4 %.
Évolution des crédits du
programme 110 - Aide économique
et financière au
développement
(en millions d'euros - en pourcentage)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
Variation en pourcentage |
|||||
110 - Aide économique et financière au développement |
2 787,1 |
2 337,9 |
2 519,2 |
1 720,7 |
-267,9 |
-617,2 |
-9,6% |
-26,4% |
Aide économique et financière multilatérale |
611,8 |
1 490,3 |
1 378,4 |
1 031,4 |
766,6 |
-458,9 |
125,3% |
-30,8% |
Aide économique et financière bilatérale |
2 175,3 |
734 |
1 140,9 |
636,6 |
-1 0345 |
-97,5 |
-47,6% |
-13,3% |
Traitement de la dette des pays pauvres |
0 |
113,6 |
0 |
52,7 |
0 |
- 60,9 |
- |
- 53,6% |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Par rapport au programme 209, le programme 110 présente une structuration des dépenses davantage contrainte. Il porte en effet une part conséquente de contributions internationales à des institutions multilatérales de développement pour lesquels les engagements portent généralement sur trois ans. Sur le plan bilatéral, une majorité des crédits de ce programme abonde également des engagements pluriannuels au travers du financement de la bonification des prêts de l'Agence française de développement. Dès lors que ces dépenses présentent un caractère pluriannuel, leur remise en cause est complexe.
Le programme 110 se distingue ainsi par le volume très élevé des restes-à-payer découlant d'engagements pluriannuels, le montant des crédits de paiement n'étant jamais équivalent au montant des autorisations d'engagement.
Restes à payer sur les autorisations
d'engagement antérieures à 2025
du programme 110
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
1. Un volet multilatéral du programme tiré à la hausse par la reconstitution de contributions majeures
L'aide multilatérale portée par le programme 110 est principalement destinée, d'une part, à de grands fonds généralistes comme l'Association internationale de développement (AID) et le Fonds africain de développement (FAD) et, d'autre part, par des fonds sectoriels reflétant les priorités thématiques de la France comme le Fonds vert pour le climat ou le Fonds pour l'environnement mondial (FEM).
L'exercice 2025 devrait être caractérisé par l'annonce par la France de sa contribution à la 21e reconstitution de l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale. Pour rappel, ces reconstitutions font l'objet d'un engagement unique en autorisations d'engagement, avec un échéancier pluriannuel de versement en crédits de paiement. Cette pluriannualité des engagements explique la très forte cyclicité des dépenses de l'action « Aide économique et financière au développement ». Concernant l'AID, les versements en CP, à hauteur de 481,9 millions d'euros, correspondent à la dernière tranche de la contribution au titre de la 20e reconstitution24(*). Pour la 21e reconstitution, la participation annoncée, inscrite en autorisations d'engagement, sera de 1,25 milliard d'euros.
Dans le même sens, l'exercice 2025 se caractérise par un versement de 183 millions d'euros en crédits de paiement au titre de la participation de la France à la dernière reconstitution du Fonds africain de développement (FAD), pour laquelle elle s'était engagée à hauteur de 582,6 millions d'euros. Le FAD constitue le guichet concessionnel de la Banque africaine de développement.
En revanche, la direction générale du Trésor, dans un contexte de restriction budgétaire, a opéré des choix clairs et réduit considérablement la participation de la France à une série d'institutions. C'est particulièrement le cas s'agissant des fonds fiduciaires de la Banque mondiale. En 2024, la France avait participé à ce dispositif à hauteur de 75 millions d'euros en AE comme en CP. Cet engagement répondait à une recommandation de la Cour des comptes dans un rapport comparatif sur les politiques de développement de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni25(*). Ces fonds fiduciaires offrent en effet une très forte capacité de pilotage et d'orientation des contributions des donateurs vers leurs priorités thématiques et géographiques. Pour autant, la participation française a été ramenée, dans un souci assumé d'économies budgétaires, à 15 millions d'euros en 2025.
De même, certains financements multilatéraux ont été reportés à un exercice ultérieur. En ce sens, la contribution 2025 de la France au Fonds vert pour le climat, représentant un montant de 177,6 millions d'euros en crédits de paiement, ne sera versée qu'en 2026.
2. Sur le plan bilatéral, l'exercice 2025 devrait se caractériser par un freinage des prêts concessionnels de l'AFD
Concernant le volet bilatéral du programme 110, les crédits demandés pour 2025 reculent de 904,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 97,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 44 % et de 13 %.
Cette baisse de crédits s'explique essentiellement par une contraction des bonifications d'intérêt versées par l'État pour abaisser le taux d'intérêt des prêts octroyés par l'Agence française de développement. En effet, afin de permettre à l'AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires de l'aide au développement, l'État assume, par le versement de crédits de bonification, la différence entre le coût de financement de l'AFD et le taux auquel elle prête.
Dans le contexte de remontée des taux d'intérêt ces dernières années, les coûts de financement de l'AFD ont fortement augmenté. Or, pour être regardés comme concessionnels, les taux proposés par l'AFD doivent rester inférieurs à un seuil fixé par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. L'écart entre le taux servi par le préteur et le taux de référence fixé par le CAD constitue la référence pour déterminer le montant de l'élément-don du prêt comptabilisé en aide publique au développement au sens des statistiques internationales.
Pour maintenir constant l'aide versée sous forme de prêts par l'AFD, l'État a donc été contraint d'accroître significativement ses versements à l'agence au cours des derniers exercices. Entre 2018 et 2024, le total de l'enveloppe des crédits de bonification versée par l'État a été multiplié par 4,6 et a pesé sur la programmation de la mission APD. Selon les estimations de la Cour des comptes, chaque euro prêté par l'AFD dans le cadre d'un prêt bonifié engendre en moyenne une dépense de 33 centimes pour l'État26(*).
Évolution du coût des
opérations de bonifications
des prêts concessionnels de
l'AFD
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Outre un coût budgétaire croissant, le renchérissement des coûts de bonification des prêts de l'AFD a également entrainé une rigidification des crédits de la mission. Le décaissement des crédits de paiement suit en effet le déboursement des prêts.
En ce sens, la baisse de 43 % des autorisations d'engagement sur l'enveloppe des crédits de bonification vise, selon la direction générale du Trésor, à assurer la maîtrise de cette dépense dans les années à venir et à rééquilibrer les activités de prêts et de dons de l'agence. Cette évolution conduira l'AFD à réduire son volume de prêts bonifiés.
Au-delà du recul du coût des opérations de bonification de prêts de l'AFD, d'autres lignes budgétaires de l'action sont également minorées.
D'une part, le projet de loi de finances propose une restriction des aides budgétaires globales (ABG). Alors que la loi de finances pour 2024 avait ouvert une enveloppe de 120 millions d'euros en AE comme en CP, les aides budgétaires globales devraient être limitées à 50 millions d'euros en AE et 35 millions d'euros en CP. Mises en oeuvre par l'AFD, elles peuvent être versées directement aux États confrontés à des chocs macroéconomiques ou aux institutions régionales de développement menant des projets en faveur de l'intégration régionale.
D'autre part, les différentes enveloppes liées à la coopération technique sont également ponctionnées au titre de la réduction des dépenses de la mission. Des opérations récentes, comme l'initiative Afrique, créée en 2024 pour alimenter la coopération technique avec le continent africain, voit son budget réduit de 80 % entre 2024 et 2025. Dans sa dernière note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes avait regretté la sous-exécution chronique des crédits de cette initiative et interrogé l'adéquation de cette enveloppe dédiée à ce dispositif27(*).
Pour autant, en dépit du contexte budgétaire, certains dispositifs considérés comme peu efficients sont maintenus. Il en va ainsi du Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP), qui assure le financement d'études de faisabilité de projets d'investissement et de prestation d'assistance technique et vise à promouvoir l'intervention d'entreprises françaises. Doté de 24 millions d'euros en AE et de 28 millions d'euros en CP, il a été particulièrement critiqué par l'inspection générale des finances (IGF) dans une revue de dépenses consacrée aux aides aux entreprises28(*). L'IGF relevait ainsi que seulement 17 % des études préalables financées donnent lieu à la réalisation d'un projet par une entreprise française. La direction générale du Trésor, interrogée sur le maintien du FASEP, a indiqué que ce dispositif apportait un double dividende : en soutenant l'internationalisation des entreprises et en permettant de comptabiliser ces interventions en APD.
Expertise France : une agence de
coopération technique
aux moyens en hausse en 2025
L'Agence française d'expertise technique internationale, « Expertise France », est une société par actions simplifiée, membre du groupe AFD depuis le 1er janvier 2022. Elle est placée sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances. Il s'agit de l'opérateur chargé de l'expertise et de l'assistance techniques internationales.
L'activité d'Expertise France se répartit entre les opérations bilatérales financées par la commande publique, d'une part, et les opérations multilatérales financées par un bailleur tiers suppléé par l'État si le financement est insuffisant, d'autre part.
Les moyens alloués à cet opérateur reposent à la fois sur le programme 110 et sur le programme 209, ce qui correspond à une répartition des financements entre les deux tutelles. Pour 2025 ce financement se compose :
- sur le programme 110, à la dotation versée à Expertise France qui s'élève à 11,6 millions d'euros en AE et 9,2 millions en CP. Cette part du financement est en légère hausse par rapport à 2024. Le programme 110 comprend également une enveloppe « Experts techniques internationaux » de 7 millions d'euros en AE et en CP dont la gestion est assurée par l'agence ;
- sur le programme 209, en 2025, à la dotation à Expertise France qui représente 100 millions d'euros en AE et 72,8 millions d'euros en CP, en augmentation par rapport à 2024 (+22 % en AE et + 3 % en CP).
Le renforcement des moyens de l'agence Expertise France va dans le sens des positions de la Cour des comptes qui préconise un rééquilibrage entre assistance financière et assistance technique au sein de l'APD française. Par rapport à l'assistance financière, l'assistance technique présente plusieurs avantages : la présence d'une mission d'expertise permet de renforcer la connaissance des besoins du pays partenaire, de constituer une garantie pour les bailleurs internationaux et de constituer un vecteur d'influence pour le pays aidant.
Ces différents avantages expliquent en partie la préservation des moyens de cette agence dans le budget 2025.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
3. La participation de la France au traitement de la dette des pays pauvres
L'action « Traitement de la dette des pays pauvres » du programme 110 retrace les versements effectués au profit de l'AFD ou d'institutions multilatérales en contrepartie du coût de l'annulation des créances qu'elles détiennent sur des pays en développement.
Pour mémoire, la France préside et assure le secrétariat du Club de Paris qui réunit 22 pays créanciers afin d'apporter des solutions coordonnées et durables aux problématiques soulevées par l'endettement des pays en voie de développement.
En outre, elle est partie à plusieurs accords bilatéraux ou multilatéraux visant l'annulation de l'endettement concessionnel, c'est-à-dire relatif à des emprunts contractés à des conditions préférentielles dans le cadre de la politique d'aide au développement, notamment :
- les accords de Dakar de 1989 et 1994 ainsi que l'accord faisant suite à la Conférence de Paris de 1990 prévoyant l'annulation de créances de l'AFD sur plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ;
- les conclusions du sommet du G8 de Gleneagles de 2005 prévoyant l'annulation de certaines créances de l'Association internationale de développement (AID) envers des pays pauvres et très endettés.
Pour 2025, 52,7 millions d'euros de crédits de paiement sont demandés. Aucune autorisation d'engagement nouvelle ne devrait être inscrite dans le projet de loi de finances. Les crédits de paiement ouverts devraient se répartir entre :
- 22 millions d'euros afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers la Banque mondiale. Le montant des crédits initialement prévu s'élevait à 83,86 millions d'euros mais, en raison du contexte budgétaire, la France a été contrainte de reporter une part de ce versement à 2026 et 2027 ;
- 30,7 millions d'euros afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers le Fonds africain de développement.
B. LE PROGRAMME 209 : UN PROGRAMME AUX MESURES DISCRÉTIONNAIRES LARGEMENT MISES À CONTRIBUTION DANS LES MESURES D'ÉCONOMIE
Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mise en oeuvre des opérations de coopération bilatérale, multilatérale et communautaire.
Ce programme porte l'essentiel de l'effort de réduction des crédits de la mission sur l'exercice 2025. En effet, ses moyens budgétaires devraient reculer de 1,05 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 855,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de respectivement 33 % et 26,2 %. Le programme se trouve ainsi amputé d'un tiers de ses moyens par rapport à l'exercice précédent. Cette consolidation budgétaire du programme repose essentiellement sur :
- une contraction des contributions internationales portées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ;
- une modération de l'aide-projet portée par l'Agence française de développement et le ministère ;
- un resserrement conséquent de l'aide humanitaire, marqué par la suppression de la réserve pour crises majeures.
Évolution des crédits du
programme 209 - Solidarité
à l'égard des
pays en développement
(en millions d'euros - en pourcentage)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution |
Variation en pourcentage |
|||||
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
3 179,9 |
3 265,5 |
2 131,1 |
2 410 |
- 1 048,8 |
- 855,5 |
- 33% |
- 26,2% |
Coopération multilatérale |
703,6 |
796,1 |
441 |
571 |
- 262,6 |
- 225,1 |
- 37,3% |
- 28,3% |
Coopération bilatérale |
2 191,3 |
2 184,3 |
1 546 |
1 694,9 |
- 645,2 |
- 489,5 |
- 29,4% |
- 22,4% |
Coopération communautaire |
285 |
285 |
144,1 |
144,1 |
- 140,9 |
- 140,9 |
- 49,4% |
- 49,4% |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
L'amendement qui devrait être déposé par le Gouvernement sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » suit également cette orientation. Les deux tiers des 641 millions d'euros de coupes additionnelles devraient ainsi porter sur le programme 209, pour 433 millions d'euros.
Répartition prévisionnelle des mesures d'économies portées par l'amendement de crédits du Gouvernement
(en millions d'euros et en pourcentage)
PLF 2025 |
PLF 2025 - post amendement de crédits |
Variation en pourcentage |
||||
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
2 131,1 |
2 410 |
1 697,2 |
1 975,5 |
-20,4% |
-18% |
Coopération multilatérale |
441 |
571 |
237,7 |
272,5 |
-46,1% |
-52,3% |
Coopération bilatérale |
1 546 |
1 694,9 |
1 315,4 |
1 558,9 |
-14,9% |
-8% |
Coopération communautaire |
144,1 |
144,1 |
144,1 |
144,1 |
- |
- |
Source : commission des finances d'après les auditions
1. Une forte contraction des contributions, majoritairement volontaires, portées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Les versements multilatéraux du programme 209 devraient baisser de 37 % en autorisations d'engagement et de 28 % en crédits de paiement. Cette contraction, plus conséquente sur le programme 209 que pour les contributions du programme 110, s'explique essentiellement en raison du statut des contributions versées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangère sur ce programme. Il s'agit en effet très majoritairement de contributions volontaires.
Les contributions du programme 209 sont regroupées en trois grands ensembles : les contributions à la Francophonie, les contributions volontaires aux Nations unies et les « autres contributions volontaires ».
S'agissant des contributions au système onusien, hors domaine humanitaire dont l'ensemble des crédits est traité infra, il importe de noter que la baisse des versements de la France (- 89,5 millions d'euros en AE et - 122 millions d'euros en CP) devrait conduire à la suppression ou à la non-reconduction de petites contributions à des initiatives onusiennes. En 2024, la France avait par exemple participé à hauteur d'un million d'euros au Réseau P4H, en matière de santé, ou pour des montants d'un million d'euros en AE et de 400 000 euros en CP à l'Agenda des Nations unies pour l'identité juridique. La restriction des marges de manoeuvre budgétaires se traduit ainsi par une réduction de la participation à de petites entités.
Concernant la catégorie des « autres contributions volontaires », la diminution des crédits est encore plus significative avec une baisse de 43 % des AE (- 138,7 millions d'euros) et de 27 % des CP (- 99 millions d'euros). L'analyse des contributions à venir sur 2025 est cependant rendue complexe par l'absence de détails des versements dans le projet annuel de performances.
2. Un recul de l'aide humanitaire qui remet en cause l'objectif de porter à un milliard d'euros cette catégorie d'aide en 2025
Selon le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, l'aide humanitaire vise à « assurer l'assistance et la protection des personnes vulnérables et à répondre aux besoins fondamentaux des populations affectées par une catastrophe naturelle ou un conflit ». Ces besoins fondamentaux regroupent l'accès à l'eau, à des soins médicaux ou à la nourriture.
L'aide humanitaire de la France se caractérise par un fort morcellement de ses canaux de financement. Elle repose sur des instruments directement pilotés par le centre de crise et de soutien (fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation), la direction de la mondialisation (aide alimentaire programmée), l'AFD (Fonds Minka) et sur les contributions volontaires aux Nations unies. Jusqu'au projet de loi de finances pour 2025, ces enveloppes pouvaient également être abondées par la provision pour crises majeures. L'ensemble de ces crédits est porté par le programme 209 :
- pour son versant bilatéral, sur l'opération budgétaire « Gestion et sortie de crises » et l'opération budgétaire dédiée à l'aide projet ;
- pour sa partie multilatérale, sur l'opération budgétaire « contributions volontaires aux Nations unies ».
Évolution des crédits liés à l'aide humanitaire entre 2018 et 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Depuis 2018, l'aide humanitaire française a connu une très forte hausse, accompagnant la progression générale des crédits de l'aide au développement. Les crédits dédiés à cette aide d'urgence ont ainsi été multiplié par cinq sur la période 2018-2024. Ce bondissement de l'aide humanitaire a permis à la France de se placer au dixième rang des bailleurs internationaux.
La programmation stratégique de la politique de développement française prévoyait une poursuite de cet effort. Ainsi, les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement de juillet 2023 fixait comme objectif d'atteindre une cible d'un milliard d'aide humanitaire en 2023. La stratégie humanitaire de la République française pour les années 2023 à 202729(*), rendue publique à la fin de l'année 2023, a réitéré cet objectif.
L'exercice 2025 devrait, en toute vraisemblance, mettre un coup d'arrêt à cette ambition. Avec 500 millions d'euros de crédits ouverts dans le projet de loi de finances, le niveau de l'aide d'urgence baisserait quasiment de moitié et reviendrait à son niveau de 2022.
En se reportant sur l'opération budgétaire « Gestion et sortie de crises », il est aisé d'observer la rétractation des moyens pour l'année 2025. L'aide alimentaire programmée, instrument spécifiquement dédié à la lutte contre l'insécurité alimentaire, recule ainsi de 20 millions. C'est toutefois l'instrument le plus récent de l'aide humanitaire, la provision pour crises majeures, qui porte l'essentiel de la réduction des crédits puisque cette enveloppe fait l'objet d'une suppression. Intervenant en complément des autres instruments d'aide humanitaire, la provision pour crises majeures est une réserve d'urgence inscrite au sein du programme 209 depuis 2022. Elle permettait d'abonder des lignes budgétaires existantes, en premier lieu l'aide alimentaire programmée, le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation et les contributions volontaires aux Nations unies, pour faire face à des engagements humanitaires ou sanitaires imprévus sans nécessité de demander l'ouverture de nouveaux crédits en cours de gestion.
Doté de 270 millions d'euros en AE=CP en LFI pour 2023 comme en LFI pour 2024, cette enveloppe avait fait l'objet de critiques tant par la commission des finances30(*) que par la Cour des comptes31(*). Si l'utilité d'un instrument de souplesse budgétaire permettant de parer aux urgences humanitaires n'était pas contesté, le montant des crédits inscrits paraissait démesuré (7,9 % des crédits du programme 209 en 2023). De plus, cet instrument finançait des engagements non identifiables au stade de la programmation et échappait ainsi, dans sa ventilation, à l'autorisation parlementaire.
Interrogée sur cette suppression, la direction générale de la mondialisation a regretté l'abandon de ce dispositif de souplesse budgétaire. Pour autant, la fin de cette enveloppe a permis de relativement préserver les autres canaux d'aide humanitaire.
Ainsi, le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), géré par le centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, est exclu de la baisse des moyens du programme et voit même son enveloppe augmentée de 20 millions d'euros. Le FUHS perd cependant, avec la provision pour crises majeures, une réserve d'urgence conséquente qui lui permettait d'absorber les crises humanitaires les plus aigües. La préservation des crédits du FUHS traduit le mouvement de recentrement de l'aide humanitaire de la France au sein du centre de crise et de soutien.
Comparaison des dotations de crédits de
l'opération budgétaire
« Gestion et sortie de
crise » entre 2024 et 2025
(en millions d'euros)
Note : année 2024 à gauche et année 2025 à droite.
Source : commission des finances
S'agissant du volet multilatéral de l'aide humanitaire, constitué par les contributions volontaires aux entités des Nations unies menant des actions d'urgence et de stabilisation, les versements devraient décroitre d'un quart. Un montant de 150 millions d'euros en AE=CP est ainsi inscrit dans le projet de loi de finances contre 200 millions l'année dernière.
Pour les années à venir, la baisse des financements de l'aide humanitaire devra être compensée par des efforts en termes de coordination entre les différents canaux d'aide. La forte progression des crédits ces dernières années n'a pas été accompagnée par des moyens de gestion adaptés. Le bilan de la précédente stratégie humanitaire de la République française soulignait à cet égard que « le manque de moyens dédiés pour accompagner cette montée en puissance de l'aide humanitaire et la difficile coordination des financements, vont à l'encontre des engagements pris par la France »32(*). En ce sens, la création en 2023 d'une Task Force de l'aide humanitaire, sous l'égide du centre de crise et de soutien, devrait permettre une meilleure coordination entre les différents guichets de l'aide française.
Les rapporteurs spéciaux émettent toutefois des doutes sur le réalisme de la programmation de l'aide humanitaire pour 2025. La multiplication des crises internationales ces dernières années, en particulier au Proche Orient, a contribué à la progression des dépenses d'urgence de la mission « Aide publique au développement ». Pour autant, il est probable qu'en cas de survenance d'une crise humanitaire en cours d'année, les lignes de crédits dédiées à l'aide humanitaire soient abondées par des ouvertures ou des redéploiements de crédits.
3. Une baisse de l'aide-projet principalement supportée par l'Agence française de développement
L'aide-projet est définie, selon les pays concernés et les bénéficiaires, comme :
- des dons accordés aux pays les plus pauvres ;
- des prêts à conditions très favorables, accordés aux États ou à des entreprises avec l'aval des États dans les pays à revenu intermédiaire ;
- des prêts accordés à des entreprises ou à des banques, sans l'aval des États, à des conditions améliorées ou à des conditions proches de celles du marché.
Entre 2019 et 2024, le niveau de l'aide-projet, qui se décline entre l'aide-projet géré par l'Agence française de développement et l'aide-projet gérée directement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a connu un renforcement significatif et a dépassé le milliard d'euros en 2023. Cette hausse s'inscrit dans le cadre de la réalisation de l'objectif d'un renforcement de la « composante don » de l'aide publique au développement fixé par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement de février 2018, d'une part, et par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement, d'autre part.
Le projet de loi de finances pour 2025 réduit largement l'enveloppe d'aide-projet, principalement pour sa part portée par l'AFD. Les moyens proposés se situent à 900,8 millions d'euros en AE et 1,1 milliard d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 26,5 % et de 7,9 %.
S'agissant de l'aide-projet gérée par l'AFD, l'enveloppe proposée se situe à 760 millions d'euros d'autorisations d'engagement (- 27 %) et 936,8 millions d'euros en crédits de paiement (- 5 %). Le guichet ONG est davantage affecté que le don-projet et se situe à 153 millions d'euros en 2025. Il est probable que cette baisse des crédits gérés par l'AFD conduira cette dernière à réduire son plan d'affaires en matière d'aide-projet.
La baisse des crédits est plus significative sur les autorisations d'engagement en raison de l'importance des restes-à-payer pour des projets engagés au cours des années précédentes. Dans les années à venir, le besoin en crédits de paiements visant à honorer les engagements antérieurement pris devrait demeurer important et constituer un facteur de rigidité pour l'évolution des crédits de la mission.
Les divers dispositifs d'aide-projet gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ont été regroupés au sein de l'appellation « Fonds Équipe France ». Cette rationalisation des instruments a permis une relative préservation des moyens du ministère en comparaison de l'enveloppe allouée à l'AFD, le Fonds Équipe France étant doté en 2025 de 135 millions d'euros en AE=CP contre 180 millions d'euros pour le total des instruments fusionnés en 2024.
4. Une extinction programmée des dépenses de la mission concourant au Fonds européen de développement
Les crédits demandés au titre de la coopération communautaire, qui correspondent à la participation de la France au Fonds européen de développement (FED), continuent de reculer en 2025 pour se situer à 144,1 millions d'euros en AE=CP contre 285 millions d'euros l'année passée.
Cette contraction continue était attendue dans la mesure où, dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP), le FED a été remplacé par un nouvel instrument, le NDICI33(*)/L'Europe dans le monde, doté de 79,5 milliards d'euros pour la période du CFP. Les financements dédiés à ce nouvel instrument seront supportés par le prélèvement sur recettes versé au profit de l'Union européenne (PSR-UE) et ne seront donc pas retracés par la présente mission.
Néanmoins, la pluriannualité de la programmation du FED implique que des versements devront être opérés par la France au moins jusqu'en 2028, date à partir de laquelle l'ensemble des restes à payer auront été apurés.
C. LE PROGRAMME 365 : UNE OPÉRATION BUDGÉTAIREMENT NEUTRE POUR LES FINANCES DE L'ÉTAT
Depuis 2021, la maquette de la mission « Aide publique au développement » comprend un programme dédié au renforcement des fonds propres de l'AFD. Confié à la direction générale du Trésor, le programme 365 permet un abondement de l'agence en capital afin de respecter le cadre prudentiel applicable aux sociétés de financement.
En effet, l'évolution du cadre réglementaire européen, avec l'entrée en vigueur en juin 2021 du règlement (UE) 20219/876 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 201934(*), dit « CRR2 », a conduit à exclure du périmètre des ressources prises en compte pour le calcul des ratios prudentiels les « ressources à conditions spéciales » (RCS) qui sont des prêts accordés annuellement par le Trésor à l'AFD à des conditions très préférentielles.
Pour assurer le respect de la limite du ratio grands risques à 25 % des fonds propres de l'AFD, les opérations successives menées sur le programme 365 ont conduit à une conversion des prêts de ressources à condition spéciale en fonds propres.
Le renforcement des fonds propres voté en loi de finances initiale pour 2021 a pris la forme d'une augmentation de capital de l'ordre de 500 millions d'euros, directement comptabilisée dans les fonds propres réglementaires, et d'une conversion du stock des ressources à conditions spéciales souscrite par l'AFD auprès du Trésor pour 920 millions d'euros. Cette opération de conversion de RCS en prise de participation de l'État a été réitérée :
- en 2022, pour un montant de 190 millions d'euros en crédits de paiement ;
- en 2023 puis en 2024, pour un montant de 150 millions d'euros en crédits de paiement.
Pour 2025, ce sont 145 millions d'euros qui sont demandés pour assurer cette action. Concrètement, cette opération se traduit par les mouvements budgétaires suivants :
- l'AFD remboursera de façon anticipée le prêt préférentiel du Trésor de 145 millions d'euros qui lui est versé cette année et qui est retracé au programme 853 du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » ;
- le programme 365 versera 145 millions d'euros au compte d'affection spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) ;
- celui-ci versera une dotation en capital à l'AFD d'un montant de 145 millions d'euros.
En comptabilité budgétaire, cette opération se traduit par une suite d'opérations se compensant partiellement pour aboutir à un décaissement net pour l'État de 145 millions d'euros.
En comptabilité nationale, cette opération est neutre pour le budget de l'État, dans la mesure où elle constitue une prise de participation et n'est donc pas comptabilisée comme une dépense.
D. LE PROGRAMME 370 : LA POURSUITE DE LA RESTITUTION DES BIENS MAL ACQUIS
En application de la loi de programmation du 4 août 2021, un nouveau programme a été introduit par la loi de finances pour 2022 afin de mettre en oeuvre l'engagement de la France pour la restitution des biens mal acquis. Cette évolution est venue concrétiser une initiative portée par le Sénat qui avait adopté, dès 2019, une proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale.
Le programme 370 est doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis par l'Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC). Cette dernière opère sous la double tutelle du ministère de la justice et du ministère de l'économie et des finances. L'objectif de ce dispositif est de restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes des infractions, via la mise en oeuvre d'actions de développement dans le pays concerné et en accord avec ce dernier.
En loi de finances initiale pour 2024, le programme 370 avait été alimenté pour la première fois avec l'ouverture de 6,1 millions d'euros en AE=CP. Ce versement correspondait aux cessions issues de l'affaire « Obiang » du nom du fils de l'ancien président et lui-même vice-président de la Guinée-Équatoriale, Teodorín Obiang, condamné définitivement par la Cour de cassation en juillet 2021 dans une affaire de biens mal acquis.
Pour 2025, un total de 140,3 millions d'euros devrait être inscrit sur le programme 370. Un premier versement, issu de la vente de biens confisqués à Rifaat al-Assad, oncle du président Syrien, pourrait notamment intervenir en 2025. Le montant des cessions réalisées s'élève à 32 millions d'euros. Toutefois, l'absence de relations diplomatiques entre la France et la Syrie impose une restitution des biens via le financement d'actions bénéficiant à la société civile syrienne.
E. LE PROGRAMME 384 : UNE INÉVITABLE ET TARDIVE REBUDGÉTISATION DU FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT
La création d'un nouveau programme budgétaire 384 tire, tardivement, les conséquences de la réforme de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. En effet, la loi organique du 1er août 2001, dans sa version révisée par la loi organique du 28 décembre 2021, dispose à son article 2 que « Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 » et à son article 34 que cette affectation ne peut se faire qu'au profit de personnes morales autres que l'État.
Or, jusqu'alors, le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) faisait l'objet d'un financement à partie du produit de deux taxes affectées : la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et la taxe sur les transactions financières (TTF). Géré par l'Agence française de développement, le FSD assurait des financements multilatéraux dans le domaine de la santé, du climat et de l'environnement.
Financement du Fonds de solidarité pour le développement
(en millions d'euros)
Taxes affectées |
Exécution 2023 |
Prévisions 2024 |
Taxe de solidarité sur les billets d'avion |
210 millions d'euros |
206,85 millions d'euros |
Taxe sur les transactions financières |
528 millions d'euros |
528 millions d'euros |
Total |
738 millions d'euros35(*) |
734,85 millions d'euros |
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Le fonctionnement actuel du FSD entrait en contradiction directe avec la lettre de la Lolf révisée :
- d'une part, il s'agissait d'un fonds sans personnalité morale ;
- d'autre part, comme la direction du budget, interrogée par les rapporteurs spéciaux, a pu le rappeler, les taxes affectées ne présentaient pas de lien direct entre l'objet de la dépense et l'assiette de la taxe.
La rebudgétisation de cet instrument apparaissait, par conséquent, inévitable. Le nouveau programme 384 est placé sous la responsabilité de la direction générale de la mondialisation. Au sein d'une action unique, deux budgets opérationnels de programme sont créés, respectivement gérés par la DGM et la direction générale du Trésor pour 487 millions d'euros et 251 millions d'euros.
Les rapporteurs spéciaux considèrent toutefois que cette rebudgétisation aurait pu être plus largement anticipée par les ministères et l'AFD. Le remplacement de l'affectation d'une partie du produit de la TSBA et de la TTF a, en effet, suscité de fortes inquiétudes par les organisations de la société civile. La décorrélation entre ces impositions et le fonds fait craindre à ces acteurs, qui se sont exprimés par voie de presse, une baisse des financements du programme 384 dans les années à venir. Il est vrai que la forte mise à contribution de la mission en 2025 ne contribue pas à apaiser ces craintes.
Dès lors que les conditions posées par la Lolf étaient connues, le MEAE, le ministère de l'économie et des finances et l'AFD auraient dû se saisir de cette question plus tôt. Il est simultanément étonnant et regrettable que cela n'ait pas été le cas. La Cour des comptes recommandait depuis plusieurs années dans ses notes d'exécution budgétaires d'opérer cette rebudgétisation36(*).
Pour les années à venir, il importe que les responsables de programme s'interrogent :
- en premier lieu, sur la pertinence du maintien de cette enveloppe sur un programme distinct. Une fois perdu leur mode de financement spécifique, les contributions multilatérales versées par cet instrument ne diffèrent pas de celles portées par les programmes 110 et 209. Il paraît nécessaire d'en interroger la pertinence et les risques de redondance, au même titre que les autres actions de la mission37(*) ;
- en second lieu, sur la sanctuarisation de son montant, dès lors que les crédits de la mission ont fortement diminué, il n'apparaît pas cohérent de préserver cette seule ligne budgétaire.
L'affectation de la taxe de solidarité sur
les billets d'avion et la taxe
sur les transactions financières au
FSD avant 2025
Créé par la loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, le FSD est un fonds sans personnalité juridique, alimenté par deux taxes affectées, pour des montants plafonnés en loi de finances et lui permettant de disposer d'un total des 738 millions d'euros de ressources. Il s'agit :
- depuis 2006, de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, pour un montant plafond de 210 millions d'euros par an ;
- depuis 2013, de la taxe sur les transactions financières pour un montant plafond de 528 millions d'euros par an.
Le mécanisme de plafonnement annuel des taxes affectées à des tiers introduit par la loi de finances initiale pour 2012 a été étendu en 2013 aux taxes affectées au FSD. Pour la taxe sur les transactions financières, le plafond de la part versée au FSD a augmenté progressivement, de 60 millions d'euros à 528 millions d'euros. Il était de 210 millions d'euros pour la TSBA.
La liste des institutions de développement pouvant bénéficier des ressources du FSD est fixée par le décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le Fonds de solidarité pour le développement. Ce décret fixe les modalités d'utilisation des ressources affectées au fonds, qui peuvent notamment financer le secteur de la santé, du climat et de l'environnement. Le fonds finance principalement des dépenses d'aide multilatérale mais peut aussi, « à titre subsidiaire », financer de l'aide bilatérale.
Source : commission des finances
III. LES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »
Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les prêts consentis à des États dans une logique d'aide publique au développement, à l'exception du compte 854 relatif à la participation de la France au désendettement de la Grèce et qui ne supporte plus aucune dépense.
Les prêts accordés s'inscrivent dans le cadre de la politique française de développement en participant à la mise en oeuvre du programme d'action d'Addis-Abeba, de juillet 2015, dans sa partie « dette et soutenabilité de la dette ». Ces prêts permettent de renforcer la stabilité macroéconomique des pays bénéficiaires et d'y encourager les conditions d'une croissance durable.
Détail des crédits du compte de concours financiers
(en euros)
Programme |
Recettes |
AE |
CP |
Solde |
851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France |
262 393 839 |
1 000 000 000 |
758 302 551 |
- 495 908 712 |
852 - Prêts résultant de l'exécution d'accords conclus avec les gouvernements étrangers et portant consolidation des dettes de leur pays envers la France |
51 587 962 |
64 884 785 |
64 884 785 |
- 13 296 823 |
853 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers |
166 500 000 |
0 |
145 000 000 |
+ 21 500 000 |
854 - Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro38(*) |
0 |
0 |
- |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
A. LE PROGRAMME 851
Les crédits du programme 851 correspondent au montant des prêts qui peuvent présenter un caractère concessionnel consenti ou qui sont consentis à d'autres États pour la réalisation d'opérations qui participent au développement du commerce extérieur français.
Les autorisations d'engagement du programme représentent les montants que l'État envisage d'octroyer sous forme de prêts l'année suivante tandis que les crédits de paiement, sont constitués des décaissements effectifs des prêts passés ou futurs. En miroir, les recettes du programme sont formées des versements d'intérêts ou de remboursements de capital par les États débiteurs.
Un milliard d'euros sont prévus en autorisations d'engagement pour 2025. Ils visent à financer des projets d'infrastructures dans les pays émergents du Maghreb, d'Afrique occidentale et d'Asie ainsi que des projets de reconstruction en Ukraine.
S'agissant des crédits de paiement, 758,3 millions d'euros sont prévus au titre de l'exercice 2025. Les principaux décaissements concernés sont liés aux financements de projets d'infrastructures dans les secteurs des transports, de l'énergie, de l'eau, de la santé et de la sécurité civile.
B. LE PROGRAMME 852
Les crédits du programme 852 correspondent aux prêts octroyés pour la mise en oeuvre d'accords d'annulation ou de consolidation des créances détenues par l'État et ses opérateurs (AFD et ancienne Banque française du développement, aujourd'hui Natixis) envers des pays en développement. Les prévisions de dépenses sont établies en fonction des hypothèses de traitement susceptibles d'être conclus à court terme dans le cadre du Club de Paris.
Les recettes du programme sont constituées des remboursements du capital effectués par les pays emprunteurs. Le remboursement des intérêts est enregistré au budget général de l'État.
Pour l'année 2025, les montants demandés en AE et en CP, de l'ordre de 64,9 millions d'euros résultent des hypothèses faites par le Gouvernement quant au volume de traitement de dettes susceptible d'être conclues au cours de l'année à venir.
Les prévisions de dépenses reposent sur la poursuite du refinancement au titre du Cadre commun du traitement de flux accordé au Ghana. Les opérations de traitement de la dette de l'Éthiopie, sont reportées à 2025 et conditionnées à la conclusion d'un accord technique avec le FMI pour un financement pluriannuel.
C. LE PROGRAMME 853
Les crédits du programme 853 correspondent aux prêts octroyés par l'État à l'AFD à des conditions très préférentielles pour permettre à l'agence, par la suite, d'offrir des financements concessionnels à des États étrangers ou des organisations internationales. Les recettes du programme sont constituées des remboursements par l'AFD de ces « ressources à conditions spéciales » (RCS) perçues auparavant. Ce programme est mis en extinction progressive.
En 2024, les crédits demandés s'élèvent à 145 millions d'euros en crédits de paiement et correspondent au décaissement de prêts concédés les années précédentes. Pour mémoire, cette dépense s'inscrit dans le cadre de l'opération de renforcement des fonds propres de l'AFD portée par le programme 365 et décrite supra.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Thomas Dossus, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». - La mission « Aide publique au développement » est particulièrement mise à contribution dans le cadre de l'effort budgétaire proposé pour 2025.
Les crédits demandés s'élèvent à 4,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 4,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Pour mémoire, ils ne représentent qu'une partie du montant global de l'aide publique au développement de la France, qui atteint 14,8 milliards d'euros en 2024.
En 2025, le périmètre de la mission intègre le programme 384, qui est nouveau et acte la rebudgétisation du fonds de solidarité pour le développement (FSD). Jusqu'alors, ce fonds sans personnalité juridique était affectataire d'une partie de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières, pour un montant de 738 millions d'euros. Avec l'entrée en vigueur de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le FSD est désormais intégré aux crédits de la mission.
En tenant compte des ajustements de périmètre, la baisse des crédits de la mission s'élève à 19 % en AE et à 23 % en CP. Si l'on prend en considération les amendements de crédits annoncés par le Gouvernement pour un montant de 641 millions d'euros en CP, le montant des CP de la mission se situerait à 3,8 milliards d'euros en 2025, soit une baisse de 34,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Il s'agit donc de la mission la plus affectée par les coupes budgétaires, en volume.
En proportion, la mission avait déjà été la plus ponctionnée lors des annulations de crédits en février 2024, avec une réduction de 13 % des crédits votés par le Parlement quelques semaines plus tôt.
Certes, la trajectoire de dépenses proposée par la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales était trop ambitieuse, puisqu'elle fixait l'objectif d'un montant de l'aide publique au développement s'élevant à 0,7 % du revenu national brut en 2030. L'an dernier, nous avons d'ailleurs présenté avec Michel Canévet un amendement visant à diminuer les crédits de la mission.
Pour autant, l'effort demandé me semble disproportionné. Au-delà du coup de rabot qu'elle représente, cette coupe budgétaire traduit un renoncement à l'ambition affichée par la France. Une telle déstabilisation du volume des crédits de la mission, provoquée dans la précipitation, ne sera pas sans conséquence.
En effet, celle-ci frappe jusqu'aux fondamentaux de l'aide publique au développement, dont nous pouvions penser qu'ils seraient préservés : l'aide d'urgence, l'aide alimentaire et l'aide humanitaire. De plus, ces fondamentaux sont touchés dans un moment où les crises sont fortes, partout à travers le monde.
À cet égard, l'exemple récent du Liban est significatif, tout comme celui du Soudan. Ce dernier illustre combien l'effondrement de la sécurité et de la santé dans les États les moins développés multiplie les enjeux pour notre pays, surtout en ce qui concerne la sécurité sanitaire et la question migratoire. Ainsi, 10 millions de Soudanais sont aujourd'hui en exil. À Calais, ils représentent 60 % des migrants. Il est paradoxal de découpler nos ambitions en matière de solidarité internationale et de politique migratoire.
De plus, la suppression de la provision pour crises majeures pose question, eu égard à l'instabilité climatique et géopolitique du monde.
Concernant les contributions multilatérales, nous sommes tentés de saluer la réduction, au sein du programme 110, des participations de la France à de nombreux organismes, ce qui répond aux recommandations de la Cour des comptes.
Cependant, en y regardant de plus près, nous constatons que c'est le programme 209 du ministère des affaires étrangères qui subit l'essentiel des efforts de réduction des crédits. En fait, on s'attaque aux contributions volontaires du programme, qui résultent des choix stratégiques de la France, plutôt qu'à certaines contributions obligatoires relevant du programme 110, pourtant responsables de la rigidification des dépenses.
Les baisses des crédits de la mission, opérées sans discernement, contribueront à l'effort de redressement des finances publiques, mais passeront à côté de l'enjeu de la rationalisation. Ainsi, le Fonds d'études et d'aide au secteur privé (Fasep), particulièrement critiqué par l'inspection générale des finances pour son inefficience, se trouve malgré tout maintenu.
Enfin, l'aide au développement constitue un canal de projection internationale pour nos entreprises, qui peuvent accéder aux marchés émergents par ce biais. À cet égard, les critères d'appel d'offres de l'Agence française de développement (AFD) intègrent dorénavant les dimensions sociale et environnementale, évitant ainsi de privilégier les offres moins-disantes. Sur la totalité des appels d'offres internationaux financés par l'AFD entre 2019 et 2023, la part de marché des entreprises françaises s'élevait à 51 %, ce qui correspond à 800 marchés et à 2,5 milliards d'euros.
L'ampleur de cette coupe budgétaire porte atteinte à l'action humanitaire menée par la France, ne permet pas de rationaliser nos contributions multilatérales et aura un impact économique qui n'est pas pris en compte. L'effort légitime demandé à la mission, comme aux autres, doit être abordé avec nuance et pragmatisme, pour éviter la faute politique qui consisterait à abîmer la voix de la France à l'international. Les mesures d'économies demandées me paraissent disproportionnées et mettent en péril notre influence dans le monde. J'émettrai donc un avis de rejet de ces crédits.
M. Michel Canévet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». - Comme vient de l'indiquer Raphaël Daubet, la mission connaît une diminution de ses CP de près d'un quart et la trajectoire fixée par la loi de programmation du 4 août 2021 paraît aujourd'hui caduque. J'en tire toutefois des conclusions différentes de celles de mon corapporteur.
La forte contraction des moyens de la mission constitue le revers d'une trajectoire de dépenses trop ambitieuse. En effet, entre 2017 et 2023, le volume de la mission avait progressé de 40 %. Dans un contexte budgétaire dégradé, il n'est pas illégitime de s'interroger sur le volume et la qualité de nos dépenses publiques en la matière. Plusieurs pays ont d'ailleurs revu à la baisse leurs objectifs d'aide publique au développement ces dernières années.
En premier lieu, je rappellerai que l'augmentation importante des moyens de notre politique de développement présentait deux limites principales.
D'abord, le quasi-doublement des moyens de la mission s'est accompagné d'une rigidification croissante des dépenses. Si l'on examine le programme 110, géré par la direction générale du Trésor, nous constatons que la baisse des dépenses est entravée par le volume conséquent des restes à payer. Ce programme comprend en effet d'importantes dépenses obligatoires, en particulier des contributions internationales à de grands fonds multilatéraux et des crédits de bonification des prêts de l'AFD. Le caractère pluriannuel de ces dépenses limite les marges de manoeuvre budgétaires du Gouvernement.
Ensuite, la trajectoire de notre aide publique au développement a conduit à un risque de sous-exécution des crédits et de dispersion des dépenses. Certaines enveloppes, comme les crédits de l'aide-projet ou la provision pour crises majeures, faisaient chaque année l'objet d'une sous-exécution. S'agissant des contributions internationales, la récente enquête de la Cour des comptes a souligné que nous contribuons au budget de 271 entités multilatérales, parfois pour des sommes modiques et donc peu efficaces.
Je salue à cet égard les efforts fournis par la direction générale du Trésor et la direction générale de la mondialisation, qui ont su, en réaction à la réduction de l'enveloppe budgétaire, concentrer les dépenses sur leurs priorités stratégiques et abandonner des instruments plus accessoires. La forte réduction de la participation française aux fonds fiduciaires de la Banque mondiale en 2025 en est une illustration.
En second lieu, ces coupes franches appellent une ligne claire. La redéfinition du montant des crédits de l'aide au développement doit être l'occasion de mieux définir nos objectifs et la doctrine d'utilisation de nos instruments. En ce sens, nous identifions trois priorités pour les prochains exercices.
D'abord, il paraît indispensable d'opérer une véritable revue de dépenses de nos contributions internationales. Le renouvellement de nombreux fonds verticaux en 2026 devra constituer l'occasion, pour le Gouvernement et le Parlement, de réexaminer l'ensemble des participations aux entités multilatérales, pour mieux sélectionner nos versements.
Dans le même sens, il faudra établir une doctrine claire quant à l'articulation entre les canaux multilatéraux et bilatéraux qu'emprunte notre aide. Il en est de même concernant l'articulation avec les instruments européens d'aide au développement : le Fonds européen de développement (FED), auquel nous versons encore 144 millions d'euros de crédits cette année alors qu'il est en voie progressive d'extinction, et l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI).
Ensuite, trois ans après l'adoption de la loi de programmation, il apparaît indispensable de concrétiser l'objectif d'amélioration de l'évaluation de cette politique publique. En ce sens, nous regrettons la trop lente concrétisation des instruments introduits par la loi. Ainsi, le premier rapport annuel relatif à la politique de développement n'a été remis qu'en juin dernier et la commission d'évaluation de l'aide publique au développement ne sera mise en place que début 2025 ; il nous faudra suivre son installation avec attention.
Enfin, la baisse du volume de la mission impose une actualisation des objectifs de notre politique de développement. À ce titre, les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de juillet 2023 apparaissent en décalage avec les moyens dont nous disposerons dans les années à venir. Il faudra changer son fonctionnement et associer davantage le Parlement à la définition de notre politique de développement.
En conclusion, je vous invite à adopter les crédits de la mission et ceux du compte de concours financier « Prêts aux États étrangers ».
M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur les programmes « Aide économique et financière au développement » et « Solidarité à l'égard des pays en développement ». - J'ai entendu les deux rapporteurs spéciaux : l'un s'est positionné dans le champ politique et l'autre dans celui de la gestion budgétaire.
D'abord, la pauvreté s'accroît dans le monde, la malnutrition demeure un problème majeur et la santé comme l'éducation restent plus que jamais essentielles.
De plus, notre intervention soulève la question de l'interdépendance à l'échelle mondiale, qui est de plus en plus prégnante et dont la conscience est largement partagée. Des efforts sont menés dans les domaines de l'alimentation, de la biodiversité, de la gestion de l'eau, de la lutte contre le réchauffement climatique ou encore de la gestion des flux migratoires. Sur toutes ces questions, l'interdépendance est réelle et la France doit jouer son rôle.
On peut s'interroger sur le caractère raisonnable de la diminution proposée des crédits. Quel message est ainsi exprimé, auprès des Français et de l'opinion publique mondiale, quant aux responsabilités que la France considère comme siennes au niveau international, à un moment où elle est contestée, en Afrique en particulier ?
On peut aussi questionner les conséquences qu'une telle baisse aura sur les actions menées sur le terrain, notamment par des ONG déjà touchées de plein fouet par la diminution des crédits qui a eu lieu cette année.
Il nous reste des auditions à mener et je conviens que certains éléments budgétaires méritent rationalisation. Cependant, sur le plan politique et compte tenu des conséquences à prévoir sur les actions en cours, il me semble difficile de pouvoir émettre un avis favorable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Certes, des efforts de rationalisation sont à fournir, mais il faudrait balayer devant notre porte. Entre 2017 et 2023, le volume de la mission a augmenté de 40 % et il s'est accompagné d'une rigidification de la dépense, qui est contraire à l'idée d'autorisation parlementaire.
Avec le décret de février dernier, des coupes sérieuses ont déjà eu lieu et le Gouvernement en propose de nouvelles.
Il nous faut considérer l'évolution récente de la relation de la France avec ses partenaires en matière de développement international. Ainsi, certains pays lui ont soudainement demandé de quitter des territoires qu'elle aidait depuis longtemps.
Je souscris à la nécessité d'actualiser les objectifs de la politique d'aide au développement. En effet, on ne peut pas penser qu'en diminuant nos moyens, nous pourrons continuer à mener les mêmes actions. Ce travail d'actualisation doit être réalisé de manière collégiale et s'appuyer sur le point de vue du Parlement.
Mme Nathalie Goulet. - Il a toujours été difficile d'évaluer l'efficacité de la politique d'aide au développement.
Je m'interroge sur la taxe sur les billets d'avion : à combien s'élève-t-elle ? Qui la collecte ? Une société privée s'en charge-t-elle ? Comment est-elle redistribuée ?
J'en viens au centre de crise et de soutien (CDCS), qui constitue une pépite de notre diplomatie et dont l'activité risque d'être pénalisée par la baisse des moyens alloués à l'aide humanitaire. Quelles diminutions de budget sont prévues ?
- Présidence de M. Thomas Dossus, vice-président -
M. Vincent Delahaye. - Je félicite Michel Canévet pour son courage. En effet, il est rare qu'un rapporteur spécial donne un avis favorable à des crédits qui baissent à ce point ; il s'agit d'une bonne jurisprudence, qui devrait nous inspirer.
Il me semble irresponsable d'avoir augmenté de façon considérable les crédits de la mission ces dernières années, sans avoir les moyens de les financer.
Je n'avais pas voté la loi de programmation de 2021. Le coût démesuré du nouveau siège du groupe AFD m'a également interpellé. Où en est-on à ce sujet ? Que sont devenus ces locaux largement surdimensionnés ?
J'avais alors souhaité que nous recentrions l'aide au développement sur les pays les plus pauvres, qui reçoivent à peine la moitié des sommes allouées à l'ensemble des pays. Le conseil d'administration de l'AFD s'est-il saisi de tous les projets ? Fonctionne-t-il de façon correcte ?
M. Éric Jeansannetas. - Deux points de vue s'affrontent en effet et l'un est gestionnaire.
Ce rude coup de rabot fragilise-t-il nos actions en faveur de la vaccination et des associations féministes dans le monde, en faveur de la lutte contre la famine et la malnutrition ? Les crédits sont-ils préservés dans ces domaines ou s'agit-il d'un affaiblissement complet en la matière ? Réduire ces actions de solidarité internationale peut poser de graves problèmes et jouer sur notre stabilité future.
M. Victorin Lurel. - Certes, il faut faire des efforts, mais ce qui est proposé me semble lourd et disproportionné.
Au 31 décembre 2024, selon votre graphique, les restes à payer représentent près de 8 milliards d'euros. Vous proposez une trajectoire pour les absorber, mais, au-delà de 2027, il restera encore plus de 5 milliards d'euros à financer. Une grande partie des crédits sont ainsi absorbés. La mission n'est-elle pas dès lors cantonnée à une inertie totale, qui entraîne une perte de rayonnement pour la France ?
Il y a plusieurs années, nous avions eu un débat sur les critères d'éligibilité et d'attribution des aides. Quels sont les critères aujourd'hui retenus ? Sont-ils objectivables ? La Chine est-elle encore considérée comme un pays prioritaire pour l'attribution de l'aide publique au développement ?
M. Grégory Blanc. - L'approche proposée est davantage comptable que gestionnaire.
Sur les 14 milliards d'euros de dépenses, la moitié concernera les collectivités territoriales, de manière directe ou indirecte. De plus, les domaines de l'écologie et de l'éducation se trouvent dans le viseur. Enfin, des ponctions ont lieu sur les agences et l'aide humanitaire.
Cependant, peu de réformes structurelles sont proposées, notamment en ce qui concerne les doublons et l'organisation de l'État, ce qui me semble symptomatique.
Deux approches s'affrontent dans la façon d'analyser ces crédits, mais j'entends peu de nuance dans les propos des deux rapporteurs spéciaux. Il ne s'agit pas seulement de valider ou non ces crédits ; nous pourrions aussi augmenter et réduire certaines enveloppes.
M. Jean-Marie Mizzon. - La France est-elle un pays généreux ou pingre ? Je ne dispose pas de points de comparaison avec les autres pays européens.
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - La part de la taxe sur les billets d'avion à destination de l'aide publique au développement s'élève à 206 millions d'euros en 2024, le reste allant au budget général de l'État. Je suis incapable de vous répondre sur le mode de collecte. Il nous faut développer une expertise sur le sujet et demander des éclairages au rapporteur du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Paradoxalement, les moyens dédiés au CDCS augmenteront en 2025, à hauteur de 20 millions d'euros. Comme nous le disions l'an dernier, nous sommes de ceux qui préfèrent utiliser la provision de 270 millions d'euros de cette structure plutôt qu'apporter de l'argent, étant donné le contexte budgétaire. Identifions d'abord les masses monétaires en jeu puis, si besoin était en cours d'année, abondons le Centre par un collectif budgétaire !
Pour ce qui concerne l'humanitaire, il est clair que la France ne résout pas les crises qui traversent le monde au travers de sa seule action. Nous visons un tel objectif en contribuant à des organisations multilatérales, par exemple au Programme alimentaire mondial (PAM) dont M. Daubet et moi avons rencontré à Rome les représentants pour nous renseigner sur leur action. La coordination permet en outre d'intervenir sur des territoires comme celui de Gaza ou les pays africains où la France est honnie.
L'AFD a pour objectif de s'installer en 2027 dans de nouveaux locaux que nous avions déjà eu l'occasion de juger surdimensionnés - le projet de ce déménagement a été élaboré en 2020 - et qui le sont plus encore à l'heure actuelle. En effet, les modes de travail ont changé entre-temps. Nous avons interrogé l'organisme sur la part de ses locaux considérés comme surnuméraires. Pour le moment, aucune estimation n'existe. À l'époque, je parlais de 20 000 mètres carrés sur les 50 000 du lieu, mais le nombre de 8 000 mètres carrés nous a été avancé.
Lors de l'examen de la loi du 4 août 2021, nous avions appelé au recentrage de l'APD sur dix-neuf pays prioritaires, à savoir dix-huit pays africains et Haïti. Or, en 2023, le Cicid, en dehors de toute consultation du Parlement, a décidé de porter la cible à quarante-six pays moins avancés (PMA), ce qui a tendance à diluer l'aide.
Le conseil d'administration de l'AFD avait tendance à avaliser tous les projets qui lui étaient présentés, parfois contre l'avis de ses autorités de tutelle, à savoir, d'une part, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, d'autre part, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour mémoire, les cotutelles n'ont pas la majorité au sein du conseil d'administration. Lors de la dernière réunion, il a fallu l'intervention de l'un de nos collègues, qui est administrateur au sein de cet organisme, pour qu'un projet qui n'avait pas reçu l'aval soit - enfin ! - remis en cause. Il s'agissait alors - je vous réponds par la même, monsieur Lurel - de financer deux entreprises chinoises investissant en Égypte. Le rôle de l'AFD est-il de financer des projets soulevant de telles interrogations contre l'avis de sa tutelle ? Il importe de se concentrer sur l'essentiel.
Malgré les coupes budgétaires, nous continuons à financer assez vigoureusement les actions en faveur des plus fragiles à travers le monde dans le domaine de la santé, à la fois en bilatéral et en multilatéral. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a essayé de préserver l'aide humanitaire, car nous passons de 200 millions à 220 millions d'euros pour le CDCS.
Les projets de l'AFD sont pluriannuels, ce qui explique les restes à payer.
En matière d'aide publique au développement, nous reviendrons en 2025 aux moyens que nous consacrions à cette politique en 2021. Ce n'est pas un recul de retourner à ce niveau ! Il nous faudra toutefois amplifier les politiques d'évaluation - il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs -, car rien n'avance en la matière malgré la décision du législateur en 2021.
L'AFD aura peut-être moins de moyens pour intervenir dans les pays étrangers, mais peut-être son action sera-t-elle plus efficiente dans les départements d'outre-mer et dans les territoires d'outre-mer, qui en ont bien besoin.
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - L'aide alimentaire connaîtra une baisse de 20 millions d'euros et l'aide humanitaire de 395 millions d'euros. Il s'agit bien de baisses pour des aides au fondement de l'aide publique au développement, ce que je trouve un peu problématique.
Devons-nous être comptables ou gestionnaires ? Si nous étions gestionnaires, nous assainirions un certain nombre de pratiques et de participations moins efficientes ou ne répondant pas à nos stratégies. Comme il existe de nombreux restes à payer concernant des engagements pluriannuels, nous réaliserons non pas des économies sur de telles contributions contraignantes, mais sur le reste, par exemple au sein d'instances dans lesquelles nous avions voulu concourir avec les autres pays. La marge de manoeuvre sera donc réduite.
L'AFD intervient en Chine au titre de ses activités bancaires - c'est une réalité -, non pas pour aider ce pays, mais pour favoriser la lutte contre le changement climatique. En effet, dans le cahier des charges stratégique de l'Agence figure le soutien à des actions en la matière. Faut-il se réjouir de cette politique ? Je laisse à chacun le soin d'en juger.
Par ailleurs, la diminution des moyens propres de l'AFD entraînera, de manière contre-intuitive, une baisse du volume des prêts bonifiés portés par l'agence et une augmentation des prêts accordés aux conditions de marché. Je nous mets en garde contre ce danger, à savoir obtenir l'inverse de ce que nous attendions.
D'après les informations que nous avons pu recueillir, les choix concernant le siège de l'Agence sont très critiquables. Malheureusement, la baisse des crédits ne supprimera pas le problème.
M. Vincent Delahaye. - Nous avions prévenu !
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - À nouveau, il ne faut pas frapper au mauvais endroit.
Au sein des États membres de l'OCDE, nous étions le cinquième pays donateur en volume en 2023 et le dixième en pourcentage de revenu national brut (RNB) en 2022. Nous étions pingres en 2017 sur nos contributions internationales et nous sommes plutôt généreux en 2024. L'idée est non pas de redevenir pingre, mais d'être un peu moins généreux.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE)
- Mme Marine ALEGRE, directrice adjointe du cabinet ;
- Mme Marion BIGET, conseillère commerce extérieur, développement, budget et réforme ;
- M. Kevin THUILLIER, directeur adjoint de cabinet ;
- Mme Marion BIGET, conseillère Amérique, diplomatie économique, budget et réformes ;
-M. Patrick LACHAUSSEE, directeur du pilotage et de la stratégie ;
-M. Basile PETIT, rédacteur au pôle aide publique au développement ;
-M. Alexandre MOROIS, directeur des affaires financières ;
- Mme Carole GUILLERM, conseillère parlementaire.
Ministère du Budget - 7e Sous-direction Budgets de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, des affaires rurales, de l'aide publique au développement, de l'action extérieure de l'État, de l'immigration, de l'asile et de l'intégration
- M. Alexandre POINTIER, directeur de cabinet ;
- M. Olivier RICHARD, directeur général adjoint ;
- M. Alexandre MOROIS, directeur des finances ;
- M. Guillaume POTTIER, conseiller en charge de la politique de développement de l'environnement, du climat et de la sécurité alimentaire.
Direction générale du trésor (DG Trésor)
- Mme Shanti BOBIN, sous-directrice des affaires financières multilatérales et du développement - MULTIFIN ;
- Mme Marie ROSS, adjointe à la cheffe du bureau Aide publique au développement ;
- M. Fabien BERTHO, adjoint au chef du bureau Endettement international et secrétariat du Club de Paris ;
- Mme Clarisse SENAYA, cheffe du bureau Aide publique au développement.
Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international
- M. Olivier RICHARD, directeur général adjoint de la mondialisation (DGM2) ;
- M. Patrick LACHAUSSÉE, directeur du pilotage et des moyens (DGM/DPS) ;
- Mme Huriye BULUT, cheffe du pôle « budget » auprès de la sous-direction des moyens et des opérateurs (DGM/DPS/MO/BUD) ;
- M. Basile PETIT, rédacteur auprès du pôle APD de la sous-direction du développement et de l'investissement solidaire et durable (DGM/DPS/DEV/APD).
Agence française de développement (AFD)
- M. Rémi RIOUX, directeur général ;
- M. Philippe BAUMEL, responsable du secrétariat des instances en charge des relations avec les administrateurs et le Parlement.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html
* 1 Hors Fonds de solidarité pour le développement.
* 2 Respectivement pour 206,85 millions d'euros et 528 millions d'euros en 2024.
* 3 Hubert de Milly, Les déterminants institutionnels de l'impact de l'aide publique au développement sur l'économie rurale des pays "à régime d'aide" : l'APD, pièce d'un équilibre de faible niveau ou incitation au développement ? thèse de doctorat, 2002, Institut national agronomique Paris-Grignon.
* 4 Cour des comptes, Le financement des actions multilatérales de la France, Communication à la commission des finances du Sénat, juillet 2023.
* 5 L'objectif d'orientation de l'aide vers les dix-neuf pays prioritaires n'était en tout état de cause pas respecté. En 2020, aucun de ces pays ne percevait une aide bilatérale de la France supérieure à celle octroyée au dixième pays bénéficiaire en termes de volume d'aide bilatérale, à savoir la Turquie.
* 6 La sélection est en revanche opérée par les autorités du pays bénéficiaire du projet.
* 7 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, Rapport public thématique, janviers 2024.
* 8 Michael A. Clemens et Todd J. Moss, « Le mythe des 0,7 % : origines et pertinence de la cible fixée pour l'aide internationale au développement », De Boeck Supérieur - « Afrique contemporaine », 2006/3 n° 2019, p. 173 à 201.
* 9 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 10 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
* 11 Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
* 12 Conseil d'État, « L'État et les monopoles régaliens : défense, diplomatie, justice, police, fiscalité », cycle de conférence du Conseil d'État 2013-2015.
* 13 Selon la définition du comité de l'aide au développement (CAD) de l'OCDE.
* 14 La théorie économique définit un bien public comme non rival et non excluable.
* 15 Au sens de l'article 95 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les dépenses obligatoires sont « les dépenses pour lesquelles le service fait a été constaté au titre de l'exercice précédent et dont le paiement n'est pas intervenu ».
* 16 Conformément à l'article R. 515-6 du code monétaire et financier.
* 17 Traduction : établissement de crédit pour la reconstruction.
* 18 Traduction : agence de coopération internationale allemande pour le développement.
* 19 Article 3 de la loi n°2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
* 20 La plateforme a été mise en ligne en 2022 : https://data.aide-developpement.gouv.fr.
* 21 Article 12 de la loi n°2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
* 22 Loi n° 2024-309 du 5 avril 2024 relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021.
* 23 Avis n° 529 fait par Jean-Claude Requier au nom de la commission des finances sur le projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, déposé le 13 avril 2021.
* 24 Au cours de laquelle la France s'est engagée pour un total de 1,74 milliard de dollars.
* 25 Cour des comptes, Comparaison des politiques française, allemande et britannique d'aide publique au développement, janvier 2023.
* 26 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Aide publique au développement, avril 2024.
* 27 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Aide publique au développement, avril 2024.
* 28 Inspection générale des finances, Les aides aux entreprises, revue de dépenses, septembre 2024.
* 29 Centre de crise et de soutien, Stratégie budgétaire de la République française 2023-2027.
* 30 Contribution sur la mission « Aide publique au développement » de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet au rapport général n° 220 (2023-2024), fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2024, déposé le 19 décembre 2023.
* 31 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Aide publique au développement, avril 2024.
* 32 Groupe URD, Revue stratégique, « Bilan des engagements de la stratégie humanitaire de la République française 2018-2022 : une aide humanitaire plus efficace face aux crises de demain ? », janvier 2023.
* 33 Pour Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument.
* 34 Règlement (UE) 20219/876 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne le ratio de levier, le ratio de financement stable net, les exigences en matière de fonds propres et d'engagements éligibles, le risque de crédit de contrepartie, le risque de marché, les expositions sur contreparties centrales, les expositions sur organismes de placement collectif, les grands risques et les exigences de déclaration et de publication, et le règlement (UE) no 648/2012.
* 35 Auxquels s'ajoutent 27,19 millions d'euros de solde de l'année passée.
* 36 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Aide publique au développement, avril 2024.
* 37 En 2024, le FSD a contribué à de grands fonds et entités internationales comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la facilité d'achat de médicaments (UnitAid), la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim) et le Fonds vert pour le climat.
* 38 Aucun déboursement n'a eu lieu depuis 2012 sur ce compte et aucun n'est à prévoir à l'avenir.